Hwang Sok-Yong

La nouvelle est un genre beaucoup plus familier au lecteur coréen qu’à son homologue français. Cette préférence ne tient pas, selon Hwang Sok-Yong, à une différence de goüt, mais bien plutôt aux conditions socio-économiques qui ont été celles de la production littéraire en Corée jusqu’à aujourd’hui. Les écrivains, explique t-il, ne savaient pas se faire payer. Ils écrivaient une nouvelle et se faisaient offrir un repas en paiement par le journal auquel ils la confiaient. Une nouvelle, un repas… Hwang Sok-Yong, lui, s’est battu pour donner à l’écrivain un statut de travailleur qui doit être payé pour sa production.

Introduction à La route de Sampo


La route de Sampo (Sampo kaneunkil)

Herbes folles

Un récit de l’enfance dans la guerre fratricide coréenne. Des paysages surréalistes, des fous qui errent dans les rues et un enfant qui ne comprend pas le sens d’une guerre qui rallonge les données temporelles, dans un monde que plus personne ne comprend. Un récit autobiographique à peine masqué, à peine transformé.

Marchant d’un pas lourd derrière les adultes dans la poussière des chemins, j’ai vu des morts pourrir comme des chiens sous le soleil. Ils dégageaient la même odeur que la sauce de soja quand on la fait bouillir.

Oeils-de-biche

Les soldats coréens reviennent du Viet-Nam, mais chez eux, personnes ne les considère comme des héros et même chez eux ils sont considérés comme des parias, des profiteurs et des abrutis. C’est l’histoire d’une dépression post-guerre qui est racontée ici, aussi sordidement que possible.

J’ai tout juste saisi le mot taihan dans leur bouche – il revenait sans cesse dans leur bouche – qui veut dire Corée dans leur langue. Je ne m’étais pas rendu compte dès le début qu’ils se foutaient de moi, si bien que je m’en voulais de leur avoir acheté des trucs.

Les ambitions d’un champion de ssireum

La campagne coréenne se transforme et avec elle les carrières, les métiers, les parcours. Cette nouvelle raconte l’histoire tourmentée, crasseuse d’un lutteur de ssireum, une lutte traditionnelle coréenne. D’une personne naïve et solide, on comprend les motivations, les espoirs et les désenchantements.

Le grand Ilbong a compris, alors, qu’il n’échapperait pas à la fatalité du bain public. C’était son destin que de récurer la crasse des gens, le nez sur leurs grosses cuisses. Allez frotte ! frotte d’une main, et de l’autre range les couilles de côté, frotte en les contournant, en les maintenant, en les protégeant, frotte, frotte, sseussak, sseussak, ssakssakssak.

La route de Sampo

Le clou du livre. Dans un paysage digne de Dersou Ouzala, on y rencontre trois personnages plus ou moins marginaux. La route de Sampo est l’expression de la désillusion d’un monde qui change trop vite. Un chef-d’oeuvre à elle toute seule, cette nouvelle a fait l’objet en Corée , de films et de chansons. On comprend vite pourquoi.

Des canards sauvages se posaient sur les champs couverts de neige et repartaient. Une maison abandonnée apparut à un détour du chemin. Un pan de ‘mur’ s’était effondré et le toit de chaume avait un large trou. Son propriétaire l’avait sans doute quittée depuis longtemps déjà pour aller vivre ailleurs.

Monsieur Han (Hanssi Yeondaeki)

monsieur Han

Un livre poignant de la part de cet écrivain à fleur de peau que je vous ai déjà présenté avec La Route de Sampo. Monsieur Han est l’histoire d’un homme pris dans la tourmente d’un pays déchiré. Passer du nord au sud, passer pour un traître des deux côtés lorsqu’on ne peut se résoudre à choisir son camp, voici le thème douloureux traîté d’une manière admirable, parfois crue et violente par cet auteur que déjà je considère comme un des plus grands.

Han Yongdok se retournait de temps en temps,. Sa femme qui le suivait à pas menus ressemblait à une frêle figure dans une peinture pointilliste : des flocons s’étaient posés sur ses cheveux ; son visage, toute sa silhouette s’estompaient au fur et à mesure que la couche de neige s’épaississait sur le sol. Lorsqu’il vit cette vaste étendue blanche qui le séparait de sa femme, une angoisse soudaine s’empara de lui et son cÅ“ur se serra. Le spectacle de sa femme le suivant avec ses enfants qui marchaient tantôt devant elle, tantôt derrière, ne lui semblait ni actuel ni réel, c’était comme une photo ancienne aux teintes déjà fanées.

