All the piers

énormément de choses en retard ou qui restent en suspens comme empêtrées dans un marigot de la Louisiane rien n’avance et moi je mange mon bol de céréales dans le noir d’une nuit qui n’en finit pas alors que le vent souffle remue les arbres les fait plier et la pluie tombe de temps à autre frappant le sol avec une sorte de cliquetis métallique – oui je suis encore malade mais je fais tout pour ne pas me plaindre – engoncé dans un monde de silence qui fuit dans la nuit qui n’en finit pas encore qui traîne des pieds et je monte dans le train qui lui non plus n’en finit pas de s’arrêter je prends une place j’aime bien être assis surtout en ce moment le calme pour lire personne qui parle ce monsieur en face de moi l’air vénérable il lit un bouquin qui a défrayé la chronique avec sa belle barbe poivre et sel parfaitement taillée – sa peau brune et ses beaux yeux sombres l’élégance à l’état pur avec son écharpe en poils de chameaux et sa veste en tweed – et l’autre elle est toute fine de tous petites pieds de jambes toutes fines sous son pantalon elle me tourne le dos – je déteste qu’elles me tournent le dos – une femme sans visage n’existe pas pour moi – et le silence est rompu toujours les deux mêmes pies qui ne cessent de se raconter leur vie monotone et comment tu as fait pour avoir ton prêt et mon mari a voulu une nouvelle voiture elles doivent tout connaitre l’une sur l’autre c’est horrible – ça me fait peur et je descends dans le métro il fait bon il a de l’air qui circule et ça ne pue pas le bruit des freins et des rails est assourdissant mais je suis dans malade dans mon monde et sans rien autour dans la pharmacie aussi il fait bon et je demande un tube de vitamines pour me donner ce coup de fouet dont j’ai besoin – un café un verre d’eau et j’émerge tout doucement – le vent s’est calmé je ne l’entends plus déjà parti certainement vers d’autres horizons frapper d’autres côtes le vent mon élément- sur l’océan – je retourne dans ma prison

Mallard

Plus connue sous le nom de Mallard, la locomotive LNER Class A4 4468 Mallard détient un record particulier, puisque c’est elle qui a battu le record de vitesse absolu pour une locomotive à vapeur. Les Etats-Unis pourtant pionner en matière de chemins de fer et de véhicules de transport ne sont pour rien dans cette histoire puisque la Mallard est une machine 100% Britannique.

Locomotive Mallard

Le 3 juillet 1938, ce monstre métallique de 165 tonnes, tender compris a atteint les 126mph soit 203 Km/h entre les villes de Little Bytham et Essendine, pulvérisant ainsi le record allemand de 1936. Destinée au transport de charbon, elle nécessitait une grande puissance, mais sa vitesse de croisière était tout de même de 160 Km/h. A part ces caractéristiques techniques, la Mallard est également reconnue pour son aérodynamisme et son design tout à fait novateur, réalisé par Sir Nigel Gresley. De plus, sa couleur bleue en fait une des plus belles locomotives de l’histoire du chemin de fer. Un monument encore visible au National Railway Museum de York, UK.

Pour mémoire, la locomotive la plus lourde est américaine, c’est une C&O Allegheny (Chesapeake & Ohio Railway) de 1941, pesant plus de 548 tonnes.

Liens:

  1. Celebration site
  2. Article Wikipedia
  3. Le paysage du record
  4. National Railway Museum

Bill Bryson – Je ne suis pas d'ici – Introduction – Revenir chez soi

Notes sur mon retour en Amérique, vingt ans après

Introduction

A la fin de l’été 1996, un vieil ami, journaliste à Londres, Simon Kelner, me passa un coup de fil dans le New Hampshire où j’étais installé depuis peu après avoir vécu une vingtaine d’années au Royaume-uni. Simon venait d’être nommé rédacteur en chef du magazine Night & Day, un supplément au journal the Mail on Sunday, et il me proposa d’écrire une chronique hebdomaire sur l’Amérique.

A plusieurs reprises ces dernières années, Simon tenta de me persuader de faire tout un tas de choses que je n’avais pas le temps de faire, mais ça, il en était hors de question.

Non, dis-je. Je ne peux pas. Je suis désolé. C’est simplement impossible. J’ai trop de choses à faire.

Donc tu peux commencer la semaine prochaine?

