Jinja

Jinja (神社) en japonais, c’est le sanctuaire, un manière pour moi de répondre à une question qu’on m’a posé il y a quelques temps. Lorsqu’on me demande ce que j’aime dans les blogs, la réponse ne vient pas naturellement, parce que ce que j’aime, c’est l’unicité de tel ou tel blogueur, sa particularité, son univers, sa méthode, son monde intime. Difficile donc d’en tirer une synthèse et des paradigmes. Alors plutôt que de répondre à la question, je vais dire ce que j’aime dans chacun des blogs que je lis. Je risque d’y passer pas mal de temps, mais je m’y colle. Il est plus difficile de dire pourquoi on aime que pourquoi on aime pas. Version 2.

J’aime Manue de Figoblog pour ses figues, ses couleurs et sa douceur, parce qu’elle me fait plonger dans l’univers de la bibliothéconomie que je ne connais pas, pour ses confitures. J’aime BluPaTaTo pour son humeur toute canadienne, sa bonne humeur, et son design toujours excellent. J’aime Soph et Ced (64k) pour leur pertinence, leurs liens pointus et une ambiance chaleureuse. J’aime Véronique Boisjoly pour ce qu’elle me fait découvrir, son petit monde à elle et ses vidéos, qui l’air de rien, me plongent dans une atmosphère urbaine à laquelle j’adhère complètement. J’aime Freakydoll que je connais un petit peu de la vraie vie, parce qu’il est gentiment déjanté et savemment exhibitionniste, j’aime son univers cosmopolite. J’aime Romu parce qu’il s’appelle Romuald, qu’il est photographe et qu’il a une manière de bloguer, laconique, pleine de superbe. J’aime Gregory pour sa paresse magnifique, ses quelques mots postés à l’envi, des mots qui vont droit là où il faut. J’aime Ambiome parce que c’est une fille qui ne mâche pas ses mots, parce qu’elle parle brut et sensuel. J’aime Araignée pour son petit grain de folie, les gens qui gravitent autour d’elle, son humour. J’aime Bashôan (Haikai) pour sa sagesse, ses mots simples sur une feuille blanche et sa rareté. J’aime Benoit Bisson parce que c’est mon pote. J’aime Mélisande pour ses mots déversoirs d’émotions fortes et sublimes. J’aime Nicolas pour sa variété. J’aime encore Romu pour ses photos qui lui ressemblent. J’aime Sébastien pour ses cascades, les images qu’il donne à voir, parce qu’il ne ressemble à personne d’autre. J’aime David et son blog du Japon parce que personne d’autre ne sait parler du Japon comme lui. J’aime Blogokat pour ses liens, sa façon de présenter les choses. J’aime Candy Froggie pour son univers, ses mots en anglais, ses bouts de chous. J’aime Franck Paul pour tout ce dont il parle, sa clairvoyance, ses explications très détaillées lorsqu’il endosse un costume de professeur. J’aime Fabienne parce que c’est elle et personne d’autre, parce que tout en elle me plait. J’aime Cey, parce que c’est simple, beau, sans fioritures, c’est brut et c’est bon. J’aime chez Luc parce que c’est toujours plein de choses intéressantes, c’est riche et ludique. J’aime Egoblog parce que ça parle beaucoup et on y apprend plein de choses. J’aime Laurent, allez savoir pourquoi. J’aime Enro pour son côté sombre et tragique, sans concession. J’aime Lucas pour son opiniâtreté et ses photos. J’aime Farf pour ses mots mordants, sa fidélité, son esprit caustique.


J’aime Gluons pour son côté gentiment fou et j’aime bien quand il vient m’embêter sur MSN. J’aime Heures Creuses, pas tout le temps, mais parfois je découvre de bonnes choses. J’aime Houssein pour son mordant, sa façon de toucher au but de manière percutante. J’aime AnT pour sa façon d’écrire et son déjantage quinzième degré. J’aime Japan Time pour ses billets rares et concis, sa vision désabusée du Japon. J’aime Je blogue donc je suis pour son humour, pour ce qu’il cherche et trouve. J’aime France pour sa verve, son lyrisme, ses récits d’Inde, son incomparable accent que l’on entend même à travers ses mots. J’aime Joey parce qu’il aime mes thèmes et pour l’ambiance générale. J’aime Pep parce que c’est un geek drôle. J’aime Karl pour son tempérament calme et emporté à la fois, parce que c’est lui qui m’a donné envie de bloguer. J’aime Ebb et Hoedic parce que c’est un blog à deux voix, parce que c’est riche et varié. J’aime Souricier pour son beat. J’aime Ollie pour son côté fouineur. J’aime le mot du jour pour son mot du jour. J’aime Leary Calls pour tout ses liens, quand il écrivait. J’aime Leningrad Cow-Boy, parce que c’est Romuald. J’aime Raskolnikov pour sa noirceur. J’aime les petites cases pour son érudition. J’aime Lolo² parce qu’il est impertinent. J’aime Miss Lulu parce qu’elle est bavarde et tendre. J’aime Xave parce que c’est un gentil bétassou. J’aime Mélismes pour ses billets rares et décapants. J’aime les Mitzugirls parce que ce sont des filles. J’aime Mitternacht parce qu’elle est impertinente et sévère. J’aime Kowalsky parce qu’on se ressemble, je trouve.

