Seconde partie de mes carnets de l’Océan – avec une majuscule, certains mots ne souffrent pas les petites choses. La première partie s’arrêtait en plein coeur de La Rochelle – et non pas de Nantes.
Seconde fois que je remontais la côté dans ce sens, en passant par les marais de Marans, le Poitevin, de vieux souvenirs douloureux, la pays Nantais et ses vignes, la route à l’ancienne dans un air iodée, une grande ville de bord de mer dans laquelle il n’est pas facile de trouver un restaurant ouvert, même un bar, et ne parlons pas de l’hôtel.
La Rochelle, Nantes et Vannes, parcours presque logique.
En passant par Pontivy et le coeur du pays des Rohan (les nobles, rien à voir avec le Seigneur des Anneaux), puis Corlay et sa route tellement sinueuse et revêche que mon fils a vomi son sandwich sur ses genoux.
Suite et fin de ces carnets.
Pour la version papier, il faudra attendre la fin de la rédaction.
Comme pour l’autre, en musique, de circonstance. Continue reading “Carnets de l’Océan 2 – version images”
Session de la ruine industrielle et de la technologie éphémère
Et on commence par Hebig. Lorsque la technologie se développe de telle sorte à n’envisager aucune espèce de perspective d’avenir sur son propre devenir, c’est précisément à ce moment là qu’elle devient intéressante. Sans fin et sans autre raison que la pure instantanéité, le présent à l’état pur, jusqu’à sa ruine.
Pendant quelques temps, je vais partir sur les routes de ce thème qui m’intéresse depuis pas mal de temps, de l’architecture aux projets titanesques de l’urbanisme, en passant par la photographie, l’art – celui des musées et des paysages – et la ville sous tous ses aspects.
Celui qui se promène
L’été est encore là, il se promène avec diligence sur les routes goudronnées autour d’un lac artificiel. Les vélos sont de sortie, entrent et sortent des bois, sillonnent les chemins de terre, sortent de nulle part, sifflent avec le vent, se croisent, accélèrent, se bousculent parfois, jusqu’à ce que le soir tombe et laisse planer un silence pesant.
Le diable et la putain I
Node™ n°3
Pour commencer, je suis allé faire un tour du côté de chez Google Books sur les conseils de Manue, parce qu’il parait – enfin, non, c’est vrai – qu’à présent on peut citer des extraits de livre et les faire s’afficher dans un page en HTML, sous forme de texte ou d’image, ce qui ne manque pas de charme – je pense notamment aux oeuvres de Humboldt que j’adore compulser sur le site ou cette étrange lettre sur l’invention de la boussole. Continue reading “Node™ n°3”
Yonaguni, Arakawa Point
En navigant paisiblement sur Internet, je me suis arrêté sur le titre de ce billet. Que faire d’autre qu’être interpelé par un tel titre ? Un parfum d’Atlantide à la japonaise. En lecteur souvent confidentiel qui ne laisse de traces nulle part, je n’ai fait que m’arrêter, suivre le chemin et j’ai lu, j’ai parcouru les longues lignes. Et j’ai découvert cet endroit étrange situé à l’extrémité sud de l’archipel du Japon, au large de Taïwan et juste au sud de la petite île de Yonaguni. En soi, la petite île est déjà marquée par le fait qu’on y parle une langue endémique, le yonaguni.
Arakawa Point, est un endroit qui laisse songeur. A quelques mètres de profondeur, un plongeur a un jour découvert un ensemble de terrasses reliées par des marches, dans un ordre tel qu’on peut imaginer d’emblée une circulation possible et une route bordée d’un muret. Jusque là, rien de tellement surprenant si ce n’est qu’on est certainement face à une découverte archéologique majeure.
Rares et précieux
Parce qu’ils sont rares, qu’on les voit peu et qu’on les entend encore moins souvent et parce qu’il n’y a rien de pire pour un mot que de ne pas être employé, voici une petite collection de mots rencontrés au fil des lectures, mots que je ne connaissais pas ou que j’ai rencontrés de manière tellement rare que j’en oublie le sens. A faire évoluer, grossir, à épancher comme de l’engrais dans une prairie.
Le diable et la haute mer
Photo © Mgjefferies
L’humour et la connaissance précise de la marine de Kipling. Un enchantement dont j’arrive encore à me réjouir à chaque instant.
L’Haliotis avait le choix et ce qu’il choisit déclencha le dénouement.
Escomptant son moindre tirant d’eau, il essaya de se tirer dans le nord vers un bas fond propice.
L’obus, qui arriva en traversant la cabine du premier mécanicien, fut un cent-vingt-cinq à charge, non d’éclatement mais de tir.
On avait visé pour qu’il passât en travers de sa route et c’est évidemment pourquoi il était venu flanquer par terre le portrait de la femme – fort jolie fille d’ailleurs – du premier mécanicien.
