Hideyuki Nakayama

Hideyuki Nakayama

Juste un beau site d’architecte, absolument minimaliste.

Photographies de Mitsuo Okamoto. Cliquez sur l’image sur le site pour voir défiler.

Bathysylvivesperosonobuccinophile

Avant de sortir d’une semaine de travail, voici de quoi se détendre un peu. Que l’on soit sujet à la capillotétratomie ou que l’on soit diptérosodomite, ou que l’on soit même atteint de chirohirsutisme, rien ne vaut parfois une bonne séance de cétacéhilarité. En rédigeant ce billet, j’essaie de ne pas tomber dans l’erratippexodactylographisie, ce qui serait franchement mal venu et pour cesser tout endovulnerocultellogyrisme, je vous laisse vous tordre de rire en lisant ce petit lexique de langue xyloglotte (comprendre langue de bois).

Voici comment l’auteur définit lui-même ce catalogue:

Le xyloglotte (en grec : langue de bois) est une langue nouvelle reposant sur le concept incontournable du complexificationnage. L’idée maîtresse s’exprime et se comprend aisément : pourquoi, comme le disait autrefois mon prof de math, se compliquer la vie à faire simple alors qu’il est si simple de faire compliqué ? Alors s’il existe des mots et des expressions compréhensibles par le commun des mortels, quoi de plus distrayant que de les rendre abscons ? Vous en avez rêvé, je l’ai fait.

Mon premier Moleskine

La première fois que je l’ai vu, je me suis rué dessus, sans vraiment savoir ce que c’était. Dans ma précipitation, j’ai pris le modèle carnet de voyage avec 5 onglets dont finalement, je n’ai que faire. Mais c’est mon premier moleskine et je l’adore.

Moleskine
Moleskine
Moleskine

Le livre et la glèbe

L’aspect d’un livre compte pour beaucoup dans l’acte d’achat. Lorsque je cherche un livre, comme par exemple la semaine, et que son aspect me rebute, rien à faire, ce n’est pas la peine que je l’achète car je sais que je ne le lirai pas. Je suis tombé sur sur Au-dessous du Volcan, le superbe livre de Malcolm Lowry (site officiel) et dont l’adaptation au cinéma par John Houston avec Albert Finney est une petite merveille du 7ème art, édité, il me semble, dans la collection Points Seuil. La simple vue de ces pages de mauvaise qualité, de la typographie ramassée et tout sauf moderne et de ces larges marges, j’ai presque jeté le bouquin comme si je venais de toucher le cadavre d’un animal mort. C’est plus fort que moi, je ne peux pas supporter ça.

Type Generator

Pareillement, un livre qu’a priori je n’achèterai pas en fonction de son auteur ou de son titre peut au contraire faire l’objet d’une belle surprise. Je pense notamment aux livres de la collection Bibliothèque Pavillons chez Robert Laffont, qui a eu la présence d’esprit de faire appel à un designer pour la concevoir. J’ai acheté un livre de Tennessee Williams, Sucre d’Orge sur lequel je n’aurais peut-être jamais posé les yeux si sa couverture à la fois brillante et mate, épurée et dont l’harmonie des couleurs fait envie, ne m’avait pas ainsi chatouillé les papilles oculaires.

D’autre part, je déteste les livres brochés. Je ne sais pas pourquoi mais sans parler du prix, j’ai toujours préféré lire les livres au format de poche. D’une part parce qu’ils sont d’un moindre encombrement dans une bibliothèque (surtout lorsque celle ci menace d’empiéter chaque un jour un peu plus sur l’espace vital) mais aussi parce que rien n’est aussi transportable qu’un livre de poche, dans un sac, dans une poche. Il n’y a que de très rares exceptions: Ulysse et Finnegann’s Wake de James Joyce, quelques tomes des oeuvres complètes d’Antonin Artaud, mais à part ça, je n’ai que des livres de poche. Sont exclus de mini-bibliothèque les éditions J’ai Lu, Garnier-Flammarion et Livre de Poche pour leur excessive laideur et le papier tour juste à subir le même sort que les pages du Figaro, c’est à dire boucher les toilettes. Par contre, y figurent en bonne place les éditions 10/18, Actes Sud et Points Seuil.