A bout de forces, il pleurait malgré lui et bavait. Quand il baissait le tête et commençait à somnoler, ils lui injectaient par le nez de l’eau dans laquelle ils avaient mélangé de la poudre de piment. Ses journées, interminables, étaient devenues un enfer. Il n’était plus ni professeur, ni réfugié, il n’était qu’un morceau de chair et d’os offert à la cruauté d’une époque en folie.

Amateurs de thé en Chine

La Belle pouvait boire mais, comme j’étais à peine capable de vider une petite coupe, elle y avait renoncé depuis son arrivée chez nous; tout au plus vidait-elle quelques coupes le soir avec mon épouse. En revanche, elle partageait mon goüt pour le thé et pour le jiepian en particulier. Gu Zijian de Bantang en choisissait chaque année la meilleure qualité pour nous l’envoyer; ce thé a la particularité d’avoir des feuilles en forme d’écailles ou d’ailes de cigale. Nous faisions chauffer de l’eau de source à feu modéré dans un petit chaudron. Elle veillait à tout elle-même et, quand elle soufflait sur le feu, je ne manquais pas de lui réciter les vers de Zuo Si sur les mignonnes filles qui soufflaient devant leur chaudron, ce qui la faisait rire de bon coeur. Quand l’eau se mettait à faire des bulles pareilles à des yeux de crabe ou des écailles de poisson, elle choisissait des coupes de porcelaine brillantes comme la lune et lisse comme des nuages qui ajoutaient encore à notre plaisir. Quand nous savourions notre thé dans la paix des fleurs ou du clair de lune, l’arôme dégagé par les feuilles vertes immergées était celui d’un magnolia couvert de rosée ou d’une herbe d’immortalité jetée dans les flots. Nous partagions alors les joies d’un Lu Yu ou d’un Lu Dong.

La dame aux pruniers ombreux, Mao Xiang. Editions Philippe Picquier Poche

Rashômon et autres contes, Ryûnosuke Akutagawa

rashomon, Ryünosuke Akutagawa

Je réédite aujourd’hui ces citations tirées de Rashômon et autres contes. La première est extraite du conte qui donne son titre au livre. Je vous livre ça en brut car c’est un extrait du livre qui démontre toute la puissance de narration de l’auteur. Les sujets traîtés dans ce livre sont très délicats: le cannibalisme, l’infanticide, le crime, mais ils sont traîtés d’une façon propre à l’imagerie orientale, ce qui les rend presque pûrs et dénués de fioritures. Ce sont des contes très forts, des petites pièces à considérer comme des trésors… Je vous laisse découvrir.

L’auteur écrivait tout à l’heure : “Un homme de basse condition était là à attendre une accalmie de la pluie.” A vrai dire, cet homme n’avait rien à faire, même si la pluie cessait de tomber. En temps ordinaire, il aurait dû rentrer chez son patron. Mais ce dernier l’avait congédié quatre ou cinq jours auparavant. A cette époque-lé, la ville de Kyôto, comme je l’ai déjà dit, était sous le coup d’une désolation peu commune. Aussi la disgrâce de cette homme renvoyé par le patron qu’il avait servi depuis longtemps n’en était-elle en réalité qu’une conséquence insignifiante. Il aurait donc mieux valu dire : ” Un homme de basse condition, dépourvu de tous moyens, était bloqué par la pluie, sans savoir où aller”, qu’écrire : “Une homme de basse condition était là à attendre l’accalmie”. De plus, l’aspect du ciel, ce jour-là, contribuait sensiblement à la dépression morale de cet homme de l’époque de Heian. La pluie qui avait commencé à tomber vers la fin de l’heure de singe ne paraissait guère devoir cesser. Depuis quelque temps, l’homme, absorbé par le problème urgent de sa vie de demain – cherchant à résoudre une question qu’il savait sans solution -, écoutait, d’un air absent, en ruminant ses pensées décousues, le bruissement de la pluie qui tombait sur l’avenue de Suzaku.

