Amok

Aussi fous croyons-nous être, certaines journées sont ponctuées d’événements qui nous laissent croire que certaines personnes le sont encore plus. C’est dire ! Petit fou que je suis…

Dans les couloirs du RER, alors que je descendais les escaliers, une masse est venue s’intercaler entre mon champs de vision et les marches que je dévalais. Une fille, toute engoncée dans un imperméable kaki trop petit et les cheveux ramassés sous une casquette de gavroche venait de débouler devant moi, manquant de me faire trébucher. Je m’imaginais bien terminer ma course le crâne fracassé sur le rebord métallique d’une marche en béton. Non, ce n’était pas le bon jour pour mourir. Je l’ai toisée, de dos, de telle sorte qu’elle n’a pas du avoir bien peur de mon regard furibond.

Un peu plus loin, son pied, s’est retrouvé déséquilibré à cause d’une aspérité du sol. Son corps de pantin désarticulé a très désinvoltement esquissé un pas de danse léger et foncièrement ridicule, grotesque, comme si plus rien ne la retenait au sol, et son visage impassible est venu s’étaler lamentablement contre le mur de gauche comme un vieux flan tout flasque. Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire, d’un rire qui voulait dire: “Bien fait pour toi, connasse !!” J’ai la rancoeur tenace.

Un homme s’est approché d’elle pour lui demander si tout allait bien, mais ce n’était pas moi. Ça va pas non ?

Photo © Mahadewi

Défaut de transmission

Je me pose souvent des questions, je ne sais pas faire grand-chose d’autre. Mes dix doigts sont peu souvent sollicités pour des activités manuelles et je passe une bonne partie de mon temps à réfléchir, c’est un de mes grands défauts. Le problème, quand on réfléchit, c’est qu’on se pose des questions (ce qui est, j’en conviens, une attitude incompatible avec la religion) et les questions amènent des remises en questions, non pas forcément de soi, mais de ce qu’on pense. Et j’ai longtemps cru que la culture, pour ne citer qu’elle, était destinée à satisfaire de vils instincts d’autosatisfaction, mais je me suis trompé, et il n’est pas exclu que par la suite, je revienne encore sur cette opinion.

J’ai passé samedi soir une soirée horrible. En fait, j’étais invité par mon ami Laurent pour son anniversaire, et nous avons passé une soirée fraîche dans son appartement décoré avec simplicité mais avec beaucoup de goût, ce qui, pour un garçon est suffisamment rare pour être remarqué. Nous avons bien mangé, bien bu, etc. et je me suis rendu compte qu’en plus des sujets de discussion traditionnels sur lesquels il ne faut pas deviser entre amis, c’est à dire la religion, la politique et l’amour – hein ? – il fallait également éviter de parler culture. Etrange, me direz-vous, car que reste t-il ? Le travail, ça va cinq minutes, le cul, ça ne se fait pas…