Et puis y’en a plein d’autres, ça va venir…

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Manga Digitale

l'Epinard de Yukiko

J’ai découvert la Nouvelle Manga Digitale il y a un bout de temps, et je ressors ce lien comme un vieux lapin enfoui dans un chapeau, pour vous faire découvrir ces petites merveilles. Les mangas (漫画 ou まんが), ce sont des images dérisoires, futiles, mais c’est aussi le nom générique de la bande dessinée japonaise et l’on doit à Frédéric Boilet, le manifeste de la nouvelle manga digitale, la manga privilégiant l’émotion par le trait. Une vision complètement différente que l’on peut découvrir, entre autres choses, chez Fred Boot, mon coeur penchant vraiment du côté de l’Epinard de Yukiko….

Ambiances bretonnes

De retour donc, avec près de 300 photos dans ma besace, il faisait un temps affreux, mais j’ai tout de même sorti mon appareil (photo) pour shooter. Je ne suis pas super content du résultat, mais j’ai finalement réussi à sortir quelques petites choses pas trop mal. Beaucoup de retouches pour la lumière et les couleurs, ce que je n’aime pas spécialement faire, mais c’est le seul moyen de rendre quelque chose de potable dans ce cas.


L’Arcouest, commune de Ploubazlanec, c’est le dernier point avant l’Île de Bréhat, un tout petit but de terre avant le large. Il faisait gris, mais le soleil a fini par percer la couche des nuages. J’ai cherché autour de moi et c’est vers l’ouest que j’ai senti que ça se passait.

Pointe de l'Arcouest

A Tréguier, je débarque comme un fleur, dans une ville fleurie. Le dimanche d’avant c’était le pardon de Saint-Yves, une procession en l’honneur d’Yves Helory, patron des avocats. Il y a des bannières noires et or partout sur les maisons, des bannières ornées d’hermines et d’aigles, les armes de la ville.

La cathédrale sous la pluie Maison natale d'Ernest Renan Maison natale d'Ernest Renan Vieilles maisons de la rue Ernest Renan

Dans la petite rue qui descend, je ne résiste pas au charme de la poissonnerie Moulinet et de ses fruits de mer appétissants, toujours frais, mais toujours aussi chers, incroyablement chers compte tenu de la proximité des producteurs. Les prix font parfois penser qu’on est à Paris.

poissonnerie Moulinet poissonnerie Moulinet

Mon fils voulait absolument voir la cathédrale de l’intérieur, grand bien nous en a pris. L’intérieur était encore décoré des bannières des villes de l’évêché, et pour le pardon, des centaines d’arums blancs avaient été déposés au pied de la châsse du Saint, au pied de son son tombeau. L’odeur entêtante envahissait toute la cathédrale.

Cathédrale de Tréguier Tombeau de Saint-Yves - Cathédrale de Tréguier Tombeau de Saint-Yves Tombeau de Saint-Yves Cathédrale de Tréguier

Ensuite, je monte la rue Saint-Yves, quelques maisons arborent encore des arums qui ont du mal à tenir. J’adore les portes de la vieille ville.

Tréguier Tréguier Tréguier

Coudal Partners

Quand on découvre certaines choses, on se demande parfois comment on faisait sans. Ce site, Coudal Partners, est une véritable mine d’or, un design sobre et discret, de l’information dosée à point. Le mieux est d’y aller directement et de découvrir tout ce qu’il recèle. Architecture, Photo, Typo, Design Industriel ne sont que quelques uns des thèmes abordés… Do not disturb…

Coudal Partners

Pleix

Je ne sais pas quoi dire, je suis éboustifllé, émirifé, voire même passablement surétonnné. Pleix, ça n’a l’air de rien, mais c’est une grosse machine, une communauté d’artistes numériques basée à Paris qui ont accouché de jolis petits films. Personnellement, mon préféré, c’est Simone. C’est beau, plein de couleurs et de métaphores, d’une grande puissance visuelle, et c’est à voir absolument. Quick Time requis.

