Primo Moleskine, la manufacture

Parfois, on me demande ce qu’il y a dans mes carnets, on s’interroge sur ce que je note dans ces petites choses à la couverture noire, on se demande ce que j’en fais ou à quoi ça peut bien servir, ou à l’inverse, on me demande comment je fais pour consigner tout ce que je vois et qui me sert à construire ce blog… En fait, je procède sans méthode et en dépit du bon sens, et doué d’une formidable capacité à m’intéresser passionnément et à oublier tout de suite après, l’intérêt de la prise de notes est pour moi plus qu’évident. Aussi, je tiens une sorte de journal achronique de tout ce qui me traverse à l’instant T. On se demande aussi pourquoi je porte des pantalons avec de grandes poches sur les cuisses. La réponse consiste généralement un soupir, un haussement d’épaules et trois, quatre mots qui signifient que c’est pour toujours avoir sur moi mes carnets. Je note tout, où que je sois, quoi que je fasse, ne me séparant de ces appendices vitaux et précieux que lorsque la nudité la plus totale affecte mon existence. Je note des références de livres, des noms qui me mènent sur des pistes de recherches, de simples termes qui renvoient à des notions que je veux explorer, des thématiques précises, des journées entières résumées, je note absolument tout.
Et ce que je fais aujourd’hui, c’est dévoiler une part de mon intimité qui consiste en ces pages bordéliques sur lesquelles j’écris les choses les plus importantes. Ceci est mon premier Moleskine, le plus précieux, celui qui ne me quitte jamais et sans lequel je me sentirais désoeuvré, celui par lequel tout a commencé. Morceaux choisis, et ce seront les seuls.

Primo Moleskine

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La loi de Parkinson

Cyril Northcote Parkinson était un monsieur qui à mon sens a dit une connerie de réactionnaire, laquelle s’est vite transformée en vérité apodictique. La loi de Parkinson tient en ces termes:

The work expands so as to fill the time available for its completion.
Le travail se dilate de telle manière qu’il remplit le temps disponible pour son achèvement.

En me référant à l’article de Wikipédia, il semblerait que cette pseudo-loi soit relative à l’augmentation exponentielle du nombre de fonctionnaires dans l’administration britannique, et je finis par trouver une référence qui tout à coup m’ouvre un horizon:

L’un des corolaires de la loi de Parkinson, c’est que, dans toute situation administrative, on peut économiser périodiquement 20% du temps. La loi de Parkinson est aussi utilisée pour évoquer un dérivé de la loi originale en rapport avec les ordinateurs : « Les données s’étendent jusqu’à remplir l’espace disponible pour leur stockage » ; acquérir davantage de mémoire encourage l’utilisation de techniques gourmandes en mémoire. Il a été observé qu’entre 1996 et 2006 l’utilisation de mémoire sur des systèmes évolutifs a tendance à doubler à peu près tous les 18 mois. Heureusement, la quantité de mémoire disponible pour une somme donnée a également tendance à doubler tous les 18 mois (voir loi de Moore) ; malheureusement, les lois de la physique nous assurent que la deuxième loi ne pourra pas se vérifier indéfiniment. La loi de Parkinson pourrait être davantage généralisée comme : « La demande pour une ressource s’accroît toujours pour correspondre à l’approvisionnement de la ressource » (s’apparentant alors à la loi de Say).

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Derrière tout ce blabla purement théorique, lorsque j’ai lu cet énoncé de la loi de Parkinson, je n’ai pas pu faire autrement que de rapporter ce principe à l’information, et particulièrement à la société de l’information. Le fait est qu’aujourd’hui, nous vivons dans un contexte social où l’information a été imposée comme un besoin, et comme on le sait parfaitement, tout besoin est naturellement créé par la fonction.
La société de l’information est une sorte de niche dans laquelle on met beaucoup de choses, à travers les médias, à travers toute l’information à laquelle nous avons accès au travers de canaux multiples, que personnellement j’appelle l’intelligence en réseau.
Cette société se nourrit d’un vide qu’elle n’arrive pas à combler, parce qu’il n’y a pas suffisamment de substance pour le remplir. C’est la raison pour laquelle le journal télévisé a quasiment une durée fixe, et qu’elle ne varie pas en fonction de l’importance de l’information ni en fonction de sa densité. Un journal de 30 minutes un jour où il ne se passe rien sera rempli de futilité qui, comme nous l’avons déjà dit ne sera pas de l’information mais de la donnée brute.
L’information se dilate pour remplir l’espace qu’on veut bien lui accorder, on remplit cet espace avec du vide informatif, de la donnée “Jean-Pierre Pernaud“, du reportage sur la disparition des perdrix en baie de Somme ou sur les magouilles maritales du couple présidentiel. Une semaine sans information et on se rend compte qu’on n’a rien manqué, un peu comme dans les Feux de l’amour. Continue reading “La loi de Parkinson”

Dénoncer, détruire, reproduire et la relique barbare

Bien. Je vais écrire quelques mots. Ces quelques semaines se sont égrenées ici sans établir de dialogue, par la simple démonstration d’images, souvent sans légende à la manière d’un de ces croquis légers que l’on trouve dans les quotidiens. Je me sens absent, ce qui n’est pas sans vouloir dire qu’une énorme mutation semble me secouer. Cette absence manifeste se traduit également par une sensation de liberté et de retour au calme. Je ne me sens plus tellement secoué par ce flux continuel contrariant auquel j’étais soumis autrefois. Aujourd’hui, tout est différent, un peu comme si j’avais changé d’environnement du jour au lendemain et que j’avais de plus en plus de mal à reconnaître les murs entre lesquels je me trouve. Je me sens comme animé d’une nouvelle force…
J’ai l’impression de parler dans le vide, et d’ailleurs, je le fais comme s’il n’y avait personne pour lire ces mots. Étrange. Dans la même veine, je me suis surpris à rassembler tous mes carnets et à recommencer à écrire, sous forme de journal, un exercice auquel je me plie de façon compulsive en corrélation avec d’autres choses qui traversent ma vie actuellement.

