Grand Corps Salade

Alors lui !! Alors lui ! Bon Dieu qu’il m’énerve. Attends, je te fais un slam…
Avec sa dégaine de loulou des banlieues, sa voix grave très légèrement poussée, à peine, et sa béquille qui boite, il représente à mes yeux tout ce que la machine commerciale peut commettre de pire. Sous couvert de poésie – déjà que la poésie me fatigue mais alors là, c’est puissance 10 – il ne fait qu’écrire des textes sombres et sans saveur. Attends, je te fais un slam…
Et moi qui croyait que sa béquille, il l’avait attrapé dans une bataille rangée de loulous des banlieues, un coup de surin parti tout seul ou une balle perdue, non non. Monsieur s’est raclé sur le béton à la piscine municipale. Attends, je te fais un slam…
C’est ballot, hein ? Je suis désolé, mais je ne peux pas. Le slam c’est rien, c’est moche, c’est triste à mourir ou à chialer, c’est pas de l’art, c’est du vent passé à la moulinette Universal et surtout, c’est très tendance. Côté chanson française, on encense, on congratule, mais que la chanson française fasse déjà le ménage dans ses rangs! Attends, je te fais un slam…
Voilà, c’est mode, c’est monotone et ça plait aux bobos. Au moins les bobos servent à quelque chose, ils écoutent tout ce qu’il y a de plus merdique dans les bacs, ça évite de se tromper. Grand Corps Salade, attends, je te fais un slam…

Les histoires d’amour, c’est comme les voyages en train
Et quand je vois tous ces voyageurs, parfois j’aimerais en être un
Pourquoi tu crois que tant de gens attendent sur le quai de la gare
Pourquoi tu crois qu’on flippe autant d’arriver en retard

Voilà, je t’ai fait un slam, désolé mais il est midi vingt et je dois aller acheter une salade, et puis des brocolis pendant que j’y suis (oh, ça rime!)

Sur la route de Marigny

Voici ce qu’on appelle typiquement un non-événement. Je ne suis pas un grand cinéphile pour deux sous, mais il est des choses intouchables parmi les oeuvres du cinéma hollywoodien. En l’occurrence, le chef d’oeuvre cinématographique de Clint Eastwood adapté du roman de Robert James Waller, The Bridges of Madison County, fait partie de ces petits moments de bonheur qui marquent, parce que les acteurs rendent une charge émotionnelle indiscutable, parce que la mise en scène, la photographie sont parfaitement maîtrisées. Ce film, avec Meryl Streep, incomparable, est comme Out of Africa, un succès commercial parfaitement réalisé.

Aussi, lorsque je vois qu’Alain Delon et Mireille Darc montent sur scène au théâtre Marigny pour jouer cette pièce, j’ai tout de suite beaucoup de mal à imaginer Delon face à Eastwood dans le rôle de Robert Kincaid et Mireille Darc face à Meryl Streep dans celui de Francesca Johnson, c’est un peu comme si on tentait de me vendre un pot de cornichons quand je demande un pot de marmelade d’oranges amères. Sur Europe 1, partenaire du spectacle, j’ai entendu l’annonce et on entend Delon déclamer “je cherche un pont couvert, etc.” avec un tel détachement qu’on croirait qu’il est en train de se couper les ongles pendant qu’il parle, absolument sans conviction et comme s’il demandait un timbre et une boîte d’allumettes au bar-tabac Le Balto

Assurément, ce sera LA pièce de théâtre que je n’irai pas voir cette année…

Une belle journée

Lorsque vous lirez ce billet, je serai déjà loin. Je passe la journée dans la Somme, à quelques deux cents kilomètres de Paris, si toutefois j’arrive jusque là puisqu’il est prévu de la neige. Comble du raffinement, je me fais conduire dans une voiture confortable accompagné de deux filles, ayant ainsi la possibilité d’admirer à loisir ce paysage de plaines monotones qui pourtant m’attire tant. Les paysages du Nord provoquent toujours des sourires de condescendance, presque de pitié, mais tout dépend de la façon dont on les regarde, car il ne suffit pas d’avoir des yeux pour voir, il faut aussi ressentir le monde. Je conduis souvent et j’ai rarement l’opportunité de faire le touriste ; je me promets à moi-même d’en profiter au maximum. Les voyages en train, je les aime tout autant, mais derrière les vitres sales des wagons, on voit les paysages sous une forme qui ne leur convient guère.