Pleix

Pressed Hard Against Your Jeans

Une découverte qui sonne juste, qui fout une grosse claque derrière la tête, un blog à l’écriture vagabonde et pulsatile, rythmée comme une envolée lyrique de Miles Davis… Alexandra, personnage ressemblant à un Duluoz au féminin, au doux parfum de rancoeur universelle, elle déambule dans un monde secoué de tremblements compulsifs, je ne m’en lasse pas et d’ailleurs, j’y retourne… Blog sensuel, tu as le beatPressed Hard Against Your Jeans.

Pressed Hard Against Your Jeans

La langue fleurie

J’ai fait mes premiers pas, j’ai appris mes premiers mots d’argot en lisant les romans de Léo Malet, mais c’est véritablement mon grand-père qui était pour moi une vraie source d’inspiration. Je me rappellerai toujours, lorsqu’au détour d’un livre de Céline, je découvrais un mot que je ne connaissais pas, et la tête de mon grand-père lorsque je lui demandai ce que voulais dire la cramouille[1]. Il s’est marré un bon coup et m’a répondu. Vous auriez vu ma tête…

Alors si tézigue aussi, tu ne te sens pas affranchi, si tu penses être un branque ou un cave, si tu patauges avec une radasse ou un wagon, si tu comprends peau de balle tu ne vas quand même pas te padocker idiot, ouvre tes étagères à crayons et tes mirettes, et suis le chemin:

 

Notes

[1] babasse, chaglatte, frifri, moniche

Mustang 390 GT

Je n’aime pas spécialement les voitures, qui pour moi ne sont que de grosses caisses en métal destinées à polluer et à se rendre d’un endroit à un autre. Mais il faut bien avouer que Steeve McQueen au volant de sa Mustang 390 GT roulant à fond les ballons dans les rues de San Francisco, dans Bullit (1968), ça a forcément un peu la classe…

Mustang 390 GT Steeve McQueen Bullit

Rashômon et autres contes, Ryûnosuke Akutagawa

rashomon, Ryünosuke Akutagawa

Je réédite aujourd’hui ces citations tirées de Rashômon et autres contes. La première est extraite du conte qui donne son titre au livre. Je vous livre ça en brut car c’est un extrait du livre qui démontre toute la puissance de narration de l’auteur. Les sujets traîtés dans ce livre sont très délicats: le cannibalisme, l’infanticide, le crime, mais ils sont traîtés d’une façon propre à l’imagerie orientale, ce qui les rend presque pûrs et dénués de fioritures. Ce sont des contes très forts, des petites pièces à considérer comme des trésors… Je vous laisse découvrir.

L’auteur écrivait tout à l’heure : “Un homme de basse condition était là à attendre une accalmie de la pluie.” A vrai dire, cet homme n’avait rien à faire, même si la pluie cessait de tomber. En temps ordinaire, il aurait dû rentrer chez son patron. Mais ce dernier l’avait congédié quatre ou cinq jours auparavant. A cette époque-lé, la ville de Kyôto, comme je l’ai déjà dit, était sous le coup d’une désolation peu commune. Aussi la disgrâce de cette homme renvoyé par le patron qu’il avait servi depuis longtemps n’en était-elle en réalité qu’une conséquence insignifiante. Il aurait donc mieux valu dire : ” Un homme de basse condition, dépourvu de tous moyens, était bloqué par la pluie, sans savoir où aller”, qu’écrire : “Une homme de basse condition était là à attendre l’accalmie”. De plus, l’aspect du ciel, ce jour-là, contribuait sensiblement à la dépression morale de cet homme de l’époque de Heian. La pluie qui avait commencé à tomber vers la fin de l’heure de singe ne paraissait guère devoir cesser. Depuis quelque temps, l’homme, absorbé par le problème urgent de sa vie de demain – cherchant à résoudre une question qu’il savait sans solution -, écoutait, d’un air absent, en ruminant ses pensées décousues, le bruissement de la pluie qui tombait sur l’avenue de Suzaku.

