Profil intérieur

5 janvier 2006, je suis en train de remonter la mezzanine, c’est infernal, il faudrait au moins être 3 pour monter ce bazar. Les vis sont à moitié serrées pour éviter le jeu, mais certaines d’entre elles sont à peine emboîtées. Je tiens les deux montants à bout de bras en prenant mon souffle, je regarde au dessus de moi pour voir si tout tient bien et soudain, je vois la traverse tomber directement sur mon visage. A ce moment là, j’ai pensé tout lâcher et me tirer, mais je risquais de tout faire tomber. Résultat des courses, j’ai quand même tout fait tomber quand je me suis pris le nez des deux mains; je venais de me prendre la traverse en plein dessus dans un bruit mat et grossier d’éclat de bois.

J’ai dü perdre un bon demi-litre de sang, la moquette s’en souvient. Vacillant sur mes jambes, je me suis mis à chialer en criant “Bordel !! Ça fait maaaaaaaal !!! Décrire cette douleur est impossible, mais c’est à l’extrême opposé d’un orgasme. Urgences, radios, le verdict est net: fracture transversale des os près de leur extrémité, avec petits décalages des fragments. Pendant quelques jours, j’ai eu un air canaille de boxeur avec mon pansement en travers du tarin. Résultat, une belle cicatrice (ben oui, fracture ouverte, quand-même) et un beau nez busqué en contrepartie.

L’ORL a été net, je n’avais pas de déviation de la cloison nasale. Pour récupérer la forme d’avant, c’est soit j’attends et ça se recolle tout seul avec 80% de chances que ça reste comme ça, soit je passe sur le billard, deux jours d’hôpital avec des mêches dans le nez. J’ai refusé.

Aujourd’hui, j’ai un nez que je ne reconnais pas, modifiant légèrement la perception que j’avais de mon visage. Il faut croire que c’était écrit. Mektoub.

nez

Californie mystique

Michael Rauner est parti faire le tour des lieux mystiques de la Californie dans une sorte de voyage ésotérique, révélant ainsi l’âme d’un des Etats d’Amérique les plus fantasmatiques qui soit dans une démarche quasi ethnographique. Un travail surprenant, haut en couleurs et une vision éclairée sur le sujet qui a donné naissance à un livre écrit par Erik Davis: The Visionary State: A journey through California’s spiritual landscape.

Visionary State

A voir aussi sur le site du Center for Land Use Interpretation, l’incroyable base de données sur le paysage des états (The Center for Land Use Interpretation’s Land Use Database) et l’American Land Museum.

The Devils wears Prada

Film parfaitement moyen, rythme particulièrement lent, prestations d’acteurs à peine passables, malgré une Meryl Streep grandiose comme toujours, j’ai tenté de rentrer à fond dans le film mais ce fut compliqué. Par contre, le personnage principal de ce film, Andrea, à plusieurs reprises, porte un petit accessoire qui a retenu mon attention.

Un moleskine !!! (Je signale cet excellent article sur Wikipedia puisqu’en l’occurrence, c’est moi qui suis l’auteur de la traduction – gnark).

Mad scores

Quand le musicien devient fou, la partition vole en éclat. Le pire dans tout ceci, c’est que c’est jouable… Je me souviens avoir eu entre les mains les partitions du Samstag aus licht de Karlheinz Stockhausen et j’avoue que ça avait quelque chose de poétique.

Chez Dark Roasted Blend.

Music score

Wide open

Sorti dans le vent sans vraiment me rendre compte qu’il faisait déjà jour, je me suis soudain aperçu que le vent soufflait fort, trop fort et à peine avais-je marché cinquante mètres que déjà je commençais à avoir mal au crâne, les oreilles en ont pris un coup. Ça m’apprendra à aller chez le coiffeur en pleine saison des cyclones.

J’aurais pu demander de me faire coiffer encore plus court, mais disons qu’après je risquais d’exposer la peau du crâne aux intempéries, et puis après tout, c’est juste histoire de changer de tête quelques temps, de marquer une pause, de se faire beau et propre et d’en profiter. Il paraît que ça repousse de toute façon. Continue reading “Wide open”

Netherlands Institute For Sound And Vision, Hilversum

Les Hollandais osent. Lorsqu’il leur vient une idée délirante, ils font appel à des visionnaires, à des génies, à des personnes qui se montrent inventives et se donnent les moyens de faire ce qu’ils veulent. C’est dans cette optique qu’a été construit le Netherlands Institute For Sound And Vision, équivalent de l’INA.
Sa grande originalité, mis à part une architecture incroyablement inventive dans les intérieurs et son aspect faisant penser à une grande cathédrale dédiée au Dieu Télévision, c’est cette incroyable façade, ayant également par son aspect quelques similitudes avec une immense construction vitraillée. C’est le designer graphique Jaap Drupsteen qui a composé cette immense mosaïque de verre avec des images floutées de la télévision néerlandaise, donnant une incroyable impression de légèreté à l’ensemble, construit sur des pieds de béton et l’étrange sensation que le bâtiment est comme mu par une force lui conférant vitesse et mouvement.

Netherlands Institute For Sound And Vision

De superbes photos signées Iwan Baan sur Plataforma Arquitectura.
Une réalisation des architectes de Neutelings Riedijk.

Haqq Ali Ali

Une de mes plus belles émotions musicales a été ma rencontre avec Nusrat Fateh Ali Khan, que j’ai découvert de manière confidentielle pendant un cours de Mohamed Hassen Zouzi-Chebbi (que je n’ai jamais entendu personne appeler autrement que Zouzi) à Paris VIII.

