Le spectacle futile

Ici on ne parle pas de devoir de mémoire.
On ne parle pas non plus des problèmes cruciaux pour la société comme «alors, c’est un gamin ou une classe entière qui devra faire un dossier sur un enfant victime de la Shoah ?».
On ne parle pas non plus de mariages princiers entre un Goebbels-like et une mannequin chanteuse croqueuse d’hommes et de diamants.
On parle pas non plus des luttes intestines pour la candidature à la Présidence de la France à la mairie de Neuilly-sur-Seine, plus importante et plus représentative ville de France.
Je n’en parle pas parce que je m’en fous que je me dis que la France doit aller merveilleusement bien pour qu’on s’intéresse à d’aussi futiles sujets.

On se serait cru au théâtre, et la similitude était encore accentuée par les silhouettes fantomatiques de ces hommes et femmes couverts de poussière blanche, groupés sous les orangers, et applaudissant le choix de Saumarez comme s’ils assistaient à un spectacle. Je n’ai jamais rien vu d’aussi peu anglais de ma vie.

Rudyard Kipling, Fausse Aurore in Simples Contes des Montagnes

La loi de Parkinson

Cyril Northcote Parkinson était un monsieur qui à mon sens a dit une connerie de réactionnaire, laquelle s’est vite transformée en vérité apodictique. La loi de Parkinson tient en ces termes:

The work expands so as to fill the time available for its completion.
Le travail se dilate de telle manière qu’il remplit le temps disponible pour son achèvement.

En me référant à l’article de Wikipédia, il semblerait que cette pseudo-loi soit relative à l’augmentation exponentielle du nombre de fonctionnaires dans l’administration britannique, et je finis par trouver une référence qui tout à coup m’ouvre un horizon:

L’un des corolaires de la loi de Parkinson, c’est que, dans toute situation administrative, on peut économiser périodiquement 20% du temps. La loi de Parkinson est aussi utilisée pour évoquer un dérivé de la loi originale en rapport avec les ordinateurs : « Les données s’étendent jusqu’à remplir l’espace disponible pour leur stockage » ; acquérir davantage de mémoire encourage l’utilisation de techniques gourmandes en mémoire. Il a été observé qu’entre 1996 et 2006 l’utilisation de mémoire sur des systèmes évolutifs a tendance à doubler à peu près tous les 18 mois. Heureusement, la quantité de mémoire disponible pour une somme donnée a également tendance à doubler tous les 18 mois (voir loi de Moore) ; malheureusement, les lois de la physique nous assurent que la deuxième loi ne pourra pas se vérifier indéfiniment. La loi de Parkinson pourrait être davantage généralisée comme : « La demande pour une ressource s’accroît toujours pour correspondre à l’approvisionnement de la ressource » (s’apparentant alors à la loi de Say).

compo03

Derrière tout ce blabla purement théorique, lorsque j’ai lu cet énoncé de la loi de Parkinson, je n’ai pas pu faire autrement que de rapporter ce principe à l’information, et particulièrement à la société de l’information. Le fait est qu’aujourd’hui, nous vivons dans un contexte social où l’information a été imposée comme un besoin, et comme on le sait parfaitement, tout besoin est naturellement créé par la fonction.
La société de l’information est une sorte de niche dans laquelle on met beaucoup de choses, à travers les médias, à travers toute l’information à laquelle nous avons accès au travers de canaux multiples, que personnellement j’appelle l’intelligence en réseau.
Cette société se nourrit d’un vide qu’elle n’arrive pas à combler, parce qu’il n’y a pas suffisamment de substance pour le remplir. C’est la raison pour laquelle le journal télévisé a quasiment une durée fixe, et qu’elle ne varie pas en fonction de l’importance de l’information ni en fonction de sa densité. Un journal de 30 minutes un jour où il ne se passe rien sera rempli de futilité qui, comme nous l’avons déjà dit ne sera pas de l’information mais de la donnée brute.
L’information se dilate pour remplir l’espace qu’on veut bien lui accorder, on remplit cet espace avec du vide informatif, de la donnée “Jean-Pierre Pernaud“, du reportage sur la disparition des perdrix en baie de Somme ou sur les magouilles maritales du couple présidentiel. Une semaine sans information et on se rend compte qu’on n’a rien manqué, un peu comme dans les Feux de l’amour. Continue reading “La loi de Parkinson”

Po-si-tive

Bon. Alors là, je crois qu’on a touché le fond.
L’art et la manière de brasser du vent en faisant croire qu’on se préoccupe vraiment de problèmes cruciaux: La France étiquetée carbone.
Lorsque je lis “mesure destinée à modifier le comportement“, tout de suite, ça me fait penser à des choses pas jolies.
Vraiment, ces gens-là me font peur tellement ils sont éloignés de la réalité des choses.
La réalité des choses, c’est plutôt ça:

«Les étiquettes n’ont aucune efficacité directe, personne n’a arrêté de fumer en regardant le taux de nicotine sur un paquet de cigarettes», ironise Jean-Marc Jancovici, expert en énergie. «Cet indicateur extra-financier n’a d’intérêt que dans la mesure où il prépare les gens à des hausses de prix.»

