Mad scores

Quand le musicien devient fou, la partition vole en éclat. Le pire dans tout ceci, c’est que c’est jouable… Je me souviens avoir eu entre les mains les partitions du Samstag aus licht de Karlheinz Stockhausen et j’avoue que ça avait quelque chose de poétique.

Chez Dark Roasted Blend.

Music score

Wide open

Sorti dans le vent sans vraiment me rendre compte qu’il faisait déjà jour, je me suis soudain aperçu que le vent soufflait fort, trop fort et à peine avais-je marché cinquante mètres que déjà je commençais à avoir mal au crâne, les oreilles en ont pris un coup. Ça m’apprendra à aller chez le coiffeur en pleine saison des cyclones.

J’aurais pu demander de me faire coiffer encore plus court, mais disons qu’après je risquais d’exposer la peau du crâne aux intempéries, et puis après tout, c’est juste histoire de changer de tête quelques temps, de marquer une pause, de se faire beau et propre et d’en profiter. Il paraît que ça repousse de toute façon. Continue reading “Wide open”

Netherlands Institute For Sound And Vision, Hilversum

Les Hollandais osent. Lorsqu’il leur vient une idée délirante, ils font appel à des visionnaires, à des génies, à des personnes qui se montrent inventives et se donnent les moyens de faire ce qu’ils veulent. C’est dans cette optique qu’a été construit le Netherlands Institute For Sound And Vision, équivalent de l’INA.
Sa grande originalité, mis à part une architecture incroyablement inventive dans les intérieurs et son aspect faisant penser à une grande cathédrale dédiée au Dieu Télévision, c’est cette incroyable façade, ayant également par son aspect quelques similitudes avec une immense construction vitraillée. C’est le designer graphique Jaap Drupsteen qui a composé cette immense mosaïque de verre avec des images floutées de la télévision néerlandaise, donnant une incroyable impression de légèreté à l’ensemble, construit sur des pieds de béton et l’étrange sensation que le bâtiment est comme mu par une force lui conférant vitesse et mouvement.

Netherlands Institute For Sound And Vision

De superbes photos signées Iwan Baan sur Plataforma Arquitectura.
Une réalisation des architectes de Neutelings Riedijk.

Haqq Ali Ali

Une de mes plus belles émotions musicales a été ma rencontre avec Nusrat Fateh Ali Khan, que j’ai découvert de manière confidentielle pendant un cours de Mohamed Hassen Zouzi-Chebbi (que je n’ai jamais entendu personne appeler autrement que Zouzi) à Paris VIII.

J’aimais ces cours où l’on pouvait écouter des poèmes en arabe et même si la plupart d’entre nous n’y entendait rien, on ne pouvait que s’émouvoir devant la diction tempérée de l’homme à la chevelure rousse hirsute et face à la beauté de cette langue qui chantait à mes oreilles. C’est dans ce cadre que j’ai découvert le maître du qawwali. Et là, je vous laisse écouter Haqq Ali Ali, qui se passe de commentaires…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Nusrat%20Fateh%20Ali%20Khan%20-%20Qawwali%20-%20The%20Vocal%20Art%20of%20the%20Sufis.mp3]

L'étrange contrée

Ils roulaient vers l’ouest maintenant, sur la grande route de Coral Gables, à travers les faubourgs monotones et écrasés de chaleur de Miami, passant devant des magasins, ses stations-service et des supermarché, au milieu des voitures ramenant les gens de la ville chez eux, les dépassant régulièrement. Ils avaient laissé à l’instant sur leur gauche Coral Gables avec ses constructions qui ressemblaient à celles du Basso Veneto, s’élevant au dessus de la plaine de Floride, et devant la route s’étendait, toute droite mais gondolée par la chaleur, à travers ce qui avait été autrefois les Everglades. Roger roulait plus vite maintenant et la voiture se déplaçant dans l’air chaud rafraichissait l’air qui entrait par le ventilateur du tableau de bord et les déflecteurs des fenêtres.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Ohia-Coxcomb_Red.mp3]

Tu es en train de raisonner comme un de ces écrivains des Grands-Espaces-Américains, se dit-il. Fais attention. Tu ferais bien d’en faire une provision. Regarde la fille en train de dormir et dis-toi que chez nous, ça va être là où les gens n’ont pas de quoi manger. Chez nous, ça va consister à aller là où les hommes sont opprimés. Chez nous, ça va être là où le mal est le plus fort et doit être combattu. Chez nous, ça va être là où tu vas maintenant. Mais tu n’as pas à y aller tout de suite, pensa t-il? Il avait des raisons de retarder ça. Non, tu n’as pas à y aller tout de suite, dis sa conscience. Et je peux écrire les histoires, dit-il. Oui, tu dois écrire les histoires et elles doivent être aussi bien écrites que possible et même mieux. Très bien, Conscience, pensa t-il. Nous allons régler tout ça. J’imagine que, vu la tournure prise, je ferais mieux de la laisser dormir. Tu la laisses dormir, dit sa conscience. Et tu essaies de prendre bien soin d’elle, et pas seulement. Tu prends bien soin d’elle. Aussi bien que je pourrai, dit-il à sa conscience, et j’en écrirai quatre bonnes. Elles ont intérêt à l’être dit sa conscience. Elles le seront, dit-il. Elles seront ce qu’il y a de mieux.


