Smoky Mountain Morning

Smoky Mountain Morning Smoky Mountain Morning par creativity+

Dans un univers qui m’est presque familier tant j’épouse les mots de Bryson, alors que pas si loin d’ici on nous promet une promenade dans les bois des Appalaches, j’aimerais me réveiller, sortir de la brume. Alors que je tente désespérément de chasser de mes yeux ce qui trouble ma vue, je n’arrive pas à émerger. Je me disais que ce petit voyage matinal allait pouvoir me donner matière à distraction et à écriture, mais je n’ai pas réussi à décoller le nez de mon bouquin, complètement imbibé de mots, parcourant en rêve les paysages austères du Maine et ses côtes bardées de phares dangereusement accolés aux rochers, du New-Hampshire et de ses Montagnes Blanches foisonnantes de bouleaux et cela jusqu’au pauvre Vermont parsemé de ses ponts couverts si typiques… Rien à faire, je ne me réveille pas, j’ose à peine regarder les gens dans le métro ou dans la rue. Je suis comme en léthargie profonde, l’esprit hypothéqué. Ma toux ne va pas mieux et lorsque je m’entends, j’ai l’impression d’être un vieil homme en chemise de bucheron et salopette en jeans, portant casquette de base-ball et godillots de la seconde guerre mondiale. Malheureusement, je n’ai pas assez de poils au menton pour parfaire le tableau. Peut-être dans la journée arriverais-je à me réveiller, mais pour l’instant, je reste avec les yeux dans le brouillard. En bref, ce n’est pas le jour pour me chercher.

Hwang Sok-Yong

La nouvelle est un genre beaucoup plus familier au lecteur coréen qu’à son homologue français. Cette préférence ne tient pas, selon Hwang Sok-Yong, à une différence de goüt, mais bien plutôt aux conditions socio-économiques qui ont été celles de la production littéraire en Corée jusqu’à aujourd’hui. Les écrivains, explique t-il, ne savaient pas se faire payer. Ils écrivaient une nouvelle et se faisaient offrir un repas en paiement par le journal auquel ils la confiaient. Une nouvelle, un repas… Hwang Sok-Yong, lui, s’est battu pour donner à l’écrivain un statut de travailleur qui doit être payé pour sa production.

Introduction à La route de Sampo


La route de Sampo (Sampo kaneunkil)

Herbes folles

Un récit de l’enfance dans la guerre fratricide coréenne. Des paysages surréalistes, des fous qui errent dans les rues et un enfant qui ne comprend pas le sens d’une guerre qui rallonge les données temporelles, dans un monde que plus personne ne comprend. Un récit autobiographique à peine masqué, à peine transformé.

Marchant d’un pas lourd derrière les adultes dans la poussière des chemins, j’ai vu des morts pourrir comme des chiens sous le soleil. Ils dégageaient la même odeur que la sauce de soja quand on la fait bouillir.

Oeils-de-biche

Les soldats coréens reviennent du Viet-Nam, mais chez eux, personnes ne les considère comme des héros et même chez eux ils sont considérés comme des parias, des profiteurs et des abrutis. C’est l’histoire d’une dépression post-guerre qui est racontée ici, aussi sordidement que possible.

J’ai tout juste saisi le mot taihan dans leur bouche – il revenait sans cesse dans leur bouche – qui veut dire Corée dans leur langue. Je ne m’étais pas rendu compte dès le début qu’ils se foutaient de moi, si bien que je m’en voulais de leur avoir acheté des trucs.

Les ambitions d’un champion de ssireum

La campagne coréenne se transforme et avec elle les carrières, les métiers, les parcours. Cette nouvelle raconte l’histoire tourmentée, crasseuse d’un lutteur de ssireum, une lutte traditionnelle coréenne. D’une personne naïve et solide, on comprend les motivations, les espoirs et les désenchantements.

Le grand Ilbong a compris, alors, qu’il n’échapperait pas à la fatalité du bain public. C’était son destin que de récurer la crasse des gens, le nez sur leurs grosses cuisses. Allez frotte ! frotte d’une main, et de l’autre range les couilles de côté, frotte en les contournant, en les maintenant, en les protégeant, frotte, frotte, sseussak, sseussak, ssakssakssak.

La route de Sampo

Le clou du livre. Dans un paysage digne de Dersou Ouzala, on y rencontre trois personnages plus ou moins marginaux. La route de Sampo est l’expression de la désillusion d’un monde qui change trop vite. Un chef-d’oeuvre à elle toute seule, cette nouvelle a fait l’objet en Corée , de films et de chansons. On comprend vite pourquoi.

Des canards sauvages se posaient sur les champs couverts de neige et repartaient. Une maison abandonnée apparut à un détour du chemin. Un pan de ‘mur’ s’était effondré et le toit de chaume avait un large trou. Son propriétaire l’avait sans doute quittée depuis longtemps déjà pour aller vivre ailleurs.

Monsieur Han (Hanssi Yeondaeki)

monsieur Han

Un livre poignant de la part de cet écrivain à fleur de peau que je vous ai déjà présenté avec La Route de Sampo. Monsieur Han est l’histoire d’un homme pris dans la tourmente d’un pays déchiré. Passer du nord au sud, passer pour un traître des deux côtés lorsqu’on ne peut se résoudre à choisir son camp, voici le thème douloureux traîté d’une manière admirable, parfois crue et violente par cet auteur que déjà je considère comme un des plus grands.