Après ça, on nous demande d’être confiant dans le futur Grenelle de l’Environnement. Allez, ne faites pas la gueule, ce n’est qu’un début.

Saturation à haute dose (data & information)

Cette fois, je crois que le combat est perdu.
J’ai tenté de me soustraire du monde, et je crois… que ça a fonctionné. L’information, la télévision, la radio, les journaux, les fils d’actualités… J’ai tenté de tout réintégrer, sans succès. J’ai tenté de suivre, de m’intéresser, de faire abstraction des partis pris d’une presse qui se veut indépendante mais qui ne fait que le jeu de la pensée unique.
Même les journaux de gauche sont tombés, ils n’ont pas résisté à la déferlante réactionnaire, les derniers remparts se sont effondrés… et moi avec.
Lorsqu’en une du Parisien (je n’ai pas dit que c’était un journal de gauche), samedi, je vois écrit en gros “Victoire contre les All Blacks, 50% des Français y croient”, je me demande si je ne suis pas en train de manquer quelque chose en évinçant totalement l’actualité de mon champs de vision, ou si au contraire, on ne nous donne pas à bouffer de la merde précisément parce qu’on a perdu le sens des valeurs (au sens éthique du terme) et qu’on ne sait plus voir l’information comme quelque chose pragmatique, qui repose sur une critique des faits de société.
Quand je vois Libé qui fait sa une sur une hypothétique rupture entre le chef d’Etat et sa greluche, je ne situe plus rien, je perds mes repères. La gauche socialiste se délite parce que les historiques se demandent quelle mouche a piqué ceux de leur camp qui rejoignent la bastide sarkozyste et le gouvernement au lieu de s’interroger, d’avoir une pensée critique permettant de reconstruire ce qui a été abattu. Ils ne voient pas que l’autre réussit son coup, à grands coups de pensée unique à créer du vide avec du vide !!! Vraiment, je n’en peux plus. Alors je sors le fil RSS de Libé de mon agrégateur, je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de conneries. Continue reading “Saturation à haute dose (data & information)”

Mise au point éditoriale

Je ne suis pas bégueule mais je tiens tout de même à faire une petite mise au point:

  1. Je n’ai pas le monopole de mes idées, encore moins des informations que je délivre.
  2. Je n’ai aucune exclusivité sur aucun des sujets que je traîte.
  3. Je cite toujours mes sources et j’appose toujours un copyright sur les photos que je publie.

Mais parallèlement à tout ça, je déteste constater que mes sujets sont repris en rafales sur d’autres sites, comme si mon blog était une mine qu’on exploite sans dire où elle se trouve, et je trouve ça profondément détestable, d’autant plus que ça ne coûte rien. Voilà, c’est dit.

La douche repensée par KOS

Les dernières innovations en matière de design autour de la salle de bain me laissent sans voix. Découverts chez KOS, déjà à l’origine de baignoires superbes et révolutionnaires, ces douches, cabines ou murs d’eau sont de véritables petites oeuvres d’art au service du quotidien.

Pour plus d’information, suivre Products > Shower Cabins.

kos.jpg

@

Je vous avais déjà fait part de quelques informations sur ce caractère typographique particulier qu’est l’esperluette (&), alors voici maintenant un article – pas tout récent – très intéressant de Peter Gabor sur l’arobe ou arobase, tant utilisée aujourd’hui. Passionnant et toujours excellemment présenté sur le blog du typographe.