Rashômon

A ces mots du Paravent des Figures infernales, il me semble que l’aspect terrifiant de cette peinture s’impose immédiatement. Des scènes de l’Enfer, il en est d’autres. Mais les toiles de Yoshihide différaient par leur composition de celles de ses collègues. Les Dix Rois et leur suite étaient relégués, rapetissés, dans un coin du Paravent et dans tout l’espace libre tourbillonaient des flammes puissantes au point de roussir le Mont des Glaives et les Arbres hérissés de sabres. De sorte que, hormis les robes jaunes et bleues à la chinoise des suppôts de l’Enfer ça et là dispersés, les langues de feu impétueuses remplissaient tout l’espace dans lequel dansaient avec furie, en forme de swastika, des fumées noires tracées en éclaboussure d’encre et des étincelles de feu projetées en poudre dorée.

(…)Tous ces personnages, dans les tourbillons de flammes et de fumées, en proie aux tortures infligées par les geôliers infernaux à tête de boeuf et de cheval, fuyaient en tous sens, telles des feuilles mortes dispersées par une bourrasque. Ces femmes plus recroquevillées que des araignées, dont les cheveux s’enroulent autour des dents d’une fourche, figuraient-elles des sorcières ? Cet homme à la tête en bas comme une chauve-souris au repos, la poitrine perforée par une lance, n’était-il pas quelque jeune gouverneur de province ? Et ces innombrables damnés flagellés de fouets de fer, écrasés sous un rocher que mille hommes auraient peine à mouvoir, déchirés par de monstrueux oiseaux, mordus par les mâchoires d’un dragon venimeux… Autant de tortures que de réprouvés.

Les hommes de ma vie

Ils sont neufs, ont tous pour caractéristiques d’être des écrivains renommés et ont marqué à jamais ma vie de leur mots. En repensant à eux, je me suis également aperçu qu’ils avaient tous un point commun; ils sont beaux. Ils ont inscrit sur leur visage la beauté de leur parole, cette vie qu’ils ont mise au service de la littérature. Certains d’entre eux sont morts, généralement diminués, malades ou dans des circonstances horribles, à l’image d’une vie tourmentée…

 

Sauriez-vous tous les reconnaître ? Indice précieux, j’ai rencontré l’un deux.

Derborence – Ramuz

Il est des rencontres littéraires fortuites qui frappent comme des coups de tonnerre. Fabienne m’a fait découvrir un auteur que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, un écrivain suisse du nom de Charles-Ferdinand Ramuz. J’ai reçu un livre rouge des Carnets de Grasset, sur lequel étaient inscrites en grandes lettres blanches Derborence, un livre datant de 1936.

Derborence - Ramuz

Comme souvent avec les livres d’auteurs que je ne connais pas, j’éprouve une sorte de répulsion car l’impression d’arriver sur des chemins déroutants m’est désagréable, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas tout de suite ouvert le livre. Je l’ai regardé, soupesé, j’ai lu la quatrième de couv’, et j’ai fini par me plonger dedans.

Je ne le savais pas, mais ce village de montagne, Derborence, existe réellement, et la catastrophe dont il est question ici a bien eu lieu, ce qui ajoute une dimension, après coup, totalement fantastique au roman.

Le livre de Ramuz est écrit dans un style limpide, simple, n’éveillant aucune suspiscion quant à une éventuelle mise en pathos de la part de cet auteur, souvent qualifié de régionaliste. L’emploi du on y est récurrent et il se trouve un je ne sais quoi, une couleur particulière à cette écriture qui la rend chaleureuse et sensuelle. La vie des gens simples de la montagne face à la mort, face au fantastique et à la résurgence du passé et de ses fantômes est incroyablement bien racontée, sans condescendance, avec un regard franc et un parler qui ne singe pas, qui s’adapte et fait passer l’oeuvre pour un petit bijou. Une lecture que je vous conseille vivement.

Le jardin vertical du Pershing Hall

Voici un lieu extraordinaire qui malheureusement n’est pas forcément accessible au commun des mortels. Situé dans le 8è arrondissement de Paris, le Pershing Hall est un des lieux les plus hypes et aussi les plus chers de Paris, mais ce qui fait vraiment son originalité, c’est ce mur de végétation exotique qui clôt la cour intérieure. Le jardin vertical est un véritable chef-d’oeuvre réalisé par le jardinier et chercheur aux cheveux verts Patrick Blanc.

Pershing Hall

Skeleton Coast

Skeleton Coast

Un des lieux les plus sauvages au monde, est aussi le plus déserté, le plus chaud et certainement le plus hostile à la présence des humains, mais aussi à celle des animaux. Avec une température sur le sable de plus de 70°C, il est littéralement impossible pour les espèces indigènes d’y évoluer la journée. Cet endroit se trouve sur la côte ouest de la Namibie et se nomme la côte des squelettes, non pas en raison des morts que le climat peut laisser sur la sable, mais à cause des innombrables épaves de navires qui y sont échouées. Un paysage magnifique, très coloré, incomparable.

