Cette réalité que j'ai pourchassée jusqu'ici sur terre et sur mer

Ella Maillart, grande dame de la littérature de voyage, a sillonné le monde par tous les moyens. Les lettres qu’elle envoyait à sa mère ont été collectées dans un recueil, Cette réalité que j’ai pourchassée, en 2003 aux Editions Zoe. Morceaux choisis, en images, et avec le son, s’il vous plait. Un morceau de chemin avec elle.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/ella_maillart.mp3]

Juillet 1925,
A bord du Bonita,
Île de Porquerolles

Vendredi. Il y a un brick goélette en rade sur lequel nous avons été et avons grimpé en haut du grand mât de cacatois (27 m). Nous retrouvons des tas d’amis d’il y a deux ans aussi en relâche et nous sommes en train de montrer à Yvonne et Patchoum ce que c’est qu’une vraie bouillabaisse bien poivrée et au son de notre gramophone. (…) Il y a toujours grosse mer mais fait de nouveau beau. C’est le grand bonheur à bord quoique nous soyons un peu anxieuses de repartir. Je ferme pour que le bateau prenne ce mot. Ne vous en faites pas si je n’écris pas.

PorquerollesPhoto © Robokow

23 juillet 1925,
A bord du Bonita,
Baie d’Aranci, golfe de Terranova, Sardaigne

Le soir, nous avons signalé, avec le drapeau du code international: “Nous manquons de lard”, mais personne ne nous a répondu. Alors le lendemain, nous avons navigué parmi les bateaux de la flotte et fait signe à une grand dreadnought : BKM – GPV ce qui veut dire “Pouvons-nous venir à bord ?” La réponse était “Oui, certainement”. Nous avons alors hissé XOR, ce qui veut dire ‘Merci”. Nous étions malades de rire de voir ce navire de 25000 tonnes répondre promptement à nos signaux.

AranciPhoto © Marsec

3 août 1925,
Palerme

Quatre août. Miette n’est pas partie et Ben nous rejoint dimanche. Cela me gène beaucoup de savoir que mes lettres sont communiquées à Paris etc. car elles sont toujours écrites en grande hâte pendant les minutes où je ne suis ni trop fatiguée ni trop occupée, et conséquemment elles sont toujours gribouillées; mais comme mes lettres font quand même plaisir, j’écris comme je pense.

Photo © orlandojeanjacques

Tierra del Fuego

La Terre de Feu est une terre australe où les frontières commencent à s’effacer, partagées entre le Chili et l’Argentine, coupée au cordeau et détachée de sa mère patrie argentine. La Tierra del Fuego est une province battue par les vents australs, un archipel dont les limites ont mis du temps à être cernées même si Magellan y a posé le pied 1520, pensant que le détroit auquel il a donné son nom était le passage unique entre l’Atlantique et le Pacifique et que la terre continuait ainsi indéfiniment vers le sud, alors qu’à trois cents kilomètres au sud se trouve les îles Hornos, formant le point ultime de l’Amérique au sud, le cap Horn.

Tierra de fuego Magellanica

Pourtant, ce qu’on appelle détroit est en fait une route incertaine en forme de V passant par Puerto Sara et Punta Arenas, longtemps considérée comme la ville la plus australe du monde, ce qui n’est pas le cas. Longtemps, il a été tenu pour admis que le détroit sus-nommé n’était que le point de passage entre l’Amérique au nord et le continent de feu, au sud; une terre immense répandue sur le bas de la carte comme un gros paquet incertain et inconnu.

Photo © Rolfo Z

Pourtant, un peu plus au sud, se trouve un autre canal, le canal Beagle, route presque droite d’un océan à l’autre, dans lequel on tombe nez à nez avec, cette fois-ci, la ville la plus australe, Ushuaïa (du Yagan ush (au fond) et wuaia (baie ou crique)), laquelle a détrôné Puerto Williams, trop petite pour “mériter ce titre”.

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…

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