Simon, tu n’as pas l’air de comprendre. Je ne peux pas.

Nous pensions appeler ça Notes d’un Grand Pays.

Simon, tu devras appeler ça Grand Espace Blanc dans le Magazine parce que je ne peux pas le faire.

Splendide, splendide, dit-il, un rien distrait. J’avais l’impression qu’il faisait autre chose en même temps – passer en revue des mannequins essayant des maillots de bain était la seule idée qui me venait à l’esprit. Quoi qu’il en soit, il masquait le combiné, passant ses consignes de rédacteur aux personnes alentour.

Bon alors, nous allons t’envoyer le contrat, me dit-il lorsqu’il reprit le combiné.

Non, Simon, ne fais pas ça. Je ne peux pas t’écrire une chronique par semaine. C’est aussi simple que ça. Tu piges? Dis-moi que tu piges.

Excellent. Je suis parfaitement ravi. Nous sommes tous ravis. Bon, je dois te laisser.

Simon, s’il te plait, écoute moi. Je ne peux pas écrire cette chronique. C’est simplement impossible. Simon, tu m’écoutes? Simon? Allo? Simon, tu es là? Allo? Et merde!

Et c’est ainsi que je devins pigiste pendant deux ans, de septembre 1996 à septembre 1998. Le truc que j’ai découvert à propos de cette chronique hebdomadaire, c’est qu’elle revenait toutes les semaines. A présent, ça me semble un fait évident, mais en deux ans, il ne s’est pas passé une semaine sans que cela ne me paraisse aussi bien dément qu’effrayant. Une autre chronique? Déjà? Mais, je viens d’en rendre une!

Je mentionne ceci afin de préciser qu’il n’était pas prévu que ce soit – ça ne pouvait pas – être un portrait systématique de l’Amérique. La plupart du temps, j’écrivais des anecdotes qui remplissaient mes journées – un aller et retour à la poste, la joie d’utiliser un broyeur à ordures pour la première fois, les gloires du motel américain. Néanmoins, j’aimerais croire que ces textes traduisent une sorte de progrès, du fait d’être constamment perplexe et souvent révolté, les tous premiers jours de mon arrivée, au fait d’être perplexe et généralement envoûté, impressionné, et satisfait à présent. (La perplexité, vous le noterez, est une constante dans ma vie, où que je sois.) Le fait est que je suis très heureux d’être ici. J’espère que ce qui suit l’exprime clairement.

Ces articles ont été, dans un premier temps, écrits pour un lectorat Britannique et par nécessité, incluaient des explications conséquentes qu’un Américain trouverait superflues, comme par exemple comment fonctionnent les finales d’après-saison au base-ball, qui était Herbert Hoover, ce genre de choses. J’ai tenté d’expurger discrètement ces intrusions, mais parfois, le cours du texte m’interdisait ces ajustements. Je m’en excuse, ainsi que pour toutes les erreurs qui s’y seraient glissées par inadvertance.

En plus de Simon Kelner, je tiens à remercier Bill Shinker, Patrick Janson-Smith, John Sterling, Luke Dempsey, et Jed Mattes, chacun de ceux envers qui je suis diversement et profondément redevable, et par dessus-tout, ma chère et très patiente famille qui m’a si aimablement et sportivement laissé les embarquer dans tout ça.

Et un merci tout particulier au petit Jimmy, qui qu’il puisse être.

Revenir chez soi

Dans un livre, j’ai plaisanté une fois sur le fait qu’il y a trois choses qu’on ne peut pas faire dans la vie. On ne peut pas se battre contre la compagnie du téléphone, faire en sorte qu’un serveur vous voit avant qu’il soit décidé à vous voir, et revenir chez soi. Depuis le printemps 1995, je réévaluais silencieusement, avec courage, le troisième point.

En mai de cette année, après deux décennies passées en Angleterre, je suis revenu aux Etats-Unis avec ma femme et mes quatre enfants. Nous nous sommes installés à Hanover, New Hampshire, sans autre justification que cette ville semblait être un endroit terriblement agréable. Fondée en 1761, c’est une chaleureuse et calme petite bourgade, dont la silhouette révèle de mignons clochers, avec un grand terre-plein central, une rue principale au charme suranné et une riche et prestigieuse Université. Dartmouth College, par sa présence à la fois dominante et bienveillante donne à la ville une silhouette gracieuse, une impression d’activité privilégiée, et déverse un flot de 5 000 étudiants, dont pas un seul ne sait traverser la rue prudemment. Avec tout ça, de quoi attirer – bonnes écoles, une excellente librairie et une bibliothèque du même acabit, un vénérable théâtre (Le Nugget, fondé en 1916), un grand choix de restaurants et un bar convivial, le Murphy’s. Doucement séduits, nous avons acheté une maison près du centre et avons emménagé.

