Les villes sales aux trottoirs flottants comme l’éther – un monde flottant grouillant de vies passées comme de vieilles nippes, des photos jetées par terre et côtoyant au hasard des vents un mégot et quelques vieux chewing-gum piétinés noircis par le temps – j’ai aimé errer dans ces rues sombres aux odeurs de pierre de poutres fanées et de fleurs fantomatiques… Il faisait une chaleur assourdissante la chemise collée au corps, chevillée à moi mais le temps a passé et n’est pas ennuyé à me retenir à ses côtés et il a fui, vieux lâche, à présent, rien ne saurait faire revenir à moi ce qui était l’essence de cette époque – un peu plus et je me prenais à rêver d’une Nouvelle-Orléans surannée, non, ce n’était pas la Nouvelle-Orléans mais simplement Paris avec ses airs mutins et ses rues larges et ses platanes décorés de chatons sur le point de tomber… et moi avec là dans le caniveau, si possible, tomber on ne peut plus bas….
Un sport et un passe-temps – James Salter
James Salter est un cas à part. Un personnage peu connu de la littérature américaine, parfois comparé à Vladimir Nabokov pour le style, pour le lyrisme coloré. Attiré par la couverture de son livre récemment réédité, Un sport et un passe-temps (1967), je me suis jeté dedans à corps perdu, m’en délectant intégralement sans rien lire d’autre à côté. Salter est un ancien militaire de l’armée américaine qui a mal tourné – tout dépend du point de vue.
Le livre est composé d’étrange manière. Le narrateur est en France, une France vieillote de la campagne, de la Bourgogne éloignée avec ses maisons de meulière aux grilles forgées, rouillées et ses champs à perte de vue et parle avec une sorte de nostalgie mâtinée de douce langueur.
Autun, silencieuse comme un cimetière. Des toits en tuile, foncés de mousse. L’amphithéâtre. La grande place centrale : le Champ-de-Mars. Maintenant dans le bleu de l’automne, elle réapparaît, cette vieille ville, dans cet automne provincial qui pénètre jusqu’à l’os. L’été est fini. Le jardin dépérit. Les matins se font frisquets. J’ai trente ans, j’ai trente-quatre ans – les années se dessèchent comme les feuilles.
Photo © Ruud Raats
La première partie fonctionne de manière assez étrange puisqu’en fait, elle n’a quasiment aucun rapport avec la suite du récit. C’est une sorte d’introduction à une personnage, à un décor, à cette France rustre et à ses personnages désabusés. L’extrait qui suit est en quelque sorte fondateur pour la compréhension du roman, on y trouve tous les ingrédients.
Je me vois comme un agent provocateur, ou comme un agent double, d’abord d’un côté – celui du vrai – ensuite de l’autre, mais entre les deux, dans les retournements de veste, les soudaines défections, on peut facilement oublier toute allégeance et ne ressentir que la joie profonde, résonnante, d’être au-delà de tout code, d’être complètement indépendant, criminel serait le mot. Comme tout agent, bien sûr, je ne peux divulguer mes sources. Je peux seulement dire qu’il y a des choses que j’ai vues moi-même, d’autres que j’ai découvertes, parce qu’après tout, omettre ne serait-ce qu’un seul mot peut révéler l’existence de quelque chose qui mérite d’être caché, et je suis devenu obsédé à l’idée de la découverte, comme les grands détectives. J’ai lu chaque bout de papier, noté chaque détail.
L’histoire dont on parle est celle de deux jeunes gens, un Américain sans le sou et un peu fou, un dandy cynique et amoureux, Dean, amoureux de la petite Française un peu simple, Anne-Marie, pas vraiment exceptionnelle, mais il l’adore et passe son temps à lui faire l’amour. Cette relation entre ces deux personnages n’est pas une relation chaotique ou compliquée, elle est plutôt de l’ordre du passionnel et comme toute passion, elle n’a rien à voir avec l’amour qui lui, est censé être éternel. Anne-Marie attend énormément de son petit Américain, mais finalement rien d’autre qu’une vie simple de couple, avec ses petites joies et le simple fait de vivre à deux, même sans argent. Rien ne sera comme ils l’entendent tous les deux, et pour Dean, Anne-Marie apparait finalement comme un sport, et un passe-temps…
Il commence à me raconter la mer avec ses rochers, le vieil hôtel. Il décrit la Loire, la soirée hantée à Bagnoles. Il parle presque comme s’il ne pouvait pas se retenir. Tous les détails arrivent, les descriptions, les sensations, les odeurs. Il se tait, rassemble ses souvenirs, continue. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression qu’il est en train de tout étaler devant moi, l’essence de cette glorieuse vie qu’il a menée en France. Il met le passé en ordre. Il y a certaines choses qu’il faudrait confesser, et il sait que ça m’intéresse. Rien de ce qu’il n’est exceptionnel, mais je reconnais les événements. Je comprends tout ce que nous ne nous disons pas.