Il réduisant en bois à allumettes la toilette d’acajou de cet officier, franchit le couloir de la chambre des machines, et, frappant un grillage, tomba juste devant la machine avant, où il éclata, coupa net les boulons reliant la bielle avec la manivelle antérieure. On se doute des conséquences. […]
En bas, on entendait qu’il se passait quelque chose.
Ça ronflait, ça cliquetait, ronronnait, grondait, tocquetait.
Le bruit ne dura guère plus d’une minute.
C’était les machines qui, sous l’inspiration du moment, s’adaptaient aux circonstances.
M. Wardrop, un pied sur le grillage supérieur, se pencha pour prêter l’oreille et laissa échapper un grognement douloureux.
On ne stoppe pas en trois secondes des machines marchant à douze noeuds à l’heure, sans y jeter du désarroi.
Dans un nuage de vapeur, l’Haliotis chassa sur son erre en geignant comme un cheval blessé.
Rien à faire.
L’obus à charge réduite avait réglé la situation.
Rudyard Kipling,
in Un beau dimanche anglais.
Traduit par Albert Savine, 1931,
Albin Michel
Le texte original est disponible sur le projet Gutenberg, sous le titre The Devil and the deep sea, in The day’s work.
Moi, mais en mieux (pincer/replier)
˙ʇsǝno puɐɹƃ ǝl sɹǝʌ ǝʇnoɹ uǝ àɾép ıɐɹǝs ǝɾ ǝnbsɹol ǝnb ǝssıɐɹɐddɐ,u lı,nb ɹnod ɹǝʇɐp-ʇsod ǝl sıɐʌ ǝɾ ‘sıoɟ ǝun ɹnod ǝnbsınd ǝɹèılnɔıʇɹɐd ɹnǝʌɐs ɐl à ʇǝllıq un ‘sǝɔuɐɔɐʌ uǝ ʇɹɐdép ǝp ʇǝllıq lǝuuoıʇıpɐɹʇ uoɯ ıɔıoʌ
Euh… pardon…
Voici mon traditionnel billet de départ en vacances, un billet à la saveur particulière puisque pour une fois, je vais le post-dater pour qu’il n’apparaisse que lorsque je serai déjà en route vers le grand ouest. Et puisque je ne fais jamais rien comme tout le monde, je me suis dit que c’était le bon moment pour moi, cette mi-année, de faire un petit bilan de mon année sur terre. Tous les ans, en janvier, je fais un peu le point, je me regarde en face, je me demande ce que j’ai fait depuis tout ce temps et j’essaie d’en tirer du positif. Et tous les ans, je me dis que l’année qui vient de s’écouler était décidément la plus merdique de tous les temps infinis, et que l’année qui va arriver sera meilleure, mais je crois qu’en 2007, j’ai touché le fond. Cette année aura été pour moi la pire de mon existence. L’annus horribilis totale (Et merde, pour une fois que j’essayais d’être sérieux).
[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Jo_Manji.mp3]
Pourquoi ça ? Parce que je vais de déceptions en déceptions, c’est un peu comme si j’avais la déception chevillée au corps comme quelque chose d’indéfectiblement lié à ma chair, un élément constitutif et inséparable. Un bloc de chair et de déception. Rien d’autre. Je me situe réellement et sans misérabilisme aucun comme un éternel abandonné, incapable de retenir les gens autour de moi…
Merde. Fait chier. J’ai du mal. Bon. Stop. Je n’arrive pas à me remettre de cette histoire, mais il va falloir que je vive avec. Même mal. Il va falloir que je change, que je m’endurcisse et que j’arrête d’être un gentil Romuald avenant et charmant et que sais-je encore. Un être de lumière ? Je me souviens que le roi des enfers portait ce nom là. Lucifer. L’ange déchu, celui qui portait la lumière. Ma vocation est peut-être de porter l’ombre sur mon visage. L’ange déchu… c’est peut-être ça après tout.
– Connard !!!!
– Oui ? C’est moi ! J’ai un survêt’ et un berger allemand…
1, 2, 3, soleil… Bernard Blier.
Bon. Désolé, je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Voilà, je suis parti vers l’Océan, le Grand Océan, Mon Océan, maille ocheune. Je ne vous dit pas où je vais, ni combien de temps je pars sinon vous allez retirer le fil de mon blog de votre agrégateur. Mais je reviendrai, c’est certain, ne vous en faites pas pour moi – pourquoi je dis ça, who cares ?
Je suis donc parti, j’emmène avec moi quelques carnets, pour écrire, dessiner si j’ai le temps, j’emmène aussi quelques livres, Rabelais, Proulx, Maximilien Durand, Bryson, Hornby feront partie du voyage, plus certainement quelques autres, j’aime avoir le choix.
Je n’ai pas grand-chose d’autre à dire, si ce n’est que professionnellement parlant, je pars en vacances le coeur léger parce que j’ai appris une très bonne nouvelle, même si je suis quand même angoissé de tout laisser à mes petits collègues qui vont devoir gérer à ma place.