J’aimais ces cours où l’on pouvait écouter des poèmes en arabe et même si la plupart d’entre nous n’y entendait rien, on ne pouvait que s’émouvoir devant la diction tempérée de l’homme à la chevelure rousse hirsute et face à la beauté de cette langue qui chantait à mes oreilles. C’est dans ce cadre que j’ai découvert le maître du qawwali. Et là, je vous laisse écouter Haqq Ali Ali, qui se passe de commentaires…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Nusrat%20Fateh%20Ali%20Khan%20-%20Qawwali%20-%20The%20Vocal%20Art%20of%20the%20Sufis.mp3]

L'étrange contrée

Ils roulaient vers l’ouest maintenant, sur la grande route de Coral Gables, à travers les faubourgs monotones et écrasés de chaleur de Miami, passant devant des magasins, ses stations-service et des supermarché, au milieu des voitures ramenant les gens de la ville chez eux, les dépassant régulièrement. Ils avaient laissé à l’instant sur leur gauche Coral Gables avec ses constructions qui ressemblaient à celles du Basso Veneto, s’élevant au dessus de la plaine de Floride, et devant la route s’étendait, toute droite mais gondolée par la chaleur, à travers ce qui avait été autrefois les Everglades. Roger roulait plus vite maintenant et la voiture se déplaçant dans l’air chaud rafraichissait l’air qui entrait par le ventilateur du tableau de bord et les déflecteurs des fenêtres.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Ohia-Coxcomb_Red.mp3]

Tu es en train de raisonner comme un de ces écrivains des Grands-Espaces-Américains, se dit-il. Fais attention. Tu ferais bien d’en faire une provision. Regarde la fille en train de dormir et dis-toi que chez nous, ça va être là où les gens n’ont pas de quoi manger. Chez nous, ça va consister à aller là où les hommes sont opprimés. Chez nous, ça va être là où le mal est le plus fort et doit être combattu. Chez nous, ça va être là où tu vas maintenant. Mais tu n’as pas à y aller tout de suite, pensa t-il? Il avait des raisons de retarder ça. Non, tu n’as pas à y aller tout de suite, dis sa conscience. Et je peux écrire les histoires, dit-il. Oui, tu dois écrire les histoires et elles doivent être aussi bien écrites que possible et même mieux. Très bien, Conscience, pensa t-il. Nous allons régler tout ça. J’imagine que, vu la tournure prise, je ferais mieux de la laisser dormir. Tu la laisses dormir, dit sa conscience. Et tu essaies de prendre bien soin d’elle, et pas seulement. Tu prends bien soin d’elle. Aussi bien que je pourrai, dit-il à sa conscience, et j’en écrirai quatre bonnes. Elles ont intérêt à l’être dit sa conscience. Elles le seront, dit-il. Elles seront ce qu’il y a de mieux.


Fence

“Embrasse-moi maintenant.”
Ses lèvres étaient salées et son visage mouillé par l’eau de mer et, au moment où il l’embrassa, elle tourna la tête et ses cheveux trempés virent frapper son épaule.
“Drôlement salé mais drôlement bon, dit-elle. Serre très fort.”
Il le fit.
“En voilà une grosse, dit-elle. Une vraiment grosse. Soulève-moi bien et nous irons ensemble au-delà de la vague.”
La vague n’en finit pas de les rouler, accrochés l’un à l’autre, ses jambes enroulées autour des siennes.
“Mieux que la noyade, dit-elle. Tellement mieux. Refaisons-le encore une fois.”
Ils choisirent une vague énorme cette fois et quand elle se dressa avant de se briser, Roger se jeta avec elle sous la ligne de rupture et quand elle s’écrasa elle les fit rouler comme une épave sur le sable.
“Allons nous rincer et puis nous coucher sur le sable”, dit-elle et ils nagèrent et plongèrent dans l’eau claire et puis se couchèrent côte à côte sur la plage ferme et fraîche, là où l’irruption des vagues venait à peine toucher leurs doigts et leurs chevilles.
“Roger, tu m’aimes encore?”

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Nervous%20_Bride.mp3]

“Je sors, dit-elle. Sens comme je suis fraîche, dit-elle sur le lit. Sens jusqu’en bas. Non, ne t’en va pas. Tu me plais.
– Non. Laisse-moi prendre une douche.
– Si tu veux. Mais je préférerais que non. Tu ne rinces pas le oignons avant de les mettre dans un cocktail ? Tu ne rinces pas le vermouth, non ?
– Je rince le verre et la glace.
– Ce n’est pas la même chose. Tu n’es ni le verre ni la glace. Roger, s’il te plait, fais-le encore. Encore est un joli mot, non ?
– Encore et encore”, dit-il.
Doucement, il suivit la courbe adorable qui allait de sa hanche et ses côtes à l’arrondi pommelé de ses seins.
“C’est une bonne courbe?”
Il embrassa ses seins et elle dit: “Fais très attention quand ils sont froid comme ça. Fais très attention et sois gentil. Tu sais à quel point c’est douloureux ?
– Oui, dit-il. Je sais à quel point c’est douloureux.”
Puis elle dit : “L’autre est jaloux.”
Un peu après elle dit: “Ils n’ont pas bien prévu les choses, que j’aie deux seins et que tu ne puisses en embrasser qu’un. Ils ont tout séparé beaucoup trop.”


Texte: Ernest Hemingway, l’Etrange Contrée (The Strange Country, in Le Chaud et le Froid), traduction Pierre Guglielmina
Musique: Songs: Ohia, Coxcomb Red & Nervous Bride
Photo: © Fotonstudio

Et maintenant ?

Après une journée harassante, pour se délasser en compagnie d’un café serré juste avant d’aller se coucher, des notes bleues légères comme l’air, fermez les yeux et je vous emmène au pays des cuivres…

1958, Miles Davis et John Coltrane… On se demande bien ce qui est peut être fait de mieux…