Pétasse

Construit sur le latin pedere, péter. Dans sa préhistoire, cette injure s’adressait à une femme que l’on cherche à déconsidérer en l’assimilant à une prostituée ; aujourd’hui, “une pétasse” désigne de manière plus vague une femme dont le comportement et la faculté de raisonnement paraissent dignes de mépris.

Variantes: grognasse, pouffiasse, roulure.

Registre courant: idiote, femme de mauvaise vie.
Registre soutenu: sirène de fond, Vénus de grande surface.

Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à vous procurer le petit livre des gros mots, écrit joyeusement par le professeur de lettres modernes Gilles Guilleron, le tout pour la modique somme de 2.90€. Je vous rassure, les représentants de la gent masculine en prennent tout autant pour leur grade. Rien de tel pour passer un bon moment dans les transports en commun en souriant bêtement.

Comme le dit l’auteur dire un gros mot contient un certaine charge émotive libératoire. Faites le test vous-même en disant “maison de tolérance, matière fécale” puis “bordel de merde”. Ben oui, ça change tout.

Liber Floridus, enluminures

Moi qui cherchais depuis longtemps un site Internet bien approvisionné sur les enluminures, me voilà servi. Liber Floridus est un site regroupant les collections les plus prestigieuses d’enluminures, notamment celles de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et de la Bibliothèque Mazarine.

Elle représente près de 1600 manuscrits et 31000 images, toutes consultables par feuilletage.

On pourra simplement regretter que les manuscrits ne soient pas plus explicitement décrits dans les listes de liens. La navigation n’y est pas forcément facile, mais le résultat est époustouflant.

enluminure

Terre des lieux

Le prieur

– Toujours pareil. Il ne parlait que damnation, jamais de nous. Vous décoiffez tant soit peu une jeune fille, vous alliez droit comme une flèche en enfer.
Auquel il ne croit pas du tout. Il croit aux “lieux” (Ker en breton). Il connait dans l’île des lieux – bien circonscrits : un roc fendu par la foudre, une souche de cornouiller qu’on a toujours vue là et qui ne veut pas mourir – pleins de force, d’efficace et de bonté. C’est là qu’il faut aller se recueillir, demander, remercier. Ailleurs, à l’église qu’on laisse un peu aux femmes, c’est du temps perdu.

Nicolas Bouvier,
Journal d’Aran et d’autres lieux.*

On sous-estime souvent l’importance des lieux dans les cultures populaires. Qui n’a jamais foulé les terres chargées d’histoires et de légendes ne peut avoir idée de ce qu’ils représentent en terme de charge émotionnelle et religieuse. On se retrouve transporté dans des temps morts, de la veine de ceux dont parle Loti lorsqu’il se perd dans les remparts du monastère Sainte-Catherine, en plein Sinaï.

* Non, désolé, ce livre ne parle pas de poissons.

Moi, mais en mieux (pincer/replier)

˙ʇsǝno puɐɹƃ ǝl sɹǝʌ ǝʇnoɹ uǝ àɾép ıɐɹǝs ǝɾ ǝnbsɹol ǝnb ǝssıɐɹɐddɐ,u lı,nb ɹnod ɹǝʇɐp-ʇsod ǝl sıɐʌ ǝɾ ‘sıoɟ ǝun ɹnod ǝnbsınd ǝɹèılnɔıʇɹɐd ɹnǝʌɐs ɐl à ʇǝllıq un ‘sǝɔuɐɔɐʌ uǝ ʇɹɐdép ǝp ʇǝllıq lǝuuoıʇıpɐɹʇ uoɯ ıɔıoʌ
Euh… pardon
Voici mon traditionnel billet de départ en vacances, un billet à la saveur particulière puisque pour une fois, je vais le post-dater pour qu’il n’apparaisse que lorsque je serai déjà en route vers le grand ouest. Et puisque je ne fais jamais rien comme tout le monde, je me suis dit que c’était le bon moment pour moi, cette mi-année, de faire un petit bilan de mon année sur terre. Tous les ans, en janvier, je fais un peu le point, je me regarde en face, je me demande ce que j’ai fait depuis tout ce temps et j’essaie d’en tirer du positif. Et tous les ans, je me dis que l’année qui vient de s’écouler était décidément la plus merdique de tous les temps infinis, et que l’année qui va arriver sera meilleure, mais je crois qu’en 2007, j’ai touché le fond. Cette année aura été pour moi la pire de mon existence. L’annus horribilis totale (Et merde, pour une fois que j’essayais d’être sérieux).

