Lois du management et médiocrité ascensionnelle

Il y a bien longtemps que je garde ces mots dans un coin de mon blog, attendant que la crispation se relâche pour le publier. Ce texte a été écrit le 25 Juin 2003 sur le site Actufinance. Son histoire dans mon histoire personnelle a une place un peu particulière puisque j’ai lu ces lignes avant même de comprendre qu’il n’était qu’un texte post-moderniste, c’est à dire qu’il se base sur un simulacre de pensée, qu’il remet en cause sa propre histoire et qu’il crée un asservissement. Pour plus de compréhension, voir les deux billets consacrés à Jordi Vidal.

Au commencement, en 1969, c’était Laurence J. Peter qui énonça pour la première fois son fameux principe : ” Dans une hiérarchie, chaque employé tend à s’élever jusqu’à son niveau d’incompétence ” déclarant par la même occasion, et sans modestie, vouloir fonder une nouvelle science : la ” hiérarchologie ” ou ” science de l’incompétence au travail “. Les constatations sur lesquelles se fondait Peter étaient les suivantes : dans une organisation quelconque, si quelqu’un fait bien son travail, on lui confie une tâche plus complexe. S’il s’en acquitte correctement, on lui accordera une nouvelle promotion. Et ainsi de suite jusqu’au jour où il décrochera un poste au-dessus de ses capacités. Où il restera indéfiniment.

Le principe de Peter a deux importants corollaires. D’abord, dans une organisation, le travail est réalisé par ceux qui n’ont pas encore atteint leur niveau d’incompétence. Ensuite, un salarié qualifié et efficace consent rarement à demeurer longtemps à son niveau de compétence. Il va tout faire pour se hisser jusqu’au niveau où il ne sera plus bon à rien !

De ce principe est née ce qu’on appelle la Variante de Dilbert. Dilbert, vous connaissez ? C’est l’anti-héros de cette BD best-seller, où le monde de l’entreprise marche sur la tête. Scott Adams, son papa, n’est jamais resté assez longtemps dans une entreprise pour devenir franchement incompétent. Pourtant, en la matière, il en connaît un rayon. Il a ainsi remarqué que les entreprises avaient trouvé la parade au principe de Peter : ” Les entreprises affectent les incompétents là où ils feront le moins de dégâts : aux postes de direction pour les empêcher de faire trop de dégâts sur le terrain “.

De là est née La loi de Parkinson (rien à voir avec la maladie du même nom) citée dans l’ ” Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu ” d’Edmond Wells:

” Plus une entreprise grandit, plus elle engage des médiocres surpayés. Pourquoi ? Tout simplement parce que les cadres en place – arrivés au sommet selon le principe de médiocrité ascensionnelle décrit par Peter- n’aiment pas qu’on leur fasse de l’ombre et veulent éviter la concurrence. La meilleure manière de ne pas risquer d’affronter de rivaux dangereux c’est encore d’engager des incompétents. Du coup, les incompétents restent entre eux. La meilleure manière de leur ôter toute volonté de faire des vagues est de les surpayer. Ainsi les castes dirigeantes sont-elles assurées d’une tranquillité permanente.

Selon la loi de Parkinson, une entreprise a donc intérêt à se débarrasser de ses éléments dynamiques peu payés pour les remplacés par des léthargiques surpayés au nom de la tranquillité générale mais en réalité pour que les castes dirigeantes soient assurées d’une tranquillité permanente.

De ces principes sont nées des lois bien connues dans le monde de management telle la loi de Goldin : ” La généralisation de l’incompétence est directement proportionnelle à sa hauteur dans la hiérarchie. ” ou celle du Management de Vail : ” Dans chaque projet, le travail est sous-traité aux niveaux hiérarchiques inférieurs. ” ou encore celle de Conway : ” Dans chaque organisation, il y a toujours quelqu’un qui comprend ce qui se passe. Cette personne doit être licenciée. ” ou celle de la Distribution technico-hiérarchique ” La compétence technique de toute personne est inversement proportionnelle à son niveau hiérarchique “. etc. etc..

Ces principes sont parfaitement valables en France où, pour un poste de responsabilité, j’ai remarqué qu’entre un compétent et un médiocre on hésite pas une seconde.

