Cosmopolis, Don DeLillo

Taxi in NYCPhoto © Mdumlao98

Eric Michaël Packer est un goldenboy de la nouvelle école. Il sillonne les rues de New-York dans une grande limousine bardée d’écrans d’ordinateurs, surveille à distance les évolutions du Yen, a une totale confiance dans son garde du corps qui lui colle aux basques comme une seconde peau. Il vient de se marier à une riche héritière frigide et fragile, baise à même le macadam, garde un oeil constamment rivé aux analyses de risques concernant les menaces concernant sa personne et rend quotidiennement visite à son médecin pour un toucher rectal qui lui diagnostiquera une prostate asymétrique.

Il passa en revue les unités d’affichage visuel. Elles étaient déployées à des distances progressives du siège arrière, des écrans plats de taille assorties, certaines regroupées dans un cadre, d’autres projetées séparément depuis des cabines latérales. Le groupement était une oeuvre de sculpture vidéo, belle et aérée, à potentiel métamorphique, chaque unité conçue pour se détacher, se fermer, ou fonctionner indépendamment des autres.
Il aimait le volume très bas ou le son coupé.

Le monde de Packer est d’une froideur infinie, enveloppé par la technologie dont il est un des fervents défenseurs et circonscrit dans une ville monumentale et tournée vers elle-même. Mais Packer aime prendre des risques, il tente de faire fléchir la bourse et compte bien s’enrichir sans bouger en achetant tout le Yen qu’il peut. Dans les rues de New-York, assis dans son immense limousine, il regarde le monde défiler et ne le perçoit qu’à l’aune de sa vision des choses, froidement. Même lorsque l’Apocalypse semble être arrivée.

Elle avait un corps brun corail et des pommettes bien dessinées. Sur ses lèvres, un éclat de cire d’abeille. Elle aimait être regardée et conférait à l’acte de se dévêtir une dimension orgueilleusement publique de l’ordre du dévoilement transfrontalier, associé à un élément de défi un peu frime.

Packer sera rattrapé par le temps qui défile selon ses règles à lui, cherchant finalement une fin inéluctable et ne cherchera même pas à s’en préserver. Il se débarrassera de ce à quoi il tient le plus et symbolise son univers, sa limousine, son argent, son garde du corps, pour achever l’histoire dans une fin qu’il pense avoir toujours désiré.

Wall StreetPhoto © Romu

Don DeLillo signe ici un chef-d’oeuvre de noirceur, un roman post-moderne effrayant, d’une écriture froide et métallique de laquelle un noir de titane aux reflets bleutés transpire nettement. Une grande réflexion sur l’existence et l’aliénation au monde moderne.

Only in Paris

Paris est beau, surtout l’hiver, surtout lorsque la capitale revêt ses habits de fête. Une journée magnifique, le soleil était présent, et je me suis immiscé dans des recoins que je ne connaissais pas encore. En route, pour la grande ville de lumière…

Pont de Gennevilliers

Pont de GennevilliersPont de ClichyPont de ClichyLevallois

J’ai ensuite pris le métro jusqu’à Saint-Lazare, Cour de Rome, dans un air froid saisissant. L’appareil à la main, je prends quelques clichés au hasard de mes rencontres, en enquillant le Passage du Havre.

Starbucks Cafe à Saint-LazarePassage du Havre

Dans le hall du Printemps, je me laisse tenter par les escalators plutôt que par l’ascenseur. Je peux ainsi flâner et laisser mon regard vagabonder tout autour de moi, parmi les rayons surchargés, dans une lumière rouge orangée de saison. Neuf étages de lumières scintillantes et de strass.

PrintempsPrintempsPrintempsPrintempsPrintempsPrintempsPrintemps

A un moment, j’entends une chanson que j’aime beaucoup écouter ces derniers temps. La coïncidence m’amuse et m’arrache un sourire.

Demon Ritchie – Only in New-York

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A force de monter les escalators, j’arrive au 9ème étage et là, je me fais suprendre par une vue magnifique à 360°C. Sur la terrasse, il fait froid, mais il n’y a pas de vents. Je profite de cet instant de félicité pour admirer Paris au-dessus des toits. Le souffle coupé.

Toits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits Parisiens

La descente est magnifique aussi et je me plonge dans la rue et la foule, bien qu’à cette heure-ci, ça ne se bouscule pas vraiment.

Sur le toit de Paris

Face aux vitrines de Noël, j’attends un coup de fil qui n’arrivera jamais.

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Je file ensuite vers la Madeleine par la rue Tronchet pour admirer les vitrines luxueuses et les décorations. La maison du caviar, Kenzo, Raplh Lauren, Baccarat, Fauchon, Hédiard. Je suis émerveillé et je profite de ces derniers instants savoureux sous le soleil. Le retour en banlieue s’accompagne d’un ciel qui se couvre.

Rue TronchetLa MadeleineRue RoyaleCamion FauchonVoiturier chez FauchonVitrine

Une journée merveilleuse…

Un train pour nulle part

Hier matin, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas beaucoup de monde dans le train. Mon RER est arrivé à l’heure, tout le monde s’est engouffré dans le train pour Gare du Nord et il ne restait plus personne sur le quai.
Le train était vide et j’ai pu poser mes fesses sans problèmes. C’est une fois arrivé au boulot, à la même heure que d’habitude que j’ai appris que c’était un jour de grève. Quand je pense à tous ces cons qui ont du se trainer cul à cul sur la route.