Mes critères de sélection d’un livre (en dehors des critères d’auteur et de titre) ? Sa couverture, la qualité de son papier, la typographie utilisée, sa consistance, son odeur, sa présence…

Caban

C’est par essence le vêtement du capitaine d’un navire.

Veste croisée en laine, dont originellement on gardait le suint pour le rendre imperméable, il ne faut pas le confondre avec le caban de pêche qui lui est en matière synthétique imperméable ou en coton imperméabilisé et qui s’accompagne du suroit. A ne pas confondre non plus avec le kabig, qui n’est ni plus ni moins qu’un duffle coat portant capuche et boutons de bois.

Ce que j’aime dans le caban, c’est cette boutonnière croisée avec ses gros boutons noirs, son col large qui une fois relevé vient se coincer sous les oreilles et protège du vent et qui donne un air si sévère, et ces poches basses qui permettent de contenir un livre de poche.
Depuis que j’ai perdu mon ancien caban dans des circonstances qu’aujourd’hui encore je n’arrive pas à comprendre, je suis à nouveau en possession d’un beau caban noir en laine, que m’ont offert mes grands parents.

Nostalgiques de tous les pays, unissez-vous…

Billet rédigé en collaboration avec Fabienne.

Leonid Brejnev

L’Est, le grand Est, celui qui pendant des années, au coeur du XXe siècle, a jeté une ombre glacée sur le monde en terrorisant les foules, iconographie du bolchévik, couteau entre les dents à la clef…Cet Est-là n’existe plus, il fait désormais partie du passé, même si quelques soubresauts inoffensifs se font parfois ressentir ça et là, mais de manière marginale. Pendant longtemps, tout ce qui se trouvait sur le territoire de l’ex-URSS (les Républiques soviétiques comme les pays satellites, de la Pologne à la Bulgarie) faisait peur, et rappelle certainement encore aujourd’hui de mauvais souvenirs. Evidemment, l’URSS, ce sont les goulags, la déportation, la répression politique et la répression tout court, des millions de morts, l’esclavage, le stalinisme…. Bref, un tableau bien sombre dans un paysageIouru Andropov immense et glacial. Je me souviens encore que lorsque j’étais tout gamin, j’ai vu se succéder à la tête de l’URSS des hommes à la mine renfrognée et austère : Leonid Brejnev, Iouri Andropov et Konstantin Tchernenko… Je me souviens également d’avoir étudié l’URSS lorsque j’étais au collège, ses innombrables républiques, les kolkhozes et les sovkhozes, la NEP[1], l’Industrialisation et les Grandes Purges. Tout ceci paraissait à la fois tellement barbare et tellement intriguant. En plein milieu du XXè siècle et après une guerre qui a fait des millions des morts, l’enfant que j’étais découvrait un monde sombre, dans lequel les films de James Bond m’avaient déjà trempé.

L’URSS, c’était aussi une menace. Une menace très concrète et très proche de nous. Berlin et son mur, ce sont plus que de simples notions, c’était une réalité avec laquelle nous qui sommes nés pendant la Guerre froide ou pendant cette période étrange qu’on appelait “la détente”, nous avons grandi. Je me souviens très bien des quelques informations, des quelques images qui nous parvenaient de par delà le rideau de fer: les files de gens qui attendaient dans le froid devant les commerces aux étals aussi vides que leurs regards, l’annonce de la mort d’un premier secrétaire du Parti, avec 4 ou 5 jours de retard, les défilés militaires sur la Place Rouge, et les tentatives de centaines de désespérés pour passer à l’Ouest.

Le monde, avant la chute de l’URSS, était bipolaire: les gentils à l’Ouest versus les méchants à l’Est; la liberté d’expression, le commerce et la prospérité du côté des USA (modèle indiscuté alors) versus le mutisme, les prix contrôlés et la déchéance du côté de Moscou; les champions blacks versus les nageuses est-allemandes. C’était là notre monde et la situation semblait figée, figée dans ce froid immense qui régnait des chantiers navals de Gdansk au port de Vladivostok.

Pourtant, il y a quelques années de cela, lors de la période chaotique et alcoolisée pendant laquelle a régné un certain Boris Eltsine, successeur putschiste du regretté Gorbatchev, je me souviens de ces images perturbantes pour un adolescent qui visiblement en perdait son latin. Des foules amassées sur la Place Rouge portant la banière rouge marquée en jaune de la faucille et du marteau, haranguaient les passants et réclamaient le retour au Communisme… Je découvrais les néo-communistes au travers de mon petit écran.