David Vetter, l'enfant bulle

En regardant distraitement d’un oeil endormi la télévision, je suis tombé hier soir sur un documentaire de Barak Goodman concernant David Vetter, l’enfant bulle. Son cas n’est pas très connu en France, mais aux Etats-Unis, il a profondément marqué la conscience collective et provoqué des débats éthiques pour le moins houleux. Né le 21 septembre 1971 dans un isolateur, il était atteint d’un SCIDS* et a passé en tout les seules douze années de son existence enfermé dans cette bulle à l’atmosphère stérile. Continue reading “David Vetter, l'enfant bulle”

Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public

C’est un objet de tristesse, pour celui qui traverse cette grande ville ou voyage dans les campagnes, que de voir les rues, les routes et le seuil des masures encombrés de mendiantes, suivies de trois, quatre ou six enfants, tous en guenilles, importunant le passant de leurs mains tendues. Ces mères, plutôt que de travailler pour gagner honnêtement leur vie, sont forcées de passer leur temps à arpenter le pavé, à mendier la pitance de leurs nourrissons sans défense qui, en grandissant, deviendront voleurs faute de trouver du travail, quitteront leur cher Pays natal afin d’aller combattre pour le prétendant d’Espagne, ou partiront encore se vendre aux îles Barbades. Je pense que chacun s’accorde à reconnaître que ce nombre phénoménal d’enfants pendus aux bras, au dos ou aux talons de leur mère, et fréquemment de leur père, constitue dans le déplorable état présent du royaume une très grande charge supplémentaire ; par conséquent, celui qui trouverait un moyen équitable, simple et peu onéreux de faire participer ces enfants à la richesse commune mériterait si bien de l’intérêt public qu’on lui élèverait pour le moins une statue comme bienfaiteur de la nation. Mais mon intention n’est pas, loin de là, de m’en tenir aux seuls enfants des mendiants avérés ; mon projet se conçoit à une bien plus vaste échelle et se propose d’englober tous les enfants d’un âge donné dont les parents sont en vérité aussi incapables d’assurer la subsistance que ceux qui nous demandent la charité dans les rues. Pour ma part, j’ai consacré plusieurs années à réfléchir à ce sujet capital, à examiner avec attention les différents projets des autres penseurs, et y ai toujours trouvé de grossières erreurs de calcul. Il est vrai qu’une mère peut sustenter son nouveau-né de son lait durant toute une année solaire sans recours ou presque à une autre nourriture, du moins avec un complément alimentaire dont le coût ne dépasse pas deux shillings, somme qu’elle pourra aisément se procurer, ou l’équivalent en reliefs de table, par la mendicité, et c’est précisément à l’âge d’un an que je me propose de prendre en charge ces enfants, de sorte qu’au lieu d’être un fardeau pour leurs parents ou leur paroisse et de manquer de pain et de vêtements, ils puissent contribuer à nourrir et, partiellement, à vêtir des multitudes. Mon projet comporte encore cet autre avantage de faire cesser les avortements volontaires et cette horrible pratique des femmes, hélas trop fréquente dans notre société, qui assassinent leurs bâtards, sacrifiant, me semble-t-il, ces bébés innocents pour s’éviter les dépenses plus que la honte, pratique qui tirerait des larmes de compassion du cúur le plus sauvage et le plus inhumain. Etant généralement admis que la population de ce royaume s’élève à un million et demi d’âmes, je déduis qu’il y a environ deux cent mille couples dont la femme est reproductrice, chiffre duquel je retranche environ trente mille couples qui sont capables de subvenir aux besoins de leurs enfants, bien que je craigne qu’il n’y en ait guère autant, compte tenu de la détresse actuelle du royaume, mais cela posé, il nous reste cent soixante-dix mille reproductrices. J’en retranche encore cinquante mille pour tenir compte des fausses couches ou des enfants qui meurent de maladie ou d’accident au cours de la première année. Il reste donc cent vingt mille enfants nés chaque année de parents pauvres. Comment élever et assurer l’avenir de ces multitudes, telle est donc la question puisque, ainsi que je l’ai déjà dit, dans l’état actuel des