Sur les mers

La mer a généré en son temps des hordes de personnages étranges. Petit glossaire des gens de la mer.
Francis Drake's World Map

Pirate: Le pirate est le personnage malfaisant par définition. Il agit sans ordre d’une nation, mais pour son propre compte dans l’unique but de s’enrichir. Il s’attaque principalement aux navires battant pavillon de nations puissantes pour leur arracher leur butin, mais parcourt aussi les côtes. Parmi les plus redoutés, on compte Blackbeard (Barbe-Noire), mais les pirates ont aussi connu leurs losers. Le plus célèbre d’entre eux est sans conteste Stede Bonnet, qui a vécu à la même époque que le terrifiant Edward Teach qui trouva le moyen de se faire piller plusieurs fois par Barbe-Noire et à se faire pendre haut et court tandis que son ennemi juré fut décapité sur son navire La Revanche de la Reine Anne par Maynard.L’image traditionnelle du pirate est née dans les Caraïbes et a généré tout un imaginaire que des écrivains tels que Stevenson dans l’île au trésor ont su exploiter.

Corsaire: Le corsaire, à la différence du pirate, est mandaté par sa nation pour piller les richesses des nations ennemies. Le corsaire est porteur d’une lettre de course qui légitime son action. Les premiers corsaires français sont mandatés par François 1er à une époque où l’hégémonie ibérique sur les territoires du Nouveau-Monde devient insupportable.

Flibustier: Voici l’influence des Pays-Bas dans cette histoire. Ce terme vient du flamand vrij buiter, ce qui correspond à peu près à qui s’enrichit de manière ponctuelle, libre et impunie. La flibuste se développe dans la mer des Caraïbes par des hommes peu scrupuleux naviguant sur des embarcations légères (sloops, pinasses) et rapides, vivant de rapines et n’ayant généralement pas l’étoffe de ces grands que l’on appelaient pirates. L’originalité de la flibuste, c’est l’organisation sociale très structurée et l’établissement d’une base sur la terre ferme.

Boucanier: Contrairement à l’idée reçue, le boucanier n’est pas forcément un marin. Il est souvent sédentarisé et sert de base arrière à la piraterie et à la flibuste. Le terme boucan désigne à l’origine la viande de boeuf frottée d’épices et séchée au-dessus d’un feu lent sur de longues perches installées sur les plages des petites îles caribéennes. Egalement hiérachisés, les boucaniers approvisionnent les marins en vivres, nourriture et boisson.

Boucaniers et flibustiers constituent la population des “Frères de la Côte”.

L’émergence des ces populations étranges de mers prend ses racines dans le nouvel ordre mondial généré par la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. L’Espagne et le Portugal se partagent alors le monde et affrètent des galions pour vider le continent nouveau de son or. Ce traffic est incertain et soumis au vent. Dans un premier temps, les pirates vont infester les mers et les rivages pour guetter ces navires chargés d’or, mais aussi d’épices et de rhum. Ensuite, c’est sous l’impulsion de la France, des Pays-Bas et de l’Angleterre, indignés d’être ainsi écartés de cette course à la puissance, que la Guerre de Course va s’engager. Tout prend naissance dans ce creuset, entre les comptoirs établis dans les ports et la route maritime qui mène à l’Europe, dans la mer des Caraïbes, beaucoup moins armée et protégée que les côtes de l’Espagne ou du Portugal.

La distinction entre pirate et corsaire s’efface quelque fois, selon les humeurs des gouvernants. Ainsi, Francis Drake s’enrichit personnellement et abreuve la couronne d’Angleterre de richesses, tandis que le frère de la Reine, l’espagnol Philippe II mugit contre ses déprédations et finit par perdre la face en 1588 lorsque son Invicible Armada est défaite par le célèbre corsaire britannique. Pourtant, celui-ci finira empoisonné, considéré comme pirate alors que jamais il ne s’est enrichi au détriment de son pays.

Un autre corsaire célèbre, Surcouf aura une phrase qui définit bien ce qui se passait sur les mers pendant ces longs siècles. A un Anglais qui lui dit: Vous vous battez pour l’argent alors que nous autres soldats de la Marine nous nous battons pour l’honneur !, il rétorquera: Alors nous nous battons tous les deux pour ce que nous n’avons pas….

Quelques liens:

The earth died screaming

En 1999, j’ai écrit ce texte d’un seul trait, une nuit un peu désespérée en écoutant The earth died screaming de Tom Waits . Des années plus tard, je redécouvrais cette chanson du groupe America, une de ces chansons que l’on a entendu par le passé et qui reste dans la tête pour se réveiller des années plus tard. En relisant ce texte et en écoutant cette chanson, je me dis que j’étais vraiment inspiré.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/America%20-%20A%20Horse%20With%20No%20Name.mp3]
Je me suis pris pour un oiseau l’espace d’un instant. Je volais avec mes compagnons, serrés en rangs alignés, en formation naturelle. Le grand V que nous dessinions attiraient ceux qui tout en bas avaient le bonheur de croire que nous étions quelque chose comme… un vol d’oies sauvages retournant vers les terres australes au climat plus clément. Nous les avons certainement bernés, car le mois d’août commençait à peine, charriant avec lui son cortège d’orages et de tourbillons de poussière. Le redouté mois d’août… celui qui souvent nous est fatal parce que l’eau du désert vient à manquer.