Revenir sur sa terre natale après une longue absence est une chose étonnamment perturbante, un peu comme sortir d’un long coma. On découvre que le temps a apporté des changements face auxquels on se sent bête, ne laissant aucune prise. On dépense inconsidérément pour de tous petits achats. On se casse la tête sur les distributeurs automatiques de billets, les pompes à essence et les cabines téléphoniques et on est abasourdi de découvrir, au moment où on vous rattrape par le coude, que les cartes routières dans les stations essence ne sont plus gratuites.

Dans mon cas, le problème était d’autant plus grand du fait que j’étais parti jeune et que je suis revenu entre deux âges. Toutes ces choses que l’on fait comme un adulte – s’endetter, avoir des enfants, accumuler les plans de retraite, s’occuper de l’état des gouttières -, je ne les avais faites qu’en Angleterre. Les choses comme les chaudières ou les fenêtres à guillotine, était, en Amérique, le domaine réservé de mon père. Me retrouver dans une maison de la Nouvelle Angleterre, avec ses mystérieux tuyaux et ses thermostats, son broyeur à ordure capricieux et sa porte de garage automatique menaçante, était à la fois énervant et réjouissant.

C’est assez déconcertant de se trouver à la fois dans et en dehors de votre élément. Je peux énumérer précisément toutes les choses qui me distinguent d’un Américain – lequel des cinquante états a une assemblée unicamérale, ce qu’est un risque-tout[1] au base-ball, qui a joué le rôle de Captain Kangaroo à la télé. Je connais même deux ou trois mots de l’hymne américain, ce qui est déjà plus que certaines personnes que je connais qui l’ont chanté publiquement.

Mais envoyez-moi au magasin de bricolage et encore maintenant, je suis complètement perdu. Pendant des mois, j’ai eu des conversations avec le commis du True-Value[2] d’à côté qui donnaient à peu près ça:

“Bonjour, j’aurais besoin de cette étrange matière dont on remplit les trous laissés par les clous dans les murs. Chez ma femme, on appelle ça Pollyfilla.”

“Ah, vous voulez dire de l’enduit.”

“Très probablement. Et j’aurais également besoin de ces petites choses en plastique que vous fichez dans le mur pour dresser des étagères. J’appelle ça des chevilles.”

“Nous les appelons ancrages[3].”

“Je devrais me le noter quelque part.”

Je pouvais difficilement me sentir plus étranger, à moins de me trouver là habillé en Lederhosen[4]. Tout ceci était assez traumatisant. Alors que j’ai toujours été très heureux lorsque j’étais au Royaume-Uni, je n’ai jamais cessé de voir les Etats-Unis comme mon chez-moi, au sens premier du terme. C’est de là que je venais, ce que je comprenais vraiment, l’aune à laquelle je pouvais tout mesurer.

Ironiquement, rien ne vous fait sentir plus originaire de votre propre pays que de vivre là d’où presque personne ne vient. Pendant vingt ans, être Américain était ce qui me définissait. C’est ainsi que j’étais identifié, différencié. Une fois, j’ai même réussi à décrocher un job de justesse en affirmant, dans un moment d’audace juvénile, à un responsable éditorial du London Times que j’étais le seul de l’équipe à pouvoir épeler correctement Cincinnati. (Et c’était le cas.)

Heureusement, il y a un bon côté à tout ça. Tout ce qui était bon en Amérique avait soudain quelque chose d’ensorcelant. J’étais aussi ébloui que n’importe quel nouveau venu par la facilité légendaire et les bienfaits de la vie quotidienne, l’étourdissante abondance de tout, l’infinie gentillesse des étrangers, la fabuleuse immensité impossible à remplir d’une cave américaine, la joie de rencontrer des serveuses et des employés ayant l’air d’aimer leur métier, la curieuse impression que la glace n’est pas un article de luxe et le fait que les chambres disposent de plusieurs prises murales.