choses, toutes les méthodes proposées à ce jour se sont révélées totalement impossibles à appliquer, du fait qu’on ne peut trouver d’emploi pour ces gens ni dans l’artisanat ni dans l’agriculture ; que nous ne construisons pas de nouveaux bâtiments (du moins dans les campagnes), pas plus que nous ne cultivons la terre ; il est rare que ces enfants puissent vivre de rapines avant l’âge de six ans, à l’exception de sujets particulièrement doués, bien qu’ils apprennent les rudiments du métier, je dois le reconnaître, beaucoup plus tôt : durant cette période, néanmoins, ils ne peuvent être tenus que pour des apprentis délinquants, ainsi que me l’a rapporté une importante personnalité du comté de Cavan qui m’a assuré ne pas connaître plus d’un ou deux voleurs qualifiés de moins de six ans, dans une région du royaume pourtant renommée pour la pratique compétente et précoce de cet art. Nos marchands m’assurent qu’en dessous de douze ans, les filles pas plus que les garçons ne font de satisfaisants produits négociables, et que même à cet âge, on n’en tire pas plus de trois livres, ou au mieux trois livres et demie à la Bourse, ce qui n’est profitable ni aux parents ni au royaume, les frais de nourriture et de haillons s’élevant au moins à quatre fois cette somme. J’en viens donc à exposer humblement mes propres idées qui, je l’espère, ne soulèveront pas la moindre objection. Un américain très avisé que j’ai connu à Londres m’a assuré qu’un jeune enfant en bonne santé et bien nourri constitue à l’âge d’un an un met délicieux, nutritif et sain, qu’il soit cuit en daube, au pot, rôti à la broche ou au four, et j’ai tout lieu de croire qu’il s’accommode aussi bien en fricassée ou en ragoût. Je porte donc humblement à l’attention du public cette proposition : sur ce chiffre estimé de cent vingt mille enfants, on en garderait vingt mille pour la reproduction, dont un quart seulement de mâles – ce qui est plus que nous n’en accordons aux moutons, aux bovins et aux porcs – la raison en étant que ces enfants sont rarement le fruit du mariage, formalité peu prisée de nos sauvages, et qu’en conséquence, un seul mâle suffira à servir quatre femelles. On mettrait en vente les cent mille autres à l’âge d’un an, pour les proposer aux personnes de bien et de qualité à travers le royaume, non sans recommander à la mère de les laisser téter à satiété pendant le dernier mois, de manière à les rendre dodus, et gras à souhait pour une bonne table. Si l’on reçoit, on pourra faire deux plats d’un enfant, et si l’on dîne en famille, on pourra se contenter d’un quartier, épaule ou gigot, qui, assaisonné d’un peu de sel et de poivre, sera excellent cuit au pot le quatrième jour, particulièrement en hiver. J’ai calculé qu’un nouveau-né pèse en moyenne douze livres, et qu’il peut, en une année solaire, s’il est convenablement nourri, atteindre vingt-huit livres. Je reconnais que ce comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il conviendra parfaitement aux propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des pères, semblent les mieux qualifiés pour manger la chair des enfants. On trouvera de la chair de nourrisson toute l’année, mais elle sera plus abondante en mars, ainsi qu’un peu avant et après, car un auteur sérieux, un éminent médecin français, nous assure que grâce aux effets prolifiques du régime à base de poisson, il naît, neuf mois environ après le Carême, plus d’enfants dans les pays catholiques qu’en toute saison ; c’est donc à compter d’un an après le Carême que les marchés seront le mieux fournis, étant donné que la proportion de nourrissons papistes dans le royaume est au moins de trois pour un ; par conséquent, mon projet aura l’avantage supplémentaire de réduire le nombre de papistes parmi nous. Ainsi que je l’ai précisé plus haut, subvenir aux besoins d’un enfant de mendiant (catégorie dans laquelle j’inclus les métayers, les journalistes et les quatre cinquièmes des fermiers) revient à deux shillings par an, haillons inclus, et je crois que pas un gentleman ne rechignera à débourser dix shillings pour un nourrisson de boucherie engraissé à point qui, je le répète, fournira quatre plats d’une viande excellente et nourrissante, que l