La course devient une course pour la vie. Le premier qui trouve le point d’eau est béni des dieux et son esprit de solidarité le pousse à partager son butin avec les autres. Ici, tout le monde est dans le même bain… un bain de sueur et de soif. Nous poussons encore plus avant sur les terres arides, chacun gardant avec lui l’espoir secret de trouver ce qui s’appelle la mer… celle qui rafraîchit les corps et délasse les esprits… jusqu’au prochain départ. Je croyais que nous volions, mais nos pas martelaient bel et bien le sol sec, caillouteux à loisir… éreintant. Je savais qu’en continuant vers l’est, nous pourrions trouver un endroit frais pour nous reposer jusqu’à l’aube. Peut-être faudrait-il dès à présent songer à ne voyager que la nuit et nous reposer la journée… Pour cela, il faut être certain qu’à la fin de la nuit, un abri ombragé nous attend.

oregon

Emilio, le bandana plaqué sur le front comme une tâche de sang autour de la tête, les mains déjà moites malgré la relative fraîcheur du matin… son regard se promena nonchalamment de la Mustang poussiéreuse de Blair à la vitrine délabrée du Harry’s-on-the-road, sa crasse inimitable et ses fausses plantes vertes que même la climatisation séculaire n’aurait pas réussi à conserver. Depuis trois jours, au moins, ils avaient tout décidé. L’heure, au petit matin, le moment exact, lorsque le shérif sortirait du café, ce qu’ils allaient faire, dans les moindres détails. Ce que leur minable petite vie ne leur avait jamais procuré, cette journée sans fin allait leur donner; le grand frisson, l’inévitable impression d’être hors-la-loi, d’être des vrais méchants. Blair, assis au volant de ce qui avait été jadis un monstre, venait de jeter sa cigarette par la vitre et fit un signe à son compère, un hochement de tête censé être éloquent. Le shérif monta dans sa voiture, le chapeau vissé sur le crâne. Emilio écrasa son mégot du talon et se dirigea vers la gargote tout en enfournant sa main dans son blouson. Il poussa la porte et adressa son plus beau sourire de sa bouche édentée à la serveuse.

Les hommes sont comme des animaux, ils se battent pour leur subsistance. Mais lorsqu’ils en viennent à tuer, c’est que quelque chose dans la nature les a projetés de l’autre côté du miroir; un homme ne tue jamais pour manger. C’est ce que m’inspira la vue de la ville alors que nous nous étions tous demandé s’il fallait que nous prenions cette direction. Finalement, le plus sage d’entre nous décida de continuer vers l’est, comme prévu. Ce n’était pas tellement la faim qui nous harcelait, mais bel et bien la soif. Même les plus vigoureux commençaient à haleter, à traîner comme des fantômes. La nuit venait doucement, mais aucune signe de rafraîchissement. Aucun signe non plus de nuages annonçant la pluie. Le simple contact de l’eau sur notre corps nous aurait pourtant suffit à trouver un peu de courage pour continuer. Pour l’instant, le moral était au plus bas, dans les yeux de chacun, la mort se profilait doucement, dans un silence que tous redoutaient. Je décidai qu’il ne fallait pas nous arrêter ce soir, qu’il fallait continuer, parce qu’au loin, il y avait forcément de l’eau, le repos, la récompense.

Il lança son regard dans la salle pour évaluer le nombre de clients… pas plus de quatre péquins encore endormis ou déjà à moitié ternis par les premiers alcools. Puis il sourit à Sally, la petite serveuse qu’il connaissait depuis que lui et sa troupe avaient débarqué un soir de bringue alors qu’il ne savait plus quoi faire du côté de Stonetown. Bonjour Sally, tout va comme tu veux? Elle lui rendit son sourire. T’es tombé du lit? Je t’ai jamais vu aussi tôt dans les parages ! Nerveusement, il se passa la main dans les cheveux – il savait qu’il lui faisait un certain effet – et fut secoué par un petit rire mal contrôlé. Nan, je vais chercher du boulot. Y paraît que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors j’ai mis mon réveil et maintenant, je suis là. Tu veux du café? lui demanda t-elle en s’emparant d’un mug rangé sur l’étagère crasseuse. Nan, je veux tout ce qu’il y a dans la caisse, et vite ! Son calme apparent le surprit. Il en fut d’ailleurs un peu décontenancé, surtout lorsqu’il comprit que Sally ne le prenait pas au sérieux. Arrête tes conneries! Tu veux du café oui ou merde? Pour toute réponse, elle eut droit à la vision cauchemardesque d’un canon de revolver pointé entre les yeux.

Il paraît qu’en d’autres temps des hordes de chevaux sauvages sont arrivés par le sud, longeant l’interminable chaîne de montagne, le temps qu’ils puissent se frayer un passage pour retrouver la côte, mais qu’une fois arrivés au seul col capable de les laisser passer, ils sont tous tombés comme un seul, ayant eu le malheur de prendre une corniche trop risquée. Deux milles chevaux entassés au fond d’un ravin, empilés comme les cartes d’un château soufflé par le vent. La peur est avec nous à chaque pas. Dans cette nuit sans nuage, dans l’obscurité parfaite du désert, avec pour seule guide les millions d’étoiles au-dessus, pas un seul d’entre nous n’est capable de se diriger. J’ai l’impression que nous perdons la direction. Tant que le soleil est avec nous, on peut faire avec. Suivre le soleil est un repère comme un autre et cela nous permet d’appréhender une réalité qui nous dépasse. L’est semble hors de portée, et ce sont à chaque pas les mêmes paysages qui nous taraudent, les mêmes caillasses blessantes, le même sable qui nous pique les yeux, la même caresse brûlante qui dessèche notre peau déjà crevassée par endroits.

Blair s’assurait que le moteur ne lui ferait pas défaut en donnant des petits coups d’accélérateurs nerveux. Sous la capot brinquebalant s’époumonait le moteur poussif, tandis que la porte vitrée du bar vola en éclats, la maigrichonne Sally l’ayant rencontré avec une certaine force. Emilio, un sac à la main, le revolver calé dans l’autre, sortit comme une furie et ramassa le poignet de la serveuse au passage, l’entraînant vers la voiture. Le moteur vrombissait et la portière était à peine fermée que déjà la gomme des pneus avait marqué de son empreinte le bitume défoncé de Central Street. Bon dieu! gueula Blair, qu’est-ce que c’est que ce bordel! Tout en essayant de maintenir la voiture sur la route, il pesta comme jamais. Au moment où il brailla le plus fort, Emilio se trouva projeté contre Sally, lui donnant un coup de tête qui l’assomma instantanément, et dans la virage qui menait vers la cimenterie, le bas de caisse s’écrasa contre le sol après un nid de poule, crachant des gerbes d’étincelles en tous sens. Il eut du mal à garder le contrôle, persuadé qu’un pneu avait éclaté, puis il se cala sur la ligne droite, reprenant ses esprits. C’est alors qu’il remarqua les traces de sang sur le pare-brise et sur le capot que la vitesse essuyait peu à peu. Le vieux Peacock n’avait pas résisté au choc.

