Écrire nécessite a priori deux choses.
De l’énergie au sens d’une énergie tellurique, quelque chose de primitif qu’on ne fait que ressentir, subir, et qui se niche dans des confins qu’il ne vaut mieux pas connaître.
Et du temps aussi. Du temps au sens d’un instant, quelque chose qui s’inscrit dans le temps.
Écrire n’est pas quelque chose d’anodin qu’on peut faire en dilettante, cela nécessite un minimum d’investissement. Parce que précisément c’est de l’énergie et de l’instant, alors oui, la question qu’on peut se poser, c’est si cette conjonction peut mener à autre chose que l’écriture de quelques pages jetées comme ça à la face du monde, de simples petits textes, parce que justement, on ne peut pas a priori mener un projet d’envergure si on s’inscrit dans une dynamique meurtrière qui consiste à libérer son énergie dans un laps de temps relativement court. Quand je dis ça, je ne sais pas vraiment pourquoi mais ça me fait immédiatement penser à l’orgasme et je continue de croire que les deux choses sont intimement liées. Non qu’écrire et faire l’amour fassent partie du même domaine de compétence ou de connaissance, mais je pense plutôt que l’écriture est une tension érotique destinée à libérer une énergie qu’on n’arrive pas à contenir autrement. Comme le sexe.
Photo © Caitlin
Et somme toute, les deux choses sont aussi vaines l’une que l’autre. Rien ne vient contenter ces envies à part leur passage à l’acte, qui demande toujours cependant un renouvellement.
Rien n’est plus éphémère qu’un orgasme ou qu’une page d’écriture. Et rien ne demande plus qu’on y revienne, il n’y a jamais de satiété.
Se positionner en tant qu’écrivain d’une page est peut-être voué à l’échec. Écrivain de pages… Noble fonction mais tellement vaine. Seuls les romans ont droit au chapitre non ?
Alors comment faire lorsqu’on vide son énergie dans un laps de temps limité, qu’on « orgasmifie » son écriture si l’on veut s’inscrire dans un projet qui demande de la langueur longueur et de la perspective ?
Très sincèrement, je ne sais pas. Je n’ai pas de réponse.
peut-être que c’est la même différence qu’il y a entre être amoureux et aimer. Tomber amoureux (ou tomber en amour, comme disent les Québécois inspirés de l’anglais) c’est quelque chose de vif, d’instantané, de brûlant (comme l’orgasme dont tu parles) mais ça ne dure pas – on le sait, c’est une question d’hormones, de phéromones, blablabla. Aimer, c’est quelque chose qui se construit au fil des jours, quelque chose qui s’inscrit dans la longueur.
Alors être écrivain de pages, c’est peut-être être amoureux (des mots, des phrases, du fait de gratter le papier, etc.) tandis qu’être auteur d’un roman, c’est vouloir construire une relation à long terme, avec ses personnages, son univers, ses lecteurs, peu importe. Il y a un moment, me semble-t-il, où il faut choisir entre mettre son énergie à combler une jouissance immédiate (et finalement assez facile), ce besoin insatiable que tu mentionnes, et mettre son énergie à transformer le plaisir passager en un bonheur durable.
Moi aussi j’ai toujours pensé qu’on était des branleurs
En fait, sous le ton de la plaisanterie, je pense que mon commentaire rajoute une interrogation à tes questions : Si effectivement écrire, c’est aimer, alors n’est-ce pas avant tout de l’amour pour soi-même ? Borges pensait que l’écriture était une clôture de la personne sur soi. Se cacher derrière les mots, se dévétir, strip tease, effectivement, on est assez vite dans le plaisir.
Trouvé sur Google :
“Ecrire est un acte d’amour. S’il ne l’est pas il n’est qu’écriture.” (Cocteau)
Fabienne, je crois que tu es tombée juste, c’est le même ordre d’idée, la même chose, tout est une question d’intensité…
Rasbaille, nécessairement, l’écriture est honteusement solitaire et égoïste… (branleur toi-même 😉 )