Le bibliomane, Charles Nodier

Vous avez tous connu ce bon Théodore, sur la tombe duquel je viens jeter des fleurs, en priant le ciel que la terre lui soit légère. Ces deux lambeaux de phrase, qui sont aussi de votre connaissance, vous annoncent assez que je me propose de lui consacrer quelques pages de notice nécrologique ou d’oraison funèbre. Il y a vingt ans que Théodore s’était retiré du monde pour travailler ou pour ne rien faire : lequel des deux, c’était un grand secret. Il songeait, et l’on ne savait à quoi il songeait. Il passait sa vie au milieu des livres, et ne s’occupait que de livres, ce qui avait donné lieu à quelques-uns de penser qu’il composait un livre qui rendrait tous les livres inutiles ; mais ils se trompaient évidemment. Théodore avait tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans. C’est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais. Théodore ne parlait plus, ne riait plus, ne jouait plus, ne mangeait plus, n’allait plus ni au bal, ni à la comédie. Les femmes qu’il avait aimées dans sa jeunesse n’attiraient plus ses regards, ou tout au plus il ne les regardait qu’au pied ; et quand une chaussure élégante de quelque brillante couleur avait frappé son attention : « Hélas ! disait-il en tirant un gémissement profond de sa poitrine, voilà bien du maroquin perdu ! » Il avait autrefois sacrifié à la mode : les mémoires du temps nous apprennent qu’il est le premier qui ait noué la cravate à gauche, malgré l’autorité de Garat qui la nouait à droite, et en dépit du vulgaire qui s’obstine encore aujourd’hui à la nouer au milieu. Théodore ne se souciait plus de la mode. Il n’a eu pendant vingt ans qu’une dispute avec son tailleur : Continue reading “Le bibliomane, Charles Nodier”

Portrait de la Baronne

Ce portrait superbe signé Dellacroix & Dellfina est celui d’une femme dont on ne garde souvent qu’une piètre image, celle d’une vieille femme ridée, rongée par la maladie et à l’air revêche.

Karen Blixen

Longtemps connue sous le nom d’Isak Dinesen, son vrai nom était Baronne Karen von Blixen-Finecke, ou Karen Blixen, qui écrira Le Dîner de Babette et la Ferme Africaine (Out of Africa). Elle est décédée en 1962, et cette photo date de 2001. On aurait presque pu y croire…

De Charybde en Scylla

Tout a commencé par la visite médicale obligatoire du boulot. Et un gentil rappel par mail:

Nous vous rappelons qu’en cas d’impossibilité de vous rendre à la visite médicale, vous devez nous en avertir au plus tard deux jours avant la date de la visite (délai sous lequel la visite n’est pas facturée. Une visite est facturée 80 euros qu’elle soit honorée ou non). Merci de votre compréhension.
PS : N’oubliez pas d’apporter votre carnet de santé

Ok, je vais y aller, pas la peine de crier. J’arrive, c’était mardi, dans le bureau de la secrétaire.

– Bon c’est la première fois que vous venez ?
– Euh nan.
– Ben c’est pour une embauche non ?
– Euh nan.
– Ben je vous ai pas dans mes dossiers.
– Ah bon ?
– Nan. Tant pis, je vous refais un dossier.
– OK.
– Nom, prénom, tagada… (…) Vous êtes né à Saint-Germain en Laye ? Ah mais c’est que je connais bien !!!
– Cool.
– Mais sinon, c’est la première fois que vous venez ici nan ?
– Euh nan, je viens tous les ans, sinon c’est 80 bouboules alors je viens tous les ans.
– Depuis quand ?
– Depuis 2001, date de mon embauche.
– Ben je vous trouve pas.
– Oui, j’ai cru comprendre.
– C’est pas grave, je vais vous faire un nouveau dossier.
– Ben c’est pas ce qu’on vient de faire ?
– Si, mais maintenant faut que je le fasse sur papier.
– OK. Faîtes.

Sur ce, une dame en blouse blanche qui ressemble à un dalmatien dit à la secrétaire:

– On n’a pas retrouvé Monsieur ?
– Nan.
– Ben vous avez fait une recherche avec pourcentage ?
– Nan, mais c’est pas grave, j’ai refait un dossier à Monsieur.
– Oui mais pourquoi vous avez pas fait une recherche avec pourcentage?
– Mais c’est bon je vous dis, j’ai refait un dossier à Monsieur !!
– Oui mais si on a déjà un dossier, c’est dommage.
– Ah mais c’est que ça commence à m’énerver !