Depuis cette époque, on a diabolisé tout ce bloc qui est à l’est, aujourd’hui déchu…

J’ai posé quelques questions à Romu parce que je sais que l’univers qu’il représente sur son blog est pétri de cette iconographie. Ses réponses sont pour le moins surprenantes.

Moi: Pour toi, qu’est ce qui est attirant dans la Russie ? L’est, Le communisme?
Romu: Une époque dont on n’a jamais vraiment rien su, des lieux interdits et dont il ne reste que des traces éparpillées. Le Grand Meaulne quoi…
Moi: Et pourquoi tes blogs font référence à la Russie ?
Romu: Pour cette raison, ce sont des traces, comme dans une centaine d’années, il restera des traces sublimées de cet Internet.

Il m’a ensuite parlé de ce logo, en haut à droite de son blog.

Le petit bonhomme avec la kalash, c’est l’Ampfelmann, le bonhomme des feux d’Allemagne de l’est créé par un génie du design est-allemand. A la chute du mur, tous les est berlinois étaient pour le libéralisme, l’Ouest et les USA. Puis ensuite, ils ont commencé à réaliser.
Le temps est passé et les mécontentements se sont tassés.
Jusqu’au jour ou par souci d’uniformité, l’Ouest a voulu enlever les bonshommes des feux. Tollé général, manifs…
Les feux sont restés, finalement et l’année suivante, le parti communiste a fait 40 % aux législatives…
L’Ouest, c’est ce genre d’anecdotes irrationnelles.

Place Rouge

Au final, il reste une iconographie qui commence à être reprise et dont on a réussi à évacuer le sens non vertueux, un pays immense et encore mystérieux qui contient une histoire complexe, riche, à l’image de la longueur de ses frontières, une iconographie pour nostalgiques du grandiose.


Notes

[1] Nouvelle Economie Politique

Notebookisme

MoleskineDans ma nouvelle quête de territoires inconnus et surtout incertains, je jette à la mer de nouvelles bouteilles qu’un jour, j’espère, quelqu’un trouvera et renverra vers d’autres rivages.

Tous les mardi – et j’espère vraiment tenir ce rythme – je me plierai à l’exercice périlleux de disserter autour d’une de mes passions inavouables, le notebookisme. Ceci n’est qu’un néologisme repris à un site portant le même nom. Carnets, moleskines, papiers, crayons et stylo seront au menu. Actualités et histoires également.

Design

Il est temps pour moi de faire un peu le point sur tous les thèmes que j’ai créé pour Dotclear parce que tout ceci n’est pas très clair. Voici donc remis au goût du jour les principaux et les plus beaux.

Le créateur de ce blog turbinant à présent son blog sous WordPress, la maintenance sur les thèmes Dotclear n’est plus assurée. Merci.

Toutes ces créations sont sous licence Creative Commons.

Creative Commons License

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Thème de Brindilles.net

Thème Changeling

thème dotclear

InstalleurBillet d’annonce

Thème opérationnel

Thème Love in a White Room 2.0

Ce thème est le même que la version 3.0 mais en deux colonnes uniquement.

InstalleurArchive

Thème en cours de refonte

Thème Love in a White Room 3.0

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème en cours de refonte

Thème Lily

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème en cours de refonte

Thème A sea style

thème dotclear

Installeur – Pas d’archive

Thème en cours de refonte

Thème Bone Machine

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème en cours de refonte

Thème Lost in Anywhere

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème opérationnel

Thème de Brindilles.net/lune

Thème Adam

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème A taxi style – Japan

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème Acier

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème CSS beauty

thème dotclear

InstalleurArchive

Thème Epure

thème dotclear

InstalleurArchive

Il manque un style dans cette liste: Moon Over Moscow, mais je suis en train de les mettre à niveau. N’hésitez pas s’il y a un problème avec les liens.

L’organe du mal absolu

Il n’en faut pas plus pour m’obséder. J’ai visionné hier soir le troisième volet du Seigneur des Anneaux, Le Retour du Roi et c’est avec surprise que j’ai constaté que dans la version expurgée, une scène avait été honteusement coupée. Cette scène correspond au chapitre X du livre 5, nommé The Black Gate Opens. Je comprends d’autant moins qu’elle ait été coupée au vu du contexte.