>> Namibweb
>> SKELETON COAST NATIONAL PARK, NAMIBIA
>> Namibian.org
>> D’autres photos et pas que de Namibie.

Yukio Mishima

yukio mishima

Parmi les écrivains japonais les plus marquants, Yukio Mishima est un personnage complètement atypique, décalé. Dans un Japon en pleine mutation, Mishima (dont le vrai nom est Kimitake Hiraoka), dont la jeunesse n’a été qu’une succession de déceptions et de faiblesses, décide de prendre sa revanche en s’adonnant au culturisme et se bâtit un corps d’athlète. Et dans ce Japon qu’il considère comme une société rétrograde et liberticide, il passe pour un dandy, occidentalisé et jet-seteur. Son oeuvre est sensible, profondément marquée par les déceptions dont il se sent victime au quotidien dans une société qu’il n’arrivera jamais à accepter, et tombera finalement dans un nationalisme inquiétant. On le retrouvera également dans plusieurs films à la fin de sa vie. Parmi ses plus beaux livres, on peut retenir Une matinée d’amour pur, Le pavillon d’or et L’école de la chair. Un jour de 1970, il termine son ultime oeuvre, La mer de la fertilité puis se donne la mort (seppuku) devant les caméras de la télévision lors d’une rocambolesque prise d’otage.

La philo pour les nuls (et même les très nuls)

La philosophie, diront certains, c’est un art qui consiste à compliquer les choses simples. J’adore ce genre de lieu commun qui dénote une envie patente de ne pas vouloir comprendre ce qui vu de l’extérieur est de toute façon compliqué. La philo n’est pas quelque chose qu’on a en soi de manière innée, c’est un travail de la pensée, une difficile discipline qui nécessite des pré-requis. Sachez qu’on n’est pas philosophe, mais qu’on y tend… Et dire d’un vieil homme qu’il est philosophe parce qu’il est sage, c’est un contresens total. Bref, quelques pistes pour se lancer…

La philosophie vient de la Grèce antique et a pris ses racines dans un contexte géographique, culturel, politique et social très particulier. Ces 4 données sont centrales pour comprendre la philosophie contemporaine, étrangement, qui reprend cette scène pour fonder une pensée nouvelle. La philosophie donc, naît avec les pré-socratiques, les logiciens, les mathématiciens et Socrate. Tout vient de là et se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Les pré-requis sont:

  1. Avoir à disposition un dictionnaire pour les termes compliqués, afin d’éviter les ambigüités.
  2. Ne pas se servir de ce dictionnaire pour éviter de lire les fondamentaux.
  3. Ne pas se contenter de lire les définitions, sinon, tout est à refaire.
  4. Ne pas commencer à lire Heidegger en ayant à l’esprit que l‘essence dont il parle est celle que l’on trouve chez Descartes ou Leibniz ! Chacun part sur des bases qu’il juge bon de développer.
  5. Dieu n’est pas mort, n’ayez crainte, mais il n’est pas non plus barbu. C’est un outil méthodologique.
  6. Ne pas se servir de la philo pour épater en soirée, c’est naze.
  7. La philo rend fou, le tout est de savoir à quel moment il faut en sortir.
  8. Ne faîtes pas comme les étudiants en psycho ou ceux qui suivent une psychanalyse, tout n’est pas philo et la philo ne sert pas forcément dans la vie de tous les jours.
  9. La philo, c’est bon, mangez-en.
  10. Eviter de citer Heidegger, il passe pour un nazi aux yeux du public, ainsi qu’Abélard qui passe pour un castrat. Evitez également de parler de la critique de la raison pure de Kant à un prof de philo ou à un étudiant, car personne n’a fini ce livre, trop compliqué. Bref, la philo, c’est pour soi.

Mes conseils et mes dé-conseils sont les suivants:

Surtout, ne pas lire Platon en premier. Platon vit dans un monde très particulier et met en scène un Socrate vieux, presque déjà empoisonné, qui parle de maïeutique, du monde de Idées, de l’opinion et de la caverne. En bref, c’est un peu de la haute voltige qui risque de décourager dès la première page. Si vous voulez persévérer, à éviter donc.