Han Yongdok se retournait de temps en temps,. Sa femme qui le suivait à pas menus ressemblait à une frêle figure dans une peinture pointilliste : des flocons s’étaient posés sur ses cheveux ; son visage, toute sa silhouette s’estompaient au fur et à mesure que la couche de neige s’épaississait sur le sol. Lorsqu’il vit cette vaste étendue blanche qui le séparait de sa femme, une angoisse soudaine s’empara de lui et son cÅ“ur se serra. Le spectacle de sa femme le suivant avec ses enfants qui marchaient tantôt devant elle, tantôt derrière, ne lui semblait ni actuel ni réel, c’était comme une photo ancienne aux teintes déjà fanées.

A bout de forces, il pleurait malgré lui et bavait. Quand il baissait le tête et commençait à somnoler, ils lui injectaient par le nez de l’eau dans laquelle ils avaient mélangé de la poudre de piment. Ses journées, interminables, étaient devenues un enfer. Il n’était plus ni professeur, ni réfugié, il n’était qu’un morceau de chair et d’os offert à la cruauté d’une époque en folie.

Archéologie des temps modernes

J’ai toujours aimé à penser que l’archéologie pouvait finir par s’intéresser à un patrimoine pas si éloigné dans le temps que ça. C’est ce que montre Geoff Manaugh avec son billet nommé Bunker Archeology. En passant, je vous recommande chaleureusement la lecture et le suivi de ce blog très intéressant qu’est BLDGBLOG. Dans le même ordre d’idée, les époux Becher et Stephen Shore…

Stephen Shore est un photographe qui ne raconte pas d’histoires. C’est un peu comme si on lui avait confié une mission consistant à imprimer sur la pellicule des décors pour les studios de Hollywood. Ses photographies montrent simplement des paysages nus, des rues vides, des assiettes laissées là sur la table, des réfrigérateurs dévastés… Un monde en suspens vidé de sa substance.Les univers qu’il soumet à l’objectif sont autant de travaux sur la couleur (il a par ailleurs passé pas mal de temps à la Factory de Warhol), sont aussi bien dénués de sujets que d’histoire, une sorte de retour à la définition de la photographie, le pur concept, ce sur quoi viennent se greffer les existences de chacun. Son travail est souvent comparé à celui de Bernd et Hilla Becher dans le traitement de l’image.

Stephen Shore Stephen Shore

D’autres photos ici: Bill Charles Inc. , d’autres photos ici. Voir aussi tous les artistes exposés.

Skeleton Coast

Skeleton Coast

Un des lieux les plus sauvages au monde, est aussi le plus déserté, le plus chaud et certainement le plus hostile à la présence des humains, mais aussi à celle des animaux. Avec une température sur le sable de plus de 70°C, il est littéralement impossible pour les espèces indigènes d’y évoluer la journée. Cet endroit se trouve sur la côte ouest de la Namibie et se nomme la côte des squelettes, non pas en raison des morts que le climat peut laisser sur la sable, mais à cause des innombrables épaves de navires qui y sont échouées. Un paysage magnifique, très coloré, incomparable.

>> Namibweb
>> SKELETON COAST NATIONAL PARK, NAMIBIA
>> Namibian.org
>> D’autres photos et pas que de Namibie.

The earth died screaming

En 1999, j’ai écrit ce texte d’un seul trait, une nuit un peu désespérée en écoutant The earth died screaming de Tom Waits . Des années plus tard, je redécouvrais cette chanson du groupe America, une de ces chansons que l’on a entendu par le passé et qui reste dans la tête pour se réveiller des années plus tard. En relisant ce texte et en écoutant cette chanson, je me dis que j’étais vraiment inspiré.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/America%20-%20A%20Horse%20With%20No%20Name.mp3]
Je me suis pris pour un oiseau l’espace d’un instant. Je volais avec mes compagnons, serrés en rangs alignés, en formation naturelle. Le grand V que nous dessinions attiraient ceux qui tout en bas avaient le bonheur de croire que nous étions quelque chose comme… un vol d’oies sauvages retournant vers les terres australes au climat plus clément. Nous les avons certainement bernés, car le mois d’août commençait à peine, charriant avec lui son cortège d’orages et de tourbillons de poussière. Le redouté mois d’août… celui qui souvent nous est fatal parce que l’eau du désert vient à manquer.

La course devient une course pour la vie. Le premier qui trouve le point d’eau est béni des dieux et son esprit de solidarité le pousse à partager son butin avec les autres. Ici, tout le monde est dans le même bain… un bain de sueur et de soif. Nous poussons encore plus avant sur les terres arides, chacun gardant avec lui l’espoir secret de trouver ce qui s’appelle la mer… celle qui rafraîchit les corps et délasse les esprits… jusqu’au prochain départ. Je croyais que nous volions, mais nos pas martelaient bel et bien le sol sec, caillouteux à loisir… éreintant. Je savais qu’en continuant vers l’est, nous pourrions trouver un endroit frais pour nous reposer jusqu’à l’aube. Peut-être faudrait-il dès à présent songer à ne voyager que la nuit et nous reposer la journée… Pour cela, il faut être certain qu’à la fin de la nuit, un abri ombragé nous attend.