Du coup, le soir, je savais plus ou moins à quoi m’attendre. Et effectivement, arrivé à Pereire, mon train avait une demi-heure de retard. Comme je déteste perdre du temps et passer mon temps à ne rien faire, je suis sorti de la gare, un gare pourrie et sale, indigne de ce nom. Je pense qu’il existe des stations de métro à New-York plus propres que celle-ci. Quand on sait que cette station se trouve dans le 17ème arrondissement (dont Mme de Panafieu est maire), donc un les plus beaux quartiers de Paris, je trouve ça déplorable.

Donc, je sors de cette gare, pour faire un tour en attendant mon train.

Et je suis attiré par quelqu’un qui parle fort dans un micro. Rue Puvis de Chavannes, un attroupement bloque le rue en son milieu, et je vois un homme, éclairé par une lumière froide et crue, entouré d’une foule guindée, derrière un pupitre de plexi, faisant l’apologie d’un homme, en citant des phrases d’inspiration religieuse orthodoxe. Sur le mur derrière lui, visiblement une plaque allait être dévoilée, attendant derrière son rideau qu’on la laisse respirer.

J’ai écouté le discours, intrigué, en regardant l’heure, histoire de ne pas louper mon train, et je craignais de devoir partir avant d’avoir su de qui il était question. Et finalement, le voile s’est levé, et j’ai découvert que l’on inaugurait là une plaque en l’honneur d'Andrei Tarkowski, dont le 17 rue Puvis de Chavannes a été la dernière demeure.

Un moment intense de recueillement s’en est ensuivi. J’étais ému de voir tous ces gens se recueillir sur cette plaque, respectant la mémoire d’un homme mort il y a 20 ans et dont ces derniers temps j’avais fait l’apologie, à propos de son film Le Sacrifice.

Un hasard… Une rencontre comme je les aime.

Angel in the hall of night

Tandis que la train tarde à arriver, je suis déjà drapé par mon univers, rien ne compte plus, même celle-ci qui monte dans le train en remontant sa braguette… Les troupes affluent, ça se bouscule, apparemment, il y a des retards dans le trafic, mais rien ne compte… Je suis chez Jack, les yeux plongés dans ses New-York Scenes en écoutant les rythmes indiens de John Mayall et le train avance, s’arrête, absorbe son flot de passagers au travers des gares, les corps se chevauchent, s’entrechoquent, se bousculent et ça me fait bien sourire, j’ai le rythme, ça claque dans mon livre et dans mes oreilles… Je m’en fous, j’ai trouvé une place assise dans un coin, sans voisin, je suis presque tout seul dans la foule… Rien ne me touche, juste cette fille qui emporte mon marque-page tandis qu’elle essaie de s’agripper à la rambarde… et je me retrouve à nouveau dans le métro, je suis quelqu’un qui monte dans une rame pas trop bondée, et je me retrouve face à une dame au nez pointu qui semble en extase devant un ange, un ange – hall of night – à la peau blanche et au regard candide au travers de ses grands yeux verts qu’on croirait sortis d’une bande dessinée japonaise… comme si elle était perdue, elle regarde partout autour d’elle, ange tombé là par hasard… la lumière du soleil dans l’axe de la rue…

Pourquoi j'ai failli devenir moine…

Je suis un être de passion (ou de passions, c’est selon) et lorsque je fais quelque chose, lorsque je m’engage dans quelque chose, j’y vais généralement de manière absolue. Ayant par la passé énormément étudié l’Art, avec un grand A, pas celui des galeries new-yorkaises, j’ai passé aussi beaucoup de temps à réfléchir sur l’Art, ce qui conduit inévitablement sur les chemins tortueux de la Philosophie et de la Religion.

santa croce florence

Toute l’Histoire de l’Art occidentale est intrinsèquement liée à la Religion, car dans la plupart des cas, les oeuvres d’art étaient destinées à figurer dans les églises, les commandes émanaient de la part des pontifs de l’Eglise ou des mécènes qui cherchaient à s’attirer les bonnes grâces des instances religieuses.

La Religion est d’autant plus liée à l’Art que l’Art est toujours au centre de la problématique de la création, un thème religieux fondamental, et l’Art est censé montrer la réalité de la Nature, ce qui dans un certain sens est également le sens de la Religion. Georg Wilhelm Friedrich Hegel démontre parfaitement (de manière certes apodictique et difficilement contestable, mais parfois un peu farfelue) dans la Phénoménologie de l’Esprit les mécanismes de la naissance de l’Art et de la Religion, l’Art étant l’acte fondateur conjoint à la conscience malheureuse, la Religion étant le point de convergence des énergies intentionnelles…

Dans ce contexte, je suis devenu croyant, puis ma croyance s’en est allée… je suis redevenu un païen convaincu, mais il fut une époque où pour comprendre l’Art, je me suis fondu dans la Religion au point que je ne désirais qu’une seule chose. Devenir moine, entrer dans les ordres afin de goûter à la contemplation, laisser s’insinuer en moi la force de l’Esprit face à la factualité du corps… tel a été mon souhait pendant de nombreuses années.

Mon cheminement de pensée a été également très imprégné par la force de la spiritualité de Saint-François d’Assise et des Franciscains. Une doctrine monacale basée sur la pauvreté du clergé et la prédication me convenait totalement, mais je n’ai jamais réellement réussi à passer le cap de l’entrée dans les Ordres, c’est peut-être d’ailleurs ce que j’ai fait de mieux dans ma vie… Je n’en sais rien.

Tout ça pour dire que je compte désormais parler un peu d’Art, un peu de Religion, mais certainement sous un angle moins rébarbatif et moins aride que ce qu’on peut ordinairement trouver chez les prédicateurs et les réels croyants.

Saint Romuald