Il fait froid, humide, tandis que les quelques minces flocons tombés ce matin ont déjà fondu, ne laissant rien d’autre sur le bitume qu’une pellicule flasque. Je suis sorti pour m’enquérir de l’état de santé de ma voiture qui se refait une cure de jouvence chez le mécanicien ; rassurez-vous, elle semble aller bien.

Je suis prêt, mon caban est sur la chaise, prêt à être enfilé, ma besace elle aussi est fermée. Je n’ai plus qu’à chausser mes lunettes et à attendre qu’on m’appelle pour partir.

Je n’ai rien d’autre à dire, si ce n’est qu’une étrange paix intérieure m’anime, les yeux tombants et la gorge sèche. Pour l’instant, tout va bien, je suis heureux, je suis bien.

It's nothing, it's nothing…

Ce qui est étrange sur avec les mots, c’est qu’on n’y voit pas ce qu’on est en droit d’attendre. On ne peut voir l’auteur en train d’écrire, on ne voit pas non plus ce qu’il ressent tandis que lui ne met dans ses mots que ce qu’il veut bien y mettre en tentant de tromper son monde. Seulement, en ce moment, j’ai l’impression que ce je cache se voit beaucoup trop. Ma fatigue, cette impression manifeste que rien d’excitant ne se produit dans ma vie, le fait que je me sente tout à coup vieillir, tout ceci ne se voit pas et de toute façon ça n’intéresse ni ne regarde personne.

Normalement, la moindre petite étincelle a pour moi cette potentialité de se transformer en feu de joie. Donc, quelque chose ne va pas en ce moment et le problème c’est que je ne sais pas ce que c’est. Je passe mon temps à me demander pourquoi je ne lis pas ou pourquoi je n’écris pas, ou alors pourquoi je n’arrive à me décider entre l’un ou l’autre et tout ceci se révèle absolument contre-productif.

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Hadouk Trio – Live à FIP

Hadouk Trio - Live à FIP

Une référence notée parmi tant d’autres dans mes carnets, un nom qui donne envie de se plonger dans les ambiances musicales d’un souk de Basse-Egypte ou du Kazakhstan, une rencontre au hasard, un album qui trainait sur le bord d’une table… Et puis j’ai écouté, je me suis laissé entrainé tandis que je tentais d’éviter les regards hagards des gens dans un train de banlieue.

Hadouk Trio, c’est la rencontre de trois musiciens. Didier Malherbe aux instruments à vent, jazzman exotique, Loy Ehrlich auc claviers et au hajouj, compagnon de Peter Gabriel et Youssou N’dour, et Steve Shahan aux percussions forment un ensemble aux accords parfaits. Il y a quelque chose de magique, de presque chamanique dans ces rythmes et dans ces vents. Mais en ce qui concerne la musique, je préfère vous laisser écouter, rien ne vaut un jugement sans a priori.

Loukoumotive…:
[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/3%20-%20Loukoumotive.mp3]

Podcasts du savoir

Le Collège de France, depuis peu, diffuse en podcasting les cours dispensés dans ses magnifiques amphithéâtres.

Le succès de certains cours comme par exemple celui d’Antoine Compagnon, Professeur de littérature française moderne et contemporaine (Histoire, critique, théorie), qu’il dispense sur Proust (Mémoire de la littérature) a contraint la célèbre institution à développer cette technologie pour éviter l’engorgement du lieu.

Une aventure grandiose et un moyen simple de se cultiver en sirotant une tasse de thé.

La boîte à idées

Haddon Sundblom

En lisant un des derniers billets de Yoggibat, je me suis rendu compte (en fait non, je le savais) que si on prend comme prédicat de base que tout, a priori, est blogable, à l’inverse tout n’est pas forcément commentable (en deux mots ou un seul, je ne sais pas). Si à un certain moment je me suis demandé si mes lecteurs n’avaient pas fini par déserter mon écriture, je me rends compte maintenant que ce que j’écris n’est pas forcément susceptible d’être commenté. Mais mesure t-on la popularité ou la qualité d’un blog à l’aune du nombre de ses commentaires ? J’ose espérer que non. Mieux, j’en suis persuadé.

Aussi en cette période de fin d’année, j’ai décidé d’adopter un ton (non, je n’ai pas dit que j’allais adopter un thon, ce qui par ailleurs ne m’avancerait pas à grand chose) plus léger, plus badin et primesautier.

Et si vous voulez tout savoir, trainant par-devers moi quelques carnets remplis d’idées passagères, des bribes de conversations, des ébauches de machins et de trucs, je pense avoir largement de quoi remplir un demi-trillion (® Fabienne) de billets.