Mouth of Sauron

En effet, Aragorn décide d’attaquer les Orques à la Porte Noire du Mordor pour que l’Oeil de Sauron se détourne de Frodon dont personne n’a plus aucune nouvelle et qui gravit les pentes escarpées de la Montagne. La communauté de l’Anneau se retrouve devant la porte et en sort un personnage effrayant qui se nomme lui-même la Bouche de Sauron. N’ayant pas lu le livre en entier, j’ai tout de même retrouvé le texte original et la description qu’en fait Tolkien diffère légèrement de ce que Peter Jackson a porté à l’écran. Mais dans cette scène, la Bouche de Sauron jette à la figure de Gandalf, la cotte de maille en mithril de Frodon, laissant ainsi croire que celui-ci est mort, ce qui va bien sur motiver ses amis à se battre jusqu’au bout. Le personnage de Jackson est d’une hideur hors du commun, affublé d’une bouche que l’on pourrait croire privée de lèvres, aux dents immensément longues et gâtées, dont le contour semble être maculé de sang coagulé. Son heaume lui couvre les yeux, dont il n’a pas besoin puisqu’il n’est que l’expression d’une partie de Sauron, lui même surmatérialisé par son oeil et les déplacements de sa tête sont rapides. La bouche semble elle même figée dans un rictus narquois et forcé découvrant les dents. La scène est presque comique. Mais elle l’est encore plus lorsqu’Aragorn, de rage, passe derrière le personnage toujours en train de parler et le décapite d’un coup rapide.

Tolkien dit que ce qui se trouve là n’est pas un Ringwraith[1] mais bien un être humain, dont le nom n’est dans aucune mémoire et que lui-même a oublié. Ce personnage, le Lieutenant de la Tour de Barad-dyr, n’est plus rien, entièrement dévoué à Sauron, il devient un de ses organes, Sauron voyant le monde de son Oeil matérialisé sur la tour, il parle au travers de ce fantôme. La bouche est surreprésentée, extraite ici pour en faire un objet de terreur et exprimer directement toute la dimension maléfique de Sauron. A plusieurs reprises dans la roman et dans le film, l’oeil apparait, mais la bouche n’apparait qu’une seule fois – et pour cause, la parole est subitement coupée – pour une raison bien précise ; Sauron a un message à délivrer. Il a déjà à son actif les défaites du gouffre de Helm et de Minas-Thitith et les vainqueurs sont aux portes de son domaine ; son seul moyen de déstabilisation est de leur faire croire que Frodon est entre leurs mains. La bouche n’est pas simplement organe, elle la voix qui annonce, qui dit, alors que tout le mal ne se manifeste que par l’horreur et la force brutale. C’est une sorte d’événement alors que nous sommes presque à la fin de l’histoire. Le dénouement est proche.

There was a long silence, and from wall and gate no cry or sound was heard in answer. But Sauron had already laid his plans, and he had a mind first to play these mice cruelly before he struck to kill. So it was that, even as the Captains were about to turn away, the silence was broken suddenly. There came a long rolling of great drums like thunder in the mountains, and then a braying of horns that shook the very stones and stunned men’s ears. And thereupon the middle door of the Black Gate was thrown open with a great clang, and out of it there came an embassy from the Dark Tower.
At its head there rode a tall and evil shape, mounted upon a black horse, if horse it was; for it was huge and hideous, and its face was a frightful mask, more like a skull than a living head, and in the sockets of its eyes and in its nostrils there burned a flame. The rider was robed all in black, and black was his lofty helm; yet this was no Ringwraith but a living man. The Lieutenant of the Tower of Barad-dyr he was, and his name is remembered in no tale; for he himself had forgotten it, and he said: ‘I am the Mouth of Sauron.’ But it is told that he was a renegade, who came of the race of those that are named the Black Nomenureans; for they established their dwellings in Middle-earth during the years of Sauron’s domination, and they worshipped him, being enamoured of evil knowledge. And he entered the service of the Dark Tower when it first rose again, and because of his cunning he grew ever higher in the Lord’s favour; and he learned great sorcery, and knew much of the mind of Sauron; and he was more cruel than any orc.