Le chemin qui mène au paradis est plus long que celui qui mène en enfer. Nous nous en rendions compte à chaque nouveau pas. Laissant derrière nous des gerbes de poussière, nous ne savions même plus pourquoi nous nous courrions. Les herbes brûlées par le soleil accompagnaient notre course insensée. Regardant toujours droit devant, nous commencions à nous persuader que la nature nous en voulait pour nous faire connaître de telles souffrances, des douleurs dans les muscles, l’atroce sensation de ne plus avoir de gosier tellement la salive venait à manquer. Le soleil de plomb écrasait nos ombres sur le sol, jusqu’à ce qu’enfin, surpris par le répit, nous pûmes nous réfugier à l’ombre d’une cavité rocheuse, une sorte de canyon abrité, où le vent au contact de l’ombre renaissait plus frais que partout ailleurs. Je savais pertinemment que cela ne durerait qu’un temps. Il faudrait repartir sous peu. Une seule obsession: l’eau.

Putain de merde, pourquoi tu l’as prise avec toi? T’avais vraiment besoin de l’emmener? Blair braillait comme un porc qu’on égorge, tandis qu’à côté d’Emilio, la jeune Sally baignait dans son sang, le visage cisaillé par les éclats de verre et ses bras dénudés aussi rouge que si elle avait porté un pull. Sur la banquette arrière, Emilio tentait d’arracher avec les dents une pointe de verre qu’il avait reçu dans le creux du bras, plongé dans un silence de mort. Y’a combien dans le sac? J’espère que ça vaut le coup au moins ! Blair ne se tenait plus, il avait envie de chialer et de se recroqueviller pour ne plus continuer à voir tout ce sang qu’il n’assumait pas, mais il n’en eut pas le temps car déjà, il entendait les sirènes de ceux dont le reflet lui parvenait dans le rétroviseur. Une des voitures noires et blanches sembla se propulser par une force incroyable au niveau de la Mustang. Le shérif dévisagea Blair. Dans ses yeux, la haine et le dégoût… il lui fit signe de se ranger sur le côté, mais son geste resta en suspens, sans qu’il eut le temps de se rendre compte… qu’il n’était plus là… Emilio avait visé entre les yeux… Une boule de feu surchauffa l’air lorsque la voiture du shérif sortit de la route et percuta un poteau.

Je n’en peux plus. Plutôt que de continuer à vivre, je veux mourir, et je sais que je ne suis pas le seul. Beaucoup d’entre eux semblent s’éteindre. Leur regard ne signifie plus rien, il n’y a plus de volonté… seulement l’envie pressante que tout ceci se termine d’une manière ou d’une autre. Jamais je n’aurais pu croire que cela se terminerait aussi mal, même si on me l’avait prédit. Quelques-uns ne se sont pas relevés. Beaucoup trop sont morts, certains mourront bientôt. Ma langue ressemble à une éponge sèche et gonflée, je ne sais déjà plus ce qu’est la salive. Il y a celui-ci à côté de moi, qui se lève et comme pris de folie, il se débat, comme aux prises avec des démons invisibles, il saute dans tous les sens et prend son élan… se met à courir comme un dément… et plusieurs autres le suivent sans réfléchir. Tous, nous comprenons qu’il n’y a plus rien à espérer, alors nous partons tous, comme une nuée d’insectes et nous courrons du plus vite que nous pouvons, ce n’est plus qu’une question de minutes.

Blair écrasait le champignon: une seule destination… la ligne blanche de cette route défoncée, des larmes coulaient sur ses joues poussiéreuses, creusant des ravines d’abandon, il gémissait comme une fillette apeurée, sanglotant bruyamment. Jamais il ne s’était senti aussi minable, aussi petit. Il n’eut pas le temps de méditer plus sur sa condition, maintenant que la voiture déboulait le long d’une corniche abrupte. Au détour du virage, un mur lui faisait face, un mur couleur terre du désert… une ligne de chevaux en furie lui coupait la route et se déversait dans le vide, vers le fond… il en percuta trois avant de zigzaguer et de sentir son coeur se soulever comme si on le portait vers le néant…

J’ai senti mes jambes se dérober sous moi… un grand fracas, une explosion au loin, le vent est passé au-dessus de moi… quelque chose m’a empêché de suivre les autres. J’attendrai la mort au bord du vide.


Les paroles de la chanson:On the first part of the journey
I was looking at all the life
There were plants and birds and rocks and things
There was sand and hills and rings
The first thing I met was a fly with a buzz
And the sky with no clouds
The heat was hot and the ground was dry
But the air was full of soundI’¢ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
’cause there ain’t no one for to give you no pain
La, la …After two days in the desert sun
My skin began to turn red
After three days in the desert fun
I was looking at a river bed
And the story it told of a river that flowed
Made me sad to think it was dead

You see I’ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
’cause there ain’t no one for to give you no pain
La, la …

After nine days I let the horse run free
’cause the desert had turned to sea
There were plants and birds and rocks and things
There was sand and hills and rings
The ocean is a desert with it’¢s life underground
And a perfect disguise above
Under the cities lies a heart made of ground
But the humans will give no love

You see I’ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
’cause there ain’t no one for to give you no pain
La, la …

