La mer vue du rivage

Photo © Goandgo

Un brave marin hollandais, ferme et froid observateur, qui passe sa vie sur la mer, dit franchement que la première impression qu’on en reçoit, c’est la crainte. L’eau, pour tout être terrestre, est l’élément non respirable, l’élément de l’asphyxie. Barrière fatale, éternelle, qui sépare irrémédiablement les deux mondes. Ne nous étonnons pas si l’énorme masse d’eau qu’on appelle la mer, inconnue et ténébreuse dans sa profonde épaisseur, apparut toujours redoutable à l’imagination humaine.

Les Orientaux n’y voient que le gouffre amer, la nuit de l’abîme. Dans toutes les anciennes langues, de l’Inde à l’Irlande, le nom de la mer a pour synonyme ou analogue le désert et la nuit.

Grande tristesse de voir tous les soirs le soleil, cette joie du monde et ce père de toute vie, sombrer, s’abîmer dans les flots. C’est le deuil quotidien du monde, et spécialement de l’Ouest. Nous avons beau voir chaque jour ce spectacle, il a sur nous même puissance, même effet de mélancolie.

Jules Michelet
La mer
1861

Le texte de Jules Michelet, La mer, est disponible dans son intégralité sur Wikisource.

Moi, mais en mieux (pincer/replier)

˙ʇsǝno puɐɹƃ ǝl sɹǝʌ ǝʇnoɹ uǝ àɾép ıɐɹǝs ǝɾ ǝnbsɹol ǝnb ǝssıɐɹɐddɐ,u lı,nb ɹnod ɹǝʇɐp-ʇsod ǝl sıɐʌ ǝɾ ‘sıoɟ ǝun ɹnod ǝnbsınd ǝɹèılnɔıʇɹɐd ɹnǝʌɐs ɐl à ʇǝllıq un ‘sǝɔuɐɔɐʌ uǝ ʇɹɐdép ǝp ʇǝllıq lǝuuoıʇıpɐɹʇ uoɯ ıɔıoʌ
Euh… pardon
Voici mon traditionnel billet de départ en vacances, un billet à la saveur particulière puisque pour une fois, je vais le post-dater pour qu’il n’apparaisse que lorsque je serai déjà en route vers le grand ouest. Et puisque je ne fais jamais rien comme tout le monde, je me suis dit que c’était le bon moment pour moi, cette mi-année, de faire un petit bilan de mon année sur terre. Tous les ans, en janvier, je fais un peu le point, je me regarde en face, je me demande ce que j’ai fait depuis tout ce temps et j’essaie d’en tirer du positif. Et tous les ans, je me dis que l’année qui vient de s’écouler était décidément la plus merdique de tous les temps infinis, et que l’année qui va arriver sera meilleure, mais je crois qu’en 2007, j’ai touché le fond. Cette année aura été pour moi la pire de mon existence. L’annus horribilis totale (Et merde, pour une fois que j’essayais d’être sérieux).

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Jo_Manji.mp3]

Pourquoi ça ? Parce que je vais de déceptions en déceptions, c’est un peu comme si j’avais la déception chevillée au corps comme quelque chose d’indéfectiblement lié à ma chair, un élément constitutif et inséparable. Un bloc de chair et de déception. Rien d’autre. Je me situe réellement et sans misérabilisme aucun comme un éternel abandonné, incapable de retenir les gens autour de moi…

Merde. Fait chier. J’ai du mal. Bon. Stop. Je n’arrive pas à me remettre de cette histoire, mais il va falloir que je vive avec. Même mal. Il va falloir que je change, que je m’endurcisse et que j’arrête d’être un gentil Romuald avenant et charmant et que sais-je encore. Un être de lumière ? Je me souviens que le roi des enfers portait ce nom là. Lucifer. L’ange déchu, celui qui portait la lumière. Ma vocation est peut-être de porter l’ombre sur mon visage. L’ange déchu… c’est peut-être ça après tout.

– Connard !!!!
– Oui ? C’est moi ! J’ai un survêt’ et un berger allemand…

1, 2, 3, soleil… Bernard Blier.

Nip/Tuck

Bon. Désolé, je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Voilà, je suis parti vers l’Océan, le Grand Océan, Mon Océan, maille ocheune. Je ne vous dit pas où je vais, ni combien de temps je pars sinon vous allez retirer le fil de mon blog de votre agrégateur. Mais je reviendrai, c’est certain, ne vous en faites pas pour moi – pourquoi je dis ça, who cares ?

Je suis donc parti, j’emmène avec moi quelques carnets, pour écrire, dessiner si j’ai le temps, j’emmène aussi quelques livres, Rabelais, Proulx, Maximilien Durand, Bryson, Hornby feront partie du voyage, plus certainement quelques autres, j’aime avoir le choix.