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Jo_Manji.mp3]

Pourquoi ça ? Parce que je vais de déceptions en déceptions, c’est un peu comme si j’avais la déception chevillée au corps comme quelque chose d’indéfectiblement lié à ma chair, un élément constitutif et inséparable. Un bloc de chair et de déception. Rien d’autre. Je me situe réellement et sans misérabilisme aucun comme un éternel abandonné, incapable de retenir les gens autour de moi…

Merde. Fait chier. J’ai du mal. Bon. Stop. Je n’arrive pas à me remettre de cette histoire, mais il va falloir que je vive avec. Même mal. Il va falloir que je change, que je m’endurcisse et que j’arrête d’être un gentil Romuald avenant et charmant et que sais-je encore. Un être de lumière ? Je me souviens que le roi des enfers portait ce nom là. Lucifer. L’ange déchu, celui qui portait la lumière. Ma vocation est peut-être de porter l’ombre sur mon visage. L’ange déchu… c’est peut-être ça après tout.

– Connard !!!!
– Oui ? C’est moi ! J’ai un survêt’ et un berger allemand…

1, 2, 3, soleil… Bernard Blier.

Nip/Tuck

Bon. Désolé, je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Voilà, je suis parti vers l’Océan, le Grand Océan, Mon Océan, maille ocheune. Je ne vous dit pas où je vais, ni combien de temps je pars sinon vous allez retirer le fil de mon blog de votre agrégateur. Mais je reviendrai, c’est certain, ne vous en faites pas pour moi – pourquoi je dis ça, who cares ?

Je suis donc parti, j’emmène avec moi quelques carnets, pour écrire, dessiner si j’ai le temps, j’emmène aussi quelques livres, Rabelais, Proulx, Maximilien Durand, Bryson, Hornby feront partie du voyage, plus certainement quelques autres, j’aime avoir le choix.

Je n’ai pas grand-chose d’autre à dire, si ce n’est que professionnellement parlant, je pars en vacances le coeur léger parce que j’ai appris une très bonne nouvelle, même si je suis quand même angoissé de tout laisser à mes petits collègues qui vont devoir gérer à ma place.

Euh… Voilà.

Juste une chose. Ma rentrée sera compliquée. J’imagine qu’il n’y a rien d’autre à en dire.

Et pour finir, je garde à l’esprit ces mots de Laurent:

Tu as raison. C’est vrai qu’elle est magnifique.

Quant à savoir de quoi il parlait, trois points de suspension.