Je ne sais plus qui a dit un jour que ce blog était une boîte à idées. Pas moi en tout cas.

Un train pour nulle part

Hier matin, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas beaucoup de monde dans le train. Mon RER est arrivé à l’heure, tout le monde s’est engouffré dans le train pour Gare du Nord et il ne restait plus personne sur le quai.
Le train était vide et j’ai pu poser mes fesses sans problèmes. C’est une fois arrivé au boulot, à la même heure que d’habitude que j’ai appris que c’était un jour de grève. Quand je pense à tous ces cons qui ont du se trainer cul à cul sur la route.

Du coup, le soir, je savais plus ou moins à quoi m’attendre. Et effectivement, arrivé à Pereire, mon train avait une demi-heure de retard. Comme je déteste perdre du temps et passer mon temps à ne rien faire, je suis sorti de la gare, un gare pourrie et sale, indigne de ce nom. Je pense qu’il existe des stations de métro à New-York plus propres que celle-ci. Quand on sait que cette station se trouve dans le 17ème arrondissement (dont Mme de Panafieu est maire), donc un les plus beaux quartiers de Paris, je trouve ça déplorable.

Donc, je sors de cette gare, pour faire un tour en attendant mon train.

Et je suis attiré par quelqu’un qui parle fort dans un micro. Rue Puvis de Chavannes, un attroupement bloque le rue en son milieu, et je vois un homme, éclairé par une lumière froide et crue, entouré d’une foule guindée, derrière un pupitre de plexi, faisant l’apologie d’un homme, en citant des phrases d’inspiration religieuse orthodoxe. Sur le mur derrière lui, visiblement une plaque allait être dévoilée, attendant derrière son rideau qu’on la laisse respirer.

J’ai écouté le discours, intrigué, en regardant l’heure, histoire de ne pas louper mon train, et je craignais de devoir partir avant d’avoir su de qui il était question. Et finalement, le voile s’est levé, et j’ai découvert que l’on inaugurait là une plaque en l’honneur d'Andrei Tarkowski, dont le 17 rue Puvis de Chavannes a été la dernière demeure.

Un moment intense de recueillement s’en est ensuivi. J’étais ému de voir tous ces gens se recueillir sur cette plaque, respectant la mémoire d’un homme mort il y a 20 ans et dont ces derniers temps j’avais fait l’apologie, à propos de son film Le Sacrifice.

Un hasard… Une rencontre comme je les aime.

La perfection des lignes

Il fait doux ce matin.

A mon arrivée au guichet de la gare, je jette un coup d’oeil à la pendule. Depuis deux mois, l’affichage électronique des horaires des trains est toujours momentanément suspendu. Je me retourne vers la vitre et je surprends le visage d’un ange tendu vers moi qui me sourit; elle réussit à m’arracher un moment de satisfaction et de plaisir. Je lui souris également, politesses échangées. Moment tendre.

Dehors, une rangée de culs alignés sur les bancs du quai. Certains plus généreux que d’autres, d’autres plus beaux que certains. Je prends ma place sur le quai, toujours la même, en tête de train. Je n’aime pas la queue. En passant, une fille qui grille un clope me regarde marcher avec l’oeil en coin, l’air de se demander si je la regarde également. Evidemment jeune péronnelle, que je te regarde aussi.

Un peu plus loin, dans le métro, un visage taillé à la serpe en pantalon large de tweed me regarde l’air ensommeillé, distraitement, jette un coup d’oeil au livre que je tiens dans les mains. Elle est jolie, de cette beauté brute et sauvage que cache une épaisse chevelure indomptable.

Plastic House, Kengo Kuma, Tokyo.

Au sortir du métro, je vois Benjamin qui file vers la boulangerie acheter son petit croissant qu’il va encore fourrer dans la poche de son éternel pardessus noir. Tout va bien.

Le monde est toujours là, ses lignes sont parfaites.

Grand Moleskine

Mon Grand Moleskine, c’est mon journal qu’on peut retrouver là où se trouve ma gazette. Son grand format est un peu pervers car je ne peux m’empêcher d’y fourrer toutes sortes de choses, des motifs découpés, des vieux billets de train, des tickets de métro, des articles de journaux et depuis peu, je me suis rendu compte que je pouvais y glisser mes autres carnets, les petits, les fins. Il commence à être un peu épais, mais je fais ce que je veux, c’est à moi !

Sur la première photo, on peut voir l’accessoire ultime: l’élastique à carnet ! Mais ce sera pour un autre jour, les accessoires.

Grand Moleskine
Grand Moleskine
Grand Moleskine