Pareillement, j’éprouvais la joie constante et inattendue de retrouver toutes ces choses avec lesquelles j’avais grandi, mais que j’avais largement oublié: le baseball à la radio, le très satisfaisant claquement d’une porte moustiquaire en été, les insectes luisants, les orages qui repartent aussi vite qu’ils sont arrivés, les énormes chutes de neige, Thanksgiving et le 4 juillet, l’odeur de la mouffette[5] que l’on sent juste le temps de se demander d’un air interrogateur “Est-ce que c’est une mouffette ?”, la Jell-O[6] avec des trucs dedans, la vue plaisante et comique d’un type en short. Tout ceci compte énormément, mine de rien.

Ainsi, tout compte fait, je m’étais trompé. Vous pouvez revenir chez vous. Prenez juste un peu plus d’argent que prévu pour les cartes routières et souvenez vous qu’il faut demander de l’enduit.

 

Notes

[1] Le terme d’origine est Squeeze-Play

[2] Chaîne de magasins de quincaillerie

[3] Ici, le terme utilisé par Bryson est rawl plug, alors que le mot américain est anchor, d’où l’utilisation du mot ancrage pour la distinction.

[4] Culotte de peau à bretelles revêtu par les Allemands et les Autrichiens, d’aspect folklorique

[5] Les mouffettes constituent une famille d’animaux mustélidés de taille moyenne, noirs et blancs, appartenant à l’ordre des carnivores. On les trouve sur tout le continent américain : ils sont seulement absents de l’extrême nord du Canada.

[6] Gelée de couleur vive, pleine de gélatine.

Blog on strike

C’est pas plus compliqué que ça, je suis pas là, je suis ailleurs, je m’insurge, je colère, je pas content, je grippé, je économie de mots, je fatigué, je sais plus parler, j’ai rien à dire, je rien d’intéressant à dire, j’ai faim et puis (attends, je mange mon flan) la blogosphère est tellement passionnante en ce moment que ça me donne envie de partir sur une île déserte en ayant pris soin de passer mon PC au pilon (Allitération), de tout renier, mes écrits et tout le bordel, bref, c’est pas du joli, alors je creuse un trou, je me cache, je respire plus, silence.

PS: le lecteur averti aura remarqué que pas une seule négation est correctement construite. Dans un mouvement de révolte soudaine, je nie la négation, merde alors…

Monter

Quel sociopathe pourrait ne pas avoir envie de monter dans un ascenseur avec des inconnus ?… Je préfère me taper deux étages à pieds plutôt que de côtoyer les odeurs et les regards infects de trois types que je croise tous les jours, mais que je n’ai strictement aucune envie de connaitre plus.

Pantelant

Je n’arrive même pas à aligner un mot devant l’autre sur le clavier. Dès que je me suis mis au lit hier soir, j’ai su que ça allait mal se passer, j’ai passé ma nuit à greloter, recroquevillé sur moi-même en position de survie – je me souviens, la dernière fois c’était à un Noël passé en Auvergne, où il faisait moins de 10°C dans la chambre – à poil sous la couette et bien incapable de descendre du lit pour aller enfiler un pyjama.

J’ai traversé la ville dans une sorte de coton épais, tout juste capable de mettre un pied devant l’autre, jusqu’à la gare plongée dans le noir. Un écriteau sur la poste disait qu’exceptionnellement, la gare n’ouvrirait ses portes qu’à 10 heures, mais ne pouvant attendre que ces fonctionnaires ne se décident à se sortir les doigts du cul, je décidais de frauder. En même temps, j’aurais voulu ne pas frauder que je n’aurais pas pu, car sans menue monnaie sur moi, je n’aurais même pas pu prendre un ticket au distributeur. C’est typiquement Français ça. Tu n’as pas le droit de frauder, et si tu veux monter dans le train, tu prends un ticket (et Dieu sait que le Français est discipliné)… Comment ça le guichet est fermé ? Mais tu dois avoir un titre de transport… Même si tu dois le chier sur place, c’est comme ça.

En même temps, ça ne m’a pas tellement angoissé pour autant, et la perspective d’économiser un fois de plus trois dollars quarante cinq me laissa un moment souriant. Je ne sais pas pourquoi, mais tout le monde semblait ce matin encore plus endormi que moi. Et dans le métro, il n’y avait que des petites brunes au cul serré. C’est pareil, les femmes dans le métro, c’est différent tous les jours, un trait commun chaque jour.

