The Gumbo Variations

En 1991, j’ai découvert Franck Zappa. Quatre ans plus tard, il décédait d’un cancer de la prostate. Un choc pour moi qui espérait pouvoir le voir un jour sur scène. A la place, je me suis fait berner en allant voir un tribute à la Cigale peu de temps après sa mort. Ses premiers musiciens avaient mis en scène une sorte de parodie monstrueuse en se moquant ouvertement de l’homme qui les avait viré dans les années 70. Ils ont fini par se recevoir des canettes de bière à la tronche.

Le premier album que j’ai découvert de lui était Hot Rats, sur lequel on trouve hormis Willie the Pimp, un morceau de jazz-rock instrumental d’une force étonnante. Dans The Gumbo Variations, on entend toute une panoplie d’instruments, tous très indépendants et qui pourtant parlent d’une seule voix pour produire un tableau de plus de 16 minutes sur lequel j’adore me trémousser. Trois partie; saxo, violon et la virtuosité de Zappa à la guitare à la fin. Une batterie survoltée et une basse qui ne fait pas de la figuration. On entend également les claviers, loin d’être inutiles.

Quand on pense que ça date de 1969 et que rien de tel n’a plus jamais été produit à ce jour, on voit à quel point Zappa a su marier la musique sérielle et dodécaphonique avec le rock et le jazz. Je m’en étonne encore à chaque écoute. Attention, musique à haute teneur en folie douce et flexions des genoux (pas la peine d’attendre que ça chante, c’est juste instrumental).

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/The%20Gumbo%20Variations.mp3]

(La première fois que j’ai écouté ça, j’avais les cheveux longs, des bottes en daim et une chemise péruvienne, des merguez étaient en train de flamber dans la cheminée…)

Un 27 mars

Cherchez le caban ! Cherchez le caban ! Cherchez le caban !
Non. Aujourd’hui Romuald* ne porte pas son caban mais sa veste en cuir. Agneau.
Et aujourd’hui je vais faire ça. Etre doux comme un agneau.
Même avec cette folle qui parle tout fort dans le train, ses cinq centimètres d’épaisseur de fond de teint sur les joues et son air de poupée de porcelaine défraichie.
Même avec Benjamin qui tous les jours de la semaine me demande comment ça va ? et à qui je réponds bien et toi ? et qui me dit invariablement “comme un (jour de la semaine, faites votre choix)”.
Même avec la chinoise du café d’en face qui décidément est vraiment aimable comme une porte de prison.
Par contre, si vous lisez un quotidien sportif, ne me demandez pas d’être gentil, et sortez de mon champs de vision. Ça, je peux pas. (quand je pense qu’on a cru me vanner en me sortant que le PSG était je sais pas quoi, non mais vraiment, ça me fait une belle jambe).

* (tiens, d’ailleurs, comment dit-on ? Romuald ou Romu-Ald ?)

Un 22 mars

Encore failli me battre ce matin à la gare. Cet idiot a couru vers moi avec son papier sur lequel j’ai tout de suite reconnu la tête de Sarkozy. Je lui ai fait un sourire forcé pour lui signifier que je n’en voulais pas, que j’avais la collection complète, de Besancenot à Le Pen en passant par Bayrou, mais ce foutu imbécile a insisté en me plaquant son torchon sur la poitrine. J’ai regardé son doigt qui me vrillait le plexus et j’ai senti que la moutarde me montait au nez. Je ne suis pas d’une nature nerveuse mais ce genre de trou du cul a tendance à vite me faire basculer. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire qu’il fallait qu’il se calme sans quoi il allait moucher rouge. Il s’est écarté comme s’il venait de s’apercevoir que j’avais une lèpre purulente et je me suis tiré en le remerciant de montrer le vrai visage d’une campagne sournoise. Il a réussi à me faire trembler de rage pendant quelques instants et j’ai serré les mâchoires fort au point de me faire mal… Un peu plus loin, j’ai poussé deux connes qui ne voulaient pas se pousser de devant les tourniquets. Ouais, j’en voulais à tout le monde.

