La loi de Parkinson

Cyril Northcote Parkinson était un monsieur qui à mon sens a dit une connerie de réactionnaire, laquelle s’est vite transformée en vérité apodictique. La loi de Parkinson tient en ces termes:

The work expands so as to fill the time available for its completion.
Le travail se dilate de telle manière qu’il remplit le temps disponible pour son achèvement.

En me référant à l’article de Wikipédia, il semblerait que cette pseudo-loi soit relative à l’augmentation exponentielle du nombre de fonctionnaires dans l’administration britannique, et je finis par trouver une référence qui tout à coup m’ouvre un horizon:

L’un des corolaires de la loi de Parkinson, c’est que, dans toute situation administrative, on peut économiser périodiquement 20% du temps. La loi de Parkinson est aussi utilisée pour évoquer un dérivé de la loi originale en rapport avec les ordinateurs : « Les données s’étendent jusqu’à remplir l’espace disponible pour leur stockage » ; acquérir davantage de mémoire encourage l’utilisation de techniques gourmandes en mémoire. Il a été observé qu’entre 1996 et 2006 l’utilisation de mémoire sur des systèmes évolutifs a tendance à doubler à peu près tous les 18 mois. Heureusement, la quantité de mémoire disponible pour une somme donnée a également tendance à doubler tous les 18 mois (voir loi de Moore) ; malheureusement, les lois de la physique nous assurent que la deuxième loi ne pourra pas se vérifier indéfiniment. La loi de Parkinson pourrait être davantage généralisée comme : « La demande pour une ressource s’accroît toujours pour correspondre à l’approvisionnement de la ressource » (s’apparentant alors à la loi de Say).

compo03

Derrière tout ce blabla purement théorique, lorsque j’ai lu cet énoncé de la loi de Parkinson, je n’ai pas pu faire autrement que de rapporter ce principe à l’information, et particulièrement à la société de l’information. Le fait est qu’aujourd’hui, nous vivons dans un contexte social où l’information a été imposée comme un besoin, et comme on le sait parfaitement, tout besoin est naturellement créé par la fonction.
La société de l’information est une sorte de niche dans laquelle on met beaucoup de choses, à travers les médias, à travers toute l’information à laquelle nous avons accès au travers de canaux multiples, que personnellement j’appelle l’intelligence en réseau.
Cette société se nourrit d’un vide qu’elle n’arrive pas à combler, parce qu’il n’y a pas suffisamment de substance pour le remplir. C’est la raison pour laquelle le journal télévisé a quasiment une durée fixe, et qu’elle ne varie pas en fonction de l’importance de l’information ni en fonction de sa densité. Un journal de 30 minutes un jour où il ne se passe rien sera rempli de futilité qui, comme nous l’avons déjà dit ne sera pas de l’information mais de la donnée brute.
L’information se dilate pour remplir l’espace qu’on veut bien lui accorder, on remplit cet espace avec du vide informatif, de la donnée “Jean-Pierre Pernaud“, du reportage sur la disparition des perdrix en baie de Somme ou sur les magouilles maritales du couple présidentiel. Une semaine sans information et on se rend compte qu’on n’a rien manqué, un peu comme dans les Feux de l’amour. Continue reading “La loi de Parkinson”

Lost America

Portraits d’un grand pays sombre qui n’est pas épargné par la ruine et l’abandon. De superbes photographies de nuit, avec des poses longues révélant des couleurs surnaturelles, de zones militaires abandonnées aux villes fantômes, en passant par le simple bord de la route.
Images surprenantes de la déconfiture d’un pays maquillé au néon comme une fille de mauvaise vie.
Via Remarquez.