Guy de Maupassant, Conte de Noël

Le docteur Bonenfant cherchait dans sa mémoire, répétant à mi-voix : ” Un souvenir de Noël ?… Un souvenir de Noël ?… ” Et tout à coup, il s’écria : – Mais si, j’en ai un, et un bien étrange encore ; c’est une histoire fantastique. J’ai vu un miracle ! Oui, mesdames, un miracle, la nuit de Noël. Cela vous étonne de m’entendre parler ainsi, moi qui ne crois guère à rien. Et pourtant j’ai vu un miracle ! Je l’ai vu, fis-je, vu, de mes propres yeux vu, ce qui s’appelle vu. En ai-je été fort surpris ? non pas ; car si je ne crois point à vos croyances, je crois à la foi, et je sais qu’elle transporte les montagnes. Je pourrais citer bien des exemples ; mais je vous indignerais et je m’exposerais aussi à amoindrir l’effet de mon histoire. Je vous avouerai d’abord que si je n’ai pas été fort convaincu et converti par ce que j’ai vu, j’ai été du moins fort ému, et je vais tâcher de vous dire la chose naïvement, comme si j’avais une crédulité d’Auvergnat. J’étais alors médecin de campagne, habitant le bourg de Rolleville, en pleine Normandie. L’hiver, cette année-là, fut terrible. Dès la fin de novembre, les neiges arrivèrent après une semaine de gelées. On voyait de loin les gros nuages venir du nord ; et la blanche descente des flocons commença. En une nuit, toute la plaine fut ensevelie. Les fermes, isolées dans leurs cours carrées, derrière leurs rideaux de grands arbres poudrés de frimas, semblaient s’endormir sous l’accumulation de cette mousse épaisse et légère. Aucun bruit ne traversait plus la campagne immobile. Seuls les corbeaux, par bandes, décrivaient de longs festons dans le ciel, cherchant leur vie inutilement, s’abattant tous ensemble sur les champs livides et piquant la neige de leurs grands becs. On n’entendait rien que le glissement vague et continu de cette poussière tombant toujours. Cela dura huit jours pleins, puis l’avalanche s’arrêta. Là terre avait sur le dos un manteau épais de cinq pieds. Et, pendant trois semaines ensuite, un ciel clair, comme un cristal bleu le jour, et, la nuit, tout semé d’étoiles qu’on aurait crues de givre, tant le vaste espace était rigoureux, s’étendit sur la nappe unie, dure et luisante des neiges. La plaine, les haies, les ormes des clôtures, tout semblait mort, tué par le froid. Ni hommes ni bêtes ne sortaient plus : seules les cheminées des chaumières en chemise blanche révélaient la vie cachée, par les minces filets de fumée qui montaient droit dans l’air glacial. De temps en temps on entendait craquer les arbres, comme si leurs membres de bois se fussent brisés sous l’écorce ; et, parfois, une grosse branche se détachait et tombait, l’invincible gelée pétrifiant la sève et cassant les fibres. Les habitations semées çà et là par les champs semblaient éloignées de cent lieues les unes des autres. On vivait comme on pouvait. Seul, j’essayais d’aller voir mes clients les plus proches, m’exposant sans cesse à rester enseveli dans quelque creux. Je m’aperçus bientôt qu’une terreur mystérieuse planait sur le pays. Un tel fléau, pensait-on, n’était point naturel. On prétendit qu’on entendait des voix la nuit, des sifflements aigus, des cris qui passaient. Ces cris et ces sifflements venaient sans aucun doute des oiseaux émigrants qui voyagent au crépuscule, et qui fuyaient en masse vers le sud. Mais allez donc faire entendre raison à des gens affolés. Une épouvante envahissait les esprits et on s’attendait à un événement extraordinaire. La forge du père Vatinel était située au bout du hameau d’Epivent, sur la grande route, maintenant invisible et déserte. Or, comme les gens manquaient de pain, le forgeron résolut d’aller jusqu’au village. Il resta quelques heures à causer dans les six maisons qui forment le centre du pays, prit son pain et des nouvelles, et un peu de cette peur épandue sur la campagne. Et il se mit en route avant la nuit. Tout à coup, en longeant une haie, il crut voir un œuf dans la neige ; oui, un œuf déposé là, tout blanc comme le reste du monde. Il se pencha, c’était un œuf en effet. D’où venait-il ? Quelle poule avait pu sortir du poulailler et venir pondre en cet endroit ? Le forgeron s’étonna, ne comprit pas ; mais il ramassa l’œuf et le porta à sa femme. ” Tiens, la maîtresse, v’là un œuf que j’ai trouvé sur la route ! ” La femme hocha la tête : ” Un œuf sur la route ? Par ce temps-ci, t’es soûl, bien sûr ? – Mais non, la maîtresse, même qu’il était au pied d’une haie, et encore chaud, pas gelé. Le v’là, j’me l’ai mis sur l’estomac pour qui n’refroidisse pas. Tu le mangeras pour ton dîner. ” L’œuf fut glissé dans la marmite où mijotait la soupe, et le forgeron se mit à raconter ce qu’on disait par la contrée. La femme écoutait toute pâle. ” Pour sür que j’ai entendu des sifflets l’autre nuit, même qu’ils semblaient v’nir de la cheminée. ” On se mit à table, on mangea la soupe d’abord, puis, pendant que le mari étendait du beurre sur son pain, la femme prit l’œuf et l’examina d’un œil méfiant. ” Si y avait quelque chose dans c’t’œuf ? – Qué que tu veux qu’y ait ? – J’sais ti, mé ? – Allons, mange-le, et fais pas la bête. ” Elle ouvrit l’œuf. Il était comme tous les œufs, et bien frais. Elle se mit à le manger en hésitant, le goûtant, le laissant, le reprenant. Le mari disait : ” Eh bien ! qué goût qu’il a, c’t’œuf ? ” Elle ne répondit pas et elle acheva de l’avaler ; puis, soudain, elle planta sur son homme des yeux fixes, hagards, alliolés, leva les bras, les tordit et, convulsée de la tête aux pieds, roula par terre, en poussant des cris horribles. Toute la nuit elle se débattit en des spasmes épouvantables, secouée de tremblements effrayants, déformée par de hideuses convulsions. Le forgeron, impuissant à la tenir, fut obligé de la lier. Et elle hurlait sans repos, d’une voix infatigable : ” J’l’ai dans l’corps ! J’l’ai dans l’corps ! ” Je fus appelé le lendemain. J’ordonnai tous les calmants connus sans obtenir le moindre résultat. Elle était folle. Alors, avec une incroyable rapidité, malgré l’obstacle des hautes neiges, la nouvelle, une nouvelle étrange, courut de ferme en ferme : ” La femme du forgeron qu’est possédée ! ” Et on venait de partout, sans oser pénétrer dans la maison ; on écoutait de loin ses cris affreux poussés d’une voix si forte qu’on ne les aurait pas crus d’une créature humaine. Le curé du village fut prévenu. C’était un vieux prêtre naïf. Il accourut en surplis comme pour administrer un mourant et il prononça, en étendant les mains, les formules d’exorcisme, pendant que quatre hommes maintenaient sur un lit la femme écumante et tordue. Mais l’esprit ne fut point chassé. Et la Noël arriva sans que le temps eût changé. La veille au matin, le prêtre vint me trouver : ” J’ai envie, dit-il, de faire assister à l’office de cette nuit cette malheureuse. Peut-être Dieu fera-t-il un miracle en sa faveur, à l’heure même où il naquit d’une femme. ” Je répondis au curé : ” Je vous approuve absolument, monsieur l’abbé. Si elle a l’esprit frappé par la cérémonie (et rien n’est plus propice à l’émouvoir), elle peut être sauvée sans autre remède. ” Le vieux prêtre murmura : ” Vous n’êtes pas croyant, docteur, mais aidez-moi, n’est-ce pas ? Vous vous chargez de l’amener ? ” Et je lui promis mon aide. Le soir vint, puis la nuit ; et la cloche de l’église se mit à sonner, jetant sa voix plaintive à travers l’espace morne, sur l’étendue blanche et glacée des neiges. Des êtres noirs s’en venaient lentement, par groupes, dociles au cri d’airain du clocher. La pleine lune éclairait d’une lueur vive et blafarde tout l’horizon, rendait plus visible la pâle désolation des champs. J’avais pris quatre hommes robustes et je me rendis à la forge. La possédée hurlait toujours, attachée à sa couche. On la vêtit proprement malgré sa résistance éperdue, et on l’emporta. L’église était maintenant pleine de monde, illuminée et froide ; les chantres poussaient leurs notes monotones ; le serpent ronflait ; la petite sonnette de l
‘e
nfant de chœur tintait, réglant les mouvements des fidèles. J’enfermai la femme et ses gardiens dans la cuisine du presbytère, et j’attendis le moment que je croyais favorable. Je choisis l’instant qui suit la communion. Tous les paysans, hommes et femmes, avaient reçu leur Dieu pour fléchir sa rigueur. Un grand silence planait pendant que le prêtre achevait le mystère divin. Sur mon ordre, la porte fut ouverte et les quatre aides apportèrent la folle. Dès qu’elle aperçut les lumières, la foule à genoux, le chœur en feu et le tabernacle doré, elle se débattit d’une telle vigueur, qu’elle faillit nous échapper, et elle poussa des clameurs si aiguës qu’un frisson d’épouvante passa dans l’église ; toutes les têtes se relevèrent ; des gens s’enfuirent. Elle n’avait plus la forme d’une femme, crispée et tordue en nos mains, le visage contourné, les yeux fous. On la traîna jusqu’aux marches du chœur et puis on la tint fortement accroupie à terre. Le prêtre s’était levé ; il attendait. Dès qu’il la vit arrêtée, il prit en ses mains l’ostensoir ceint de rayons d’or, avec l’hostie blanche au milieu, et, s’avançant de quelques pas, il l’éleva de ses deux bras tendus au-dessus de sa tête, le présentant aux regards effarés de la démoniaque. . Elle hurlait toujours, l’œil fixé, tendu sur cet objet rayonnant. Et le prêtre demeurait tellement immobile qu’on l’aurait pris pour une statue. Et cela dura longtemps, longtemps. La femme semblait saisie de peur, fascinée ; elle contemplait fixement l’ostensoir, secouée encore de tremblements terribles, mais passagers, et criant toujours, mais d’une voix moins déchirante. Et cela dura encore longtemps.