Et puis je me suis calmé en regardant cette fille dans le train, en me disant que définitivement, certaines femmes ne devraient pas se maquiller, parce que ça ne fait qu’empirer les choses.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Monster%20Men.mp3]

Clin d’oeil…

Journée de la flamme (heart of gold)

Ne me demandez pas de faire pareil, je ne suis aucun mouvement, je ne vais jamais dans le sens du courant, je ne suis pas dans le moule, ne me demandez pas ça. Aussi ai-je décidé qu’aujourd’hui ce serait le jour de la flamme; le bon jour pour la déclarer ? J’aurais pu aujourd’hui me maquiller et porter des vêtements de femme, mais je ne sais pas ce que j’en ai fait, je les ai peut-être vendus lors de ma dernière brocante. C’eût été une belle façon de marquer d’une pierre blanche cette journée particulière.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/07%20-%20La%20Femme.mp3]

Ce matin, dans le train, la fille au beau visage s’est assise juste à côté de moi, et j’ai souri en pensant que ça lui permettrait de ne pas subir le même regard vide avec laquelle je l’avais transpercée l’autre jour. J’ai tenté de reconnaître son parfum mais je me suis perdu quelque part dans les mots de Neil Young. J’ai replongé le nez dans mon bouquin quelques instants, puis je l’ai regardée, et je lui ai tendu l’oreillette de mon mp3 pour qu’elle écoute elle aussi. Je suis comme ça, je n’aime pas m’embarrasser d’appréhensions.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Neil%20Young%20-%20Heart%20of%20Gold.mp3]

Oui, je sais, je suis un garnement…

Profil intérieur

5 janvier 2006, je suis en train de remonter la mezzanine, c’est infernal, il faudrait au moins être 3 pour monter ce bazar. Les vis sont à moitié serrées pour éviter le jeu, mais certaines d’entre elles sont à peine emboîtées. Je tiens les deux montants à bout de bras en prenant mon souffle, je regarde au dessus de moi pour voir si tout tient bien et soudain, je vois la traverse tomber directement sur mon visage. A ce moment là, j’ai pensé tout lâcher et me tirer, mais je risquais de tout faire tomber. Résultat des courses, j’ai quand même tout fait tomber quand je me suis pris le nez des deux mains; je venais de me prendre la traverse en plein dessus dans un bruit mat et grossier d’éclat de bois.

J’ai dü perdre un bon demi-litre de sang, la moquette s’en souvient. Vacillant sur mes jambes, je me suis mis à chialer en criant “Bordel !! Ça fait maaaaaaaal !!! Décrire cette douleur est impossible, mais c’est à l’extrême opposé d’un orgasme. Urgences, radios, le verdict est net: fracture transversale des os près de leur extrémité, avec petits décalages des fragments. Pendant quelques jours, j’ai eu un air canaille de boxeur avec mon pansement en travers du tarin. Résultat, une belle cicatrice (ben oui, fracture ouverte, quand-même) et un beau nez busqué en contrepartie.

L’ORL a été net, je n’avais pas de déviation de la cloison nasale. Pour récupérer la forme d’avant, c’est soit j’attends et ça se recolle tout seul avec 80% de chances que ça reste comme ça, soit je passe sur le billard, deux jours d’hôpital avec des mêches dans le nez. J’ai refusé.

Aujourd’hui, j’ai un nez que je ne reconnais pas, modifiant légèrement la perception que j’avais de mon visage. Il faut croire que c’était écrit. Mektoub.

nez

Wide open

Sorti dans le vent sans vraiment me rendre compte qu’il faisait déjà jour, je me suis soudain aperçu que le vent soufflait fort, trop fort et à peine avais-je marché cinquante mètres que déjà je commençais à avoir mal au crâne, les oreilles en ont pris un coup. Ça m’apprendra à aller chez le coiffeur en pleine saison des cyclones.

