Un train pour nulle part

Hier matin, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas beaucoup de monde dans le train. Mon RER est arrivé à l’heure, tout le monde s’est engouffré dans le train pour Gare du Nord et il ne restait plus personne sur le quai.
Le train était vide et j’ai pu poser mes fesses sans problèmes. C’est une fois arrivé au boulot, à la même heure que d’habitude que j’ai appris que c’était un jour de grève. Quand je pense à tous ces cons qui ont du se trainer cul à cul sur la route.

Du coup, le soir, je savais plus ou moins à quoi m’attendre. Et effectivement, arrivé à Pereire, mon train avait une demi-heure de retard. Comme je déteste perdre du temps et passer mon temps à ne rien faire, je suis sorti de la gare, un gare pourrie et sale, indigne de ce nom. Je pense qu’il existe des stations de métro à New-York plus propres que celle-ci. Quand on sait que cette station se trouve dans le 17ème arrondissement (dont Mme de Panafieu est maire), donc un les plus beaux quartiers de Paris, je trouve ça déplorable.

Donc, je sors de cette gare, pour faire un tour en attendant mon train.

Et je suis attiré par quelqu’un qui parle fort dans un micro. Rue Puvis de Chavannes, un attroupement bloque le rue en son milieu, et je vois un homme, éclairé par une lumière froide et crue, entouré d’une foule guindée, derrière un pupitre de plexi, faisant l’apologie d’un homme, en citant des phrases d’inspiration religieuse orthodoxe. Sur le mur derrière lui, visiblement une plaque allait être dévoilée, attendant derrière son rideau qu’on la laisse respirer.

J’ai écouté le discours, intrigué, en regardant l’heure, histoire de ne pas louper mon train, et je craignais de devoir partir avant d’avoir su de qui il était question. Et finalement, le voile s’est levé, et j’ai découvert que l’on inaugurait là une plaque en l’honneur d'Andrei Tarkowski, dont le 17 rue Puvis de Chavannes a été la dernière demeure.

Un moment intense de recueillement s’en est ensuivi. J’étais ému de voir tous ces gens se recueillir sur cette plaque, respectant la mémoire d’un homme mort il y a 20 ans et dont ces derniers temps j’avais fait l’apologie, à propos de son film Le Sacrifice.

Un hasard… Une rencontre comme je les aime.

Bartleby & Cie, Enrique Vila-Matas

Barleby & Cie, Enrique Vila-Matas

J’ai acheté ce livre, comme souvent, sur la simple annonce du titre. Un livre dont le titre contient le mot Bartleby est en soi d’une audace folle, car le personnage d'Herman Melville[1], l’inquiétant scribe, est l’archétype du personnage qui a renoncé à tout, et qui renonce même à écrire, en énonçant cette célèbre phrase I would prefer not to, qu’on s’est hasardé à traduire par Je préférerais ne pas ou J’aimerais mieux pas. Personnage pour le moins intriguant, Vila-Matas en fait un nom commun, dénomme le bartleby comme le personnage qui renonce à l’écriture. Le personnage de son roman, anti-héros conformiste par excellence a décidé de reprendre la plume après des années d’abstinence littéraire, pour écrire un livre de notes de bas de pages. Roman sans teneur, ce n’est pas un roman, ce n’est pas non plus un livre érudit sur la question. Ce n’est pas ça, tout en l’étant profondément. Les chapitre sont numérotés comme s’ils faisaient référence à un texte qui n’existe pas. Ici, le négatif de la littérature bat son plein. Livre noir, sombre, c’est une sorte de chant désespéré de l’écrivain qui n’écrit pas.

Renoncement à l’écriture, agraphisme, notes sans texte, paralysie de l’écrivain, égarements, soleils noirs de la littérature, tout est passé en revue avec méticulosité. Le narrateur se pose la question de savoir ce qui pourra advenir de la pulsion négative dans l’écriture, et sous le coup de l’excitation, de la fébrilité du style sous ses doigts, doit sans cesse s’arrêter d’écrire.

Le livre nous inspire une réflexion sur la fin de la littérature. Tous les livres ne sont que des notes en bas de page, on ne peut plus écrire de livres. La mémoire fixée par l’écriture permet tout de même de sauver de l’oubli.

Si l’on a besoin de fumer pour écrire, soit on le fait à la Bogart, la fumée vrillée dans l’oeil (pour un style rauque), soit il faut accepter que le cendrier s’approprie l’essentiel de la cigarette. Juan Benet.

Quelques cas marquants d’agraphisme ou de bartlebys:

  • Samuel Beckett qui parce que l’anglais lui a pourri la vie. Il écrit en français parce que selon lui, c’est une langue plus pauvre et plus simple.
  • Marcel Benamou, l’Oulipien qui a écrit Pourquoi je n’ai écris aucun de mes livres, dit lui même que les livres qu’il n’a pas écrit ne sont pas néant mais comme en suspension.
  • Marguerite Duras, pour qui écrire, c’est ne pas parler et dont l’histoire de sa vie n’existe pas.
  • Robert Walser le micrographe, pour qui écrire en tout petit semblait être une manière de désincarner l’écrit, dit qu’il est un zéro à gauche, l’arrêt avant l’arrivée, dans une sorte d’esthétique de la confusion.
  • Pepin Bello, ami de Lorca, Dalì­ et Buñuel est et demeure l’écrivain sans oeuvre, qui écrivait pour ne pas publier, en disant dans un ultime sursaut de cynisme que c’était pour déconner.
  • Susan Sontag, pour qui il faut abandonner l’art pour écrire.
  • Giacomo Leopardi, pour qui écrire traduit l’impossibilité d’un art supérieur.
  • Paul Valéry qui malgré ses 29000 pages de cahier, dans son Monsieur Teste, dit que plus on écrit, moins on parle.
  • Fogwill qui prétend écrire pour ne pas être écrit (et en cela rejoint un point particulier de la pensée de Deleuze)
  • Marcel Schwob, dans son étonnant Pétrone, décrit un être qui cesse d’écrire à partir du moment où il commence à vivre ce qu’il avait imaginé dans son écriture.
  • Oscar Wilde enfin, qui cesse d’écrire lorsqu’il a saisi le sens de la vie, pour s’adonner à la paresse.

Un maître mot; la littérature est sa propre négation.

Notes

[1] De son vrai nom Herman Melvil.

Les pubs du moment

Les rares choses qui retiennent mon attention en ce moment à la télévision sont deux pubs. Des perles… La seconde est en anglais et est encore meilleur que la version que nous avons ici.

Mais en premier, Vivendi (il ne faut pas retenir la marque, pas la peine)

Vieux tracteurs

Souvenir d’une journée où je me suis fait aborder par un type qui ne tenait plus debout, imbibé d’alcool, et qui me soutenait qu’il avait déjà conduit ce genre de tracteurs. Je ne demandais qu’à le croire et surtout qu’il me lâche.

John Deer

Allgaier

Allgaier

Sans auteur

J’avais prévu de ne plus parler de moi. Alors je ne vais pas le faire. Parce que s’il y a des lecteurs, c’est pour lire, et lire les confidences de l’auteur, tout le monde s’en contre carre, c’est la principale raison pour laquelle j’ai arrêté d’écrire… Ici. J’essaie parfois d’imaginer ce que pourrait être une oeuvre sans auteur. Une oeuvre sans auteur aurait-elle des spectateurs, lecteurs, etc ?

Saint-Sulpice

Aurait-elle seulement une consistance ? Une oeuvre sans auteur pourrait-elle être consistante et ne se retrouverait-elle pas telle un navire sans capitaine ? A la dérive ? Il se trouve qu’à un moment donné, lorsque les mots se vident de leur substance, que personne n’apparaît derrière et que toute espèce de subjectivité est remplacée par de la matière, il n’y a plus d’auteur.

On le sent bien, il n’y a plus personne dans le coin. Pourquoi ça ? Parce que tout le monde se fout de savoir si Leonardo da Vinci était homosexuel, qu'Antonin Artaud était en proie à des visions horribles ou si Gilles Deleuze était alcoolique ou non. Tout le monde s’en contre-fout parce que ça ne change rien aux mots, ça n’explique souvent rien du tout, ça n’apporte aucun éclairage nouveau sur l’oeuvre, parce que si l’auteur fait corps avec son oeuvre, son oeuvre continue de vivre lorsque l’auteur n’est plus rien ou autre chose.

Alors j’essaie de satisfaire le lectorat sans plus dire quoi que ce soit sur moi. Parce que ça n’intéresse personne. Je ne fais pas mon petit malheureux, je dis ce qui est. Je n’intéresse pas et je tends vers l’effacement, mes mots sont toujours là, présent et avenir. Tout ceci est volontaire. Je suis mots écrits, je ne suis plus sentiments et affections. Tant que je ne serais pas totalement désincarné, mes mots auront encore des attaches corporelles et n’auront pas la substance nécessaire pour vivre d’eux-mêmes. Il faut que je sorte de là. De telle manière que lorsque je suis triste et malheureux, solitaire et apeuré, cela ne se sente pas.
Un blog sans auteur, l’auteur effacé comme après un coup de gomme… Regardez, il n’y a déjà plus personne…

Starbucks

Astrud Gilberto

Astrud Gilberto

Entendue dans une rue embouteillée, un soir de pluie, à bord de ma voiture, Astrud Gilberto, épouse de João Gilberto n’est pas plus connue que ça, mais si l’on évoque The Girl from Ipanema, on voit tout de suite à qui l’on a à faire.

Une voix douce et sensuelle, un titre méconnu, The Gentle Rain, un mixeur undergroud (rdj2), et tout ceci nous donne un titre de l’album Verve Remix Volume 3.

D’étranges silences, des contre-points, je trouve cette chanson envoutante au point que je me la passe en boucle. Spécificité du fichier compressé, il est tiré non pas d’un CD mais d’un vinyle, ambiance vintage assurée.

Son site officiel: Astrud Gilberto

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Astrud_Gilberto_The_Gentle_Rain%20.mp3]

Hôtel de glace

L’hiver approche, Noël aussi, la température baisse et la glace hante les fantasmes hivernaux. Les hôtels de glace, avant d’être des lieux de villégiature polaire hors de prix pour bobos en mal de sensations, sont des lieux où s’expriment des artistes et des designers qui, l’espace d’un hiver, laissent libre court à leur imagination. Tous les ans, c’est une expérience nouvelle et éphémère qui se répète à Jukkasjärvi en Suède.

Hôtel de glace