Lost America

La Parole d'Anaximandre

Cette nuit je me suis réveillé parce que mon fils m’appelait, il devait être quelque chose comme deux heures et de sa petite voix endormie, il m’a dit qu’il avait envie de faire pipi, alors j’ai allumé la lumière et je l’ai entendu descendre avec légèreté de son lit et nous nous sommes parlé – je lui ai demandé si tout allait bien, s’il se sentait bien – peur de la fièvre – et puis il m’a dit qu’il n’avait pas fermé la porte, je lui ai dit c’est pas grave, laisse tomber, non Papa, je vais la fermer quand-même et il est remonté dans son lit avec autant de légèreté et il s’est couché et m’a dit que je pouvais éteindre la lumière alors j’ai eu l’impression qu’il s’est rendormi comme une masse tandis que moi je me disais avec raison que j’avais bu trop de café et trop de thé aussi certainement et déjà je me sentais ne pas me rendormir et commencer à ruminer, je me disais que de toute façon, je ne me rendormirais pas tout de suite et j’en ai pris mon parti, alors j’ai ouvert les yeux en grand comme si je tentais de voir dans le noir quelque chose qui n’existait pas et je me suis mis à penser très fort à quelque chose auquel je pourrais penser sans forcément me forcer et immédiatement et naturellement, c’est à écrire que j’ai pensé, j’ai pensé à toutes ces choses qui criaient en moi et qui ne demandaient qu’à sortir d’une façon ou d’une autre, et au loin, j’entendais le chat qui miaulait, certainement parce que sa gamelle était vide et pendant quelques minutes, j’écoutais cette lamentation qui ressemblait au râle d’un animal blessé au coeur de la forêt – en me disant que je ne pouvais pas rester comme ça, le regard rivé au plafond dans une vague torpeur – la torpeur n’existe pas chez toi, c’est une illusion de ta conscience… – et les bras croisés sur la poitrine et je me suis alors dit que je ne pouvais rien faire d’autre que me lever, prendre un cahier et commencer à écrire ces flots de mots intangibles et incertains qui me vrillent les tempes et me donnent l’impression que le sang coulent trop fort et trop vite dans mes veines, mes veines bleues que je peux sentir palpiter avec méfiance sous ma peau, oui mais par quel bout commencer – on s’en fout, écris, c’est tout, il n’y a pas de “bout” dans ce contexte précis – et je commence à débiter ces phrases qui sonnent vachement bien, ouais, je sens quelque chose pointer le bout de son nez, je ne sais pas vraiment ce que c’est, un truc que je n’ai jamais rencontré, les conjectures aussi se pointent, elles arrivent, je pourrais presque les toucher du doigt et pendant ce temps-là, mon fils respire fort, à la limite du ronflement.
Bon.
Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose, je ne sais pas moi, que je me décide à me lever pour me changer les idées, boire un coup, pas rester comme ça sans dormir, ça veut dire quoi hein, rien, voilà, alors je me suis dit que je pouvais peut-être lire un peu, nan, à mon avis c’est à cause de ce que j’ai lu que je n’arrive pas à dormir, j’ai reçu comme une dose d’ecstasy dans les veines, les yeux grands ouverts toujours rivés au plafond, bon, ce n’est pas grave tout ça en soi non, ça n’a pas de conséquence, au pire, je risquais quoi, être un peu vaseux le lendemain, traîner la savate au boulot, ouais, rien de fatidique, en fait, j’étais juste un peu angoissé, je pense, face à ce que je devais faire le lendemain, mais c’est le genre de chose qui ne m’inquiète pas plus que ça, j’apprends à composer avec les échéances.
Je me suis retourné en écoutant les râles de mon petit bout de chou, j’essayais de l’imaginer blotti contre moi comme la nuit dernière où il est venu se coller contre moi avec son petit pyjama de velours, tendre et innocemment vautré contre moi, les pieds coincés entre mes cuisses comme s’il recherchait le lieu le plus confortable du monde. Il s’est retourné d’un seul coup et je me suis pris trois ou quatre doigts dans l’oeil, que j’avais bien évidemment ouvert… Alors j’ai juste lancé un cri inhumain de bête sauvage qui venait de se prendre la patte dans un hâchoir à viande, et je pense que j’ai dû réveiller quelques mecs sur le point de s’endormir, quelque part dans une hutte sur les rives du Fleuve Yang-Tzé.

Architecture verte

Alt–Erlaa

Tandis que le standard de l’habitation consiste à se débarrasser de toute verdure avoisinant les maisons, et autres adventices et que les allées sont appréciées lorsqu’elles sont bétonnées, certains se plaisent à laisser grimper toutes sortes de végétaux sur les murs.
Ainsi, le Dr. Harry Glück a réalisé à Vienne un ensemble architectural – Residential-Park Alt–Erlaa – au pied duquel se trouve une masse de végétation faisant partie intégrante du bâtiment, sous forme de terrasses individuelles. Une façon pour les habitants des barres de béton de se réapproprier un petit coin de nature (c’est tout de même un peu standing, ce qui est trahi par les piscines sur les toits).
A voir sur Anarchitecture.
Un peu plus loin, à Fukuoka, le Acros Fukuoka Building intègre parfaitement la végétation sur ses pentes, rendant plus agréable à la vue ce colosse de verre et de béton, modifiant ainsi les perspectives urbaines contemporaines. 35000 plantes de 76 espèces différentes, rangées selon un ordre terriblement… japonais.
A voir sur Deputy dog.
Ce qu’on ne sait pas encore, c’est que le jardin autour d’une petite maison Kaufman & Broad en plein milieu des champs, ce n’est plus tendance du tout, c’est même carrément ringard… L’avenir est au retour en ville, dans une ville intime et confortable, des petits immeubles avec terrasse, une nouvelle poésie urbaine…

La lune dans la rivière

Que certains blogs s’arrêtent et se perdent dans la nature, qu’ils soient francophones ou non, ça ne me fait ni chaud ni froid parce que c’est comme ça, ça ne manque pas. Par contre, quand je vois que la belle Israélienne MoonRiver n’a rien posté depuis le 28 août dernier, je commence à m’inquiéter. Elle a bien dit qu’elle faisait un break, mais j’imagine parfois le pire, surtout que la fin du mois d’octobre est pratiquement là. Continue reading “La lune dans la rivière”