J’aurais pu demander de me faire coiffer encore plus court, mais disons qu’après je risquais d’exposer la peau du crâne aux intempéries, et puis après tout, c’est juste histoire de changer de tête quelques temps, de marquer une pause, de se faire beau et propre et d’en profiter. Il paraît que ça repousse de toute façon. Continue reading “Wide open”

L'étrange contrée

Ils roulaient vers l’ouest maintenant, sur la grande route de Coral Gables, à travers les faubourgs monotones et écrasés de chaleur de Miami, passant devant des magasins, ses stations-service et des supermarché, au milieu des voitures ramenant les gens de la ville chez eux, les dépassant régulièrement. Ils avaient laissé à l’instant sur leur gauche Coral Gables avec ses constructions qui ressemblaient à celles du Basso Veneto, s’élevant au dessus de la plaine de Floride, et devant la route s’étendait, toute droite mais gondolée par la chaleur, à travers ce qui avait été autrefois les Everglades. Roger roulait plus vite maintenant et la voiture se déplaçant dans l’air chaud rafraichissait l’air qui entrait par le ventilateur du tableau de bord et les déflecteurs des fenêtres.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Ohia-Coxcomb_Red.mp3]

Tu es en train de raisonner comme un de ces écrivains des Grands-Espaces-Américains, se dit-il. Fais attention. Tu ferais bien d’en faire une provision. Regarde la fille en train de dormir et dis-toi que chez nous, ça va être là où les gens n’ont pas de quoi manger. Chez nous, ça va consister à aller là où les hommes sont opprimés. Chez nous, ça va être là où le mal est le plus fort et doit être combattu. Chez nous, ça va être là où tu vas maintenant. Mais tu n’as pas à y aller tout de suite, pensa t-il? Il avait des raisons de retarder ça. Non, tu n’as pas à y aller tout de suite, dis sa conscience. Et je peux écrire les histoires, dit-il. Oui, tu dois écrire les histoires et elles doivent être aussi bien écrites que possible et même mieux. Très bien, Conscience, pensa t-il. Nous allons régler tout ça. J’imagine que, vu la tournure prise, je ferais mieux de la laisser dormir. Tu la laisses dormir, dit sa conscience. Et tu essaies de prendre bien soin d’elle, et pas seulement. Tu prends bien soin d’elle. Aussi bien que je pourrai, dit-il à sa conscience, et j’en écrirai quatre bonnes. Elles ont intérêt à l’être dit sa conscience. Elles le seront, dit-il. Elles seront ce qu’il y a de mieux.


Fence

“Embrasse-moi maintenant.”
Ses lèvres étaient salées et son visage mouillé par l’eau de mer et, au moment où il l’embrassa, elle tourna la tête et ses cheveux trempés virent frapper son épaule.
“Drôlement salé mais drôlement bon, dit-elle. Serre très fort.”
Il le fit.
“En voilà une grosse, dit-elle. Une vraiment grosse. Soulève-moi bien et nous irons ensemble au-delà de la vague.”
La vague n’en finit pas de les rouler, accrochés l’un à l’autre, ses jambes enroulées autour des siennes.
“Mieux que la noyade, dit-elle. Tellement mieux. Refaisons-le encore une fois.”
Ils choisirent une vague énorme cette fois et quand elle se dressa avant de se briser, Roger se jeta avec elle sous la ligne de rupture et quand elle s’écrasa elle les fit rouler comme une épave sur le sable.
“Allons nous rincer et puis nous coucher sur le sable”, dit-elle et ils nagèrent et plongèrent dans l’eau claire et puis se couchèrent côte à côte sur la plage ferme et fraîche, là où l’irruption des vagues venait à peine toucher leurs doigts et leurs chevilles.
“Roger, tu m’aimes encore?”