Dizzie

Tout est parti en vrille – à mon sens – lorsque la copine du frère de Laurent a demandé ce qu’était qu’un bobo ? Toutes les définitions y sont passées, du tout au n’importe quoi, et pour une fois, la discussion prenait un tour étrange, car personne n’avait envie de rire, tout le monde semblait étrangement impliqué et trop sérieux à mon goût. Je n’ai pas pu m’empêcher de réagir lorsque j’ai entendu des inepties du genre “ce sont des gens qui ont des idées de gauche et qui…” ou alors “ce sont des gens qui ont de l’argent et qui…“, voire même “ce sont des gens qui sont dans le milieu de la culture et qui…“… Arghhhhh, VOS GUEULES !!! Silence !! Premièrement, on s’en fout des bobos. “Oui mais moi je suis une bobo et j’assume bien…“. OK, super, sujet suivant. Bref, les bobos, c’est pas le sujet. En l’occurrence, c’est que les deux personnes avec qui je tentais d’avoir une discussion sont deux personnes qui se considèrent comme des bobos, même si l’un des deux s’en est vigoureusement défendu – avec force “Ah mais de quoi on parle là, je ne comprends pas…“, et accessoirement, ce sont deux relations de travail* avec qui nous entretenons une relation de haine cordiale basée sur peu de choses (ils détestent mon humour, ou plutôt ils ne rigolent qu’au leur, faible et basé sur la répétition, et je ne fréquente pas les mêmes lieux – ajouté à cela qu’ils ne connaissent strictement rien à ma vie, ni à ce que je fais en dehors du travail et qu’ils me considèrent comme une sorte d’animal sans vie, mais les apparences sont parfois trompeuses et contrairement à eux, je n’expose pas ma vie privée et sexuelle sur la place du marché). Là où je me suis insurgé, c’est lorsqu’il a été question de culture, puisque selon leurs termes, le bobo est dans le milieu de la culture, sous-entendu que la culture c’est un peu comme la merde, il faut avoir les deux pieds dedans pour la sentir. Mais de quoi parlons nous ? Du dernier vernissage d’untel ? De l’exposition Yves Klein ? Du dernier livre de Houellebecq ? Le problème avec les gens qui ont de l’argent et ne se privent pas, c’est qu’ils ont un peu trop tendance à croire qu’il suffit de s’acheter une cafetière Nespresso (What else ?), d’écouter Mylo (qui n’est par ailleurs qu’un tromblon de sous-culture bruyante), de ne pas s’habiller chez Hennes and Mauritz (H&M pour ceux qui n’auraient pas compris), d’habiter dans le XXè ou dans le Marais et de connaître plein de monde dans le monde de la CULTURE (criez pour vous rendre compte de l’effet) ou de manger dans des lieux branchés pour être un bobo, ou quoi que ce soit d’autre…

Bilbliothèque

Je n’ai pas voulu être condescendant, méprisant ou exclusif – je leur laisse ce privilège – mais la culture, c’est un petit peu autre chose que tout ce que je viens d’énumérer, d’une manière non exhaustive et passablement ironique (oui, j’ai réponse à tout), parce que la culture se niche partout et c’est dans sa transmission et dans le partage qu’elle trouve son essence, c’est à dire exactement le contraire que le milieu dans lequel évoluent ces gens. J’ai dit une chose que je pense vraie, à mon corps défendant, j’ai dit que les bobos étaient des opportunistes qui n’évoluaient dans des milieux branchés plus par intérêt que par conviction et opinion, et je le maintiens a fortiori après cette soirée. J’avais envie de leur dire de visiter mon blog, ne serait-ce que pour avoir une autre approche de la culture, moi qui n’en suis qu’un factotum, mais je n’ai pas voulu qu’ils prennent cela pour la prétention.

Sur ces entrefaites, je vais préparer mes lasagnes, parce que la culture c’est aussi comme ça, c’est comme les domestiques, ça passe aussi par la cuisine.

La routine

4 avril 2006, un matin inspiré, un texte reconduit…

Il y a des jours comme ça où on pressent qu’un truc va se passer, que les éléments vont se déchainer pour vous faire des petites blagues qui pourrissent la vie, des petits poissons d’avril à retardement, et finalement, ça arrive bel et bien. C’est ce que j’ai pu constater hier en soir en sortant du boulot. Je descends au parking, met les clefs dans le contact et là, un tour de moteur et puis plus rien.