Ce qui est étonnant dans cette œuvre, pour un livre de cette époque, 1967, c’est la façon qu’il a de parler du sexe. Ma première impression lorsque j’étais encore en plein dedans, c’est une similitude avec les œuvres d’Heny Miller ou d’Ernest Hemingway, cette même cruauté / crudité. Rien n’est épargné pour le plus grand bien du lecteur. Faire sens, voici tout ce qui intéresse Salter et ça fonctionne à merveille. Je suis sous le charme et j’aime sa façon de parler de l’intimité de Dean et d’Anne-Marie, qu’on soupçonne foncièrement réelle.
Dean sourit. Il l’appuie un peu vers le bas. Elle résiste doucement. Ensuite il la retourne et la sonde. C’est comme un pluie d’amour. Elle le trempe quel que soit l’objet de ses pensées. Comme s’ils étaient dans des chambres séparées, comme s’ils étaient engagés dans des actes isolés, ils s’occupent jusqu’au dernier instant et ensuite restent écroulés, la literie éparse autour d’eux. Ils parlent à voix basse, sans conséquence. A l”extérieur de la fenêtre, des pigeons s’élancent par-dessus les tuiles.
James Salter
Un sport et une passe-temps (A Sport and a Pastime)
Editions de l’Olivier, Collection Points Signatures
Des kyriades
Myriade: Du latin myriades, adapté du grec ancien μυριάδες, mêmes sens, issu de μυρίος « innombrable » dont le pluriel μυρίοι signifie « dix mille ». Nombre de dix mille. (Par extension) (Ordinairement) Quantité indéfinie et innombrable. (source Wiktionnaire)
Kyrielle: Formé au Moyen-Âge en référence à la litanie kyrie eleison (Seigneur, ayez pitié de nous) du culte catholique. Suite interminable de paroles ou de mots. (Par extension) Toute longue série, multitude. (source Wiktionnaire)
Kyriade: Origine incertaine, terme probablement né dans une salle de rédaction d’un magazine télévisé par de frais diplomés d’une école de journalisme. Sens incertain, veut très vraisemblablement dire “des beaucoup, des énormément, voire des myriades ou des kyrielles”… Entendu sur M6, la petite chaîne qui… Creuset culturel.
De la pénétration…
On va devoir s’asseoir sur le redressement…
Il faut qu’on regarde de plus près ce que donne la pénétration de cet acteur…
Ce que j’aime dans le monde des études, c’est qu’on peut passer sa journée à dire des obscénités avec un aplomb énorme, sans risquer de passer pour un pervers et avec l’approbation, et même de vifs encouragements de la part de ses supérieurs.
Il y a une lecture morale de tout ceci.
Brighton Beach, Brooklyn by the sea
Brooklyn by the sea
Dimanche après-midi
C’est une vieille promenade
Sur de longues planches malades
C’est la mer Noire en petit
Tout le long de Brighton Beach
A Brooklyn by the sea.
Photo © Genial 23
Photo © Genial 23
C’est loin de la ville
C’est comme un pays
Que New-York secoue et regarde
Comme ses rires ou ses lézardes
Où tous ses rêves ont vieilli
Tout le long de Brighton Beach
A Brooklyn by the sea.
Photo © 1115
Paroles de Mort Shuman.
Dans le jardin de Strindberg
Lire Strindberg au cœur de l’hiver, c’est une bouffée d’air frais. August Strindberg, que ma joyeuse naïveté avait toujours placé au rang des plus célèbres compositeurs Suédois, comme je viens de l’indiquer, je ne le connaissais pas du tout. C’est collé à la couverture du livre de Sjón que je l’ai trouvé. Sa couverture recouverte d’une peinture de Carl Larsson m’a tout de suite attiré, me rappelant quelque chose de vaguement champêtre et également d’intimement lié à mon enfance.
