Ma petite étoile

Transi de fatigue, les yeux dans le vague avec sur le bout des lèvres une petite chanson que lui seul connaît, il marchait derrière moi – cahin-caha – lorsque j’ai volé cet instant fugace, cette fraction de seconde pendant laquelle il ne savait pas ce que j’étais en train de faire. Sous les arcades célèbres et surfaites de la place des Vosges, un doux moment de complicité qui s’est terminé par un beau sourire de ma petite étoile…

Star in Paris

Steeple Remove

Sur scène, ça joue tétu, grave, tendu, avec cette impression délicieusement inconfortable que l’apocalypse est sans doute au coin du prochain bleep, du prochain riff.
Car c’est un electro rock de combat, largement hérité des pilonnages allemands des années 70 et des épilepsies de Suicide, que jouent ces normands. Puis le tumulte s’apaise en des grondements psychédéliques, comme ces orages qui font semblant de s’éloigner pour mieux aveugler et assourdir – et le calme est encore plus inquiétant.

Ce n’est pas moi qui le dit – non décidément je ne pourrais pas écrire ce genre de choses – mais Steeple Remove c’est une belle découverte, le site très agréable d’un groupe d’electro, très animé, reposant, aux ambiances extatiques. Difficile de le dire avec des mots, c’est le genre d’ambiances dont il faut savoir s’envelopper suavement.

steeple remove

Sato Shintaro et Pawel Jaszczuk

Sato Shintaro

Le Japon de nuit comme on a rarement l’occasion de le voir, chez Shintaro Sato. Une réédition d’un billet léger que j’ai écrit il y a quelques mois (euh non, deux ans en fait), car j’ai passé à nouveau un moment très agréable en visionnant les couleurs éclatantes et la vision chaotique de la ville japonaise sous les feux des lumières, la lueur du fatras des enseignes publicitaires.

Sato Shintaro

Via BLDG.

Et je profite de ce thème sur la nuit japonaise pour faire un détour par un photographe polonais, Pawel Jaszczuk, qui, vivant au pays du soleil levant, a une vision très particulière des nuits tokyoïtes, au travers notamment de séances très spéciales.

pawel jaszczuk

Extrêmement expressionniste et incroyablement corps

Je me suis lancé un peu par hasard dans la lecture de ce livre (Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer), dont il faut dire que la couverture, aux éditions Points Seuil, est foncièrement laide et peu attractive. Pourtant, sans connaître l’auteur, mais simplement sur ouï-dire, j’ai eu envie de le lire. La quatrième de couverture ne m’a pas attiré plus que ça non plus. L’histoire d’un petit garçon de 9 ans, surdoué, passionné de l’œuvre de Stephen Hawking et des Beatles et dont le père est décédé dans les attentats du 11 septembre 2001, l’histoire avait tout pour me rebuter et me faire reposer le livre si on ne m’en avait pas parlé. L’auteur lui-même est énervant. Jeune, bardé de diplômes, pressenti comme étant une étoile montante de la littérature, c’est typiquement le profil du type qui tape sur le système.
J’y suis donc allé avec une certaine méfiance, à tâtons, comme lorsqu’on goûte un gratin de choux de Bruxelles et ce que j’y ai découvert m’a vraiment surpris. L’histoire, le fil de l’histoire ne m’a pas plus accroché que ça, je veux dire que je ne m’y suis pas attardé, quelque chose m’a fait manqué l’intérêt que j’aurais pu y trouver, si tant est toutefois qu’il y en ait vraiment un.
Non, ce que j’ai trouvé dans ce livre, à part des illustrations du texte sous forme de photos, des caprices typographiques pas toujours justifiés à mon goût (il paraît que dans l’édition brochée, les noms des personnages ainsi que le nom des couleurs étaient imprimés en couleur – j’y ai échappé, Dieu soit loué, comme le poulet), des pages blanches, des pages noircies, tout un ensemble de surprises qui, disons-le carrément, donnent parfois l’impression d’un remplissage, ce que j’y ai trouvé c’est un expressionnisme de l’écriture[1].

collier de perles

Tu veux quelque chose en particulier ? a-t-il demandé sur mon bras.
Je veux tout en particulier, ai-je dit.
Des magazines d’art?
Oui.
Des magazines de nature ?
Oui.
Politiques ?
Oui.
Autre chose ?
Oui.
Je lui dis de prendre une valise pour pouvoir rapporter un exemplaire de chaque genre.
Je voulais qu’il puisse emporter ses affaires.
Dans mon rêve, le printemps suivait l’été, qui suivait l’automne, qui suivait l’hiver, qui suivait le printemps. Je lui ai préparé un petit déjeuner. Je me suis efforcée qu’il soit délicieux. Je voulais qu’il ait de bons souvenirs, de sorte qu’il revienne peut-être un jour. Ou au moins que je lui manque.
J’ai essuyé le bord de l’assiette avant de la lui donner. Je lui ai étalé la serviette sur les genoux. Il n’a rien dit. Quand l’heure est venue, je suis descendue avec lui.
Il n’y avait rien sur quoi écrire, alors il écrivit sur moi.

