Je me souviens d’un film que j’ai vu lorsque je vivais encore chez ma mère, un film qui s’appelait Gaslight. A cette époque, on continuait de traduire les titres des films étrangers, de manière plus ou moins heureuse, alors je me suis émerveillé sur ce film qui avait conservé son titre original, d’autant plus que ce film date de 1940. J’appris plus tard qu’une autre version de ce film a été tournée en 1944, avec Ingrid Bergman et Charles Boyer. Non, dans cette version-ci c’est un bel hidalgo du nom d’Anton Walbrook (que l’on peut voir furtivement dans Lola Montès) et une actrice au charme raffiné, Diana Wynyard, pas parmi les plus connues. Dans ce film, un homme tente de faire passer sa femme pour folle tandis qu’elle est hantée par la mort de sa tante, des années auparavant. Dit comme ça, ça ne raconte pas grand chose, mais c’est un grand film qu’il faut voir.
Après 30 heures de boulot en 2 jours entrecoupés de quelques unes de sommeil, me voici de retour chez moi avec mon fils qui mange ses tartines de pain brioché tartinées de gelée de citron. Je me sens exténué, ayant travaillé sur les nerfs depuis le début de la semaine, et certainement avant aussi et à présent, j’arrive à garder la tête froide, évacuant le stress de la grosse période d’accouchement des résultats… (que certains n’hésitent pas à dénigrer allègrement sans réellement savoir de quoi ils parlent, de quoi se mettre la profession études à dos). Mais tout ça est fini désormais, jusqu’à la prochaine fois…
Photo © Irina Souiki
Hier aussi, j’ai retrouvée mon amie que j’avais certainement négligée, même si je sais au fond que rien n’est jamais acquis et que ces petites attentions s’entretiennent. Je ne sais pas quoi dire, j’ai juste envie parfois de m’enfouir sous terre et de fermer les yeux. Juste envie d’enfoncer mon bonnet sur la tête et me dire que je suis un gros con. Je n’aime pas ces situations, je ne veux pas tout gâcher parce que nous ne le méritons ni l’un ni l’autre.
Et puis il y a François aussi, François le dingue, François qui se donne à fond et ne s’arrête que lorsqu’il est au bout. Des types comme ça, je n’en ai connu qu’un seul dans ma vie, et il faisait de grandes choses. François, c’est un peu comme une révélation, le grand frère, le type avec qui je peux rire sans complexe et qui peut parler pendant des heures du monde des études et de déduplications sans que je m’en lasse. François est un type bien avec qui mine de rien je passe pas mal de temps pendant mes journées de travail et après aussi, pour le boulot toujours, mais pour le plaisir aussi.
Lorsque j’étais dans le train cet après-midi j’ai fermé mon livre de Harrison et je me suis laissé bercer par la douce chaleur du soleil écrasant les coulées de condensation sur les vitres, laissant trainer mon regard fatigué sur les mauvaises herbes cotonneuses qui grimpent le long des treillages vert foncé, à moitié endormi, à moitié rompu d’épuisement. En sortant, j’ai été saisi par le froid et le vent qui donne mal au crâne. Mais le soleil était là et m’a réchauffé le dos, absorbé par le noir de mon caban. J’aime cette clarté cruelle du feu qui blanchit les jours sans vie.
La lumière s’est éteinte à deux reprises hier soir plongeant finalement l’appartement et tout le quartier dans un noir sidéral pendant deux bonnes heures. Nous avons allumé quelques bougies et je me suis assis sur le canapé à côté de mon fils dont les yeux brillaient, il s’est blotti contre moi, remontant ses genoux sous son menton il voulait que je passe ma main sur son épaule et il commençait à s’endormir tout doucement, sans télévision, sans musique, juste la lueur dansante des photophores dans leur gangue de verre. Lorsque la fée électricité a refait son apparition, la télévision a commencé à m’agresser ; j’ai repris le cours de Glen or Glenda d’Ed Wood que j’avais enregistré avant Noël mais gagné par le sommeil, j’ai laissé tomber les dernières défenses et je me suis assoupi devant ce nanar absolu mené par un Bela Lugosi à l’accent transylvanien annonant la même phrase une bonne trentaine de fois.
A new day is begun.
A new life is begun…
Et c’est alors que je me suis mis à rêver de Gaslight, sorti des ténèbres…
Et voilà, ce soir je voulais peindre une aquarelle mais maintenant je suis trop fatigué.