Toutefois, vous pouvez visiter les philosophes grecs en abordant Aristote (précepteur d’Alexandre le Grand). Aristote a inventé la logique formelle, ce qui est passionnant et également décisif dans la philosophie et l’épistémologie, mais je vous déconseille également les écrits logiques d’Aristote, c’est à vous donner envie de devenir moine. La ‘Poétique, la Métaphysique, Ethique à Nicomaque et la Politique” sont de bons ouvrages accessibles. Par contre, évitez la Rhétorique et les Petits Traités D’Histoire Naturelle, ce n’est pas franchement intéressant, et ça fait perdre beaucoup de temps.

On ne va pas s’attarder sur le philosophie médiévale, à part peut-être sur les Confessions de Saint-Augustin, qui reste un classique toujours bon à prendre. Et on peut directement aller voir René Descartes, avec les Méditations Métaphysiques et le Discours de la Méthode. Les Méditations sont des textes courts, denses, un tantinet mystique, mais très bien construits et lorsque vous aurez lu ça, vous aurez fait la moitié du chemin.

La philosophie politique est très intéressante. Lisez donc le Contrat Social de Rousseau, ce texte est magnifique et très clair. Il fonde tout notre système politique. Celui qui n’a pas non plus lu le Prince de Machiavel ne peut prétendre parler de philosophie politique.

On continue avec Baruch Spinoza et son Ethique qui reste un texte central, un peu compliqué, mais qui met en lumière tout un pan de la philosophie moderne, ainsi que son Traité de la réforme de l’entendement. Comme je le dis plus haut, Kant est inabordable, parce qu’il a passé sa vie à écrire comme un moine. Pour le lire, il faut avoir le même style de vie, alors Kant, oubliez. Par contre, ne passez pas à côté de la Monadologie de Leibniz, ce serait une faute lourde qui risquerait de vous coûter cher.

Celui qu’il ne faut pas manquer, c’est Hegel et sa Phénoménologie de l’Esprit, mais tous les textes sont intéressants. Hegel est limpide et créé un système de pensée très rationnel, bien huilé, qui donne vraiment l’impression de tout comprendre. Une grande oeuvre indispensable.

Si vous avez envie de vous suicider, lisez Kierkegaard. Si vous voulez devenir fou, lisez Nietzsche. Tout ses textes sont admirables, le plus dense étant la Naissance de la Tragédie, le plus hermétique Ainsi parlait Zarathoustra, toute son oeuvre est passionnante.

Chez les contemporains, il faut passer par Husserl pour comprendre tout ce qui s’est passé après. Il reste tout de même très compliqué à lire, à moins d’être sous l’emprise d’une drogue puissante. Si vous voulez tout de même vous y frotter, ne lisez qu’une seule chose: Die Krisis der europischen Wissenschaften und die transzentale Phäenomenologie: Eine Einleitung in die phäenomenologische Philosophie (La Crise des sciences européennes). Vous serez prévenus.

Heidegger est celui qui m’a tout appris et je ne vous donnerai aucun conseil de lecture le concernant, car mon parti-pris risquerait de vous faire perdre de vue sa pensée, mais Etre et Temps reste pour les universitaires l’ouvrage de référence. Evitez tout de même le Discours du Rectorat qui a fait date et laisse planer sur la philosophie une tache relative à son engagement dans la doctrine du IIIè Reich.

On a le droit de dire que la philosophie s’arrête avec Kant, ou qu’elle trouve son point d’orgue avec Heidegger, mais la suite est également intéressante et ne laisse pas indifférent.

La philosophie de Sartre est comme celle d’Husserl, elle nécessite de la drogue, et très honnêtement, on peut ne pas s’y arrêter, par contre, passer à côté de Merleau-Ponty serait un crime. L’oeil et l’esprit et le visible et l’invisible sont deux oeuvres majeures qui tissent une théorie de la chair réellement révolutionnaire dont je ne me suis pas encore remis. Le chiasme est une expérience inédite qu’il faut connaître.

En dernier lieu, je vous invite à vous diriger vers Gilles Deleuze et sa collaboration avec Felix Guattari dans l’Anti-Oedipe et Mille Plateaux. Je conseille également toute l’oeuvre de Deleuze, qui marque un pas dans la sortie de la philosophie.

Vous remarquerez que depuis, rien n’a été fait, ou si peu que c’en est décevant. J’oublie tout de même Alain Badiou, le dernier des derniers, mais en dehors de cela, vous ne trouverez rien de vraiment intéressant.

Maintenant, c’est à vous de faire vos propres armes et n’oubliez qu’il faut savoir sortir de la philosophie, parce qu’elle rend vraiment fou.