Port-Rhu, le port-musée

Nul autre endroit qu’un port désaffecté aurait pû convenir à un musée du bateau. Port-Rhu, à Douarnenez (Au bout du Finistère, sur la route du Raz, lieu supposé de l’existence de la ville d’Ys) accueille des bateaux dans leur milieu naturel et reconstitue la vie des marins dans cette ville sardinière (la conserverie est une des plus grosses de France).

Vous pourrez y observer le langoustier Notre Dame de Rocamadour, la barge Northdown ou le remorqueur Saint-Denys. Est également exposé un bateau-phare anglais, le Scarweather, dont la couleur rouge et la coque en métal en font un des fleurons de la flotte. Un lieu magique à découvrir lors de votre prochaine escapade en Bretagne.

Scarweather, bateau phare

Des spaghettis et un rasoir

Je suis désolé, vraiment navré de vous appprendre ça, mais ce sont des choses qui existent…

… Et qui se branchent sur USB. C’est navrant. Akihabara News nous révèle l’existence des spaghettis USB (200€ pour un câble à rallonge) et du rasoir, histoire de se raser devant son PC… Miroir non fourni.

Tiens et puisqu’on y est, découvrez le tag’liatelli et le rasta pouf. Chez Funfurde.

Un dernier pour la route: Wakamaru chez Nanoblog.

L'histoire interdite #2 (le fantôme du chamane)

Après l’histoire de la pêche au crabe {L’histoire interdite #1 (la pêche au crabe)}, je continue mon histoire interdite. J’ai vécu des choses extraordinaires et faire partager cela est important.

Après mon arrivée à Moscou, où j’ai travaillé quelques mois comme coursier pour un bijoutier, j’ai pris plusieurs billets d’avions pour finalement atterrir en Argentine. Je voulais connaître les Andes, les hauts-plateaux désertiques et arides, l’expérience des froids andins… Ce que j’ai vécu là-bas, dans les montagnes près de Mendoza, non loin du Pozo de las animas (le puits des âmes), m’a laissé un goût d’inachevé, de surprise…

argentina

Je ne vous raconterai pas les hasards qui m’ont fait atterrir à cet endroit en particulier, cela prendrait beaucoup trop de temps, mais j’ai fait la connaissance d’un certain Eduardo dans un bar de Mendoza, entre deux bières passablement sans saveur. Nous avons engagé la conversation autour des montagnes qui enserrent la région et puisque j’étais là pour ça, je lui demandai s’il connaissait un moyen de se rendre là-haut sans danger et s’il savait où l’on pouvait trouver un guide. Je n’eus pas à chercher longtemps… son grand-père habitait au pied de la seule route qui montait au Pozo de las animas, dans une cahutte sans confort.