Un homme qui dort

Tu te lèves le matin avec la tête dans le pâté en te demandant si ce n’est pas ce genre de journée où tu ferais mieux de rester couché parce que décidément une bonne journée ne peut pas commencer avec un léger mal de crâne et l’impression qu’on ne va jamais émerger, mais finalement, tout est calme, il fait beau temps, le vent ne souffle pas, et aucun nuage ne vient encombrer l’horizon, et puis tu te sens reposé, la nuit précédente nuit sans sommeil gommée d’un coup d’un seul, pfiout, partie, envolée, ça va bien, tu te regardes dans le miroir pour une fois, et tu regardes ta peau que tu viens de raser, une peau lisse, agréable au toucher et puis tu ne te trouves pas trop mal dans le reflet, c’est tout toi, charmant et calme, il faut bien l’avouer, les tourments de côté, pour une fois, on peut bien se permettre ça de temps en temps, et oh surprise, tu as de l’argent sur ton compte, alors ouf, ouais, ça, ça fait du bien, c’est pas si souvent, la voix de Tamara dans les oreilles, tu vas rendre un livre à la bibliothèque et malgré le fait que tu aies trois bonnes semaines de retard parce que tu l’avais oublié sur ta table de nuit, la bibliothécaire ne dit rien, elle peut te passer ça pour cette fois, et puis elle est contente que tu fasses amende honorable, bonne attitude, et en passant, tu rends son sourire à Claire qui enregistre les livres d’un air désinvolte, et puis tu reprends ta voiture – tu te rendras compte plus tard que tu as oublié de passer au garage pour prendre ton bouchon d’huile, mais c’est pas bien grave – et tu prends des photos, one shot, ça va tout seul, tu es à l’affût, prêt à dégainer, les photos se prennent toutes seules, des photos que tu n’auras pas besoin de retoucher, sur la route, ta tête est vide, tu ne penses à rien, tes emmerdes de côté, une mise entre parenthèses passagère histoire de reprendre ton souffle et tu passes quelques minutes à tenter de reconstruire savamment le souvenir de celle qui t’a fait croire que tu pourrais un jour être heureux, et tout s’effondre comme un château de sable renversé par les flots, alors oui, bien sûr, tu n’en mourras pas, on ne meurt pas de ces choses là, mais quand même, tu traînes avec toi un sacré bagage et tu te dis que tu n’as pas de bol, en fait non, tu te dis que tu vas en souffrir pendant pas mal de temps, parce que ces choses que tu n’as pas vécues, tu les traîneras avec toi toute ta vie en sachant que tu es passé à côté, et ça fera mal autant que ça t’a fait mal le premier jour, tu vas morfler mon gars, cette souffrance là, tu vas la porter vissée sur ta gueule pendant pas mal de temps, et puis tu te demandes si tu ne l’as pas cherché, si ce n’est pas toi qui as provoqué la tempête, et les minutes passent sur l’autoroute, tu t’engouffres sous terre, tu vas errer dans les rayons d’une libraire et tu vas craquer pour un livre rare d’Anne-Marie Schwarzenbach, un autre de Nicolas Bouvier et pourquoi pas quelque chose d’un peu plus anglais, plus léger, qu’en sais-tu, tu vas regarder les maillots de bain, mais rien ne te plait, alors tu vas acheter de la bouffe à emporter pour croquer un morceau assis à l’ombre sur l’esplanade, caché derrière tes lunettes noires, un souffle frais venant de temps en temps de la gauche, un courant d’air frais sur la droite, tu te laisserais bien aller à piquer un roupillon sur les dalles de béton, et tu te fous un peu de l’heure qu’il est parce qu’après tout, ça fait bien cinq jours que tu bosses sur le même bilan, dix-huit tableaux croisés remplis de chiffres que tu ne comprends même plus tellement tu as eu les yeux rivés dessus et tu te demandes où se trouve la faille, à quel moment tu as merdé, et tu n’en as pas dormi parce que tu demandais à quel moment tu allais bien pouvoir t’en sortir et passer à autre chose, alors tu ne regardes pas l’heure et tu profites de l’air ambiant, simple et naturel, tu te demandes pourquoi tout te semble si beau et que tu te sens si bien, mais surtout tu évites de te laisser bercer parce que tu te demandes à quel moment ça va basculer et pourquoi ça va finir par mal se passer… Tu te poses la question, jusqu’au moment où tu t’endormiras, au terme d’une journée bien remplie.

Photo © Ptrob59

Node™ n°1

Forcément, comme souvent en ce moment il pleut, il pleut beaucoup, tout le temps, fort, peu, averses ou pas du tout quelques instants et puis ça repart doucement ou pas, ou fort et beaucoup, ça s’enchaîne, alors ce matin, quand je me suis levé, la première chose que j’ai faite c’est de regarder s’il pleuvait et oui, il pleuvait, comme un peu tous les jours depuis que Sarkozy est président, ce n’est pas de sa faute, mais ça joue certainement, on pourrait presque y croire mais je ne me suis pas laissé démonter, j’ai piqué le parapluie de mon fils, mais je suis quand même arrivé à la gare les pieds trempés, le bas du pantalon, c’est du ramie ça sèche vite, un coup de vitamines avec le café, histoire d’émerger un peu plus vite que ça s’il vous plait merci j’ai un train à prendre et puis j’ai passé une partie de ma nuit à bouquiner jusqu’à temps que le sommeil m’emporte le bougre, même pas le temps d’éteindre la lumière, espèce de criminel de la lecture qui lit jusqu’à plus soif tous les jours de la semaine, même ceux qui n’existent pas, voire même plus, alors nécessairement, pour se réveiller, c’est pas du Pink Martini qu’il faut se fourrer dans les oreilles, mais plutôt David Guetta, Love don’t let me go, voilà tout, faut écouter ça parce qu’on a beau penser ce qu’on veut du blondinet électrique, sa musique, elle est construite et c’est pas du beat sans raison, il y a du travail là dedans et c’est bon, surtout pour se réveiller, surtout pour passer devant les contrôleurs du matin, on est le 3, faut contrôler, et j’ai mon ticket, c’est suffisamment rare pour être remarqué, alors je passe tête haute, bêcheur, y’a pas de raison, et puis merde hein, je n’ai dormi que trois heures, certainement moins, criminel va !