A Pereire, une femme noire est assise sur ces bancs étudiés spécialement pour être assis-debout, en fait surtout étudiés pour que les clochards ne s’y reposent pas. Je laisse passer le métro dont la sonnerie annonçant la fermeture des portes retentit. Pas grave, pas pressé, je prendrais le prochain. Mais elle, elle reste là, assise et lorsque je monte dans la rame suivante qui arrive à peine deux minutes pus tard, elle est toujours assise. C’est un truc que je n’ai jamais compris, ça. Des gens semblent attendre quelque chose dans les stations de métro. S’ils sont en avance, pourquoi ne prennent-ils quand même pas le métro et ne vont-ils pas faire un tour au grand air au lieu de rester confiné sous terre ? Certes, certaines lignes comme la 13 ont des bifurcations, ce qui peut parfois expliquer qu’on attende celui d’après pour monter dans celui qui va dans la bonne direction… Mais là… Finalement, je m’en fous, je me pose beaucoup trop de questions, et j’ouvre des yeux effarés lorsque je m’aperçois qu’il ne me reste qu’une dizaine de pages à lire.

Comme si cela pouvait me soulager, je m’extasie sur les fesses remplissant bien le jean d’une brunette aux cheveux longs. Ma journée commence.

Histoire du pêcheur (Antoine Galland)

Antoine Galland est le premier à avoir traduit les Mille et une nuits en français. Morceau choisi.