Outre cela, j’ai découvert un auteur guilleret qui parle de son jardin avec la passion enflammée du connaisseur…
Carl Larsson
Introduire dans son jardin l’automne, les chardons et les mauvaises herbes et ne pas y avoir une seule fleur, c’est aussi aberrant que des buis taillés ou des tilleuls en espalier ! Mais le pire, ce sont ces ficoïdes qui, en pleine canicule, donnent l’illusion de la neige et du givre.
Qui a inventé ces horreurs ? Un ennemi juré des fleurs ? Un jardinier ambitieux qui voulait créer quelque chose de nouveau à n’importe quel prix ? Et comment ce pessimisme a-t-il pu s’imposer ? Y avait-il dans l’air du temps ce penchant pour les souffrances qu’on s’inflige, ou bien s’agissait-il d’une mode qui émergea, prédomina, frappa de paralysie les meilleurs et contraignit même les plus obstinés à se plier ? Allez savoir ! Des vents soufflent de tous les côtés, mais certains ne durent pas longtemps. C’est le cas de celui dont on parle : j’ai vu, avec joie, l’abominable coléus dans le jardinet d’un paysan – dans peu de temps il sera relégué à l’hospice. C’est pourquoi je mise sur le pois de senteur contre l’herbe de la pampa.
Mais on découvre un auteur cynique, qu’on sent à la limite de l’agacement et dans une certaine mesure me fait penser à certains textes de Jonathan Swift. August Strindberg à la pêche…
Cette méthode est d’un bon rapport, mais comme elle se fait à deux, on doit tenir compte des corvées qu’elle implique: le panier à provisions, la bouteille de cognac, la boîte de cigares, sans oublier les disputes. Rien n’est plus incompatible avec une pêche digne de ce nom que la présence de plusieurs personnes dans la même barque, sauf s’il s’agit de mineurs ou de domestiques sur lesquels on exerce une autorité illimitée et qui ne risquent de donner leur avis ni sur l’art de la pêche ni sur le travail du marin.
Carl Larsson
Outre ces moments récréatifs, on y trouve un naturaliste engagé et sûr de son propos. On y trouve quelques approximations scientifiques, mais toujours basées sur une observation très fine de son environnement.
L’évolution n’est peut-être qu’un mouvement vers l’avant ou vers l’arrière, une transformation sans conséquences ? Les lois de la nature ne seraient alors qu’un reflet subjectif de nos cerveaux avides d’ordres qui veulent détecter une détermination dans toute chose.
Je n’ai jamais rien lu d’autre de lui, et en lisant la postface du livre, on découvre que ce livre n’était en quelque sorte rien d’autre qu’une prose alimentaire, mais dont les auteurs avouent que son style y reste égal et toujours d’une grande clarté.
« Pour avoir le temps de traduire les pièces, je dois dès demain commencer un livre de merde sur la pêche à la ligne, la chasse, le jardinage, etc. – une lecture de Noël ! Affreux ! »
Lettre à Edvard Brandes, 4 septembre 1888.
August Strindberg, Mon jardin et autres histoires naturelles
Titre original : Blomstermålningar och djurstycken
Editions Actes Sud, 2005
You see what I mean – Suivez la flèche
Adolescent par la fenêtre de ma chambre au premier étage, je pouvais dominer toute la vallée de la seine et orienté sud-ouest, tous les soirs, je regardais le soleil se coucher derrière la terrasse de Saint-Germain-en-Laye où je suis né et parfois, je prenais en photo ce soleil rougeoyant sur des pellicules entières. Je les ai retrouvées ces photos, j’en ai des dizaines, du même cadrage, du même soleil, prises du même endroit. Pourtant aucune de ces photos ne se ressemble à cause de la luminosité, des nuages, de tas de paramètres entrant en ligne de compte. L’autre jour, j’étais en de train de me les geler sur mon balcon histoire de prendre un peu l’air lorsqu’en regardant au loin, j’ai vu ces étranges zig-zags dessinés dans le ciel éthéré. J’y ai vu comme un croix mais ce qui m’a le plus frappé, c’est cette sorte de flèche dirigée en plein vers l’astre sur le déclin dans le ciel de l’hiver, comme tirée d’un arc par un Dieu de la Grèce ancienne.
n° 8 Suivez la flèche
« You see what I mean » comme une affirmation, ou comme une question, une question qui amène une réponse à l’autre bout du monde, ou plutôt deux questions qui interrogent le monde et par lequel on répond avec l’œil du spectateur au travers de l’objectif. C’est le défi auquel nous nous plions Fabienne et moi, une fois par semaine autour d’un thème choisi d’un commun accord. L’orientation choisie, nous nous faisons la surprise de l’image avec notre personnalité, notre regard, notre sensibilité, pour donner naissance à de nouvelles perspectives qui étonneront certainement autant les visiteurs curieux que les auteurs.