Bilan de deux mois d'une certaine inactivité

Je trouve ça effrayant. Voici presque deux mois que je n’ai pas ouvert un journal autre qu’un programme de télévision. Deux mois que je n’ai pas regardé le journal télévisé. Deux mois que je n’écoute pas les informations à la radio, que je ne consulte pas les informations sur Internet et que je ne regarde même pas les gros titres des journaux dans les kiosques et même les journaux d’information gratuits distribués dans le métro. Deux mois que je suis à la ramasse totale en ce qui concerne le monde, l’Europe, la France, je suis complètement largué ; j’entends bien parler de choses et d’autres par mes collègues de travail.
De temps en temps Fabienne me glisse une info importante, du genre les affrontements de Gare du Nord (c’est sur ma ligne de train et c’est depuis Genève que j’apprends l’événement) ou alors un massacre dans une école américaine.
Ce n’est pas que je m’en fous, c’est juste que ça ne m’intéresse pas. J’ai vécu toute une période complètement engoncé dans l’information à en avoir des nausées, à décortiquer les canards, à zapper entre les chaînes d’info, à n’écouter que France Info dans ma voiture et aujourd’hui, plus rien.
Croyez-le ou non, ça ne me manque pas et ça fait un bien fou, comme si je m’étais écarté du monde pendant quelques temps, je m’en trouve comme lavé des impuretés du monde, rendu vierge de tous les éléments extérieurs. L’effet sur le moral est saisissant, j’ai comme l’impression d’être entre parenthèses dans ce monde. Et pour le coup, je n’ai aucune envie d’y retourner.
Pour le coup, je me demande quel monstre social je suis devenu. Parfois on me dit “Ohhlalalala (*5), tu as entendu cette histoire ???” et je calme le jeu en disant NON d’emblée, alors on me regarde comme si j’étais atteint d’une forme rare du virus de Marbourg.
Pourtant, je lis énormément, sur tous supports, je regarde parfois d’un oeil distrait la télévision (ce n’est pas pour autant que je l’écoute), j’aime éplucher les pages grand format de CB News, j’agrège plus de 270 fils de news dans mon lecteur RSS dont plus de la moitié est consacrée au design, à l’architecture, aux tendances, au marketing, à la photo, aux voyages, mais rien sur l’actualité. Parfois j’attrape quelques bribes sur tel ou tel blog, mais je saute, “mark all read”, je zappe, je rends les armes. Pas de temps ni de place dans ma vie pour ces choses.
Mais promis, le soir du 22 avril, à 20h00, je serai planté devant ma télé avec un bol de cacahuètes. J’adore lancer des saletés aux singes…*

PS: Message personnel à l’espèce de trou du cul de chauffeur de taxi (vous aurez remarqué le non-emploi particulièrement bien adapté de l’oxymoron dont l’exact opposé s’appelle un pléonasme) qui :

  1. S’est mis sur la file de droite pour tourner à gauche au feu sur le pont d’Asnières.
  2. S’est permis de gueuler parce que j’empruntais la voie la plus à droite et que par conséquent je lui bloquais le passage (il a très certainement dû oublier comme 96% des Français qu’on roule TOUJOURS !!! Bordel !! sur la file la plus à droite).
  3. S’est amusé à me faire une queue de poisson puis s’est pris pour Starsky et Hutchinson (sauf qu’il roulait dans une grosse Mercos baveuse et rutilante) en se mettant en travers de ma route, certainement dans l’espoir que je m’arrêtasse (emploi parfaitement maîtrisé du subjonctif imparfait) pour me laisser défoncer la gueule à coup de cric.
  4. A eu l’air passablement étonné, voire apeuré lorsque j’ai accéléré pour passer la quatrième et le contourner à peine à quelques centimètres d’un coup de volant savamment maîtrisé (la pratique, jeune padawan, la pratique !).
  5. M’a gentiment gratifié d’un appel de phare que je garde planté dans mon coeur telle une épine de Rosa Rugosa, marquant pour l’éternité mon esprit mortifié.

Sache donc, gentil connard, que, malgré le fait que mon coeur a quelques instants battu très fort, j’ai pris un pied fou à te foutre une trouille qui, je le souhaite de toute mon âme, te servira de leçon.
En espérant également que tu aies tâché ton siège…

Sur ces entrefaites, je tire ma révérence, le temps d’une nuit.

* http://www.mangerbouger.fr/

Quality spirit

Ces derniers jours, je me suis aperçu qu’on parlait de moi, enfin non, de mon blog avec une attention toute particulière. En effet, j’ai découvert avec stupéfaction que le blog Arkinetia, dont je parle beaucoup en ce moment, avait rédigé un billet uniquement destiné à présenter mon blog. Pour ceux qui ne connaissent pas, Arkinetia, c’est ça:

Arkinetia es una publicación de Grupo ASDSC , España, desarrollada y editada por un equipo de profesionales radicados en cuatro ciudades de España y Argentina: Zaragoza y Vitoria-Gasteiz en España; Tandil y San Carlos de Bolívar en Argentina..

