Un empire de poussière II

Voici la suite de “Un empire de poussière“.

Dans cette enveloppe, il découvrit une lettre à l’écriture ronde insérée dans une carte, une icône qui devait parler d’amour. A n’en pas douter, c’était une écriture de femme dans laquelle il pouvait déceler de la fébrilité, quelque chose d’indéfinissablement tendu et surtout, de sensuel. Sans prendre la peine d’en lire le contenu, il monta quatre à quatre les escaliers en bois, frappant les marches avec une telle force qu’il lui sembla faire trembler tout l’immeuble. On aurait dit un gamin à qui l’on a demandé d’attendre d’être dans sa chambre pour ouvrir son cadeau, même si la vraie raison était plutôt d’ordre sentimental; il était pressé de se retrouver seul pour goûter à l’abri des regards indiscrets ce moment qu’il devinait exceptionnel. Une fois la porte de son appartement claquée, ses affaires jetées sur le canapé, il s’assit sur sa veste et lut sa lettre. Elle lui était indiscutablement adressée : Continue reading “Un empire de poussière II”

Au bout d'un moment il faut jeter un pavé dans la marmite de soupe aux cailloux et si possible le faire en une seule phrase

Il s’est passé en moi quelque chose de très étrange, en ceci que je considère la lecture présente d’un petit livre que j’ai acheté uniquement parce que la couverture me plaisait, comme un réel événement qui a déclenché toute une série de choses qui m’ont beaucoup fait réfléchir sur la façon dont certains écrivains écrivent, car en l’occurrence, c’est un livre – dont je tairais le nom de l’auteur, je risque d’être un peu vexant – que je considère comme pas très bon, même si au début, la première réaction a été de me dire “mais voilà, c’est ça qu’il faut que je fasse !!” parce que le livre est construit autour d’anecdotes du quotidien, fait de petits textes mis bout à bout, dans l’ordre chronologique, datés ou géolocalisés ou non, anecdotes qui dès les premières lignes m’ont beaucoup plu – le traître ! – et qui très vite deviennent d’un ennui mortel, qui, certes, est compensé par un très bon style, fluide, de belles métaphores sous laquelle on sent la maîtrise, mais au bout du compte, on se sent comme floué d’être entraîné dans un labyrinthe ennuyeux et sans beaucoup de couleurs, une sorte d’exercice de style auquel il manquerait l’originalité ou le désespoir de ce qui fait une belle oeuvre, et pour revenir à ce que je disais tout au début de ma phrase – car oui, je n’écrirai qu’une seule phrase – c’est en lisant ces premiers textes que je me suis enfin décidé à rassembler toutes mes petites chroniques, à les ordonner, les corriger, les peaufiner pour en faire un volume construit qui, au moment où je parle – dans une sorte de coming-out honteux – est peut-être déjà entre les mains d’un comité de lecture dans une petite maison d’édition, chose pour laquelle je suis reconnaissant à l’auteur indigne de ce livre, et désormais, j’en suis à comparer – mais quelle prétention ! – les deux ouvrages, pourtant différents, en premier lieu parce que la différence principale tient en ceci que le mien n’est pas édité – le fait est que ce sont des textes de la même nature que les miens, collectés sur plusieurs années, une dizaine, là où moi je les ai collectés sur une seule année -, et ce qui me frappe, c’est que je trouve, pour une fois, que ce que j’ai écrit est bon, oui, c’est étrange, mais je le ressens comme ça, et il semblerait que je ne sois pas le seul à penser cela – un lectorat, même s’il n’est composé de quelques âmes bienveillantes, dont les mots sont encourageants, voire élogieux ne peut qu’être un bon signe -, aussi, et c’est là mon propos de départ, j’imagine que le livre du monsieur a été publié parce qu’il est par ailleurs l’auteur d’autres livres, ce qui n’est pas mon cas, et j’ose avoir la vanité de croire, en comparaison avec mes écrits, que si je ne suis pas publié dans les prochains mois, ce ne sera que par l’entremise d’une injustice sérieuse, laquelle sera de toute façon réparée un jour ou l’autre, au prix de ma persévérance, car comme vous avez pu le constater, je suis déjà en train de préparer d’autres textes, que vous avez tous pu lire sous l’intitulé “Domino Days“, billet protégé pour lequel tout le monde m’a demandé le mot de passe (lequel se trouve être “poulet”, au cas où ça intéresse quelqu’un, ingrats !!).

Moro Sphinx, l'oiseau qui était un papillon

Photo © Alain et Sylvie

Lorsque j’étais tout gamin et que mes grands-parents venaient d’arriver dans leur nouvelle maison, il y avait quelque chose dans la maison qui faisait penser constamment aux colibris, ces petits oiseaux mouche vivant exclusivement dans les zones tropicales. Il y avait des colibris sur les rideaux de ma chambre et dans un tableau, j’étais donc parfaitement au clair sur ce que c’était. Mais voilà qu’un jour, dans le jardin, j’ai aperçu un petite chose qui volait furtivement parmi les fleurs du lilas et son déplacement était très rapide. L’arrière de son corps était massif et faisait penser au corps d’un bourdon, ses ailes très fines voletaient à une vitesse hallucinante et ce qui ressemblait à une trompe butinait les toutes petites fleurs blanches. Je suis allé voir mes grands-parents et je me suis exclamé que je venais de voir un colibri. Regards sceptiques. Mon grand-père, qui revenait alors de Guyane, a un peu rigolé en me disant que c’était impossible que j’aie pu voir un colibri sous ces latitudes. Du coup, je me suis retrouvé quelque peu vexé, et étrangement, c’est une histoire qui m’a un peu chiffonné, car j’étais réellement persuadé d’avoir vu quelque chose qui y ressemblait.

Jusqu’à avant-hier où j’ai vu dans la lavande le même petit animal. Je n’ai rien dit, j’ai gardé ça pour moi, jusqu’à ce que mon fils dise qu’il venait de voir un colibri sur le balcon. Là, je me suis dit que je n’étais pas complètement fou. Après recherches, il s’avère que ce petit animal n’est pas du tout un colibri, car ce n’est pas un oiseau, mais un papillon, très exactement un moro sphinx ou sphinx colibri (Macroglossum stellatarum). C’est un des rares papillons de son espèce qui n’est pas nocturne.

Un de mystères de mon enfance a enfin trouvé une réponse.

PS : T’inquiètes pas mon pépé, je ne suis pas traumatisé 🙂

Ryu Itadani

Ryu Itadani est un illustrateur qui n’hésite pas à utiliser la couleur pour mettre en valeur le quotidien de la vie japonaise. Lieux de passage, objets, tout est prétexte à colorier. Un travail de précision et d’harmonie que j’aime beaucoup.

Ryu Itadani via かまわない