Rendez-vous était pris pour le lendemain matin et à l’endroit indiqué, Eduardo m’attendait dans une voiture d’un autre âge, d’une marque inconnue. Il me fit monter dans sa guimbarde et il m’emmena jusqu’à la maison spartiate du vieil homme. Nous étions déjà loin de toute civilisation et je sentis une atmosphère de mystère autour de ce lieu. Eduardo ne frappa pas à la porte et me fit entrer dans un lieu très sombre, dans lequel on pouvait distinguer un désordre sans nom et duquel se dégageait une forte odeur de tabac à pipe brûlé. Un vieillard hirsute et torse-nu portant une simple pantalon de lin dégoûtant, un panama vissé sur la tête, sortit de nulle part et me serra chaleureusement la main. Eduardo me présenta son abuelo comme le meilleur guide de montagne qui soit dans la région. J’avoue que je commençais à avoir des doutes sérieux quant à ma réelle volonté de m’aventurer dans les hauteurs avec un vieillard qui semblait ne plus avoir toute sa tête.

Nous restâmes toute la journée au dehors et j’entendis de la bouche du vieil homme des histoires et des légendes dont je me disais qu’il fallait avoir l’imagination fertile pour les inventer et la mémoire bien rangée pour s’en souvenir. Le soir se mit à tomber et autour du feu, il continua à raconter ses histoires en tirant comme un fou sur sa pipe depuis le matin. A la fin d’une de ses histoires, il se leva et rentra dans sa cahutte. Eduardo me dit que c’était fini et qu’il était temps de dormir. Je dormis dehors dans mon sac de couchage et je me réveillai épuisé par une nuit lardée de cauchemars, le visage trempée par une rosée venue de nulle part.

Eduardo avait passé la nuit à mes côtés et il me dit qu’il viendrait avec nous. Le vieillard sorti de sa maison et nous partîmes à flanc de montagnes, vers les hautes cîmes… Nous avons passé deux journées entières à marcher parmi les caillasses et des sortes de dust bowls qu’on aurait pu croire sorties d’un studio de cinéma hollywoodien. Arrivés sur une crête rocheuse depuis laquelle le paysage montagneux semblait s’étaler à perte de vue, nous nous sommes posés, histoire de souffler. Il était midi au soleil et le froid commençait à se faire sérieusement sentir.

Mon compagnon de fortune posa son sac et regarda son grand-père, puis me prit par les épaules. Il me dit calmement:

– Romuald, lo que vas a ver, no debria decirlo a ningùn. (ce que tu verras, tu ne le diras à personne)

Mes yeux se sont écarquillés. Je ne comprenais pas. Il me dit ensuite qu’il allait accompagner son grand-père plus haut encore dans les montagnes et qu’ils ne reviendraient pas de leur voyage, que les esprits les attendaient et qu’ils allaient faire un long voyage. Je ne comprenais rien de ce qu’il me racontait. Nous prîmes ensuite un déjeuner frugal comme si de rien n’était mais je commençais vraiment à m’inquiéter à propos de ce qui allait se passer. Le soir venu, nous n’avions toujours pas bougé de le crête. J’avalais mon repas et prit une gorgée d’eau. Ce qui se passa ensuite reste très confus encore aujourd’hui.

Je commençai à être pris de nausées intenses et ma vue se brouilla. Je vis Eduardo et son grand-père prendre leurs affaires et repartir. Malgré mes efforts, je n’arrivai pas à me lever et après avoir vainement tenté de résister, je m’évanouis.

Le lendemain, je me réveillai avec un mal de crâne pas possible et je me mis immédiatement à la recherche des deux hommes, que je finis par apercevoir beaucoup plus haut sur une autre crête beaucoup trop loin à rejoindre. Je regardais les deux hommes et me demandais où ils pouvaient bien aller comme ça, surtout s’ils ne comptaient pas revenir. Il s’éloignèrent encore, jusqu’à disparaître.

Je ne voulais pas les suivre et je pliai bagages pour retourner à Mendoza. Après avoir marché longuement avec ma migraine, je finis par voir au loin la maison du vieillard. Plus je m’en approchais, plus je trouvais que quelque chose de bizarre était en train de se produire, et c’est à quelques mètres de la maison, que je compris. La maison était dévastée, encore plus que lors de ma dernière visite et tout semblait indiquer que personne n’avait vécu ici depuis des années. La poussière avait envahi l’intérieur comme si une tempête de sable avait soufflé à l’intérieur. Le plus étonnant, c’est que la voiture d’Eduardo en était recouverte d’une épaisse couche. Tout ici indiquait que le désert avait repris ses droits comme par enchantement.

J’ai rejoint Mendoza à pied, de peur que la voiture d’Eduardo ne soit sous l’emprise d’un quelconque maléfice. Au revoir Mendoza et tes gens étranges, au revoir l’Argentine mystérieuse. C’est après ces événements que je suis retourné à Paris.

L'histoire interdite #1 (la pêche au crabe)

Lorsqu’on me demande si je suis déjà allé Etats-Unis, j’ai la mauvaise habitude de dire que je ne m’y suis jamais rendu, et c’est en fait faux. En 1997, je suis parti en Alaska, le quarante-neuvième Etat, afin d’y vivre une expérience hors du commun. J’étais alors âgé de 22 ans. Je n’avais qu’une seule idée en tête, partir pêcher dans les eaux glaciales de la mer de Bering. Pêcher quoi ? Le crabe royal, ou king crabe, un crustacé géant qui ne vit que dans les eaux froides et que l’on retrouve à prix d’or dans des petites boîtes de conserve dans les grandes surfaces.

Plutôt qu’une pêche miraculeuse, la partie a tourné au cauchemar, une cauchemar anormal, une expérience dont on ne sort pas indemne. Une histoire interdite dont je me décide enfin à parler ici.

En arrivant dans ce nouveau pays, je n’avais qu’une seule idée en tête, rejoindre le port de pêche. Au petit matin, je partis donc le long des quais ; d’énormes bâtiments destinés à la pêche en haute mer étaient alignés, tous amarrés avec de solides cordages, ne bougeant pas d’un pouce dans leur enclos de béton.