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Nervous%20_Bride.mp3]

“Je sors, dit-elle. Sens comme je suis fraîche, dit-elle sur le lit. Sens jusqu’en bas. Non, ne t’en va pas. Tu me plais.
– Non. Laisse-moi prendre une douche.
– Si tu veux. Mais je préférerais que non. Tu ne rinces pas le oignons avant de les mettre dans un cocktail ? Tu ne rinces pas le vermouth, non ?
– Je rince le verre et la glace.
– Ce n’est pas la même chose. Tu n’es ni le verre ni la glace. Roger, s’il te plait, fais-le encore. Encore est un joli mot, non ?
– Encore et encore”, dit-il.
Doucement, il suivit la courbe adorable qui allait de sa hanche et ses côtes à l’arrondi pommelé de ses seins.
“C’est une bonne courbe?”
Il embrassa ses seins et elle dit: “Fais très attention quand ils sont froid comme ça. Fais très attention et sois gentil. Tu sais à quel point c’est douloureux ?
– Oui, dit-il. Je sais à quel point c’est douloureux.”
Puis elle dit : “L’autre est jaloux.”
Un peu après elle dit: “Ils n’ont pas bien prévu les choses, que j’aie deux seins et que tu ne puisses en embrasser qu’un. Ils ont tout séparé beaucoup trop.”


Texte: Ernest Hemingway, l’Etrange Contrée (The Strange Country, in Le Chaud et le Froid), traduction Pierre Guglielmina
Musique: Songs: Ohia, Coxcomb Red & Nervous Bride
Photo: © Fotonstudio

Une seule chose à la fois

Je suis le genre de personne à ne pas pouvoir faire plusieurs choses en même temps. Comme on me le dit souvent, je ne sais pas gérer, mais ce n’est pas pour autant que je fais des efforts, parce que quand je ne sais pas faire, je ne sais pas faire et puis c’est tout.

Ce nazillon de gardien qui vient me pourir l’existence parce que ma voiture dépasse d’un mètre sur l’emplacement où il a décidé de mettre les poubelles alors que plus loin il y a quatre bons mètres où il peut fourrer tranquillement ses deux containers !

Quand j’essaie de prendre ma voiture et qu’elle ne répond pas parce que la batterie a laché et quand je me vois prendre le train et donc revenir à pas d’heure, ça me ronge.

Et puis cette fin de grippe me fatigue et me rend irascible. Je ne sens toujours rien, je n’ai plus le sens du goût et mes oreilles sont bouchées.

Tous ces jours m’apportent leur lot d’angoisses

Aussi, quand les petites merdes de la vie s’accumulent, j’ai parfois envie de commettre des meurtres symboliques, foncer dans le tas ou alors faire mon baluchon avec juste de quoi vivoter et partir tenter ma chance ailleurs. Dans un autre pays, partir de rien, là où la vie ne ressemble pas à ce que je connais ici.

Je me désespère de trouver un jour ce après quoi je cours, même si je ne sais pas vraiment ce que c’est. Alors au bout du compte, je n’essaie même plus. Je m’en fous et je me mets au vert quelques jours, histoire de réfléchir un peu. Je me retire du monde, je coupe tout et je ne veux que du silence.

Sinon je craque.

L'art est mort (ou comment on a tué l'esthétique)

J’ai cessé d’avoir contact avec certaines choses, par dépit ou par ras-le-bol. En ce qui concerne la philosophie, j’ai cessé d’entrer en contact avec elle à partir du moment où, comme le préconisait Deleuze, “il faut savoir sortir de la philosophie par la philosophie”. Je me suis attelé à comprendre certaines choses et puis lorsque je me suis rendu compte que j’arrivais aux limites des possibilités de ma connaissance, j’ai tout arrêté, raison pour laquelle je n’ai pas présenté ma maîtrise. J’avais presque terminé mon travail sur la métaphore, j’avais cerné certaines choses concernant Artaud, Lewis Carroll, Theodor Edward Lawrence et puis je me suis rendu compte que la philosophie ne servait pas à se regarder le nombril et à se masturber l’esprit en essayant de décortiquer les concepts sans cesse et de manière itérative.