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Lovego.mp3]

juergen teller

Bon et puisqu’on est là, il est temps de parler un peu de Juergen Teller, un photographe hors norme et un peu branque, qui se plait à prendre en photo des célébrités dans des positions pas possibles – Björk s’est pliée à l’exercice, je ne vous dis que ça – , mais qui a aussi travaillé pour la publicité d'Yves Saint-Laurent mais qu’on croirait tout droit sorti d’une nouvelle de Bukowski, un travail désaxé autour de la lumière crue.

Dans la rue Anatole France, il y a un camion violet qui est là pour nettoyer la cuve à graisse du tabac d’en face, le nettoyage de la cuve à graisse, c’est quelque chose, il faut avoir vécu ça de près pour savoir à quel point ça schlingue la graisse, ça pue pire que la mort, la graisse, peut-être même pire que la merde, parce qu’au moins, la merde, on sait ce qu’il y a dedans, et là pour la coup, dans la rue humide, ça sent mille fois la graisse transvasée, c’est littéralement infâme, et comme aujourd’hui j’ai une grosse forme de type qui n’a dormi que trois heures, je vais m’attaquer aux bases de données, je suis à bloc là. (03 juillet)

Depuis que j’ai écrit ces mots, il s’est passé beaucoup de choses, des choses pas gaies du tout, des renoncements, des hésitations, des fractures, des pas en avant, des pas en arrière, j’ai complètement lâché l’écriture, je me suis retiré du monde, j’ai tenté de sourire, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de bloguer au vu du nombre considérable de commentaires que je n’arrive plus à gérer, je me suis pris pour John Cage, j’ai eu envie de mourir, mais pas longtemps, j’ai eu une réunion de service, je me suis battu contre le département Communication pour exprimer mon point de vue (oui, je sais, on s’en fout), j’ai pris une photo de mon chat, j’ai enfin parlé à Laurent, je me suis surpris à rire avec des gens que je détestais, j’ai été dans une colère dingue, je me suis calmé, je me suis senti rejeté, alors j’ai rejeté, je me suis dit que j’allais effacer mon blog, j’ai dit merde à mon père, j’ai vu mon téléphone sonner et je n’ai pas pu répondre parce que j’étais déjà en ligne, j’ai enragé, j’ai fulminé, j’ai mal dormi, très mal dormi, je me suis senti à deux doigts de péter un câble, je me suis calmé, j’ai eu envie d’appeler une vieille amie, et mon amie m’a appelé parce que je l’avais appelée sans m’en rendre compte, une voix chaleureuse et tendre, j’ai fait de l’aérophagie, j’ai sauté un repas, je n’ai pas sniffé de colle parce que je ne me drogue pas (le café ça compte pas), j’ai été contacté par un extra-terrestre chinois, j’ai terminé de publier mes derniers moleskines, lesquels ont toujours autant de succès (suffisamment rare pour être signalé), j’ai mangé une pizza, j’ai vécu la guerre grève, les bagarres dans le RER, les flics qui déboulent, les tickets de métro qui ne passent pas dans les tourniquets, je me suis noyé dans un ruisseau, enfin je crois, je ne passerai pas à la télévision, je ne suis pas allé à Paris-Carnet, j’ai eu un cadeau, la saison 1 de Magnum en DVD, j’ai vu le Lauréat, j’ai fait une machine de couleur, j’ai passé l’aspirateur dans la chambre, je suis allé faire des courses, j’ai rendu mes livres à la bibliothèque, j’ai rêvé d’Adolfo Bioy Casares, je me suis rendu compte que j’étais pétri de ténèbres, j’ai beaucoup pensé, mais j’ai eu aussi beaucoup la tête complètement vide, je me suis demandé si je n’allais pas m’acheter un nouveau nom de domaine, laisser tomber mon blog, repartir de zéro, j’ai étrangement passé une très bonne semaine au boulot, et comme pour faire bonne mesure, j’ai essayé de chialer un bon coup comme pour faire sortir toutes les scories qui me polluent l’existence mais rien ne sort, complètement à sec, alors je me suis imaginé allongé dans un lit aux draps couleurs expresso et les yeux fermés, j’écoutais le bruit de l’océan.