oregon

Emilio, le bandana plaqué sur le front comme une tâche de sang autour de la tête, les mains déjà moites malgré la relative fraîcheur du matin… son regard se promena nonchalamment de la Mustang poussiéreuse de Blair à la vitrine délabrée du Harry’s-on-the-road, sa crasse inimitable et ses fausses plantes vertes que même la climatisation séculaire n’aurait pas réussi à conserver. Depuis trois jours, au moins, ils avaient tout décidé. L’heure, au petit matin, le moment exact, lorsque le shérif sortirait du café, ce qu’ils allaient faire, dans les moindres détails. Ce que leur minable petite vie ne leur avait jamais procuré, cette journée sans fin allait leur donner; le grand frisson, l’inévitable impression d’être hors-la-loi, d’être des vrais méchants. Blair, assis au volant de ce qui avait été jadis un monstre, venait de jeter sa cigarette par la vitre et fit un signe à son compère, un hochement de tête censé être éloquent. Le shérif monta dans sa voiture, le chapeau vissé sur le crâne. Emilio écrasa son mégot du talon et se dirigea vers la gargote tout en enfournant sa main dans son blouson. Il poussa la porte et adressa son plus beau sourire de sa bouche édentée à la serveuse.

Les hommes sont comme des animaux, ils se battent pour leur subsistance. Mais lorsqu’ils en viennent à tuer, c’est que quelque chose dans la nature les a projetés de l’autre côté du miroir; un homme ne tue jamais pour manger. C’est ce que m’inspira la vue de la ville alors que nous nous étions tous demandé s’il fallait que nous prenions cette direction. Finalement, le plus sage d’entre nous décida de continuer vers l’est, comme prévu. Ce n’était pas tellement la faim qui nous harcelait, mais bel et bien la soif. Même les plus vigoureux commençaient à haleter, à traîner comme des fantômes. La nuit venait doucement, mais aucune signe de rafraîchissement. Aucun signe non plus de nuages annonçant la pluie. Le simple contact de l’eau sur notre corps nous aurait pourtant suffit à trouver un peu de courage pour continuer. Pour l’instant, le moral était au plus bas, dans les yeux de chacun, la mort se profilait doucement, dans un silence que tous redoutaient. Je décidai qu’il ne fallait pas nous arrêter ce soir, qu’il fallait continuer, parce qu’au loin, il y avait forcément de l’eau, le repos, la récompense.

Il lança son regard dans la salle pour évaluer le nombre de clients… pas plus de quatre péquins encore endormis ou déjà à moitié ternis par les premiers alcools. Puis il sourit à Sally, la petite serveuse qu’il connaissait depuis que lui et sa troupe avaient débarqué un soir de bringue alors qu’il ne savait plus quoi faire du côté de Stonetown. Bonjour Sally, tout va comme tu veux? Elle lui rendit son sourire. T’es tombé du lit? Je t’ai jamais vu aussi tôt dans les parages ! Nerveusement, il se passa la main dans les cheveux – il savait qu’il lui faisait un certain effet – et fut secoué par un petit rire mal contrôlé. Nan, je vais chercher du boulot. Y paraît que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors j’ai mis mon réveil et maintenant, je suis là. Tu veux du café? lui demanda t-elle en s’emparant d’un mug rangé sur l’étagère crasseuse. Nan, je veux tout ce qu’il y a dans la caisse, et vite ! Son calme apparent le surprit. Il en fut d’ailleurs un peu décontenancé, surtout lorsqu’il comprit que Sally ne le prenait pas au sérieux. Arrête tes conneries! Tu veux du café oui ou merde? Pour toute réponse, elle eut droit à la vision cauchemardesque d’un canon de revolver pointé entre les yeux.

Il paraît qu’en d’autres temps des hordes de chevaux sauvages sont arrivés par le sud, longeant l’interminable chaîne de montagne, le temps qu’ils puissent se frayer un passage pour retrouver la côte, mais qu’une fois arrivés au seul col capable de les laisser passer, ils sont tous tombés comme un seul, ayant eu le malheur de prendre une corniche trop risquée. Deux milles chevaux entassés au fond d’un ravin, empilés comme les cartes d’un château soufflé par le vent. La peur est avec nous à chaque pas. Dans cette nuit sans nuage, dans l’obscurité parfaite du désert, avec pour seule guide les millions d’étoiles au-dessus, pas un seul d’entre nous n’est capable de se diriger. J’ai l’impression que nous perdons la direction. Tant que le soleil est avec nous, on peut faire avec. Suivre le soleil est un repère comme un autre et cela nous permet d’appréhender une réalité qui nous dépasse. L’est semble hors de portée, et ce sont à chaque pas les mêmes paysages qui nous taraudent, les mêmes caillasses blessantes, le même sable qui nous pique les yeux, la même caresse brûlante qui dessèche notre peau déjà crevassée par endroits.

Blair s’assurait que le moteur ne lui ferait pas défaut en donnant des petits coups d’accélérateurs nerveux. Sous la capot brinquebalant s’époumonait le moteur poussif, tandis que la porte vitrée du bar vola en éclats, la maigrichonne Sally l’ayant rencontré avec une certaine force. Emilio, un sac à la main, le revolver calé dans l’autre, sortit comme une furie et ramassa le poignet de la serveuse au passage, l’entraînant vers la voiture. Le moteur vrombissait et la portière était à peine fermée que déjà la gomme des pneus avait marqué de son empreinte le bitume défoncé de Central Street. Bon dieu! gueula Blair, qu’est-ce que c’est que ce bordel! Tout en essayant de maintenir la voiture sur la route, il pesta comme jamais. Au moment où il brailla le plus fort, Emilio se trouva projeté contre Sally, lui donnant un coup de tête qui l’assomma instantanément, et dans la virage qui menait vers la cimenterie, le bas de caisse s’écrasa contre le sol après un nid de poule, crachant des gerbes d’étincelles en tous sens. Il eut du mal à garder le contrôle, persuadé qu’un pneu avait éclaté, puis il se cala sur la ligne droite, reprenant ses esprits. C’est alors qu’il remarqua les traces de sang sur le pare-brise et sur le capot que la vitesse essuyait peu à peu. Le vieux Peacock n’avait pas résisté au choc.