Rashômon

A ces mots du Paravent des Figures infernales, il me semble que l’aspect terrifiant de cette peinture s’impose immédiatement. Des scènes de l’Enfer, il en est d’autres. Mais les toiles de Yoshihide différaient par leur composition de celles de ses collègues. Les Dix Rois et leur suite étaient relégués, rapetissés, dans un coin du Paravent et dans tout l’espace libre tourbillonaient des flammes puissantes au point de roussir le Mont des Glaives et les Arbres hérissés de sabres. De sorte que, hormis les robes jaunes et bleues à la chinoise des suppôts de l’Enfer ça et là dispersés, les langues de feu impétueuses remplissaient tout l’espace dans lequel dansaient avec furie, en forme de swastika, des fumées noires tracées en éclaboussure d’encre et des étincelles de feu projetées en poudre dorée.

(…)Tous ces personnages, dans les tourbillons de flammes et de fumées, en proie aux tortures infligées par les geôliers infernaux à tête de boeuf et de cheval, fuyaient en tous sens, telles des feuilles mortes dispersées par une bourrasque. Ces femmes plus recroquevillées que des araignées, dont les cheveux s’enroulent autour des dents d’une fourche, figuraient-elles des sorcières ? Cet homme à la tête en bas comme une chauve-souris au repos, la poitrine perforée par une lance, n’était-il pas quelque jeune gouverneur de province ? Et ces innombrables damnés flagellés de fouets de fer, écrasés sous un rocher que mille hommes auraient peine à mouvoir, déchirés par de monstrueux oiseaux, mordus par les mâchoires d’un dragon venimeux… Autant de tortures que de réprouvés.

Satori no shimai

SatoriTerminer un livre est toujours douloureux. Celui de Kerouac, Satori à Paris m’a suivi quelques temps, et m’a apporté une vision particulièrement aiguisée de cette illumination dont il a été victime. D’autant plus que Jack Kerouac reprend ici son vrai nom, Jean-Louis Lebris de Kérouac (ker, la maison, ouac, le champ) pour aller à la recherche de ses ancêtres du côté de Brest. Un doux moment passé avec lui, sur la route, en train, dans les cafés ou dans la rue. Morceaux choisis.

Je crois que les femmes commencent par m’aimer, et puis elles se rendent compte que je suis ivre de la terre entière et elles comprennent alors que je ne puis me concentrer que elles seules bien longtemps. Cela les rend jalouses. Car je suis un dément amoureux de Dieu. Eh oui.
D’ailleurs la lubricité n’est pas mon lot, elle me fait rougir : – tout dépend de la femme.

Je l’ai déjà dit, c’est une jeune Bretonne d’une beauté extraordinaire, inoubliable, que l’on voudrait croquer séance tenante, avec ses yeux verts comme la mer[1], ses cheveux bleu-noir et ses petites dents de devant légèrement écartées et telles que si elle avait rencontré un dentiste lui proposant des les redresser, chacun des hommes de notre planète aurait ficelé le cuistre à l’encolure du cheval de bois de Troie, pour lui permettre de jeter un coup d’oeil sur la captive Hélène, avant que Paris n’ai assiégé son Gaulois Gullet, ce traître libidineux.
Elle portait un pull blanc tricoté, des bracelets en or et autres fanfreluches: quand elle m’a regardé de ses yeux couleur de mer, j’ai fait oui de la tête et ai failli la saluer, mais je me suis contenté de me dire qu’une femme pareille, c’était le grabuge et la bisbille; à d’autres que moi, paisible berger mit le cognac. – J’aurais voulu être un eunuque, pour jouer avec de tels creux et de telles bosses pendant deux semaines.

Tous me décochèrent des regards absolument noirs quand ils entendirent mon nom, comme s’ils se marmonnaient intérieurement: Kerouac, je peux écrire dix fois mieux que ce cinglé de beatnik, et je le prouverai avec ce manuscrit intitulé Silence au Lip, tout sur la manière dont Renard entre dans le hall en allumant une cigarette, et refuse de voir le triste et informe sourire de l’héroïne, une lesbienne sans histoire, dont le père vient de mourir en essayant de violer un élan, à la bataille de Cuckamonga; et Philippe, l’intellectuel, entre, au chapitre suivant, en allumant une cigarette avec un bond existentiel à travers la page blanche que je laisse ensuite, le tout se terminant par un monologue de la même eau, etc., tout ce qu’il sait faire, ce Kerouac, c’est d’écrire des histoires, hhan.

Personnellement, ça me donne envie d’en lire un peu beaucoup plus.

 

Notes

[1] En breton, le bleu de la mer et le vert des arbres se disent d’un seul mot: glas ou glaz (NdMoi)