J’adore quand les femmes s’engueulent à cause de moi. Une troisième dame arrive, c’est le docteur. Elle ressemble à Françoise Dolto. Du coup, je rougis comme un homard[1]. Elle me regarde et me dit:

– Vous n’êtes jamais venu ?
– Euh si.
– Mais c’était pas avec moi ?
– Ben si.
– Ben ça me dit rien.
– Ben moi je suis venu plusieurs fois et c’est vous qui m’avez vu en caleçon, mais c’est pas grave hein, je ne me vexe pas.

La secrétaire arrive en criant:

– Je vous ai retrouvé !!!! Le Peru ça s’écrit en deux mots nan ?
– Ben ouais !
– Moi je l’avais écrit en un seul !!
– Bon, parfait, je peux y aller là ?
– C’est bien, j’ai pas besoin de refaire un dossier !
– Cool.
– Vous pouvez attendre dans la salle d’attente.
– Ah ben merci hein…
– Attendez, le docteur veut que vous fassiez un test.

Elle me file trois feuilles sur lesquelles on me pose des questions du genre buvez-vous plus ou moins de 4 verres d’alcool par jour ? ou alors vous sentez-vous mal dès que quelque chose ne tourne pas rond ?. Je réponds en toute honnêteté et selon les résultats, j’apprends que je ne suis ni anxieux,ni dépressif, ni alcoolique. Bon ben ça c’est une bonne nouvelle. Pendant ce temps-là, le ventilateur me souffle dans la gueule, ou plutôt dans l’oeil.
J’entre dans le cabinet.

– Bon alors, mettez les yeux dans les petits trous et dites-moi ce que vous voyez.

Je lis la ligne.

– Bien l’autre oeil.
– C’est normal que je vois deux lignes ?
– Comment ça ?
– 1 + 1 ligne.
– Ah non, c’est pas normal. Vous avez consommé ?
– Consommé quoi ?
– De l’alcool ?
– Je viens de remplir un questionnaire où je vous disais que je me mettais une murge tous les six mois et que je ne buvais jamais en temps normal et vous me demandez si j’ai consommé de l’alcool ? Je vous dis que je vois double.
– Bon c’est pas grave. Sinon, vous savez que vous avez des urines dans le sang ? Euh nan, du sang dans les urines ? Comme l’autre fois.
– Ben vous me l’apprenez.
– Et ça ne vous inquiète pas ?
– Ben c’est pas moi le médecin.
– Oui, bon. Allez vous mettre en tenue légère et mettez vous sur la table.
– En tenue légère ? Pour moi tenue légère c’est à poil. Je garde mon caleçon ?
– Oui enfin comme chez vous quoi.
– Alors à poil.
– Nan !

Je vais me déshabiller, je reviens, elle prend ma tension. 10/6.

– C’est pas beaucoup.
– Pour moi, c’est normal.
– Ramenez les jambes en l’air.

Elle me palpe les abdos.

– La vache, vous êtes musclé !
– C’est pas parce que je suis pas gros que je suis pas musclé !
– Oui enfin là, je suis surprise quand même, et puis vous avez la peau toute chaude.
– C’est à dire qu’il fait un petit peu 36°C dehors….
– Bon, vous pouvez vous rhabiller.

Elle me tend un petit papier vert et me dit au revoir. Je retourne au boulot avec une étrange sensation à l’oeil. Hier, mon oeil pleure, il gratte, gonfle. C’est certain, j’ai chopé cette saloperie chez le médecin pendant que je remplissais mes questionnaires à cause du ventilateur. Ce matin, je me réveille avec la sensation que je ne pourrais pas voir mon oeil dans la glace sans pousser un cri d’effroi. Finalement ça va, j’ai juste un coquard. Alors je me demande un truc. Est-ce qu’à cause de la médecine du travail, je peux me prendre un petit arrêt maladie ?
Notes

[1] Elle est géniale celle là, je m’adore !