Le chemin qui mène au paradis est plus long que celui qui mène en enfer. Nous nous en rendions compte à chaque nouveau pas. Laissant derrière nous des gerbes de poussière, nous ne savions même plus pourquoi nous nous courrions. Les herbes brûlées par le soleil accompagnaient notre course insensée. Regardant toujours droit devant, nous commencions à nous persuader que la nature nous en voulait pour nous faire connaître de telles souffrances, des douleurs dans les muscles, l’atroce sensation de ne plus avoir de gosier tellement la salive venait à manquer. Le soleil de plomb écrasait nos ombres sur le sol, jusqu’à ce qu’enfin, surpris par le répit, nous pûmes nous réfugier à l’ombre d’une cavité rocheuse, une sorte de canyon abrité, où le vent au contact de l’ombre renaissait plus frais que partout ailleurs. Je savais pertinemment que cela ne durerait qu’un temps. Il faudrait repartir sous peu. Une seule obsession: l’eau.

Putain de merde, pourquoi tu l’as prise avec toi? T’avais vraiment besoin de l’emmener? Blair braillait comme un porc qu’on égorge, tandis qu’à côté d’Emilio, la jeune Sally baignait dans son sang, le visage cisaillé par les éclats de verre et ses bras dénudés aussi rouge que si elle avait porté un pull. Sur la banquette arrière, Emilio tentait d’arracher avec les dents une pointe de verre qu’il avait reçu dans le creux du bras, plongé dans un silence de mort. Y’a combien dans le sac? J’espère que ça vaut le coup au moins ! Blair ne se tenait plus, il avait envie de chialer et de se recroqueviller pour ne plus continuer à voir tout ce sang qu’il n’assumait pas, mais il n’en eut pas le temps car déjà, il entendait les sirènes de ceux dont le reflet lui parvenait dans le rétroviseur. Une des voitures noires et blanches sembla se propulser par une force incroyable au niveau de la Mustang. Le shérif dévisagea Blair. Dans ses yeux, la haine et le dégoût… il lui fit signe de se ranger sur le côté, mais son geste resta en suspens, sans qu’il eut le temps de se rendre compte… qu’il n’était plus là… Emilio avait visé entre les yeux… Une boule de feu surchauffa l’air lorsque la voiture du shérif sortit de la route et percuta un poteau.

Je n’en peux plus. Plutôt que de continuer à vivre, je veux mourir, et je sais que je ne suis pas le seul. Beaucoup d’entre eux semblent s’éteindre. Leur regard ne signifie plus rien, il n’y a plus de volonté… seulement l’envie pressante que tout ceci se termine d’une manière ou d’une autre. Jamais je n’aurais pu croire que cela se terminerait aussi mal, même si on me l’avait prédit. Quelques-uns ne se sont pas relevés. Beaucoup trop sont morts, certains mourront bientôt. Ma langue ressemble à une éponge sèche et gonflée, je ne sais déjà plus ce qu’est la salive. Il y a celui-ci à côté de moi, qui se lève et comme pris de folie, il se débat, comme aux prises avec des démons invisibles, il saute dans tous les sens et prend son élan… se met à courir comme un dément… et plusieurs autres le suivent sans réfléchir. Tous, nous comprenons qu’il n’y a plus rien à espérer, alors nous partons tous, comme une nuée d’insectes et nous courrons du plus vite que nous pouvons, ce n’est plus qu’une question de minutes.

Blair écrasait le champignon: une seule destination… la ligne blanche de cette route défoncée, des larmes coulaient sur ses joues poussiéreuses, creusant des ravines d’abandon, il gémissait comme une fillette apeurée, sanglotant bruyamment. Jamais il ne s’était senti aussi minable, aussi petit. Il n’eut pas le temps de méditer plus sur sa condition, maintenant que la voiture déboulait le long d’une corniche abrupte. Au détour du virage, un mur lui faisait face, un mur couleur terre du désert… une ligne de chevaux en furie lui coupait la route et se déversait dans le vide, vers le fond… il en percuta trois avant de zigzaguer et de sentir son coeur se soulever comme si on le portait vers le néant…

J’ai senti mes jambes se dérober sous moi… un grand fracas, une explosion au loin, le vent est passé au-dessus de moi… quelque chose m’a empêché de suivre les autres. J’attendrai la mort au bord du vide.


