Guiness is good for you

Ce soir je suis rentré complètement rincé d’une journée dense, partagée entre un léger sentiment de défaite et un ressentiment d’ingratitude de la part des autres. J’ai mangé mes maki dans la grande salle de réunion avec les autres, mais mon regard se perdait dans la brume colletant les hautes tours de la Défense et rien de ce qui pouvait se dire n’arrivait à me captiver, pas envie de sourire non plus, pas envie d’écouter ou de parler ni même de les regarder. Je voulais être seul et qu’enfin on me foute la paix, un de ces jours terribles où l’on ressent uniquement l’envie de se blottir contre soi-même et de laisser passer le temps comme on laisse passer les trains sans monter dedans, sans s’impliquer pour quoi que ce soit. Je me suis rendu compte d’une chose, après des années de vie professionnelle, c’est que chacun ne désire qu’une seule chose à son poste ; maîtriser le plus de choses possibles et surtout ne pas les partager. Comme si cette seule chose pouvait suffire à maintenir quelqu’un dans sa fonction. Les gens indispensables ne sont pas dans les bureaux des sociétés qui vendent du service, mais dans les rayons des bibliothèques.

guiness

Je suis revenu chez moi [1] un peu ragaillardi par ce que j’ai entendu, par les coups de gueule que j’ai entendu et les soutiens étranges qui se nouent autour d’une table de réunion. Hier soir, fatigué par des discours ingrats, je me suis tiré du bureau à 18h00, j’ai tout laissé en plan pour aller faire un peu les soldes, faire crépiter la carte bleue et je suis revenu avec une belle chemise noire un peu brillante au tissu épais et un pull coll en V noir également absolument confortable et doux. Les gens, pendant les soldes sont odieux. Non, en fait, les femmes pendant les soldes sont odieuses. Elles redeviennent des êtres sauvages tels que je ne les aime pas. A celle qui m’est passée devant pour rejoindre sa copine en caisse, j’ai balancé mon pied avec fureur dans son talon, lequel s’est affaissé misérablement pour envoyer la belle se tordre le genou et se vautrer lamentablement un peu plus loin comme un veau venant de naître. J’ai vu également deux autres affreuses se courir après et finalement se battre en plein milieu des pulls et des t-shirts. Insupportable.

Je n’avais rien d’autre à faire ce soir que regarder sur Arte un téléfilm allemand, Un amour de sœur,  avec Heike Makatsch et Anna Maria Mühe. Ouais. Comme ça, ça fait un peu peur et on pourrait imaginer que c’est un clône de Derrick dans un autre contexte, mais pas du tout. L’histoire ? Je ne sais pas, je n’ai pas vraiment fait attention, parce qu’en fait, je n’ai fait que regarder les images, les couleurs et la photographie. Des tons verts et jaunes, des cadrages vraiment pertinents et une façon de filmer qui m’a complètement subjugué, mais une fois encore, il n’y a rien dans l’histoire qui m’ait réellement intéressé.

Ensuite, j’ai zappé sur France 5, ce qui n’est pas sans demander une certaine dose de courage à cette heure-ci de la journée. Un documentaire plein de fesses brésiliennes superbes, un documentaire dont je n’ai pas vraiment compris l’intérêt et qui devait sans aucun doute élever les origines des cariocas en prétexte esthétique à une suite des clichés sans saveurs. Mais c’était plutôt agréable. Tu vois, le vendredi soir c’est repos de la neurone pour tout le monde.

Et puis Picouly, je ne supporte pas Picouly et en fait, je crois que personne ne supporte Picouly, c’est le type qui agace avec son éloquence mesurée et l’expressivité de son visage qui ferait claquer sur place le mime Marceau. D’ailleurs, il est déjà mort. Philippe Besson, Renaud Camus et Picouly parlant de Pascal Sevran, j’ai crû que j’allais claquer ma pile d’ennui.

Alors du coup, j’ai terminé le livre que j’ai commencé hier, Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande que j’ai découvert aux éditions presque confidentielles Croiser le Faire. Un petit livre plein de malices et contrairement à ce qu’on pourrait présumer, ce ne sont pas des anecdotes de poivrots, mais plutôt de belles histoires avec des Irlandais qui boivent beaucoup de stout. Un livre fin et sensible dans lesquelles ont découvre un sens particulier du récit tel qu’on peut le retrouver dans les veillées bretonnes de Luzel. Une lecture douce comme la col d’une Guiness, gaie comme le son d’un tin-whistle entonnant une gigue endiablée.

Demain commence l’histoire de celui qui voulait voir le bout du monde.

Il est vraiment bien le programme internet de Télérama, presque mieux que le papier.

[1] Je me rends compte à quel point ça fait du bien de dire ça.

2 Replies to “Guiness is good for you”

  1. à propos de la vie professionnelle, l’impression que j’ai est que les gens aiment bien cette petite sensation de pouvoir qui vient avec les responsabilités qui leur sont confiées; ça leur donne l’illusion de contrôler quelque chose dans leur vie, d’être maître de quelque chose, d’où le refus de partager, de céder du terrain.

    quant à Picouly, je me demande pourquoi on parle de Sevran dans une émission dite littéraire et je pense qu’on devrait laisser ce triste sieur pourrir en paix.

  2. Céder du terrain c’est dans l’esprit de beaucoup une manière de perdre son autorité et son expertise, c’est le début de la déliquescence de l’intégrité de la fonction…
    Picouly ? Je propose le même sort que PPDA au titre de la pollution audiovisuelle.

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