Fence

“Embrasse-moi maintenant.”
Ses lèvres étaient salées et son visage mouillé par l’eau de mer et, au moment où il l’embrassa, elle tourna la tête et ses cheveux trempés virent frapper son épaule.
“Drôlement salé mais drôlement bon, dit-elle. Serre très fort.”
Il le fit.
“En voilà une grosse, dit-elle. Une vraiment grosse. Soulève-moi bien et nous irons ensemble au-delà de la vague.”
La vague n’en finit pas de les rouler, accrochés l’un à l’autre, ses jambes enroulées autour des siennes.
“Mieux que la noyade, dit-elle. Tellement mieux. Refaisons-le encore une fois.”
Ils choisirent une vague énorme cette fois et quand elle se dressa avant de se briser, Roger se jeta avec elle sous la ligne de rupture et quand elle s’écrasa elle les fit rouler comme une épave sur le sable.
“Allons nous rincer et puis nous coucher sur le sable”, dit-elle et ils nagèrent et plongèrent dans l’eau claire et puis se couchèrent côte à côte sur la plage ferme et fraîche, là où l’irruption des vagues venait à peine toucher leurs doigts et leurs chevilles.
“Roger, tu m’aimes encore?”

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Nervous%20_Bride.mp3]

“Je sors, dit-elle. Sens comme je suis fraîche, dit-elle sur le lit. Sens jusqu’en bas. Non, ne t’en va pas. Tu me plais.
– Non. Laisse-moi prendre une douche.
– Si tu veux. Mais je préférerais que non. Tu ne rinces pas le oignons avant de les mettre dans un cocktail ? Tu ne rinces pas le vermouth, non ?
– Je rince le verre et la glace.
– Ce n’est pas la même chose. Tu n’es ni le verre ni la glace. Roger, s’il te plait, fais-le encore. Encore est un joli mot, non ?
– Encore et encore”, dit-il.
Doucement, il suivit la courbe adorable qui allait de sa hanche et ses côtes à l’arrondi pommelé de ses seins.
“C’est une bonne courbe?”
Il embrassa ses seins et elle dit: “Fais très attention quand ils sont froid comme ça. Fais très attention et sois gentil. Tu sais à quel point c’est douloureux ?
– Oui, dit-il. Je sais à quel point c’est douloureux.”
Puis elle dit : “L’autre est jaloux.”
Un peu après elle dit: “Ils n’ont pas bien prévu les choses, que j’aie deux seins et que tu ne puisses en embrasser qu’un. Ils ont tout séparé beaucoup trop.”


Texte: Ernest Hemingway, l’Etrange Contrée (The Strange Country, in Le Chaud et le Froid), traduction Pierre Guglielmina
Musique: Songs: Ohia, Coxcomb Red & Nervous Bride
Photo: © Fotonstudio

Et maintenant ?

Après une journée harassante, pour se délasser en compagnie d’un café serré juste avant d’aller se coucher, des notes bleues légères comme l’air, fermez les yeux et je vous emmène au pays des cuivres…

1958, Miles Davis et John Coltrane… On se demande bien ce qui est peut être fait de mieux…

Nuit blanche, lune couleur d'ocre

Là-haut, dans le ciel dansent les couleurs d’une lune qui ne sait plus quel ton adopter…
J’entends les pulsations de mon coeur dans les tempes. La nuit a été longue, je n’ai pas réussi à m’endormir en paix, les yeux dans le vide sur les pages des trois femmes de Pierre Loti et une fois la lumière éteinte, je n’ai eu l’impression que d’un chaos sans fin, jusqu’au lever qui m’apparait comme une délivrance.
La journée effacera tout ça, cachera les caprices de la lune… Je vais repartir…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Chet%20Baker%20-%20My%20Funny%20Valentine.mp3]

Chet Baker, My Funny Valentine (Instrumental)

Le large

Lorsque je suis allé à la mairie la troisième semaine de décembre, j’avais la ferme intention de m’inscrire sur les listes électorales. J’ai tendu ma carte d’identité à l’employée pour qu’elle m’enregistre, mais elle me l’a rendue avec un air narquois en me disant qu’elle était périmée depuis le mois d’aoüt. Soit, je lui ai demandé comment la faire refaire. Elle m’a expliqué tout cela, et me dit au bout du compte que je n’aurais pas la nouvelle avant un mois, ce qui m’emmenait bien après la date de clôture des inscriptions sur les listes. Je suis parti de là, la mine déconfite en me disant que pour la première fois depuis mes 18 ans, je ne pourrais pas accomplir mon devoir.

Et puis finalement, à présent, je me dis que je devrais plutôt me faire faire un passeport

Petit bateau

Portrait de la Baronne

Ce portrait superbe signé Dellacroix & Dellfina est celui d’une femme dont on ne garde souvent qu’une piètre image, celle d’une vieille femme ridée, rongée par la maladie et à l’air revêche.

Karen Blixen

Longtemps connue sous le nom d’Isak Dinesen, son vrai nom était Baronne Karen von Blixen-Finecke, ou Karen Blixen, qui écrira Le Dîner de Babette et la Ferme Africaine (Out of Africa). Elle est décédée en 1962, et cette photo date de 2001. On aurait presque pu y croire…

And so a secret kiss…

Lorsque j’ai envie d’écouter une chanson triste, une chanson qui me donne envie de me renverser sur ma chaise, de fermer les yeux et chanter avec Tom Waits… C’est toujours Alice que je sors de mes cartons et que je peux écouter plusieurs fois de suite… Un vieux jazz romantique enfumé, sous la voix rocailleuse et mélodieuse qui finit toujours par m’arracher un sourire, même si je pour le coup, je préfère me laisser entraîner… et penser à ce baiser secret qui rend fou…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Tom%20Waits%20-%2001%20-%20Alice.mp3]

And so a secret kiss
Brings madness with the bliss
And I will think of this
When I’m dead in my grave
Set me adrift and I’m lost over there
And I must be insane
To go skating on your name
And by tracing it twice
I fell through the ice
Of Alice