Les paroles de la chanson:On the first part of the journey
I was looking at all the life
There were plants and birds and rocks and things
There was sand and hills and rings
The first thing I met was a fly with a buzz
And the sky with no clouds
The heat was hot and the ground was dry
But the air was full of soundI’¢ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
’cause there ain’t no one for to give you no pain
La, la …After two days in the desert sun
My skin began to turn red
After three days in the desert fun
I was looking at a river bed
And the story it told of a river that flowed
Made me sad to think it was dead

You see I’ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
’cause there ain’t no one for to give you no pain
La, la …

After nine days I let the horse run free
’cause the desert had turned to sea
There were plants and birds and rocks and things
There was sand and hills and rings
The ocean is a desert with it’¢s life underground
And a perfect disguise above
Under the cities lies a heart made of ground
But the humans will give no love

You see I’ve been through the desert on a horse with no name
It felt good to be out of the rain
In the desert you can remember your name
’cause there ain’t no one for to give you no pain
La, la …

Bloglist

Liste sans cohérence aucune, faite des blogs que j’aime et que je lis, non-exhaustive… Sans ordre non plus, juste des liens, des commentaires, des coups de coeur… Cinq blogs par jour, histoire de faire le tour de la question le plus vite possible.

Mise à jour le 08/12/05

08.12.05

  • Une autre vie de Tatou: intime, souvent émouvant et drôle, Tatou est une personnage, un vrai.
  • Vagabondages: un très bon blog sur la bibliothéconomie, par Thilas.
  • Vagues gribouillis: Sok est un personnage que j’ai du mal à qualifier, mais c’est une personne qui arrive toujours à me faire relire plusieurs fois ses billets.
  • 20/20: l’excellent Vinvin découvert il y a peu, un grand vidéoblogueur qui ne se prend pas au sérieux.
  • Vol de mots: Etolane de mon coeur, une des premières à m’avoir lu.
  • Webeyes: pas vraiment un blog, mais c’est du David, alors c’est forcément bon.
  • Yakalire: Un autre blog littéraire où les jeux de lettres sont rois.
  • Yvonet: Un de mes blogs préférés, par Minh Quang, certainement un de mes plus anciens lecteurs.
  • Zengun: tout nouveau dans ma liste, je découvre doucement.
  • SchizoCath: versant féminin de BLuPatato, très rythmé…
  • Ma Parole !: Un blog très inventif, un incontournable…

02.12.05

  • Netwizz jungle: un blog pour les geekounets, clair, beau design, un peu trop de tags, mais c’est pas grave…
  • OBNI: un OVNI de la blogosphère, jeux littéraires et autres jeux de mots…
  • Nimwendil: De Rouen à Paris, le blog d’un amateur de fantasy.
  • On dirait le sud: L’excellent photoblog de l’excellentissime Romu.
  • Où est Olivier: Finie la plage, Olivier est en vadrouille et on aime ça.
  • Les pensées de nam-nam: De la Thaïlande à la Suisse, suivez nam-nam au quotidien.
  • Pete’s World: De Pétruche à Pete, je suis, même si les billets sont rares, je suis un fidèle.
  • Pierre’s life: Un autre Pierre, que je suis également avec fidélité.
  • ShinoBlog: Amateur de jeux vidéo et autres japonismes, Shinobufan, que je connais depuis pas mal de temps maintenant a une air raffraichissant.
  • Standblog: Bon Standblog c’est Standblog, pas grand chose à ajouter…
  • Taian Akita: Ma grande-soeur de blog. Je ne sais pas si elle reprendra un jour son blog, mais c’est en partie grâce à elle que j’en suis là aujourd’hui.
  • Carnet: Franck Paul: J’aime beaucoup, j’y passe de bons moments. J’adore.
  • Un blog inutile de plus et son corrélaire Un photoblog inutile de plus: Je connais Julien depuis pas mal de temps et je ne peux m’empêcher, en le lisant, de penser que l’inutile a du bon…

09.11.05

  • Les petites cases: Le blog de Got, un des derniers nés que je lis avec passion. Forcément, ce n’est pas tout public, mais j’aime.
  • lolo²: Etrange relation que j’entretiens avec ce blogueur, un coup nous nous lisons, un coup nous ne nous lisons plus, ça dépend du vent. Nous avons même failli nous rencontrer à Paris-carnet… et pourtant, nous étions dans la même salle…
  • Lulu’s life in cornland: Miss Lulu est un personnage déroutant, tantôt presque sérieuse, tantôt incroyablement délirante, c’est un personnage mythique de la blogosphère…
  • Ma Plage: Il est là, il n’est pas là… C’est mon geek préféré…
  • Mélismes: Atypique blog, cinglant, drôle… Un bon blog.
  • Mitternacht Reloaded: Ma geekette préférée…. personnage étrange à la dent dure… du solide.
  • Métaphore, il fait froid dehors !: Ceux qui connaissent bien Dotclear connaissent forcément Xave, certainement le plus déjantés des Dotcleariens…

07.11.05

Spécial photoblogs

03.11.05

Pas de blogs, mais de la lecture quotidienne….