Tierra del Fuego

La Terre de Feu est une terre australe où les frontières commencent à s’effacer, partagées entre le Chili et l’Argentine, coupée au cordeau et détachée de sa mère patrie argentine. La Tierra del Fuego est une province battue par les vents australs, un archipel dont les limites ont mis du temps à être cernées même si Magellan y a posé le pied 1520, pensant que le détroit auquel il a donné son nom était le passage unique entre l’Atlantique et le Pacifique et que la terre continuait ainsi indéfiniment vers le sud, alors qu’à trois cents kilomètres au sud se trouve les îles Hornos, formant le point ultime de l’Amérique au sud, le cap Horn.

Tierra de fuego Magellanica

Pourtant, ce qu’on appelle détroit est en fait une route incertaine en forme de V passant par Puerto Sara et Punta Arenas, longtemps considérée comme la ville la plus australe du monde, ce qui n’est pas le cas. Longtemps, il a été tenu pour admis que le détroit sus-nommé n’était que le point de passage entre l’Amérique au nord et le continent de feu, au sud; une terre immense répandue sur le bas de la carte comme un gros paquet incertain et inconnu.

Photo © Rolfo Z

Pourtant, un peu plus au sud, se trouve un autre canal, le canal Beagle, route presque droite d’un océan à l’autre, dans lequel on tombe nez à nez avec, cette fois-ci, la ville la plus australe, Ushuaïa (du Yagan ush (au fond) et wuaia (baie ou crique)), laquelle a détrôné Puerto Williams, trop petite pour “mériter ce titre”.

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…

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Serpents et piercings, Hitomi Kanehara

Tokyo, les bas-quartiers, Shinjuku, voici le décor d’une jeunesse apparemment en perdition. Serpents et piercings, (Hebi ni piasu) est l’oeuvre d’une toute jeune romancière japonaise née en 1983, Hitomi Kanehara, enfant terrible de la scène underground ayant vendu près de deux millions d’exemplaires de son livre écrit en anglais, déjà couronné par le prestigieux prix Ryûnosuke Akutagawa.

shinjukuPhoto © Kaidohmaru’

Serpents et piercings, c’est l’histoire d’un trou, un trou dans la langue, celui que s’est fait Ama, son copain, avant de se la sectionner et d’en faire une langue fourchue. C’est ainsi qu’on fait la découverte d’une toute jeune femme, Lui, qui ne désire plus qu’une seule chose, se faire trouer la langue et avoir elle aussi une langue de serpent. De sa rencontre avec Shiba-san, le tatoueur punk sadique, naîtra l’envie de se faire tatouer un dragon enlacé avec un Ki-Rin. Les trois personnages s’enlacent eux aussi telles les volutes des Malboro Menthol qu’ils fument à longueur de journée et impriment sur Lui leur empreinte. Un trio infernal et pas si désespéré qu’il en a l’air, oiseaux de nuit imbibés d’alcool, de sexe et de mort. Lui s’autodétruit, dit d’elle qu’elle a toute l’intelligence et le sens moral d’une gueunon, tandis qu’Ama ne cesse de veiller sur elle, la couvant comme un oiseau couve sa nichée et cela malgré la désinvolture avec laquelle elle le traîte. Shiba-san, lui voudrait se marier avec Lui, même si au bout du compte, il ne désire qu’une seule chose, qu’elle lui demande de la tuer, certainement pour atteindre la jouissance après laquelle il court désespérément. Derrière l’apparente crasse morbide des punks se cache en fait un monde stérilisé, stérile, duquel ne peut rien naître, pas même un amour et où finalement seuls les secrets et les désirs ont leur place.

Photo © junku-newcleus

Un livre grandiose et sombre, dans la pure lignée d’un Akutagawa inspiré, moins désespéré qu’un Ryū Murakami, et dont toute la superbe tient dans ce style sans entrave, à dix mille lieues de la rudesse japonaise. Oeuvre authentique d’une future prix Nobel de littérature ?