Autant dire que je suis tombé de ma chaise, me rendant compte que pour une fois, j’avais réussi quelque chose. Ce blog, orienté architecture et design et très connu dans ce domaine et particulièrement dans le monde hispanophone, parle de mon petit blog (6 souscriptions Bloglines, 2000 visites par jour) en de terme élogieux. Après un échange de mails avec Martin Ferrer, qui avoue me lire avec attention, je me sens tout à coup gonflé à bloc.

D’aucun se demanderont certainement pourquoi je me suis mis soudain à parler d’architecture et de design. En réalité, je m’intéresse à l’architecture depuis longtemps, à tel point que j’ai sans doute évoquer la possibilité un jour d’en faire mon métier, sans y croire réellement. Dans la section artistique du lycée, j’appréciais plus les cours d’histoire de l’art que les cours de dessin, et ma curiosité m’a permis de très bien m’en sortir avec ce mémorable 16 au bac pour l’épreuve d’histoire de l’art (quand on sait que j’ai eu 2 en histoire-géo et pas mieux en philo, je me demande encore comment j’ai réussi à avoir mon bac, surtout quand j’ai sorti à l’examinatrice du rattrapage qu’en 1945, le président de la république était de Gaulle, ce dont à vrai dire, je me contre-tapais royalement – depuis, j’ai fait des progrès). Le sujet portait sur l’architecture contemporaine, et j’ai réellement pris mon pied à rédiger ma copie.

Aujourd’hui, l’étude de l’architecture est pour moi une source de repos, un calmant pour l’esprit, une sorte de niche zen, dans laquelle j’éprouve beaucoup de plaisir. Je compte d’ailleurs très prochainement faire l’exposé de ma conception des choses sur ce blog et en faire profiter ceux que ça intéresse.

Il y a quelques jours, j’écrivais ces quelques lignes sur mon journal:

J’EXIGE D’ÊTRE UN PRODUIT MARKETING, JE VEUX ÊTRE UN PAQUET DE SOUPE DESHYDRATEE !

En réalité, ce n’est pas tout à fait vrai. Ce que je fais en ce moment, ce n’est ni plus ni moins que du marketing, du buzz, dont je ne tire strictement aucun bénéfice puisque je ne touche aucune commission, je ne tire aucun bénéfice sur les ventes de ce que je vends. Même si occasionnellement, j’ai eu l’occasion de travailler pour Tribeca et Buzz Paradise, je n’en ai tiré que la fréquentation supplémentaire, valeur ajoutée considérable. Car oui, je vends, au sens où je parcours les sillons du web et je fais partager cette connaissance, et grossièrement, je le vends, je vends de la culture et de la connaissance et j’adore ça.

Pour m’appliquer à le faire du mieux possible, je mets un point d’honneur à construire mes billets de manière rigoureuse, en appliquant de vieilles méthodes propres à l’architecture (oui, encore) de l’information. Chaque billet, en fonction du thème traité, répond à des critères implicites de mise en valeur, que ce soit par l’image, par l’efficacité des liens proposés et la construction quasi-journalistique des articles, composés de manière synthétique.

Aussi, j’ai de plus en plus de mal à comprendre pourquoi mon inscription auprès de French 2.0 (blogs Français de qualité… de qualité de quoi, on ne sait pas) n’a pas généré mon inclusion à l’annuaire puisque je pensais répondre aux critères de sélection ; le fait de ne pas faire partie de la liste ne me chagrine pas plus que ça et je ne participerai pas à la seconde vague d’inscriptions. Il faut croire que je ne dois pas suffisamment penser web 2.0. Pendant ce temps, Arkinetia me fait vibrer en me faisant entrer dans la cour des grands.

Nostalgiques de tous les pays, unissez-vous…

Billet rédigé en collaboration avec Fabienne.