Du coup, je jette un merde léger et presque amusé. Je regarde au plafond de la voiture et je me rends compte que la loupiote du plafonnier est allumée. C’est bien ma veine ça, alors cette fois-ci je pousse un merde proéminent et sonore, mais je me reprends tout de suite et je me dis bien vite qu’il n’y aucune raison de s’énerver. Continue reading “La routine”

Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public

C’est un objet de tristesse, pour celui qui traverse cette grande ville ou voyage dans les campagnes, que de voir les rues, les routes et le seuil des masures encombrés de mendiantes, suivies de trois, quatre ou six enfants, tous en guenilles, importunant le passant de leurs mains tendues. Ces mères, plutôt que de travailler pour gagner honnêtement leur vie, sont forcées de passer leur temps à arpenter le pavé, à mendier la pitance de leurs nourrissons sans défense qui, en grandissant, deviendront voleurs faute de trouver du travail, quitteront leur cher Pays natal afin d’aller combattre pour le prétendant d’Espagne, ou partiront encore se vendre aux îles Barbades. Je pense que chacun s’accorde à reconnaître que ce nombre phénoménal d’enfants pendus aux bras, au dos ou aux talons de leur mère, et fréquemment de leur père, constitue dans le déplorable état présent du royaume une très grande charge supplémentaire ; par conséquent, celui qui trouverait un moyen équitable, simple et peu onéreux de faire participer ces enfants à la richesse commune mériterait si bien de l’intérêt public qu’on lui élèverait pour le moins une statue comme bienfaiteur de la nation. Mais mon intention n’est pas, loin de là, de m’en tenir aux seuls enfants des mendiants avérés ; mon projet se conçoit à une bien plus vaste échelle et se propose d’englober tous les enfants d’un âge donné dont les parents sont en vérité aussi incapables d’assurer la subsistance que ceux qui nous demandent la charité dans les rues. Pour ma part, j’ai consacré plusieurs années à réfléchir à ce sujet capital, à examiner avec attention les différents projets des autres penseurs, et y ai toujours trouvé de grossières erreurs de calcul. Il est vrai qu’une mère peut sustenter son nouveau-né de son lait durant toute une année solaire sans recours ou presque à une autre nourriture, du moins avec un complément alimentaire dont le coût ne dépasse pas deux shillings, somme qu’elle pourra aisément se procurer, ou l’équivalent en reliefs de table, par la mendicité, et c’est précisément à l’âge d’un an que je me propose de prendre en charge ces enfants, de sorte qu’au lieu d’être un fardeau pour leurs parents ou leur paroisse et de manquer de pain et de vêtements, ils puissent contribuer à nourrir et, partiellement, à vêtir des multitudes. Mon projet comporte encore cet autre avantage de faire cesser les avortements volontaires et cette horrible pratique des femmes, hélas trop fréquente dans notre société, qui assassinent leurs bâtards, sacrifiant, me semble-t-il, ces bébés innocents pour s’éviter les dépenses plus que la honte, pratique qui tirerait des larmes de compassion du cúur le plus sauvage et le plus inhumain. Etant généralement admis que la population de ce royaume s’élève à un million et demi d’âmes, je déduis qu’il y a environ deux cent mille couples dont la femme est reproductrice, chiffre duquel je retranche environ trente mille couples qui sont capables de subvenir aux besoins de leurs enfants, bien que je craigne qu’il n’y en ait guère autant, compte tenu de la détresse actuelle du royaume, mais cela posé, il nous reste cent soixante-dix mille reproductrices. J’en retranche encore cinquante mille pour tenir compte des fausses couches ou des enfants qui meurent de maladie ou d’accident au cours de la première année. Il reste donc cent vingt mille enfants nés chaque année de parents pauvres. Comment élever et assurer l’avenir de ces multitudes, telle est donc la question puisque, ainsi que je l’ai déjà dit, dans l’état actuel des choses, toutes les méthodes proposées à ce jour se sont révélées totalement impossibles à appliquer, du fait qu’on ne