02.11.05

  • Just Call me Pep: Alors qu’il vient d’annoncer sa fermeture, dans l’espoir d’un reboot, je le mets tout de même ici. Précieux pourvoyeur de geekeries dotcleariennes.
  • Kozeries en dilettante: Blog de Koz, c’est un peu comme une fleur isolée au milieu d’une prairie. On ne remarque qu’elle…
  • Mon île: Leur île à tous les deux, Ebb et Hoedic, duo de choc dont je ne connais qu’une moitié, charmante. Un grand blog, un des premiers à m’avoir remarqué dans ce fatras.
  • La lanterne brisée: Une des dernières entrées dans ma blogliste, précieux BDblog dans une atmosphère qui me sied à merveille.
  • Le Blaugue à Beleg: Un gentil fou encore plus productif que moi, un bazar de liens toujours très pertinents.
  • Le blog médiocre de BabOOn: L’ami BabOOn est l’archétype du blogueur insaisissable, totalement prodigue d’anonymat et de billets qui vont droit au but, ami de SVM. Et toc, j’ai réussi à le caser.
  • Le blog à Ollie: Encore un blog helvète et très productif.
  • Le coin du fourreux; ça part dans tous les sens, mais c’est tellement bon…
  • Blog-art / Leary-calls: Un blog très bien fait sur l’art et les nouvelles tendances, un vrai must en la matière, même si après une absence d’un an et une apparition éclair, l’auteur semble à nouveau ne plus être là… Dommage, vraiment.
  • Les Mers Veillées: le blog d’une charmante marseillaise, le blog lui-même a semble t-il quelques soucis techniques à l’heure qu’il est, mais sinon, c’est un blog où il fait bon vivre…

31.10.05

  • Hippopocampe: Un blog laconique, décalé, avec beaucoup d’humour dedans et un design proche de la perfection.
  • Hmmmmm…..Blog: Encore un blogueur que je connais depuis longtemps, des petites choses comme ça qu’il veut dire, il les dit là.
  • Hou-Hou Blog: Encore une personnalité de la blogosphère qui produit moins qu’à une époque mais reste toujours très pertinent. Un must.
  • Inside: A l’intérieur de quoi ? et Qui est Zaza ? Restent deux questions en suspens… Inside est un mystère pour l’humanitosphère.
  • Heures Creuses: Pas besoin de présenter Chryde non plus, je suppose, mais ce que j’aime surtout sur ce blog, c’est l’ambiance très parisienne qui y règne.
  • Japan Time: Un très bon blog en français sur la vie au Japon. Des articles de fond, un blogueur à fleur de peau, une atmosphère apaisante.
  • Jeans, prose et patchouli: Le blog de France, je lui ai dit plusieurs fois qu’elle devrait faire publier ses billets, peut-être un jour, sait-on jamais. Un très bon blog, écrit avec une verve incroyable. A lire de suite.
  • Jeux de plüme: Un autre blog de Fabienne, encore tout jeune pour le moment, à suivre de près.
  • Joey “The world is not enough”: Très bon blog naturellement, étant donné qu’il utilise un de mes thèmes, c’est un blog relativement jeune, mais il faut y aller, ça promet.
  • Just Blog It: Un blog pour suivre ce qui se passe dans ce monde de blogs…

28.10.05

  • Embruns: Est-il encore nécessaire de présenter le blog du Capitaine ?
  • Enroweb: Blog sombre, sobre, bien présenté et aux billets rares et précieux.
  • Entre zéro et un: Nicolas, je l’aime (pas uniquement parce qu’il a dit un jour que mon blog était un des meilleurs blogs francophones) parce que c’est l’archétype du blogueur absent. Même quand il n’est pas là, son blog impose par sa présence. Devant l’insistance du tenancier de ce blog, je dois ajouter qu’il a repris une activité tout à fait normale.
  • Fourre-tout: Un blogueur rencontré IRL, un type surprenant, à l’intelligence fine et décalée. Quelqu’un que j’aime beaucoup aussi bien dans son blog qu’en dehors.
  • Figoblog: Un blog sur la bibliothéconomie et les figues, que je connais depuis ses débuts. J’ai également rencontré Manue et c’est une personne délicieuse, que j’apprécie énormément. J’aime, voilà.
  • Helge’s Blog: Un type étonnant qui n’hésite pas à passer de l’Allemand à l’Anglais et au Français avec beaucoup d’aisance. J’ai découvert son blog grâce à ses photos de la villa Majorelle et depuis, je ne le quitte plus, même s’il s’est arrêté depuis le mois de juillet.

26.10.05

  • Blog à l’ouest: Ceux qui me connaissent savent que Romu et Romuald, c’est une grande connivence. Nous ne nous sommes vus qu’une seule fois, et peu, mais nous nous parlons souvent par mail. Un type bien qui aime la mer, un photographe talentueux, un grand blogueur.
  • Blog de Sébastien: Un français aux Etats-Unis, grand amateur de nature qui nous donne à voir des paysages magnifiques. Un blog rare et précieux.
  • Blog photos du Japon – voir le Japon autrement !: L’auteur de ce blog, David, est un type exceptionnel. C’est Jed All qui m’a conseillé cette adresse et depuis je n’en suis pas revenu. Pour moi qui cherche de quoi découvrir le Japon, cette adresse est la bonne. De nombreuses photos, des articles complets écrits par un vrai connaisseur, ce blog est un incontournable de ma blogliste.
  • BlogOkat: Catherine nous parle de bibliothèques, de technologies de l’information, d’archivage et de nombreuses choses qu’elle m’apprend à chaque lecture.
  • Blurry Narcissus # Weblog: Un blog totalement insaisissable, j’ai du mal à imaginer qui se cache derrière. Très beau design (daté du 26/10/05), billets trop rares à mon goüt, mais c’est du bon.
  • Candy Froggie’s Oiled World: A l’heure à laquelle j’écris ce billet, l’illustratrice qui écrit sur ce blog doit être bien entourée, si j’en crois son billet lapidaire du 21 octobre dernier. Un blog d’un autre monde dont je suis fan.
  • Carnet de bord: Le blog de ma Fabienne adorée. Elle est moi, c’est une longue histoire, on se connaît depuis bien longtemps et c’est à l’époque de mon premier blog que nous nous sommes rencontrés. Dans mon coeur…
  • Clavardage: Jean-Marc Bondon tient un blog très méthodique, c’est quelqu’un qui se pose beaucoup de questions et du coup, je ne sais pas si son blog est toujours ouvert ou non.
  • Coyote des neiges: découverte via France, un blog qui parle de beaucoup de choses, un blog foisonnant…
  • Do androids dream of electric sheep: Le blog de Martin de Candy Froggie, il est tout neuf, tout en anglais, très beau design. Martin est un peu blog-fainéant… Alors il faut le pousser de temps en temps.