La capitainerie du port était ouverte toutes la nuit et dans mon anglais encore approximatif, j’ai finalement réussi à faire comprendre à l’agent en poste que je souhaitais être embauché sur un de ces navires pour aller pêcher le king crabe en haute mer. Le type m’a regardé de son oeil encore bercé des brûmes du sommeil tout en toisant ma carrure d’athlète anorexique. La conversation a duré un bon quart d’heure, pendant lequel il a vainement tenté de me dissuader de quoi que ce soit, sous prétexte que tout ceci n’était réservé qu’à des gens doués d’une certaine forme physique, résistant aux froids extrêmes (le température en mer passe à 40°C en dessous de zéro, sans compter le vent) et que les campagnes de pêche durent au minimum deux mois. Tout ceci ne me faisait pas peur. Je souhaitais plus que tout vivre cela. Bien sûr, les types qui partent sur ces bateaux sont grassement rétribués en raison du risque, mais cela n’avait rien à voir avec ma décision. Il a finalement cédé et m’a dit d’aller voir un certain MacPherson sur le quai n°3, sur un navire du nom de Northern Star 4.

Arrivés devant le sombre navire, un bateau usine tonnant large, je pris la rampe pour me diriger vers la cabine. Le type qui dormais sur le fauteuil du capitaine n’avait ni plus ni moins l’air d’un poivrot aviné, et mon arrivée ne le réveilla pas. Je le secouais vigoureusement et il finit par émerger de son profond sommeil. Apparemment peu surpris de voir une inconnu monter sur son bateau, il m’a toisé en me demandant ce que je voulais. L’entretien dura à peine deux minutes et après que je lui aie expliqué le pourquoi de ma présence, il me dit de revenir le lendemain à 2h00 du matin. L’affaire était conclue contre toute attente. J’étais venu ici pour assouvir mon désir et les choses se déroulaient finalement tel que je voulais.

Deux jours plus tard, j’avais les pieds sur un bateau mais le bateau se trouvait au-dessus de fonds abyssaux dont la simple évocation de la noirceur ne faisait finalement que m’angoisser. Je tentais de ne pas y penser, et maintenant que nous étions en mer, les choses sérieuses allaient commencer. Nous sortions pour aller poser les casiers dans des conditions atroces. Le vent et le froid n’avaient pas de pitié pour nos vêtements imperméables, vrillant nos os en profondeur et paralysant nos membres si toutefois on restait trop longtemps sans bouger. La plupart du temps, nous travaillions de nuit, nous relevant par quart de deux heures afin d’éviter l’épuisement. Je dois avouer que si je voulais en baver, j’étais plus que largement servi. Le travail était harassant et les rares moments de repos m’absorbaient dans un sommeil dont mes collègues ne me tiraient qu’avec difficulté.

Le vent forcit sévèrement et une pluie glacée ressemblant plus à de la neige collante commença à se déverser sur les bordées, emprisonnant le matériel sous une épaisse couche de glace qu’il nous fallait faire craquer. Un type originaire de Colombie Britannique et moi-même avons été réquisitionnés pour abattre la glace. A coup de hache et de pioche, nous dégagions la navire de sa gangue de glace afin d’éviter que le poids entraîne le bateau vers le fond. Un travail de bagnard, sans relâche.

C’est au plus fort de la tempête que mon aventure à la Jack London tourna au cauchemar. Tout se passa très vite. Nous étions en pleine mer, à mi-temps de la campagne de pêche et nous étions en plein ramassage des casiers. Les casiers pleins partaient en cale pour déverser des tonnes de crabes immenses, certains spécimens pouvant largement dépasser le mètre d’envergure, et moi, j’étais toujours sur le pont avant pour dégager la glace. Mes bras étaient tout endoloris et je vivais cette vie comme un zombie, les yeux cernés de noir. Nous entendîmes un grand craquement sur les parois de la coque et le regard ébahi de mes collègues me laissa présager que rien de bon n’allait se produire. Un second craquement se fit entendre, comme si quelqu’un s’amusait à ouvrir la coque avec une ouvre-boîte géant. Puis une secousse fit trembler le navire jusque dans les moindres câbles. Nous nous réfugiâmes tous autant que nous étions dans la cabine de pilotage et le capitaine commença à bredouiller des paroles incompréhensibles dans un anglais pitoyable. Deux hommes descendirent dans la machinerie et le moteur finit par arrêter de ronronner, nous laissant dans un terrible silence, uniquement bercé par le vent qui faisait claquer la pluie sur les vitres.

Apparemment, le capitaine ne comprenait pas trop ce qui se passait et personnellement, je restais le regard rivé sur ses yeux, comme pour jauger l’état de la situation d’après ses réactions. Ceux qui étaient descendus à la machinerie ne répondait pas aux appels du capitaine par la radio. Deux autres partirent les rejoindre pour voir ce qui se passait en dessous, mais au bout de quelques minutes, ils ne répondirent plus non plus.

La capitaine ne chercha pas midi à quatorze heure, il relança les machines et le bateau reprit son vrombissement infernal. Deux jours plus tard, mes sept camarades et moi-même n’avions pas quitté la cabine et le port d’Anchorage pointait le bout de son nez au loin. Ce qui m’étonna tout au long du voyage retour, c’est le silence absolu dans lequel nous avions fait notre route. Même le capitaine, MacPherson ne se servit plus de la radio jusqu’au moment d’annoncer son arrivée dans le port. Les quatre hommes descendus en machinerie n’avaient toujours pas refait surface et on pouvait lire sur le visage de mes camarades une sorte de dépit résigné, comme si tout cela rentrait dans l’ordre des choses. Désormais, le seul but était de rentrer au plus vite et de constater les dégâts.