peut trouver d’emploi pour ces gens ni dans l’artisanat ni dans l’agriculture ; que nous ne construisons pas de nouveaux bâtiments (du moins dans les campagnes), pas plus que nous ne cultivons la terre ; il est rare que ces enfants puissent vivre de rapines avant l’âge de six ans, à l’exception de sujets particulièrement doués, bien qu’ils apprennent les rudiments du métier, je dois le reconnaître, beaucoup plus tôt : durant cette période, néanmoins, ils ne peuvent être tenus que pour des apprentis délinquants, ainsi que me l’a rapporté une importante personnalité du comté de Cavan qui m’a assuré ne pas connaître plus d’un ou deux voleurs qualifiés de moins de six ans, dans une région du royaume pourtant renommée pour la pratique compétente et précoce de cet art. Nos marchands m’assurent qu’en dessous de douze ans, les filles pas plus que les garçons ne font de satisfaisants produits négociables, et que même à cet âge, on n’en tire pas plus de trois livres, ou au mieux trois livres et demie à la Bourse, ce qui n’est profitable ni aux parents ni au royaume, les frais de nourriture et de haillons s’élevant au moins à quatre fois cette somme. J’en viens donc à exposer humblement mes propres idées qui, je l’espère, ne soulèveront pas la moindre objection. Un américain très avisé que j’ai connu à Londres m’a assuré qu’un jeune enfant en bonne santé et bien nourri constitue à l’âge d’un an un met délicieux, nutritif et sain, qu’il soit cuit en daube, au pot, rôti à la broche ou au four, et j’ai tout lieu de croire qu’il s’accommode aussi bien en fricassée ou en ragoût. Je porte donc humblement à l’attention du public cette proposition : sur ce chiffre estimé de cent vingt mille enfants, on en garderait vingt mille pour la reproduction, dont un quart seulement de mâles – ce qui est plus que nous n’en accordons aux moutons, aux bovins et aux porcs – la raison en étant que ces enfants sont rarement le fruit du mariage, formalité peu prisée de nos sauvages, et qu’en conséquence, un seul mâle suffira à servir quatre femelles. On mettrait en vente les cent mille autres à l’âge d’un an, pour les proposer aux personnes de bien et de qualité à travers le royaume, non sans recommander à la mère de les laisser téter à satiété pendant le dernier mois, de manière à les rendre dodus, et gras à souhait pour une bonne table. Si l’on reçoit, on pourra faire deux plats d’un enfant, et si l’on dîne en famille, on pourra se contenter d’un quartier, épaule ou gigot, qui, assaisonné d’un peu de sel et de poivre, sera excellent cuit au pot le quatrième jour, particulièrement en hiver. J’ai calculé qu’un nouveau-né pèse en moyenne douze livres, et qu’il peut, en une année solaire, s’il est convenablement nourri, atteindre vingt-huit livres. Je reconnais que ce comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il conviendra parfaitement aux propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des pères, semblent les mieux qualifiés pour manger la chair des enfants. On trouvera de la chair de nourrisson toute l’année, mais elle sera plus abondante en mars, ainsi qu’un peu avant et après, car un auteur sérieux, un éminent médecin français, nous assure que grâce aux effets prolifiques du régime à base de poisson, il naît, neuf mois environ après le Carême, plus d’enfants dans les pays catholiques qu’en toute saison ; c’est donc à compter d’un an après le Carême que les marchés seront le mieux fournis, étant donné que la proportion de nourrissons papistes dans le royaume est au moins de trois pour un ; par conséquent, mon projet aura l’avantage supplémentaire de réduire le nombre de papistes parmi nous. Ainsi que je l’ai précisé plus haut, subvenir aux besoins d’un enfant de mendiant (catégorie dans laquelle j’inclus les métayers, les journalistes et les quatre cinquièmes des fermiers) revient à deux shillings par an, haillons inclus, et je crois que pas un gentleman ne rechignera à débourser dix shillings pour un nourrisson de boucherie engraissé à point qui, je le répète, fournira quatre plats d’une viande excellente et nourrissante, que l