Il y avait autrefois un pêcheur fort âgé, et si pauvre, qu’à peine pouvait-il gagner de quoi faire subsister sa femme et trois enfants, dont sa famille était composée. Il allait tous les jours à la pêche de grand matin, et chaque jour il s’était fait une loi de ne jeter ses filets que quatre fois seulement. Il partit un matin au clair de lune, et se rendit au bord de la mer. Il se déshabilla et jeta ses filets ; et comme il les tirait vers le rivage il sentit d’abord de la résistance. Il crut avoir fait une bonne pêche, et s’en réjouissait déjà en lui-même ; mais un moment après, s’apercevant qu’au lieu de poisson il n’y avait dans ses filets que la carcasse d’un âne, il en eut beaucoup de chagrin… Quand le pêcheur, affligé d’avoir fait une si mauvaise pêche, eut raccommodé ses filets, que la carcasse de l’âne avait rompus en plusieurs endroits, il les jeta une seconde fois. En les tirant, il sentit encore beaucoup de résistance, ce qui lui fit croire qu’ils étaient remplis de poissons ; mais il n’y trouva qu’un grand panier plein de gravier et de fange. Il en fut dans une extrême affliction.
– 0 fortune ! s’écria-t-il d’une voix pitoyable, cesse d’être en colère contre moi, et ne persécute point un malheureux qui te prie de l’épargner ! Je suis parti de ma maison pour venir ici chercher ma vie, et tu m’annonces ma mort. Je n’ai pas d’autre métier que celui-ci pour subsister, et malgré tous les soins que j’y apporte, je puis à peine fournir aux plus pressants besoins de ma famille. Mais j’ai tort de me plaindre de toi, tu prends plaisir à maltraiter les honnêtes gens et à laisser de grands hommes dans l’obscurité, tandis que tu favorises les méchants et que tu élèves ceux qui n’ont aucune vertu qui les rende recommandables. En achevant ces plaintes, il jeta brusquement le panier, et après avoir bien lavé ses filets que la fange avait gâtés, il les jeta pour la troisième fois. Mais il n’amena que des pierres, des coquilles et de l’ordure. On ne saurait expliquer quel fut son désespoir : peu s’en fallut qu’il ne perdît l’esprit. Cependant, comme le jour commençait à paraître, il n’oublia pas de faire sa prière en bon musulman, ensuite il ajouta celle-ci :
– Seigneur, vous savez que je ne jette mes filets que quatre fois chaque jour. Je les ai déjà jetés trois fois sans avoir tiré le moindre fruit de mon travail. Il ne m’en reste plus qu’une ; je vous supplie de me rendre la mer favorable, comme vous l’avez rendue à Moïse. Le pêcheur, ayant fini cette prière, jeta ses filets pour la quatrième fois. Quand il jugea qu’il devait y avoir du poisson, il les tira comme auparavant avec assez de peine. Il n’y en avait pas pourtant ; mais il y trouva un vase de cuivre jaune, qui, à sa pesanteur, lui parut plein de quelque chose, et il remarqua qu’il était fermé et scellé de plomb, avec l’empreinte d’un sceau. Cela le réjouit :
– Je le vendrai au fondeur, disait-il, et de l’argent que j’en ferai, j’en achèterai une mesure de blé. Il examina le vase de tous côtés, il le secoua pour voir si ce qui était dedans ne ferait pas de bruit. Il n’entendit rien, et cette circonstance, avec l’empreinte du sceau sur le couvercle de plomb, fit penser qu’il devait être rempli de quelque chose de précieux. Pour s’en éclaircir, il prit son couteau, et, avec un peu de peine, il l’ouvrit. Il en pencha aussitôt l’ouverture contre terre, mais il n’en sortit rien, ce qui le surprit extrêmement. Il le posa devant lui, et pendant qu’il le considérait attentivement, il en sortit une fumée fort épaisse qui l’obligea à reculer deux ou trois pas en arrière. Cette fumée s’éleva jusqu’aux nues, et, s’étendant sur la mer et sur le rivage, forma un gros brouillard, spectacle qui causa, comme on peut se l’imaginer, un étonnement extraordinaire au pêcheur. Lorsque la fumée fut toute hors du vase, elle se réunit et devint un corps solide, dont il se forma un génie deux fois aussi haut que le plus grand de tous les géants. A l’aspect d’un monstre d’une grandeur si démesurée, le pêcheur voulut prendre la fuite ; mais il se trouva si troublé et si effrayé, qu’il ne put marcher.
– Salomon, s’écria d’abord le génie, Salomon, grand prophète de Dieu, pardon, pardon, jamais je ne m’opposerai à vos volontés. J’obéirai à tous vos commandements… Le pêcheur n’eut pas sitôt entendu les paroles que le génie avait prononcées, qu’il se rassura et lui dit :
– Esprit superbe, que dites-vous ? Il y a plus de dix-huit cents ans que Salomon, le prophète de Dieu, est mort, et nous sommes présentement à la fin des siècles. Apprenez-moi votre histoire, et pour quel sujet vous étiez renfermé dans ce vase. A ce discours, le génie, regardant le pêcheur d’un air fier, lui répondit :
– Parle-moi plus civilement : tu es bien hardi de m’appeler esprit superbe.
– Eh bien ! repartit le pêcheur, vous parlerai-je avec plus de civilité en vous appelant hibou du bonheur ?
– Je te dis, repartit le génie, de me parler plus civilement avant que je te tue.
– Eh ! pourquoi me tueriez-vous ? répliqua le pêcheur. Je viens de vous mettre en liberté ; l’avez-vous déjà oublié ?
– Non, je m’en souviens, repartit le génie ; mais cela ne m’empêchera pas de te faire mourir, et je n’ai qu’une seule grâce à t’accorder.
– Et quelle est cette grâce ? dit le pêcheur.
– C’est, répondit le génie, de te laisser choisir de quelle manière tu veux que je te tue.
– Mais en quoi vous ai-je offensé ? reprit le pêcheur. Est-ce ainsi que vous voulez me récompenser du bien que je vous ai fait ?