Leonid Brejnev

L’Est, le grand Est, celui qui pendant des années, au coeur du XXe siècle, a jeté une ombre glacée sur le monde en terrorisant les foules, iconographie du bolchévik, couteau entre les dents à la clef…Cet Est-là n’existe plus, il fait désormais partie du passé, même si quelques soubresauts inoffensifs se font parfois ressentir ça et là, mais de manière marginale. Pendant longtemps, tout ce qui se trouvait sur le territoire de l’ex-URSS (les Républiques soviétiques comme les pays satellites, de la Pologne à la Bulgarie) faisait peur, et rappelle certainement encore aujourd’hui de mauvais souvenirs. Evidemment, l’URSS, ce sont les goulags, la déportation, la répression politique et la répression tout court, des millions de morts, l’esclavage, le stalinisme…. Bref, un tableau bien sombre dans un paysageIouru Andropov immense et glacial. Je me souviens encore que lorsque j’étais tout gamin, j’ai vu se succéder à la tête de l’URSS des hommes à la mine renfrognée et austère : Leonid Brejnev, Iouri Andropov et Konstantin Tchernenko… Je me souviens également d’avoir étudié l’URSS lorsque j’étais au collège, ses innombrables républiques, les kolkhozes et les sovkhozes, la NEP[1], l’Industrialisation et les Grandes Purges. Tout ceci paraissait à la fois tellement barbare et tellement intriguant. En plein milieu du XXè siècle et après une guerre qui a fait des millions des morts, l’enfant que j’étais découvrait un monde sombre, dans lequel les films de James Bond m’avaient déjà trempé.

L’URSS, c’était aussi une menace. Une menace très concrète et très proche de nous. Berlin et son mur, ce sont plus que de simples notions, c’était une réalité avec laquelle nous qui sommes nés pendant la Guerre froide ou pendant cette période étrange qu’on appelait “la détente”, nous avons grandi. Je me souviens très bien des quelques informations, des quelques images qui nous parvenaient de par delà le rideau de fer: les files de gens qui attendaient dans le froid devant les commerces aux étals aussi vides que leurs regards, l’annonce de la mort d’un premier secrétaire du Parti, avec 4 ou 5 jours de retard, les défilés militaires sur la Place Rouge, et les tentatives de centaines de désespérés pour passer à l’Ouest.

Le monde, avant la chute de l’URSS, était bipolaire: les gentils à l’Ouest versus les méchants à l’Est; la liberté d’expression, le commerce et la prospérité du côté des USA (modèle indiscuté alors) versus le mutisme, les prix contrôlés et la déchéance du côté de Moscou; les champions blacks versus les nageuses est-allemandes. C’était là notre monde et la situation semblait figée, figée dans ce froid immense qui régnait des chantiers navals de Gdansk au port de Vladivostok.

Pourtant, il y a quelques années de cela, lors de la période chaotique et alcoolisée pendant laquelle a régné un certain Boris Eltsine, successeur putschiste du regretté Gorbatchev, je me souviens de ces images perturbantes pour un adolescent qui visiblement en perdait son latin. Des foules amassées sur la Place Rouge portant la banière rouge marquée en jaune de la faucille et du marteau, haranguaient les passants et réclamaient le retour au Communisme… Je découvrais les néo-communistes au travers de mon petit écran.

Depuis cette époque, on a diabolisé tout ce bloc qui est à l’est, aujourd’hui déchu…

J’ai posé quelques questions à Romu parce que je sais que l’univers qu’il représente sur son blog est pétri de cette iconographie. Ses réponses sont pour le moins surprenantes.

Moi: Pour toi, qu’est ce qui est attirant dans la Russie ? L’est, Le communisme?
Romu: Une époque dont on n’a jamais vraiment rien su, des lieux interdits et dont il ne reste que des traces éparpillées. Le Grand Meaulne quoi…
Moi: Et pourquoi tes blogs font référence à la Russie ?
Romu: Pour cette raison, ce sont des traces, comme dans une centaine d’années, il restera des traces sublimées de cet Internet.

Il m’a ensuite parlé de ce logo, en haut à droite de son blog.

Le petit bonhomme avec la kalash, c’est l’Ampfelmann, le bonhomme des feux d’Allemagne de l’est créé par un génie du design est-allemand. A la chute du mur, tous les est berlinois étaient pour le libéralisme, l’Ouest et les USA. Puis ensuite, ils ont commencé à réaliser.
Le temps est passé et les mécontentements se sont tassés.
Jusqu’au jour ou par souci d’uniformité, l’Ouest a voulu enlever les bonshommes des feux. Tollé général, manifs…
Les feux sont restés, finalement et l’année suivante, le parti communiste a fait 40 % aux législatives…
L’Ouest, c’est ce genre d’anecdotes irrationnelles.

Place Rouge

Au final, il reste une iconographie qui commence à être reprise et dont on a réussi à évacuer le sens non vertueux, un pays immense et encore mystérieux qui contient une histoire complexe, riche, à l’image de la longueur de ses frontières, une iconographie pour nostalgiques du grandiose.


Notes

[1] Nouvelle Economie Politique