Carrelets sur ponton

Ce n’est pas forcément évident, mais tous les poissons ne se pèchent pas de la même manière. En l’occurrence, le carrelet, ou plie (cet étrange poisson plat aux yeux décalés ressemblant fort au turbot) ne se pêche pas en pleine mer, mais le long des côtes ou dans les estuaires, et au moyen d’un… carrelet.

Icône des côtes girondines et de la Charente Maritime (ce lien est vraiment très intéressant à tous points de vue), la carrelet est une cabane en bois construite sur pilotis, dans laquelle se trouve une machinerie permettant de relever un immense filet carré (carrelet) dit soulevé, retenu par des filins.
Le carrelet est aussi pour de nombreux photographes un sujet inépuisable, mais aussi un lieu rêvé pour les amoureux des pilotis et de ces étranges cabanes accrochées aux falaises, ou élevées sur les longues plages royannaises.

Carrelets sur pontonPhoto © AypeeFoto

A la faveur de l'été

Pas encore publiées, oubliées dans un coin, voici quelques photos de l’été dernier d’un bout de la Bretagne rurale que je côtoie et comme je ne l’avais pas encore montrée. Paysages rudes entre terre et mer dans ce petit coin de Trégor, coincé entre l’Armor (la côte) et l’Argoat (les bois), terre de légendes et de croyances ancestrales… Continue reading “A la faveur de l'été”

Un 26 mars

Rien de tel qu’un lundi matin pour se replonger dans un quotidien absurde, dans lequel on retrouve tout ce qu’on déteste de pathétique dans les gens qu’on croise. Et que je suis pressé, et que je t’emmerde parce que je dois me dépêcher d’aller au boulot alors tant pis si je t’écrase sur le passage clouté, et que je papote à l’entrée de l’école avec mes copines de bac à sable. Eh ho !! On a changé d’heure ce week-end, il serait peut-être temps de passer à l’heure des étoiles !! Plutôt que d’avancer toutes les horloges d’une heure, j’ai juste avancé l’heure de l’alarme de mon réveil…
Mais ça continue de papoter, et puis j’entends parler de baptême, ah ben moi c’était la semaine dernière, il était drôle le curé, il faisait des blagues et des imitations !!! Et puis comme y’avait plein de gens de couleur dans l’église, il a parlé de toutes les religions. Désolé les filles, mais je vous laisse, il faut que j’aille lire les Mesnevi «. Allez ! Shalom !!! Décidément, on n’appartient pas au même monde, je vous laisse entre vous.
Moi je continue de faire briller les étoiles qui sont dans mes yeux… Dehors ça sent l’herbe coupée des premières tontes dans l’air frais d’un matin sans concession.

Les Etoiles

Un 25 mars

C’était aujourd’hui l’anniversaire de mon grand-père qui, comme tous les ans, a un an de moins que ma grand-mère pendant quinze jours. Encore un bon anniversaire, mon Pep’s.
Un week-end passé sur les genoux, enfin presque, à cause de ce genou que je ne sens plus depuis vendredi matin. Le gauche. Quelque chose d’assez étonnant. Et puis vendredi soir, je me suis retrouvé avec la cage thoracique complètement bloquée, comme enserrée dans un corset, resté sur la moquette de la chambre incapable de respirer normalement pendant deux bonnes minutes. Et encore ce genou que je ne sens plus. Evidemment, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le cours de Rogozinski sur la folie du corps. Je me suis souvenu d'Oliver Sacks et de son livre l’homme qui prenait sa femme pour un chapeau dans lequel il fait le point sur ce sixième sens à peine reconnu par la médecine, la proprioception. Ce qui est le plus étrange avec ce genou, c’est que lorsque je le touche, mes doigts ne touchent pas mon corps, j’ai l’impression d’une chair morte ne m’appartenant pas et mon genou lui, n’a pas de sensation lorsque mes doigts appuient dessus. Les nerfs. Tout ceci se passe au niveau des nerfs. Et je ne sais pas quoi faire. Alors je ne fais rien.