L'automne en Nouvelle-Angleterre

Feuilles d'automne

De temps en temps, la presse nous apprend qu’un obscur savant, muni de l’équivalent scientifique d’un nuancier, a découvert que les érables du Michigan ou les chênes de Ozarks arborent en fait des teintes encore plus vives. Mais cet ignorant néglige complètement certaines particularités qui font de l’automne en Nouvelle- Angleterre un phénomène indiscutablement unique. Pour commencer, le paysage de notre contrée bénéficie d’un décor qui ne connait pas de rival en Amérique du Nord. Ses églises blanches nimbées de soleil, ses petites fermes pimpantes et ses riches couleurs et ses villages ordonnés en font le complément idéal des riches couleurs qu’offrent la nature. De plus, il existe ici une diversité d’arbres qu’on trouve rarement ailleurs. Chênes, hêtres, trembles, sumacs, quatre espèces d’érables et des centaines d’autres essences fournissent un contraste de couleurs qui éblouit les sens. Enfin et surtout, la région jouit de conditions particulièrement favorables à un équilibre climatique parfaitement harmonieux entre des nuits d’automne fraîches et vivifiantes et des journées chaudes et ensoleillées. Donc que ce soit clair : pendant quelques journées d’octobre, la Nouvelle- Angleterre est le plus bel endroit du monde. Qu’on se le dise.
[…] Or, pour permettre à ces jolies couleurs mordorées de s’exprimer, les arbres continuent à nourrir leurs feuilles même si ces feuilles ne servent plus à rien, sauf à pendre de leur branche pour faire joli.
[…] Il y a plus étrange : certaines espèces d’arbres vont encore plus loin et se mettent à fabrique, à leur détriment, d’autres substances, des anthocyanines, produisant ces magnifiques couleurs rouges et ornagées qui font la gloire de la Nouvelle-Angleterre. En réalité, les arbres de cette partie des Etats-Unis n’en produisent pas plus que les autres, mais il se trouve simplement que le climat et le sol de cette région fournissent des conditions idéales pour l’éclosion de telles couleurs. Sous des climats plus chauds ou plus humides les arbres se donnent autant de mal, mais sans aucun résultat. Personne ne peut expliquer pourquoi les arbres font autant d’efforts alors qu’ils ne gagnent manifestement rien à l’affaire.

Bill Bryson
Notes from a big country

Le site IloveNY permet de suivre en temps réel l’évolution des couleurs des arbres dans l’Etat de New-York.

Post-modernisme et histoire

Drugs

Day off #1 + Day off #2 + Day off #3 + Day off #4

Nous ne connaissons qu’une seule science, celle de l’histoire. L’histoire peut être examinée sous deux aspects. On peut la scinder en histoire de la nature et histoire des hommes. Les deux aspects cependant ne sont pas séparables ; aussi longtemps qu’existent des hommes, leur histoire et celle de la nature se conditionnent réciproquement. L’histoire de la nature, ce qu’on désigne par science de la nature, ne nous intéresse pas ici ; par contre, il nous faudra nous occuper en détail de l’histoire des hommes : en effet, presque toute l’idéologie se réduit ou bien à une conception fausse de cette histoire, ou bien à en faire totalement abstraction. L’idéologie elle-même n’est qu’un des aspects de cette histoire.

Karl Marx & Friedrich Engels
L’idéologie allemande

La rhétorique de la seconde néo-avant-garde est plus situationniste que située et fait écho aux déclarations visionnaires et souvent machistes des modernistes. Notre époque est dépourvue d’un sentiment d’imminence de la révolution ; elle a été suffisamment tancée par les critiques que les féministes adressent au langage révolutionnaire et par les arguments post-coloniaux ; elle a été suffisamment mise en garde conte le caractère exclusif non seulement des institutions artistiques, mais aussi des discours critiques.
L’art postmoderniste est allégorique non seulement pour sa prédilection pour les espaces en ruines et les images fragmentaires (comme lorsqu’il s’approprie des fragments tant de l’histoire de l’art que des mass média) , mais surtout pour son besoin impulsif de bouleverser les normes stylistiques, de redéfinir les catégories conceptuelles, de remettre en question l’idéal moderniste de la totalité symbolique – bref, par son désir d’exploiter l’écart entre le signifiant et le signifié.

Hal Foster
Le retour du réel

Citations en exergue du livre de Jordi Vidal,
Servitude et simulacre en temps réel et flux constant

Manufactured Landscapes

Jennifer Baichwal a réalisé un film sur Edward Burtynsky dont j’avais déjà parlé ici. Burtynsky est un photographe du monde industriel, auteur d’une oeuvre prodigieuse héritière de Bernd et Hilla Becher dont la philosophie tend à démontrer les liens étroits entre l’homme et la nature au cours de cent dernières années et plus particulièrement l’emprise et l’empreinte de l’homme sur les paysages, lesquels sont devenus des paysages manufacturés, pour les besoins de son économie.
Une oeuvre à parcourir, à redécouvrir pour méditer sur le miracle de la transformation de la nature.
Les impressions sur le documentaire à lire sur A Daily Dose of Architecture.

container_port_06.jpgoil_fields_14.jpg

Continue reading “Manufactured Landscapes”