Je n’ai pas grand-chose d’autre à dire, si ce n’est que professionnellement parlant, je pars en vacances le coeur léger parce que j’ai appris une très bonne nouvelle, même si je suis quand même angoissé de tout laisser à mes petits collègues qui vont devoir gérer à ma place.

Euh… Voilà.

Juste une chose. Ma rentrée sera compliquée. J’imagine qu’il n’y a rien d’autre à en dire.

Et pour finir, je garde à l’esprit ces mots de Laurent:

Tu as raison. C’est vrai qu’elle est magnifique.

Quant à savoir de quoi il parlait, trois points de suspension.

Soupir, Sourire

Plage de la Giraudière

Voilà. Ça c’est bien, c’est beau. Un lieu idéal pour une terrasse en caillebotis, quelques torches volant au vent dans un air chaud et humide, plein d’embruns… Un jour, peut-être…

Les trois dames de la Kasbah

Fleurs d’ennui* est un livre de Pierre Loti, un recueil dans lequel on trouve cet étrange conte. Un conte mystérieux et sombre dans lequel il nous embarque dans la Kasbah d'Alger, imposante et fière. Elsagarray, Guiaberry, Kerboul et Le Hello sont quatre marins français envoyés par delà la Méditerranée, qui, dans leur dérive nocturne se perdent dans les ruelles tortueuses et parfois illuminées par de discrètes lampes de la vieille forteresse, face à la mer et au port. L’ambiance y est magique et on pourrait presque y entendre la plainte triste d’un oud… Au coeur de la Kasbah, trois femmes sommeillent dans un silence de mort.

Quand elles avaient fini de peindre leur visage de blanc et de rose, et leurs grands yeux de noir et de henné, elles restaient assises par terre, dans une petite cour très profonde, où régnaient un silence mystérieux et une fraîcheur souterraine.

KasbahPhoto © David Wilmot
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Dans la tempête

Cordages

Nasr Eddin est pris un jour dans une tempête. La coque du navire est terriblement secouée, d’énormes paquets de mer déferlent sur le pont, et même l’équipage n’en mène pas large.
– Arrimez les voiles, hurle le capitaine.
Les marins s’élancent dans les mâts pour y fixer la voilure.
– Quel ordre stupide ! proteste Nasr Eddin. Tu ne vois pas que c’est la coque qui bouge et que c’est elle qu’il faut attacher !

Sublimes paroles et idioties
Nasr Eddin Hodja

Courrier de nulle part…

Mine de rien, il y a plus d’une semaine que je n’ai rien écrit alors que je ne suis même pas en vacances.
En fait, si.
J’ai écrit plein de choses, je me suis presque brûlé les doigts sur le clavier comme pour exorciser une douleur dont je ne connaissais pas l’intensité, je me suis vengé par les mots, vengé de quoi ? Je ne sais pas, je n’en veux à personne en particulier, si ce n’est à moi-même; tendre vers la disparition comme une solution au mal-être. Alors j’ai tout effacé.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/DeadAlready.mp3]

Bon.
Voilà.
Je vois mes billets qui s’espacent, le temps qui défile, la passion qui se délite, la curiosité en faillite, l’impression que tout ceci n’a pas de cohérence, le regard perdu sur des cartes desquelles les îles auraient disparu… Un rêve qui s’enfuit.

Et puis l’ellipse qui ne me va pas…
La vision d’un monde rempli par le chaos…
Des jours harassants derrière moi… La vie devant… Soudain le calme…

La suite ? Je ne sais pas, je verrai au coup par coup. Je ne sais même pas s’il y en aura une. Et puis là, de toute façon, ça m’est complètement égal. Désolé.

oleron-036

Node™ n°1

Forcément, comme souvent en ce moment il pleut, il pleut beaucoup, tout le temps, fort, peu, averses ou pas du tout quelques instants et puis ça repart doucement ou pas, ou fort et beaucoup, ça s’enchaîne, alors ce matin, quand je me suis levé, la première chose que j’ai faite c’est de regarder s’il pleuvait et oui, il pleuvait, comme un peu tous les jours depuis que Sarkozy est président, ce n’est pas de sa faute, mais ça joue certainement, on pourrait presque y croire mais je ne me suis pas laissé démonter, j’ai piqué le parapluie de mon fils, mais je suis quand même arrivé à la gare les pieds trempés, le bas du pantalon, c’est du ramie ça sèche vite, un coup de vitamines avec le café, histoire d’émerger un peu plus vite que ça s’il vous plait merci j’ai un train à prendre et puis j’ai passé une partie de ma nuit à bouquiner jusqu’à temps que le sommeil m’emporte le bougre, même pas le temps d’éteindre la lumière, espèce de criminel de la lecture qui lit jusqu’à plus soif tous les jours de la semaine, même ceux qui n’existent pas, voire même plus, alors nécessairement, pour se réveiller, c’est pas du Pink Martini qu’il faut se fourrer dans les oreilles, mais plutôt David Guetta, Love don’t let me go, voilà tout, faut écouter ça parce qu’on a beau penser ce qu’on veut du blondinet électrique, sa musique, elle est construite et c’est pas du beat sans raison, il y a du travail là dedans et c’est bon, surtout pour se réveiller, surtout pour passer devant les contrôleurs du matin, on est le 3, faut contrôler, et j’ai mon ticket, c’est suffisamment rare pour être remarqué, alors je passe tête haute, bêcheur, y’a pas de raison, et puis merde hein, je n’ai dormi que trois heures, certainement moins, criminel va !