Euh… Voilà.
Juste une chose. Ma rentrée sera compliquée. J’imagine qu’il n’y a rien d’autre à en dire.
Et pour finir, je garde à l’esprit ces mots de Laurent:
Tu as raison. C’est vrai qu’elle est magnifique.
Quant à savoir de quoi il parlait, trois points de suspension.
Un homme qui dort
Tu te lèves le matin avec la tête dans le pâté en te demandant si ce n’est pas ce genre de journée où tu ferais mieux de rester couché parce que décidément une bonne journée ne peut pas commencer avec un léger mal de crâne et l’impression qu’on ne va jamais émerger, mais finalement, tout est calme, il fait beau temps, le vent ne souffle pas, et aucun nuage ne vient encombrer l’horizon, et puis tu te sens reposé, la nuit précédente nuit sans sommeil gommée d’un coup d’un seul, pfiout, partie, envolée, ça va bien, tu te regardes dans le miroir pour une fois, et tu regardes ta peau que tu viens de raser, une peau lisse, agréable au toucher et puis tu ne te trouves pas trop mal dans le reflet, c’est tout toi, charmant et calme, il faut bien l’avouer, les tourments de côté, pour une fois, on peut bien se permettre ça de temps en temps, et oh surprise, tu as de l’argent sur ton compte, alors ouf, ouais, ça, ça fait du bien, c’est pas si souvent, la voix de Tamara dans les oreilles, tu vas rendre un livre à la bibliothèque et malgré le fait que tu aies trois bonnes semaines de retard parce que tu l’avais oublié sur ta table de nuit, la bibliothécaire ne dit rien, elle peut te passer ça pour cette fois, et puis elle est contente que tu fasses amende honorable, bonne attitude, et en passant, tu rends son sourire à Claire qui enregistre les livres d’un air désinvolte, et puis tu reprends ta voiture – tu te rendras compte plus tard que tu as oublié de passer au garage pour prendre ton bouchon d’huile, mais c’est pas bien grave – et tu prends des photos, one shot, ça va tout seul, tu es à l’affût, prêt à dégainer, les photos se prennent toutes seules, des photos que tu n’auras pas besoin de retoucher, sur la route, ta tête est vide, tu ne penses à rien, tes emmerdes de côté, une mise entre parenthèses passagère histoire de reprendre ton souffle et tu passes quelques minutes à tenter de reconstruire savamment le souvenir de celle qui t’a fait croire que tu pourrais un jour être heureux, et tout s’effondre comme un château de sable renversé par les flots, alors oui, bien sûr, tu n’en mourras pas, on ne meurt pas de ces choses là, mais quand même, tu traînes avec toi un sacré bagage et tu te dis que tu n’as pas de bol, en fait non, tu te dis que tu vas en souffrir pendant pas mal de temps, parce que ces choses que tu n’as pas vécues, tu les traîneras avec toi toute ta vie en sachant que tu es passé à côté, et ça fera mal autant que ça t’a fait mal le premier jour, tu vas morfler mon gars, cette souffrance là, tu vas la porter vissée sur ta gueule pendant pas mal de temps, et puis tu te demandes si tu ne l’as pas cherché, si ce n’est pas toi qui as provoqué la tempête, et les minutes passent sur l’autoroute, tu t’engouffres sous terre, tu vas errer dans les rayons d’une libraire et tu vas craquer pour un livre rare d’Anne-Marie Schwarzenbach, un autre de Nicolas Bouvier et pourquoi pas quelque chose d’un peu plus anglais, plus léger, qu’en sais-tu, tu vas regarder les maillots de bain, mais rien ne te plait, alors tu vas acheter de la bouffe à emporter pour croquer un morceau assis à l’ombre sur l’esplanade, caché derrière tes lunettes noires, un souffle frais venant de temps en temps de la gauche, un courant d’air frais sur la droite, tu te laisserais bien aller à piquer un roupillon sur les dalles de béton, et tu te fous un peu de l’heure qu’il est parce qu’après tout, ça fait bien cinq jours que tu bosses sur le même bilan, dix-huit tableaux croisés remplis de chiffres que tu ne comprends même plus tellement tu as eu les yeux rivés dessus et tu te demandes où se trouve la faille, à quel moment tu as merdé, et tu n’en as pas dormi parce que tu demandais à quel moment tu allais bien pouvoir t’en sortir et passer à autre chose, alors tu ne regardes pas l’heure et tu profites de l’air ambiant, simple et naturel, tu te demandes pourquoi tout te semble si beau et que tu te sens si bien, mais surtout tu évites de te laisser bercer parce que tu te demandes à quel moment ça va basculer et pourquoi ça va finir par mal se passer… Tu te poses la question, jusqu’au moment où tu t’endormiras, au terme d’une journée bien remplie.
Photo © Ptrob59