Les personnages sont d’une profondeur excessive mais nécessaire à la tension que l’auteur semble vouloir faire passer pour tendre son histoire, même si le petit Oskar est profondément agaçant, malgré son mal-être et sa fausse candeur ; c’est typiquement le genre de môme à qui on a envie de donner des gifles. Sa mère, effacée, toute en relief, oscillant entre les pleurs et robustesse reste finalement un personnage d’arrière-plan qui laisse peu de traces. En revanche, deux personnes se démarquent nettement dans des échanges de lettres, dans des mots incroyablement forts, charnels et brutaux. Tout d’abord, la grand-mère d’Oskar, que finalement on voit assez peu intervenir dans le cours de l’histoire, puis le Locataire, un personnage vigoureux, manipulant la terre et ne parlant pas, aux mots Oui et Non tatoués dans les paumes des mains. Ces deux spectres du passé sont comme des liaisons avec le présent et le futur, d’une tension, d’une profondeur rarement exprimée dans un livre et j’ai tout de suite ramené cette sensation à celle que l’on éprouve face à la peinture expressionniste.
Il y a aussi dans ce livre un rapport au corps et à l’écriture qui ne m’a pas échappé. Les thématiques de l’écriture, de la chair, de l’écriture dans (et de) la chair y sont fortement représentés, bien que sous-jacents, dans des accents qui rappellent la pensée du de chiasme tactile, du touchant et du touché de Merleau-Ponty.

Certains livres laissent pantois car leur histoire est forte. Ici, on sait d’emblée que tout sera distendu par un contexte dramatique, aux traits forcés, et au sortir de la lecture, au demeurant relativement facile, on finit épuisé par tant d’émotions et d’intensité, le tout encapsulé dans une écriture à la puissance rare.
Je pensais n’avoir pas grand-chose à dire de ce livre, mais finalement, j’en tire une grande satisfaction, même si je sais, ou je me doute, que j’aurais certainement du mal à retrouver une telle illusion.

Notes:
[1] L’expressionnisme est la projection d’une subjectivité qui tend à déformer la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle. Les représentations sont souvent basées sur des visions angoissantes, déformant et stylisant la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive. Celles-ci sont le reflet de la vision pessimiste que les expressionnistes ont de leur époque, hantée par la menace de la Première Guerre mondiale. Les œuvres expressionnistes mettent souvent en scène des symboles, influencées par la psychanalyse naissante et les recherches du symbolisme. (Source Wikipédia)

Jan Faßbender

Le travail de Jan Faßbender a ceci d’intéressant qu’il puise au coeur de la nature la vision déformée que nous pouvons en avoir. Chez lui, tout tourne autour de la transformation, de ce qu’il appelle l’architecture du paysage, et de l’empreinte de l’activité humaine sur la formulation du paysage, même discrète.
Un travail pointilliste et méticuleux…

janfassbender.de/a_d_l.html

Via Conscientious.

Esquisse et fragile tentation /ɛs.kis/

Il y avait une feuille blanche posée mon bureau.
Dans la main gauche, entre le pouce et l’index, je faisais tourner mon crayon à papier, lentement et parfois il tombait – sur la feuille blanche.
Puis je l’ai porté quelque fois à la bouche – le simple plaisir de sentir sa surface douce sur mes lèvres.
Et le crayon est tombé à nouveau – sur la feuille blanche.
Et encore une autre fois – sur la feuille blanche.
Puis une autre – sur la feuille blanche, posée sur mon bureau.
Et ainsi de suite, et encore, et encore et des dizaines de fois. – sur la feuille blanche.
J’ai baissé les yeux pour le ramasser – j’ai découvert que j’avais dessiné une constellation grise de points – vacillants et incertains – une tornade à peine esquissée – prise dans les filets du hasard et de la folie.
Un coup d’œil étonné – un rectangle blanc réfringent posé là – une œuvre subtile née du vide.
J’attendais plutôt un baiser…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/So_Broken.mp3]