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Lovego.mp3]

juergen teller

Bon et puisqu’on est là, il est temps de parler un peu de Juergen Teller, un photographe hors norme et un peu branque, qui se plait à prendre en photo des célébrités dans des positions pas possibles – Björk s’est pliée à l’exercice, je ne vous dis que ça – , mais qui a aussi travaillé pour la publicité d'Yves Saint-Laurent mais qu’on croirait tout droit sorti d’une nouvelle de Bukowski, un travail désaxé autour de la lumière crue.

Dans la rue Anatole France, il y a un camion violet qui est là pour nettoyer la cuve à graisse du tabac d’en face, le nettoyage de la cuve à graisse, c’est quelque chose, il faut avoir vécu ça de près pour savoir à quel point ça schlingue la graisse, ça pue pire que la mort, la graisse, peut-être même pire que la merde, parce qu’au moins, la merde, on sait ce qu’il y a dedans, et là pour la coup, dans la rue humide, ça sent mille fois la graisse transvasée, c’est littéralement infâme, et comme aujourd’hui j’ai une grosse forme de type qui n’a dormi que trois heures, je vais m’attaquer aux bases de données, je suis à bloc là. (03 juillet)

Depuis que j’ai écrit ces mots, il s’est passé beaucoup de choses, des choses pas gaies du tout, des renoncements, des hésitations, des fractures, des pas en avant, des pas en arrière, j’ai complètement lâché l’écriture, je me suis retiré du monde, j’ai tenté de sourire, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de bloguer au vu du nombre considérable de commentaires que je n’arrive plus à gérer, je me suis pris pour John Cage, j’ai eu envie de mourir, mais pas longtemps, j’ai eu une réunion de service, je me suis battu contre le département Communication pour exprimer mon point de vue (oui, je sais, on s’en fout), j’ai pris une photo de mon chat, j’ai enfin parlé à Laurent, je me suis surpris à rire avec des gens que je détestais, j’ai été dans une colère dingue, je me suis calmé, je me suis senti rejeté, alors j’ai rejeté, je me suis dit que j’allais effacer mon blog, j’ai dit merde à mon père, j’ai vu mon téléphone sonner et je n’ai pas pu répondre parce que j’étais déjà en ligne, j’ai enragé, j’ai fulminé, j’ai mal dormi, très mal dormi, je me suis senti à deux doigts de péter un câble, je me suis calmé, j’ai eu envie d’appeler une vieille amie, et mon amie m’a appelé parce que je l’avais appelée sans m’en rendre compte, une voix chaleureuse et tendre, j’ai fait de l’aérophagie, j’ai sauté un repas, je n’ai pas sniffé de colle parce que je ne me drogue pas (le café ça compte pas), j’ai été contacté par un extra-terrestre chinois, j’ai terminé de publier mes derniers moleskines, lesquels ont toujours autant de succès (suffisamment rare pour être signalé), j’ai mangé une pizza, j’ai vécu la guerre grève, les bagarres dans le RER, les flics qui déboulent, les tickets de métro qui ne passent pas dans les tourniquets, je me suis noyé dans un ruisseau, enfin je crois, je ne passerai pas à la télévision, je ne suis pas allé à Paris-Carnet, j’ai eu un cadeau, la saison 1 de Magnum en DVD, j’ai vu le Lauréat, j’ai fait une machine de couleur, j’ai passé l’aspirateur dans la chambre, je suis allé faire des courses, j’ai rendu mes livres à la bibliothèque, j’ai rêvé d’Adolfo Bioy Casares, je me suis rendu compte que j’étais pétri de ténèbres, j’ai beaucoup pensé, mais j’ai eu aussi beaucoup la tête complètement vide, je me suis demandé si je n’allais pas m’acheter un nouveau nom de domaine, laisser tomber mon blog, repartir de zéro, j’ai étrangement passé une très bonne semaine au boulot, et comme pour faire bonne mesure, j’ai essayé de chialer un bon coup comme pour faire sortir toutes les scories qui me polluent l’existence mais rien ne sort, complètement à sec, alors je me suis imaginé allongé dans un lit aux draps couleurs expresso et les yeux fermés, j’écoutais le bruit de l’océan.