– Je ne puis te traiter autrement, dit le génie ; et afin que tu en sois persuadé, écoute mon histoire : Je suis un de ces esprits rebelles qui se sont opposés à la volonté de Dieu. Tous les autres génies reconnurent le grand Salomon, prophète de Dieu, et se soumirent à lui. Nous fümes les seuls, Sacar et moi, qui ne voulümes pas faire cette bassesse. Pour s’en venger, ce puissant monarque chargea Assaf, fils de Barakhia, son premier ministre, de me venir prendre. Cela fut exécuté. Assaf vint se saisir de ma personne et me mena malgré moi devant le trône du roi son maître. Salomon, fils de David, me commanda de quitter mon genre de vie, de reconnaître son pouvoir et de me soumettre à ses commandements. Je refusai hautement de lui obéir, et j’aimai mieux m’exposer à tout son ressentiment que de lui prêter le serment de fidélité et de soumission qu’il exigeait de moi. Pour me punir, il m’enferma dans ce vase de cuivre, et afin de s’assurer de moi et que je pusse pas forcer ma prison, il imprima lui-même sur le couvercle de plomb son sceau, où le grand nom de Dieu était gravé. Cela fait, il mit le vase entre les mains d’un des génies qui lui obéissaient, avec ordre de me jeter à la mer ; ce qui fut exécuté à mon grand regret. Durant le premier siècle de ma prison, je jurai que si quelqu’un m’en délivrait avant les cent ans achevés, je le rendrais riche, même après sa mort. Mais le siècle s’écoula, et personne ne me rendit ce bon office. Pendant le second siècle, je fis serment d’ouvrir tous les trésors de la terre à quiconque me mettrait en liberté ; mais je ne fus pas plus heureux. Dans la troisième, je promis de faire puissant monarque mon libérateur, d’être toujours près de lui en esprit, et de lui accorder chaque jour trois demandes, de quelque nature qu’elles pussent être ; mais ce siècle se passa comme les deux autres, et je demeurai toujours dans le même état. Enfin, désolé, ou plutôt enragé de me voir prisonnier si longtemps, je jurai que si quelqu’un me délivrait dans la suite, je le tuerais impitoyablement et ne lui accorderais point d’autre grâce que de lui laisser le choix du genre de mort dont il voudrait que je le fisse mourir : c’est pourquoi, puisque tu es venu ici aujourd’hui, et que tu m’as délivré, choisis comment tu veux que je te tue. Ce discours affligea fort le pêcheur.
– Je suis bien malheureux, s’écria-t-il, d’être venu en cet endroit rendre un si grand service à un ingrat ! Considérez, de grâce, votre injustice, et révoquez un serment si peu raisonnable. Pardonnez-moi, Dieu vous pardonnera de même : si vous me donnez généreusement la vie, il vous mettra à couvert de tous les complots qui se formeront contre vos jours.
– Non, ta mort est certaine, dit le génie ; choisis seulement de quelle sorte tu veux que je te fasse mourir. Le pêcheur, le voyant dans la résolution de le tuer, en eut une douleur extrême, non pas tant pour l’amour de lui, qu’à cause de ses trois enfants dont il plaignait la misère où ils allaient être réduits par sa mort. Il tâcha encore d’apaiser le génie.
– Hélas ! reprit-il, daignez avoir pitié de moi, en considération de ce que j’ai fait pour vous.
– Je te l’ai déjà dit, repartit le génie, c’est justement pour cette raison que je suis obligé de t’ôter la vie.
– Cela est étrange, répliqua le pêcheur, que vous vouliez absolument rendre le mal pour le bien. Le proverbe dit que qui fait du bien à celui qui ne le mérite pas en est toujours mal payé. Je croyais, je l’avoue, que cela était faux : en effet, rien ne choque davantage la raison et les droits de la société ; néanmoins, j’éprouve cruellement que cela n’est que trop véritable.
– Ne perdons pas le temps, interrompit le génie ; tous tes raisonnements ne sauraient me détourner de mon dessein. Hâte-toi de dire comment tu souhaites que je te tue. La nécessité donne de l’esprit. Le pêcheur s’avisa d’un stratagème :
– Puisque je ne saurais éviter la mort, dit-il au génie, je me soumets donc à la volonté de Dieu. Mais avant que je choisisse un genre de mort, je vous conjure, par le grand nom de Dieu, qui était gravé sur le sceau du prophète Salomon, fils de David, de me dire la vérité sur une question que j’ai à vous faire. Quand le génie vit qu’on lui faisait une adjuration qui le contraignit de répondre positivement, il trembla en lui-même, et dit au pêcheur :
– Demande-moi ce que tu voudras, et hâte-toi. Le génie, ayant promis de dire la vérité, le pêcheur lui dit :
– Je voudrais savoir si effectivement vous étiez dans ce vase ; oseriez-vous en jurer par le grand nom de Dieu ?
– Oui, répondit le génie, je jure par ce grand nom que j’y étais, et cela est très véritable.
– En bonne foi, répondit le pêcheur, je ne puis vous croire. Ce vase ne pourrait pas seulement contenir un de vos pieds : comment se peut-il que votre corps y ait été renfermé tout entier ?
– Je te jure pourtant, repartit le génie, que j’y étais tel que tu me vois. Est-ce que tu ne me crois pas, après le grand serment que je t’ai fait ?
– Non, vraiment, dit le pêcheur, et je ne vous croirai point, à moins que vous ne me fassiez voir la chose. Alors il se fit une dissolution du corps du génie, qui, se changeant en fumée s’étendit comme auparavant sur la mer et sur le rivage, et qui, se rassemblant ensuite, commença de rentrer dans le vase, et continua de même par une succession lente et égale, jusqu’à ce qu’il n’en restât plus rien au-dehors. Aussitôt il en sortit une voix qui dit au pêcheur :
– Eh bien ! incrédule pêcheur, me voici dans le vase : me crois-tu présentement ? Le pêcheur, au lieu de répondre au génie, prit le couvercle de plomb, et ayant fermé promptement le vase :
– Génie, lui cria-t-il, demande-moi grâce à ton tour, et choisis de quelle mort tu veux que je te fasse mourir. Mais non, il vaut mieux que je te rejette à la mer, dans le même endroit d’où je t’ai tiré puis je ferais bâtir une maison sur ce rivage, où je demeurerai, pour avertir tous les pêcheurs qui viendront y jeter leurs filets de bien prendre garde de repêcher un méchant génie comme toi qui as fait serment de tuer celui qui te mettra en liberté. A ces paroles offensantes, le génie, irrité, fit tous ses efforts pour sortir du vase ; mais c’est ce qui ne lui fut pas possible : car l’empreinte du sceau du prophète Salomon, fils de David, l’en empêchait. Aussi, voyant que le pêcheur avait alors l’avantage sur lui, il prit le parti de dissimuler sa colère.
– Pêcheur, lui dit-il d’un ton radouci, garde-toi bien de faire ce que tu dis. Ce que j’en ai fait n’a été que par plaisanterie, et tu ne dois pas prendre la chose sérieusement.
– 0 génie, répondit le pêcheur, toi qui étais, il n’y a qu’un moment, le plus grand, et qui es à cette heure le plus petit de tous les génies, apprends que tes artificieux discours ne te serviront de rien. Tu retourneras à la mer. Si tu y as demeuré tout le temps que tu m’as dit, tu pourras bien y demeurer jusqu’au jour du jugement. Je t’ai prié au nom de Dieu de ne me pas ôter la vie, tu as rejeté mes prières je dois te rendre la pareille.