Then the Messenger of Mordor laughed no more. His face was twisted with amazement and anger to the likeness of some wild beast that, as it crouches on its prey, is smitten on the muzzle with a stinging rod. Rage filled him and his mouth slavered, and shapeless sounds of fury came strangling from his throat. But he looked at the fell faces of the Captains and their deadly eyes, and fear overcame his wrath. He gave a great cry, and turned, leaped upon his steed, and with his company galloped madly back to Cirith Gorgor. But as they went his soldiers blew their horns in signal long arranged; and even before they came to the gate Sauron sprang his trap.
Drums rolled and fires leaped up. The great doors of the Black Gate swung back wide. Out of it streamed a great host as swiftly as swirling waters when a sluice is lifted.

La bouche est ici l’organe du mal absolue. Pour la première fois, on le voit se matérialiser autrement que sous la forme d’armées immenses, de spectres sans visage. De plus, elle est ici pour énoncer les termes que Sauron veut imposer pour regagner la Terre du Milieu par l’échange de Frodon. Expression de la lâcheté, elle se fait l’expression d’un marchandage. La bouche est le médium par lequel s’exprime la voix, c’est la voie. De tous temps, la bouche a pris une place importante dans les croyances des hommes puisque c’est souvent le vecteur d’un transit entre le monde des vivants et celui des morts. Dans la Grêce Antique, on glissait une pièce dans la bouche des morts pour qu’ils puissent s’acquitter symboliquement de leur obole à Charon qui leur faisait traverser les fleuves des enfers. Dans les contes occidentaux, la bouche absorbe des oeufs sacrés, crache des serpents ou des diamants. Dans la liturgie catholique, elle est le réceptacle du corps du Christ. C’est là le siège d’un double mouvement, passage entre l’intériorité et le monde extérieur. Destinée à se nourrir, elle se voit aussi troublée par les vomissements et les crachats, expressions de l’abject intérieur. Toutefois, elle demeure quand même le siège d’un des actes fondamentaux de l’humanité: la parole, le dire. C’est la raison pour laquelle la Bouche de Sauron ne peut pas être un spectre, mais un humain. Seuls les humains sont porteurs de paroles, si sombre et maléfique soit-elle.

Peter Jackson a finalement quelque peu rendu justice au texte original, puisque lorsque Gandalf dit qu’ils refusent de se plier au marché de Sauron, le Lieutenant de la Tour de Barad-dyr se contente de pousser un grand cri. Dans le film, Aragorn prend l’être maléfique par surprise et lui coupe la tête d’un coup net. La bouche tombe. La parole est ainsi coupée, et l’on y voit clairement toute la dimension symbolique de cet acte.

A bien des égards, le Seigneur des Anneaux est un roman précurseur dans le sens où il préfigure la plupart des thématiques abordées ensuite dans les romans de fantasy. Ecrit en 1954 pour la première partie (la communauté de l’anneau), le fil rouge du livre est le combat contre le mal absolu, mais apparait en filigrane, une thématique plus profonde. Il y est question de la faiblesse des humains face à la tentation du pouvoir et de leur vanité, et il apparait clairement que ceux-ci ne pourront retrouver leur grandeur qu’en montrant leur honnêteté et en s’affrachissant de l’emprise de la magie et de la sorcellerie. La chute de Sauron n’est pas seulement le moment de la victoire du bien sur le mal, mais principalement, l’avènement de l’Âge des Hommes, l’âge où les humains auront réussi à ne plus placer leur destin entre les mains des sorciers ; ils doivent conquérir leur liberté en repoussant tout ce qui influe sur le cours de leur destin et ne s’en remettre qu’à eux-mêmes. On verra cette thématique incroyablement développée dans le cycle du Champion éternel chez Michael Moorcock, notamment à la fin du cycle d’Elric le Nécromancien, où le héros (en fait un anti-héros) se retrouvera seul à la fin des temps, ayant entre ses mains la possibilité de choisir entre son destin et la fin de l’univers. Pour en revenir au sujet de ce billet, je trouve dommage que l’on ait coupé cette scène qui apporte un éclairage très symbolique à l’histoire.

Liens:

  1. La Bouche de Sauron
  2. La vidéo
  3. Le Seigneur des Anneaux sur Wikipedia
  4. John Ronald Reuel Tolkien
  5. Le film
  6. Lord of the Rings
  7. Michael Moorcock
  8. Elric of Melniboné

Notes

[1] Un des neufs Seigneurs de l’Anneau, les Nazgul