Le moindre des mondes – Sjón
Pour trouver celui-ci j’ai du me compromettre jusqu’aux tréfonds du rayon littérature scandinave (je crois, ou alors était-ce littérature nordique, l’Islande ne faisant pas vraiment partie de la Scandinavie) d’un supermarché de la culture. On trouve parfois de réels petis bijoux lorsqu’on sort un peu des étalages dits “têtes de gondoles” ou des présentoirs destinés à servir une soupe fade et clairettre qu’on finit par retrouver entre toutes les mains des lectrices de trains de banlieue.Non, moi je peux m’enorgueillir de lire vraiment en sortant des parcours habituels en suivant toujours les miens. Ce qui m’a amené à Sjón (de son vrai nom Sigurjón Birgir Sigúrdsson), c’est un étrange concours de circonstances, mais c’est avant tout la quatrième de couv’, rédigée par Marie Darieussecq, présentant une histoire de métamorphoses. J’ai également appris que Sjón était poète et parolier pour la plus célèbre des Islandaises, Björk. Il est notamment l’auteur des paroles de Bachelorette et surtout d’Isobel que je tiens pour une de ses plus belles chansons. L’homme avait donc de grandes chances de me plaire et il le fit.
Le moindre des mondes, le titre en français, est étrangement traduit et ne reflète pas vraiment ce que veut dire son titre islandais, Skugga-Baldur. Baldur Skuggason est un des personnages de cette histoire sombre, à mille lieux du folklore islandais. Baldur Skuggason c’est Baldur fils de Skukka – l’Ombre, Skugga-Baldur c’est Baldur de l’Ombre, un personnage ambivalent, à la fois violent et déterminé lorsqu’il part à la chasse à la renarde rousse (le titre anglais du roman est The Blue Fox) dans la tempête de neige jusqu’à se retrouver pris dans une avalanche dévastatrice. Son histoire ouvre le roman, sa traque ouvre le bal dans des mots suaves et froids, dans un poème chanté comme on peut en trouver dans les longues sagas de ce pays mystérieux.
Les feux du jour allaient s’éteindre.
Les salles de la voûte céleste s’étaient suffisamment obscurcies pour que les sœurs des aurores boréales entament leur allègre danse du voile.
Dans une féerie de couleurs, elles tournoyaient, légères et agiles sur la vaste scène des cieux, drapées de robes flavescentes, arborant des colliers de perles qui se disloquaient ici et là au gré de leurs ondulations frénétiques. C’est dans les instants qui suivent le crépuscule que ce spectacle est le plus distinct.
Ensuite, le rideau tombe ; la nuit prend le pouvoir.
L’histoire de Baldur de l’Ombre va se mêler étrangement avec celle de deux autres personnages, un botaniste du nom de Friðrik Friðjónsson et une trisomique du nom d’Abba, dont l’histoire remonte à des temps déjà anciens, autour de la découverte de deux paquets que la fille portait avec elle lorsqu’on l’a trouvée seule à bord d’un navire. Baldur le Révérend est emprisonné dans la neige, dans sa gangue de peaux, la dépouille de la renarde blottie contre sa poitrine.
Derrière cette histoire de morts, de renards et de neige, d’amitiés et de haines sauvages se cache un récit à la langue claire et violente, bien loin des idées toutes faites autour d’une Islande aussi sombre et rude que peuvent être claires les eaux des fjords.
– J’ai vu l’Univers ! Il est constitué de poèmes !
Les Danois se dirent qu’il avait parlé là en «rigtig Islændig », c’est-à-dire en authentique Islandais.
Le moindre des mondes, Sjón
Editions Rivage
Reykjavík, 2005
Précipité d'en haut
Précipité d’en haut…
Je n’écris pas pour me souvenir plus tard.
J’écris pour oublier maintenant…
J’a retrouvé quelque part cette photo de Raymond Depardon dans mes petits papiers parmi un tas d’autres tirées du livre Voyages. D’autres parlent d’une femme dans le désert d’un amour niché au beau milieu des grains de sable, d’autres encore de grands hôtels vénitiens, d’autres encore me rappellent l’inavouable vérité des secrets ; une petite ritournelle me revient alors au loin comme le chant d’une boîte à musique dans les tourments du vent…
Dehors il gèle ce soir la nuit emporte l’odeur des dunes…
Plus que des poèmes.