25.10.05

  • “borgo is alive”: Le blog de l’ami Borgo, le blog-ami des premières heures, celui qui est toujours là, près du coeur et qui me rappelle aux heures joyeuses et aux doux moments passés sur nos blogs…
  • .¤° BLu PaTaTo °¤.: La patate bleue, qui se définit comme Inutile et Superflu, un blog fait de beaucoup de choses…
  • 09h09: Dans la veine des boring-weblog, un des meilleurs. Jean-Michel est un blogueur maniaque, et je l’adore.
  • 64k: Blog à deux mains, très beau design, contenu pertinent, bref, un bon blog…
  • Freakydoll: Blog avec des morceaux de gel décoiffant dedans… Très caustique, il va droit au but. Efficace, quoi.
  • Affleurements: Blog minimaliste mais également efficace, par un type avec qui j’ai beaucoup aimé parler…
  • Araignée au jardin: Le blog d’une mignonne araignée sur la toile.
  • AutchoZ de A..à..Z: Un blog qui parle souvent d’AutchoZ…
  • alexwebsite.free.fr // WEBLOG: Design agréable, des billets trop rares, un endroit sympa.
  • Aliquid Stat Pro Aliquo: Il le dit lui-même, son site n’est pas un blog, mais ça y ressemble. Un très bon site blog.
  • Ambiome.Net:Carnet virtuel: Lorsqu’une blogueuse parle avec le langage vrai, ça donne le blog d’Ambiome… J’adore.
  • Benoitbisson.com: L’ami de Montréal, un bonhomme à la voix suave et profonde, un blogueur hors-normes.
  • Blog – A Window on my soul: Le blog de Mélisande, des mots dans au travers d’une fenêtre, à fleur de peau.

Les ombres de la nuit – David Hamilton

david hamilton

Lorsque j’étais enfant, j’ai été baigné par les photos de Sarah Moon, les gravures de Sarah Kay et d’Arthur Rackham, mais aussi par les photos de David Hamilton. Dernièrement, j’ai compulsé un livre de ses oeuvres, dans l’espoir de me replonger dans ces ambiances faites de paysages de plages solitaires, nimbées de lumières filtrées, très désuètes, mais aussi de corps dénudés et lascifs, de natures mortes pour maisons de campagne.

Et puis, en feuilletant ce livre, j’ai fini par être passablement étonné par les photos de jeunes filles (ou de jeunes garçons) aux corps lisses. Au final, je trouve le travail assez tendancieux. Certes, exalter la beauté du corps est un exercice périlleux, a fortiori lorsque c’est fait avec des adolescents.

Je suis troublé… et du coup, je ne sais pas trop quoi en penser. J’ai l’impression que l’art a été supplanté par une vague tentative de transfiguration des corps et que tout ceci n’est qu’un alibi culturel pour masquer les déviances d’un esprit torturé.

Chemins de traverses

L’automne est déjà arrivé, sans que je m’en rende vraiment compte. La date m’a échappée, et depuis hier, nous sommes entrés dans une phase descendante qui va nous plonger dans les peurs ancestrales des nuits plus longues et des veillées au coin du feu. Déjà je pense à des terres froides et lointaines, aussi lointaines que magnifiques, là où le froid enserre la terre dans ses griffes presque tout au long de l’année.

Where m’emmène jusqu’en Alaska et au Yukon, et plus particulièrement à Fairbanks, théâtre autrefois crasse de la chasse à l’or racontée par Jack London, ou bien dans les airs, au dessus des montagnes quasiment vierge du nord grâce au Talkeetna Air Taxi. Les ours et les glaciers rappellent qu’ici la nature règne encore en maître… Même si le pays est sillonné par un réseau ferré qui reste peut-être le meilleur moyen de visiter les terres sauvages de l’Alaska. Des monstres de métal surpuissants et des trains plus anciens sillonnent un paysage où la modernité réussit parfois à ne infliger de trop gros dommages à l’environnement.

Alaska Railroad

L'histoire interdite #2 (le fantôme du chamane)

Après l’histoire de la pêche au crabe {L’histoire interdite #1 (la pêche au crabe)}, je continue mon histoire interdite. J’ai vécu des choses extraordinaires et faire partager cela est important.

Après mon arrivée à Moscou, où j’ai travaillé quelques mois comme coursier pour un bijoutier, j’ai pris plusieurs billets d’avions pour finalement atterrir en Argentine. Je voulais connaître les Andes, les hauts-plateaux désertiques et arides, l’expérience des froids andins… Ce que j’ai vécu là-bas, dans les montagnes près de Mendoza, non loin du Pozo de las animas (le puits des âmes), m’a laissé un goût d’inachevé, de surprise…

argentina

Je ne vous raconterai pas les hasards qui m’ont fait atterrir à cet endroit en particulier, cela prendrait beaucoup trop de temps, mais j’ai fait la connaissance d’un certain Eduardo dans un bar de Mendoza, entre deux bières passablement sans saveur. Nous avons engagé la conversation autour des montagnes qui enserrent la région et puisque j’étais là pour ça, je lui demandai s’il connaissait un moyen de se rendre là-haut sans danger et s’il savait où l’on pouvait trouver un guide. Je n’eus pas à chercher longtemps… son grand-père habitait au pied de la seule route qui montait au Pozo de las animas, dans une cahutte sans confort.

