Les terres blanches

Hier, nous étions jeudi, j’avais pris cette journée pour passer du temps avec mes grands-parents, le matin aller à Paris avec mon grand-père – je crois que je n’ai jamais passé autant de temps seul avec lui. Nous avons fait un long trajet, en bus d’abord, puis en train, avec une correspondance à Châtelet, et nous avons marché longtemps dans les souterrains de Gare du Nord, rebroussé chemin et enfin nous sommes arrivés. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, et nous avons parlé de tout et de rien, je lui ai posé des questions, j’étais assis à côté de lui, un peu angoissé tout de même et tout s’est très bien passé. Mon pépé. Nous avons plaisanté parce qu’il avait oublié quelques poils avec son rasoir – et je me suis bien marré lorsque rentré chez moi le soir, je me suis regardé dans le miroir de l’ascenseur pour découvrir que j’en avais moi-même oublié deux juste sous le nez… Et puis nous avons fait le même chemin en sens inverse, un long chemin fatigant, et je me suis inquiété pour lui parce que mine de rien, oui c’était long, même moi j’en avais plein les bottes. Dans le bus au retour, contents de nous asseoir et de nous laisser porter, nous avons fait des détours par Chatou, dans le quartier des Terres Blanches.

Les Terres Blanches, je m’en souviens à présent, j’y allais parfois à vélo quand j’étais gamin avec mon copain Thierry, et Pierre aussi, ce n’était que des champs à perte de vue, comme les Sablons et les Petits Chênes aussi et aujourd’hui, tout ceci est dessiné de maisons neuves, d’immeubles en arc-de-cercle, de pavillons placés dans des impasses aux noms saugrenus et dans lesquelles il n’y a qu’une seule maison, des petites boîtes et des grosses boîtes, toutes identiques, toutes pareilles, plantées là au milieu des champs.
Je suis allé chercher deux baguettes et des éclairs au café pour ma mémé et moi, et puis nous sommes revenus au bercail où nous attendait une cuisse de dinde avec une pleine marmite de ratatouille comme je l’aime, et une fabuleuse pomme au four tapissée de confiture de groseille.
Comme quand j’étais gamin, un moment privilégié empli de nostalgie de ce temps où je n’avais à me soucier de rien et où la vie revêtait cette simplicité dans laquelle se drapent les mioches avec un certain goût du confort. Une journée mémorable parce que pleine de tendresse et d’amour.

Les terres blanchesPhoto © Raymond Depardon in Voyages

2 Replies to “Les terres blanches”

  1. Chaque fois que je vais “chez moi”, je remarque de nouvelles maisons là où avant il n’y avait qu’un pré, un coin de forêt, un chemin. Quand j’étais petite, vivre dans un petit village c’était presque une tare, quelque chose de risible (au sens littéral). Aujourd’hui c’est une “qualité de vie”: on travaille en ville et on habite au village. Sauf que le village, on y construit sa maison comme 200 autres pékins et du coup ce n’est plus un petit village, c’est presque un dortoir. On n’y vit plus comme avant.

    Et la ratatouille c’est vraiment bon. Demain, je serai chez moi et je mangerai de la purée de pommes de terre, de la vraie bonne, avec dedans un peu de beurre et plein de noix de muscade comme j’aime.

  2. Je suis toujours épaté de voir des grandes baraques d’architecte plantées au milieu des champs, comme si l’écart de la ville pouvait signifier le retour aux vraies valeurs, mais c’est un mode de vie complètement bâtard dans lequel on ne fait que faire un concours de b*** avec sa maison qui est plus grosse et plus belle que celle d’en face. Un nouveau refuge pour les nouveaux riches, abandonnant le cœur des villes pour des lieux qui n’ont pas vocation à cela.

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