Tokyo, les bas-quartiers, Shinjuku, voici le décor d’une jeunesse apparemment en perdition. Serpents et piercings, (Hebi ni piasu) est l’oeuvre d’une toute jeune romancière japonaise née en 1983, Hitomi Kanehara, enfant terrible de la scène underground ayant vendu près de deux millions d’exemplaires de son livre écrit en anglais, déjà couronné par le prestigieux prix Ryûnosuke Akutagawa.
Photo © Kaidohmaru’
Serpents et piercings, c’est l’histoire d’un trou, un trou dans la langue, celui que s’est fait Ama, son copain, avant de se la sectionner et d’en faire une langue fourchue. C’est ainsi qu’on fait la découverte d’une toute jeune femme, Lui, qui ne désire plus qu’une seule chose, se faire trouer la langue et avoir elle aussi une langue de serpent. De sa rencontre avec Shiba-san, le tatoueur punk sadique, naîtra l’envie de se faire tatouer un dragon enlacé avec un Ki-Rin. Les trois personnages s’enlacent eux aussi telles les volutes des Malboro Menthol qu’ils fument à longueur de journée et impriment sur Lui leur empreinte. Un trio infernal et pas si désespéré qu’il en a l’air, oiseaux de nuit imbibés d’alcool, de sexe et de mort. Lui s’autodétruit, dit d’elle qu’elle a toute l’intelligence et le sens moral d’une gueunon, tandis qu’Ama ne cesse de veiller sur elle, la couvant comme un oiseau couve sa nichée et cela malgré la désinvolture avec laquelle elle le traîte. Shiba-san, lui voudrait se marier avec Lui, même si au bout du compte, il ne désire qu’une seule chose, qu’elle lui demande de la tuer, certainement pour atteindre la jouissance après laquelle il court désespérément. Derrière l’apparente crasse morbide des punks se cache en fait un monde stérilisé, stérile, duquel ne peut rien naître, pas même un amour et où finalement seuls les secrets et les désirs ont leur place.
Photo © junku-newcleus
Un livre grandiose et sombre, dans la pure lignée d’un Akutagawa inspiré, moins désespéré qu’un Ryū Murakami, et dont toute la superbe tient dans ce style sans entrave, à dix mille lieues de la rudesse japonaise. Oeuvre authentique d’une future prix Nobel de littérature ?
Je l’avais lu en japonais, j’ignorais qu’elle l’avait écrit en anglais à l’origine. Mais je n’ai carrément pas aimé. C’est d’un style assez banal, je ne suis pas arrivé à m’intéresser aux vies “torturées” des protagonistes. Mais c’est sûr que ça fait branché et tout ça. Par contre quel rapport avec Akutagawa (si ce n’est qu’elle a reç le prix du même nom) ? Murakami Ryû, mouais, dieu sait que je ne l’aime pas, mais tout de même, je ne lui en veut pas à ce point.
Bref, j’ai de sérieux doutes quant à sa potentielle nobélisation. Mais qui sait, de nos jours, tout est possible.
Quand tu dis que ça fait branché, c’est pas forcément vrai dans la mesure où on est ici chez les punks, mais pas des punks crades à l’anglaise, c’est justement ça qui est intéressant, c’est l’atmosphère rayonnante qui y règne. Là où je vois un rapport avec Akutagawa, c’est dans sa façon de décrire la noirceur des personnages et en cela, ça m’a rappelé “Paravent des Figures infernales“. Quant à Murakami, je ne l’aime pas beaucoup non plus, fade dans l’écriture, un peu mou.
En ce qui concerne la nobélisation, qui eût pu dire que Saul Bellow l’eût eu ? 😉
Moi, j’ai aimé cette descente dans le monde “underground” de Tokyo, fasciné par ces “boutiques” de tatouages et de piercings ; mais de toute façon cela n’intéresse pas grand monde. Je ne saurais dire si Murakami Ryû est un grand écrivain ou tout simplement un écrivain qui me convient. Certains de ses romans m’ont ennuyé, alors que d’autres m’ont subjugué (même si le verbe est un poil trop fort). Par contre, j’avoue (OK, j’ai un peu honte) ne pas connaître la littérature d’Akutagawa. Donc, si je veux découvrir cet auteur, par quel roman (ou nouvelle) dois-je débuter pour l’apprécier à sa juste valeur ?
Akutagawa est L’AUTEUR japonais à ne pas manquer, enfin, ceci n’est qu’une opinion personnelle. Il n’a écrit que de courtes nouvelles, mais d’une puissance inouïe. Je te conseille l’article de Wikipedia fr, voire celui en anglais. Peu de nouvelles traduites en français, mais Rashômon et le Paravent des Figures infernales sont des pièces d’orfèvrerie. A moins de lire… en japonais… Quelques brefs extraits ici.
Pour moi c’est THE livre culte..je le lis et relis de temps en temps..je ne peux m’en lasser et je finis en larmes a chaque fois tellement je m’attache aux persos et me laisse entrainer par cette merveilleuse auteure qu’est Hitomi Kanehara!.
Je me reconnais un peu en Lui,de plus ce qui est super dans ce livre c’est que on y retrouve tous les sentiments!(peur ,haine amour désir..etc etc)
Bon un seul “défaut ” ce faire percer la langue au pistolet…ça n’existe pas…ou alors tu as affaire à un charlatan t qui n’y connais rien!