Rendez-vous était pris pour le lendemain matin et à l’endroit indiqué, Eduardo m’attendait dans une voiture d’un autre âge, d’une marque inconnue. Il me fit monter dans sa guimbarde et il m’emmena jusqu’à la maison spartiate du vieil homme. Nous étions déjà loin de toute civilisation et je sentis une atmosphère de mystère autour de ce lieu. Eduardo ne frappa pas à la porte et me fit entrer dans un lieu très sombre, dans lequel on pouvait distinguer un désordre sans nom et duquel se dégageait une forte odeur de tabac à pipe brûlé. Un vieillard hirsute et torse-nu portant une simple pantalon de lin dégoûtant, un panama vissé sur la tête, sortit de nulle part et me serra chaleureusement la main. Eduardo me présenta son abuelo comme le meilleur guide de montagne qui soit dans la région. J’avoue que je commençais à avoir des doutes sérieux quant à ma réelle volonté de m’aventurer dans les hauteurs avec un vieillard qui semblait ne plus avoir toute sa tête.

Nous restâmes toute la journée au dehors et j’entendis de la bouche du vieil homme des histoires et des légendes dont je me disais qu’il fallait avoir l’imagination fertile pour les inventer et la mémoire bien rangée pour s’en souvenir. Le soir se mit à tomber et autour du feu, il continua à raconter ses histoires en tirant comme un fou sur sa pipe depuis le matin. A la fin d’une de ses histoires, il se leva et rentra dans sa cahutte. Eduardo me dit que c’était fini et qu’il était temps de dormir. Je dormis dehors dans mon sac de couchage et je me réveillai épuisé par une nuit lardée de cauchemars, le visage trempée par une rosée venue de nulle part.

Eduardo avait passé la nuit à mes côtés et il me dit qu’il viendrait avec nous. Le vieillard sorti de sa maison et nous partîmes à flanc de montagnes, vers les hautes cîmes… Nous avons passé deux journées entières à marcher parmi les caillasses et des sortes de dust bowls qu’on aurait pu croire sorties d’un studio de cinéma hollywoodien. Arrivés sur une crête rocheuse depuis laquelle le paysage montagneux semblait s’étaler à perte de vue, nous nous sommes posés, histoire de souffler. Il était midi au soleil et le froid commençait à se faire sérieusement sentir.

Mon compagnon de fortune posa son sac et regarda son grand-père, puis me prit par les épaules. Il me dit calmement:

– Romuald, lo que vas a ver, no debria decirlo a ningùn. (ce que tu verras, tu ne le diras à personne)

Mes yeux se sont écarquillés. Je ne comprenais pas. Il me dit ensuite qu’il allait accompagner son grand-père plus haut encore dans les montagnes et qu’ils ne reviendraient pas de leur voyage, que les esprits les attendaient et qu’ils allaient faire un long voyage. Je ne comprenais rien de ce qu’il me racontait. Nous prîmes ensuite un déjeuner frugal comme si de rien n’était mais je commençais vraiment à m’inquiéter à propos de ce qui allait se passer. Le soir venu, nous n’avions toujours pas bougé de le crête. J’avalais mon repas et prit une gorgée d’eau. Ce qui se passa ensuite reste très confus encore aujourd’hui.

Je commençai à être pris de nausées intenses et ma vue se brouilla. Je vis Eduardo et son grand-père prendre leurs affaires et repartir. Malgré mes efforts, je n’arrivai pas à me lever et après avoir vainement tenté de résister, je m’évanouis.

Le lendemain, je me réveillai avec un mal de crâne pas possible et je me mis immédiatement à la recherche des deux hommes, que je finis par apercevoir beaucoup plus haut sur une autre crête beaucoup trop loin à rejoindre. Je regardais les deux hommes et me demandais où ils pouvaient bien aller comme ça, surtout s’ils ne comptaient pas revenir. Il s’éloignèrent encore, jusqu’à disparaître.

Je ne voulais pas les suivre et je pliai bagages pour retourner à Mendoza. Après avoir marché longuement avec ma migraine, je finis par voir au loin la maison du vieillard. Plus je m’en approchais, plus je trouvais que quelque chose de bizarre était en train de se produire, et c’est à quelques mètres de la maison, que je compris. La maison était dévastée, encore plus que lors de ma dernière visite et tout semblait indiquer que personne n’avait vécu ici depuis des années. La poussière avait envahi l’intérieur comme si une tempête de sable avait soufflé à l’intérieur. Le plus étonnant, c’est que la voiture d’Eduardo en était recouverte d’une épaisse couche. Tout ici indiquait que le désert avait repris ses droits comme par enchantement.

J’ai rejoint Mendoza à pied, de peur que la voiture d’Eduardo ne soit sous l’emprise d’un quelconque maléfice. Au revoir Mendoza et tes gens étranges, au revoir l’Argentine mystérieuse. C’est après ces événements que je suis retourné à Paris.