Jolie métaphore d’un univers en repos dans un pays en pleine expansion économique – les corps reposés, reposant, à l’abandon dans le plus pûr délaissement de soi – situations comiques ou extravagantes, corps avachis, recourbés pleins de sommeil et de joyeuse bonhommie. Renard qui trotte, vaut mieux que lion qui dort. (proverbe turc).
Trois catégories de renards qui dorment, les hardsleepers, les softsleepers et les groupsleepers, sur Sleeping Chinese.
Il écrivait une histoire
Tous les soirs, il écrivait un histoire – une histoire sans intérêt qu’il arrivait à dérouler comme un tapis rouge, comme une invite à l’honneur – enturbanné dans ses draps, affalé sur son oreiller, il composait des histoires communes que son style rendait passionnantes et agréables à lire, les songes l’emportaient souvent, les rêves l’embarquaient sur de grands navires capables de franchir des mers inconnues aux abords d’îles vierges et encore inexplorées, dessinant portulans et cartulaires d’un autre âge.
Tous les soirs, il composait des petits textes dont lui seul avait le secret avant que le sommeil ne l’emporte, entre deux lignes de ses lectures princières et les romans affables de ses contemporains qui eux connaissaient la célébrité et la joie de figurer parmi les rayons des librairies et pour quelques uns des bibliothèques, au regard d’un monde qui ne l’a jamais attendu.
On l’appelait l’écrivain de la nuit, terré chez lui, dégingandé comme un pantin de bois entortillé dans ses draps blancs, ses endormissements secoués par les mots et les phrases qui s’entrelaçaient et se construisaient. De sa dormition émanaient des textes aux couleurs bibliques, aux relents mystiques, fleurant l’encens répandu dans les cathédrales, dans des dimensions surhumaines.
Tous les soirs il écrivait des histoires dans son esprit.
Tous les soirs. Et tous les soirs il s’endormait au beau milieu de ses histoires.
Tous les matins, il se réveillait en se demandant ce qu’il avait bien pu en faire.
Et tous les soirs, il écrivait des histoires.