Gaslight
Je me souviens d’un film que j’ai vu lorsque je vivais encore chez ma mère, un film qui s’appelait Gaslight. A cette époque, on continuait de traduire les titres des films étrangers, de manière plus ou moins heureuse, alors je me suis émerveillé sur ce film qui avait conservé son titre original, d’autant plus que ce film date de 1940. J’appris plus tard qu’une autre version de ce film a été tournée en 1944, avec Ingrid Bergman et Charles Boyer. Non, dans cette version-ci c’est un bel hidalgo du nom d’Anton Walbrook (que l’on peut voir furtivement dans Lola Montès) et une actrice au charme raffiné, Diana Wynyard, pas parmi les plus connues. Dans ce film, un homme tente de faire passer sa femme pour folle tandis qu’elle est hantée par la mort de sa tante, des années auparavant. Dit comme ça, ça ne raconte pas grand chose, mais c’est un grand film qu’il faut voir.
Après 30 heures de boulot en 2 jours entrecoupés de quelques unes de sommeil, me voici de retour chez moi avec mon fils qui mange ses tartines de pain brioché tartinées de gelée de citron. Je me sens exténué, ayant travaillé sur les nerfs depuis le début de la semaine, et certainement avant aussi et à présent, j’arrive à garder la tête froide, évacuant le stress de la grosse période d’accouchement des résultats… (que certains n’hésitent pas à dénigrer allègrement sans réellement savoir de quoi ils parlent, de quoi se mettre la profession études à dos). Mais tout ça est fini désormais, jusqu’à la prochaine fois…
Photo © Irina Souiki
Hier aussi, j’ai retrouvée mon amie que j’avais certainement négligée, même si je sais au fond que rien n’est jamais acquis et que ces petites attentions s’entretiennent. Je ne sais pas quoi dire, j’ai juste envie parfois de m’enfouir sous terre et de fermer les yeux. Juste envie d’enfoncer mon bonnet sur la tête et me dire que je suis un gros con. Je n’aime pas ces situations, je ne veux pas tout gâcher parce que nous ne le méritons ni l’un ni l’autre.
Et puis il y a François aussi, François le dingue, François qui se donne à fond et ne s’arrête que lorsqu’il est au bout. Des types comme ça, je n’en ai connu qu’un seul dans ma vie, et il faisait de grandes choses. François, c’est un peu comme une révélation, le grand frère, le type avec qui je peux rire sans complexe et qui peut parler pendant des heures du monde des études et de déduplications sans que je m’en lasse. François est un type bien avec qui mine de rien je passe pas mal de temps pendant mes journées de travail et après aussi, pour le boulot toujours, mais pour le plaisir aussi.
Lorsque j’étais dans le train cet après-midi j’ai fermé mon livre de Harrison et je me suis laissé bercer par la douce chaleur du soleil écrasant les coulées de condensation sur les vitres, laissant trainer mon regard fatigué sur les mauvaises herbes cotonneuses qui grimpent le long des treillages vert foncé, à moitié endormi, à moitié rompu d’épuisement. En sortant, j’ai été saisi par le froid et le vent qui donne mal au crâne. Mais le soleil était là et m’a réchauffé le dos, absorbé par le noir de mon caban. J’aime cette clarté cruelle du feu qui blanchit les jours sans vie.
La lumière s’est éteinte à deux reprises hier soir plongeant finalement l’appartement et tout le quartier dans un noir sidéral pendant deux bonnes heures. Nous avons allumé quelques bougies et je me suis assis sur le canapé à côté de mon fils dont les yeux brillaient, il s’est blotti contre moi, remontant ses genoux sous son menton il voulait que je passe ma main sur son épaule et il commençait à s’endormir tout doucement, sans télévision, sans musique, juste la lueur dansante des photophores dans leur gangue de verre. Lorsque la fée électricité a refait son apparition, la télévision a commencé à m’agresser ; j’ai repris le cours de Glen or Glenda d’Ed Wood que j’avais enregistré avant Noël mais gagné par le sommeil, j’ai laissé tomber les dernières défenses et je me suis assoupi devant ce nanar absolu mené par un Bela Lugosi à l’accent transylvanien annonant la même phrase une bonne trentaine de fois.
A new day is begun.
A new life is begun…
Et c’est alors que je me suis mis à rêver de Gaslight, sorti des ténèbres…
Et voilà, ce soir je voulais peindre une aquarelle mais maintenant je suis trop fatigué.