Bar à quenelles

Samedi, je me suis senti con. C’était carnaval. Mon fils et ses camarades ont brulé le bonhomme carnaval pour dire au-revoir à l’hiver, mais ça n’a rien changé, il faisait un froid de canard, le vent m’a déchiré les oreilles et m’a filé mal crâne. Tout partout alentour, c’était plein de parents d’élèves qui avaient tous l’air plus con les uns que les autres, des parents d’élèves endimanchés un samedi matin, les mêmes que je vois toute la semaine à l’école mais en bande désorganisée. Là, ils étaient trop nombreux. C’était trop pour moi. Et puis je me suis rendu compte que j’en étais un aussi. Ça m’a fait mal d’être mêlé à ça. Une image que je n’aime pas qu’on me renvoie, surtout quand je ne demande rien à personne.

Un 22 mars

Encore failli me battre ce matin à la gare. Cet idiot a couru vers moi avec son papier sur lequel j’ai tout de suite reconnu la tête de Sarkozy. Je lui ai fait un sourire forcé pour lui signifier que je n’en voulais pas, que j’avais la collection complète, de Besancenot à Le Pen en passant par Bayrou, mais ce foutu imbécile a insisté en me plaquant son torchon sur la poitrine. J’ai regardé son doigt qui me vrillait le plexus et j’ai senti que la moutarde me montait au nez. Je ne suis pas d’une nature nerveuse mais ce genre de trou du cul a tendance à vite me faire basculer. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire qu’il fallait qu’il se calme sans quoi il allait moucher rouge. Il s’est écarté comme s’il venait de s’apercevoir que j’avais une lèpre purulente et je me suis tiré en le remerciant de montrer le vrai visage d’une campagne sournoise. Il a réussi à me faire trembler de rage pendant quelques instants et j’ai serré les mâchoires fort au point de me faire mal… Un peu plus loin, j’ai poussé deux connes qui ne voulaient pas se pousser de devant les tourniquets. Ouais, j’en voulais à tout le monde.

Et puis je me suis calmé en regardant cette fille dans le train, en me disant que définitivement, certaines femmes ne devraient pas se maquiller, parce que ça ne fait qu’empirer les choses.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Monster%20Men.mp3]

Clin d’oeil…

Le bibliomane, Charles Nodier

Vous avez tous connu ce bon Théodore, sur la tombe duquel je viens jeter des fleurs, en priant le ciel que la terre lui soit légère. Ces deux lambeaux de phrase, qui sont aussi de votre connaissance, vous annoncent assez que je me propose de lui consacrer quelques pages de notice nécrologique ou d’oraison funèbre. Il y a vingt ans que Théodore s’était retiré du monde pour travailler ou pour ne rien faire : lequel des deux, c’était un grand secret. Il songeait, et l’on ne savait à quoi il songeait. Il passait sa vie au milieu des livres, et ne s’occupait que de livres, ce qui avait donné lieu à quelques-uns de penser qu’il composait un livre qui rendrait tous les livres inutiles ; mais ils se trompaient évidemment. Théodore avait tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans. C’est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais. Théodore ne parlait plus, ne riait plus, ne jouait plus, ne mangeait plus, n’allait plus ni au bal, ni à la comédie. Les femmes qu’il avait aimées dans sa jeunesse n’attiraient plus ses regards, ou tout au plus il ne les regardait qu’au pied ; et quand une chaussure élégante de quelque brillante couleur avait frappé son attention : « Hélas ! disait-il en tirant un gémissement profond de sa poitrine, voilà bien du maroquin perdu ! » Il avait autrefois sacrifié à la mode : les mémoires du temps nous apprennent qu’il est le premier qui ait noué la cravate à gauche, malgré l’autorité de Garat qui la nouait à droite, et en dépit du vulgaire qui s’obstine encore aujourd’hui à la nouer au milieu. Théodore ne se souciait plus de la mode. Il n’a eu pendant vingt ans qu’une dispute avec son tailleur : Continue reading “Le bibliomane, Charles Nodier”