Nous amarrâmes le bateau au quai et comme si cela était l’assurance que rien ne pouvait plus arriver, nous descendîmes dans la machinerie afin de comprendre. Il faisait jour dans la salle. La coque, d’une épaisseur de 15 cm de tôle était trouée comme un vulgaire morceau de carton, sur une circonférence de 3 mètres. Les bords du trou était rentrés vers l’intérieur, pliant la tôle déchiré comme si un boulet de canon l’avait transpercée. Sur le sol, une gigantesque flaque de sang nous laissa présager qu’on ne pourrait retrouver aucun des 4 types que nous avions laissé en plan. Nous visitâmes quand même la navire et nous retrouvâmes le type qui venait de Colombie Britannique, un grand gaillard à la peau mate à l’oreille percée et ornée d’un anneau d’or. Il était allongé sur le sol de la cambuse, prostré, les yeux grands ouverts et l’écume aux lèvres. Il était manifestement le seul à avoir survécu à quelque chose que nous n’avons même pas essayé de nous expliquer. Nous avons hissé le type à terre et nous nous sommes dispersés sans un mot.

Pour ma part, je courus récupérer mon salaire au bureau de la compagnie et je pris un taxi à la sortie des quais. Je demandai au chauffeur de me déposer au plus vite à l’aéroport pour sauter dans le premier vol pour Vancouver.

Deux jours plus tard, j’arrivais à Moscou.

Renard-garoute

(Noir. Silence sur scène. Soudain, un grand bruit.)

TATOU (nu, hurlant et courant partout sur la scène) – INTERNET EXPLORER, MIKRO$OFT, WINDOWS, JE VOUS HAISSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS !!!

(Tatou sort. Noir. Un panneau s’éclaire sur la scène : “La dépendance à Firefox, fléau de notre époque ?”)

(Le rideau tombe.)

Tatou

Electromind reloaded

Electromind - Umek

Un départ sur les chapeaux de roues le vendredi vers Nîmes pour récupérer Sacha Funke à Nîmes et le déposer à Marseilles. Mais là ce n’est que le début de l’aventure car 30 bornes après être partis, on se rend compte que notre X-Trail perd du gasoil. Point avec l’agence de location, on continuera jusqu’à Marignane vu qu’on doit récupérer Umek à l’aéroport. La voiture empeste l’essence, les voitures qui nous suivent (Il vaut mieux être suivi que suivant dixit Jacques Brel) s’en prennent plein le parebrise. Sacha prend sur lui et on arrive dans un état passablement second à cause des vapeurs. Changement de voiture et on drop l’X-Trail (customisé Electromind-Music Car) chez le loueur. Umek étant assez naze, il dormira tout le long du voyage de retour.

Quand nous revenons en fin d’après midi sur le site (par une route spéciale backstage) on se fait controller par la brigade de la police municipale de Montpellier (dotée de grosses Ford américaines … devrais cowboys). Notre nouvelle voiture n’étant pas customisé, un des policiers appelle le pc central et avec son accent genre le sketch des Inconnus, informe son chef que :

Je confirme, deux jeunes dans une voiture V.I.P banalisée …

Nous avions beaucoup de mal à cacher notre fou-rire.

Je passerai les détails sur d’autres anecdotes et a/r en voiture avec Fafa Monteco, Didier Sinclair, Coder 23, Renato Cohen, Oxia

Vendredi 22 :

Steve Bug signera un set électro entre minimal et techno. Un choix de morceaux percutants et efficaces.

Ben Sims pour sa part livrera un mix techno bien amené et très dansant. Le public ne s’y trompera pas.

Tonio restera fidèle à lui même en tordant les platines comme il sait si bien le faire. L’ambiance est au plus chaud.

Dave Clarke, quant à lui ne dérogera pas à sa rêgle de mix clean du début à la fin. Personnellement je préfère ses mixs électro plutôt que techno.

Umek, le slovène, ami de Valentino Kanziani, créateur de Recycled Loops fermera ce premier soir avec un set techno contondant et fun.

Samedi 23 :

Pas vu grand chose en définitive ce soir là, tant j’ai dû faire la navette entre le site et les hotels. On retiendra donc pour ma part un repas rapide avec Didier et Fafa, une rencontre éclair avec The Hacker, des Coder 23 très en forme qui ont su nous ravir avec un set mélangeant live-act et mix (dont morceaux de Front 242), des 808 State qui sont bien barrés sur scène, Detroit Grand Pubhas qui méritaient de passer plus tard, Johannes Heil excellent en Live-act electro, Anthony Rother égal à lui même mais en un peu plus enveloppé, Le Lutin roi de la Drum and Bass et Gallou qui, comme il sait si bien le faire, te tord un dancefloor dans tous les sens pour cloturer ce festival.

Tout ça pour dire que pour une première édition ce festival est une grande réussite tant par la présence d’artistes internationaux, que par l’accueuil du public.

C’est pas tout ça, mais il faudrait peut-être qu’ils commencent à préparer l’édition 2006, maintenant.

Pour les photos, jetez un coup d’oeil

Auvergne dernier jour

Nous sommes sur le départ, et pourtant, nous voulons encore voir, toujours plus… Cette fois-ci, depuis notre arrière campagne reculée, aux frontières de la Corrèze, nous choisissons finalement de partir pour le Cantal, un peu plus au sud.

Et comme nous redescendons de nos hauteurs, il fait beaucoup plus chaud, vraiment…

A nouveau, nous prenons notre déjeuner près de la rivière et zouzou en profite pour se baigner dans l’eau glacée. Ses rires retentissent dans mes oreilles… c’est le bonheur.

Nous descendons vers la retenue de Bort et je trouve incroyable, alors que des milliers d’imbéciles se ruent sur les plages du sud pour s’entasser sur deux centimètres carrés de sable, que cet endroit magnifique soit aussi désertique.

auvergne-79 auvergne-80

A Bort-les-Orgues, je suis pris d’un mystérieux mal-être alors que nous surplombons la ville de près de 400 mètres, face aux concrétions volcaniques qui donnent leurs noms à la ville. Je n’ai pris qu’une seule photo, incapable de rester sur ces à-pics qui me donnent… le vertige.

auvergne-81

Nous finissons notre excursion avec le barrage EDF de Bort. Là aussi, j’ai le vertige. Moi qui autrefois pouvait danser sur les crêtes ardéchoises…. ce temps est semble t-il révolu.

auvergne-82 auvergne-83 auvergne-84

21h00, nous partons. La route du retour est longue et incertaine. Finalement, nous sommes de retour chez nous à 5h00 du matin. Je recommence le travail à 13h30. Difficile d’être en vacances….