Je reprends plaisir à tout, à manger, à boire, à respirer l’air pollué du dehors ou celui du matin lorsque je pointe le bout de mon nez dans le brouillard à des heures indues. J’imagine alors que je suis en train de trouver les réponses aux questions que je me pose depuis quelques années, que je pointe du doigt les angles qui nécessitent une réflexion et que je laisse de côté les points de souffrance qui ne méritent finalement pas que je m’y attarde, comme si je pratiquais avec une rigueur consciencieuse à une sorte d’ataraxie surgie de nulle part. J’imagine aussi que j’arrive à la fin de la lutte qui se jouait en moi, que j’en reviens à des convictions politiques saines et fondées, bien que totalement à contre-courant de ce qui se pratique dans les grands fonds des rangs militants bêlant de plaisir à la moindre bassesse. Je redeviens discret comme si je prenais la place qui était la mienne. J’en ai désormais fini avec les idéologies sociales avec lesquelles je n’ai décidément rien à voir, parce que c’est comme ça, je ne peux pas. L’idée de propriété, la notion de contrat social, l’opinion… tout ceci va à l’encontre de ce que je suis et de ce que je pense. Mais je ne suis pas non plus un rebelle parce que je n’emmerde personne avec mon point de vue.

J’entendais à la radio ce matin (oui, ce matin, j’ai écouté la radio) que les investisseurs se tournaient à nouveau vers l’or sous sa forme la plus manufacturé, le lingot. Cette matière première que Keynes appelait la relique barbare est à nouveau en vogue et sa demande devient de plus en forte. La raison se devine aisément ; l’Inde et la Chine, les deux super-puissances qui font tant peur, sont très demandeuses de cette matière première pour satisfaire les goûts particulièrement mauvais des classes émergentes de ces économies émergentes. La revalorisation de cette valeur refuge est pourtant un mauvais indicateur de la vie économique, car les investisseurs ont peur de l’investissement dans les valeurs traditionnelles et cela annonce une période inflationniste, ce qui n’est pas fait pour rassurer.
Tout ceci me rappelle l’époque amusante, dans les années 80, où l’on voyait René Tendron ou ses petits collègues donner les tendances de la Bourse avec les agités du bocal de la Corbeille en toile de fond et réciter sur un ton monocorde les cours du lingot et du Napoléon. Lointaine époque… J’imagine en fait qu’il n’y a pas besoin de commenter cette actualité.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui, et moi, je me sens bien.

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Carnets de l’Océan 2 – version images

132 - Paimpol

Seconde partie de mes carnets de l’Océan – avec une majuscule, certains mots ne souffrent pas les petites choses. La première partie s’arrêtait en plein coeur de La Rochelle – et non pas de Nantes.
Seconde fois que je remontais la côté dans ce sens, en passant par les marais de Marans, le Poitevin, de vieux souvenirs douloureux, la pays Nantais et ses vignes, la route à l’ancienne dans un air iodée, une grande ville de bord de mer dans laquelle il n’est pas facile de trouver un restaurant ouvert, même un bar, et ne parlons pas de l’hôtel.
La Rochelle, Nantes et Vannes, parcours presque logique.
En passant par Pontivy et le coeur du pays des Rohan (les nobles, rien à voir avec le Seigneur des Anneaux), puis Corlay et sa route tellement sinueuse et revêche que mon fils a vomi son sandwich sur ses genoux.
Suite et fin de ces carnets.
Pour la version papier, il faudra attendre la fin de la rédaction.
Comme pour l’autre, en musique, de circonstance. Continue reading “Carnets de l’Océan 2 – version images”

Carnets de l'Océan – version images

063 - Coast Guards

Au début, il y avait l’Océan, l’origine de toute chose, un tableau peint à la façon de Courbet dans un grand feu d’artifice coloré et sensuel de mots, l’Océan qui a tant inspiré les écrivains romantiques comme les peintres de la même époque, cet Océan là est dans mon coeur et dans mon corps, et comme disait Borges, je n’ai pas besoin de voir le monde car il est déjà en moi.
Un “déjà” qui n’est pas anodin ni exempt de hasards.
Cet Océan-là, je l’ai rêvé, je l’ai placé derrière mes paupières pour que dès que je ferme les yeux, je puisse le voir s’ébrouer, l’entendre gronder et le sentir vivre comme nulle autre chose sur Terre.
J’entends alors résonner en moi ces mots de Bouvier, auteur de l’impossible qui m’a accompagné tout au long de cet été maussade. Continue reading “Carnets de l'Océan – version images”

Des notes pour moi-même

Je n’avais pas envisagé que les choses puissent m’apparaître ainsi, mais à présent, le terme de blog va sortir de mon vocabulaire en ce qui me concerne et ce que j’écris. On n’arrête pas de me répéter que le blog est un outil et rien d’autre, et je m’en rends bien compte. Hier, j’ai viré de Bloglines une bonne trentaine de fils qui n’étaient plus actifs depuis longtemps. C’est comme ça, les gens se lassent de la nouveauté, ils ne font plus ce en quoi ils croyaient parce que les communautés se sont délitées, l’émulation est passée et sans substance, je conçois qu’on n’ait plus rien à dire.

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