Tina Kim Fine Art

Un site simple, celui d’une galerie, juste pour la beauté des lieux.

Comme quoi on peut faire simple et fonctionnel.

Tina Kim Fine Art

Eau non potable

Ceux qui avaient l’habitude de boire l’eau des chiottes chez Ikéa sont désormais prévenus. L’eau n’y est pas potable.

chiottes Ikea

D’ailleurs, je me demande si ce ne sont pas des traces de caca près du bouton poussoir.

Encore une rousse

Pour une fois que je trouvais de la place dans le train sur le chemin du retour, il a fallu que je tombe sur la personne qui allait me mettre mal à l’aise. Avec l’intention ferme de poursuivre la lecture de mon bouquin, j’ai été dérangé par la personne qui était assise en face de moi. Je ne l’ai pas regardé tout de suite, mais j’ai vu qu’elle était toute de noir vêtue. Je sentais son regard posé sur moi. J’ai relevé les yeux, et j’ai senti non pas un regard perçant, mais bien plutôt quelque chose de bovin dans ces deux yeux globuleux. Ses cheveux roux, légèrement crépus étaient attachés en queue de cheval, ses yeux avaient cette étrange expression vide et désagréable qu’ont les poissons rouges et tout en elle semblait épais, son nez rond, ses lèvres énormes. Cela détonnait d’autant plus qu’elle était toute fine, toute maigre. Plusieurs fois, j’ai quitté les pages du livre pour voir où on en était, mais rien à faire, elle me fixait bizarrement. J’ai alors remarqué que ses yeux étaient légèrement rougis, et je me suis demandé un instant si elle n’était pas shootée. J’avais rarement vu autant de défauts physiques dans le même visage. Ce regard avait vraiment quelque chose de dérangeant et à tout moment, je m’attendais à voir dépasser un filet de bave d’entre ses lèvres… Flippante à souhait.

Heureusement, elle a fini par s’endormir, me laissant un instant tranquille, jusqu’à ce qu’elle ce qu’elle se lève pour descendre.

Je ne veux pas qu’on me regarde comme ça…