Musée d'Art Moderne

C’est dans cette démarche que je me suis intéressé à l’art. L’exposition “le mouvement en images” au Centre Pompidou m’a donné à avoir de très bonnes œuvres majeures de l’art contemporain mais aussi certainement ce qui se fait de pire.

Que ce soit au travers d’expériences cinétiques, de happenings délirants ou de l’art conceptuel, il me semble que l’art contemporain, contrairement à l’art moderne, a manqué une marche dans le train logique de l’histoire. Avec Hegel, nous avons découvert la fin de l’histoire, avec Kant, la mort de la philosophie (“Kant a envoyé à Dieu ses gardes ontologiques pour le tuer”), avec Nietzsche, la fin de la religion. Alors quoi ? Que nous reste-t-il ? On pourrait dire qu’il nous reste l’Art. Je crois que c’est Camus qui disait que “si le monde était simple, on n’aurait pas besoin d’art”, ce qui signifie bien la vocation pédagogique et révélatrice de l’art. On dit souvent qu’il est l’expression humaine de la nature, qu’il donne à voir ce que la perception ne permet pas de voir de prime abord, dans un mouvement de dé-voilement heideggerien (ἀλήθεια), dans laquelle la vérité se voile lorsqu’on l’approche de trop près.

Musée d'Art Moderne

Aussi, dans cette démarche, on comprend d’emblée presque toute l’histoire de l’art. Des primitifs flamands à l’impressionnisme en passant par la Renaissance, le classique, le baroque et Titien, on voit se dessiner un mouvement au travers de l’art religieux. L’art qui montre, l’art qui apprend, la peinture et la sculpture qui dévoilent les textes religieux ou qui embrigadent. L’art a toujours eu deux niveaux de compréhension ; un niveau immanent et un niveau transcendant. L’immanent est de l’ordre de l’esthétique (αἰσθητικός, la sensation), c’est qui provoque le sentiment de répulsion ou d’excitation. Le transcendant, c’est tout ce qui dans l’art fait partie de l’intellect, la réflexion qu’inspire une œuvre d’art.

Nous y sommes, c’est là que le bât blesse. L’art contemporain ne provoque plus la sensation, il laisse froid et ne permet pas d’être lu sans mode d’emploi. C’est là que tout part en sucette. A quoi sert l’art s’il devient tout à coup réservé à une élite qui pour le coup est obligée de se droguer pour comprendre ce qu’on lui montre. Lorsqu’on arrive au début du vingtième siècle, avec Brancusi, Francis Bacon, Miró, Jackson Pollock, Pierre Soulages, et bien d’autres, on arrive encore à comprendre parce qu’il y a un sens pictural, un sens de l’œuvre, une sémantique élaborée qui fait encore sens, mais lorsqu’on arrive à l’art conceptuel, la monstruosité des happenings de ces gens qui exposent de la merde en boîte de conserve ou qui s’exposent nus en criant des jurons à l’envi, il n’y a plus rien à comprendre, c’est du vent, c’est n’importe quoi. On en a fini avec l’art. Ces gens ont tué l’art, ils n’apportent rien et tuent toute démarche esthétique.

Musée d'Art Moderne

Plus grave encore, ce qui a été perdu dans l’art, c’est le niveau social. Là où l’art avait cette vocation de décorer les églises, lorsque les peintures de Veronese ornaient les Scuole de Venise pour apprendre aux jeunes peintres, où l’on magnifiait la grandeur politique et religieuse, il n’y a aujourd’hui plus rien. Lorsque je vois ce peintre belge qui barbouille ses toiles de ses propres excréments, je ne vois pas ce qu’il y a de social là-dedans. C’est en partie pour cela que je ne m’intéresse plus à l’art contemporain, principalement parce qu’il n’y a rien dedans. Ce n’est pas bien difficile de se défaire du vide. Et si l’on réfléchit bien, les seuls artistes contemporains qui gardent encore cet aspect social des choses, ce sont les architectes. Eux seuls ont encore à l’esprit des préoccupations sociales, leur vision des choses va au-delà de la simple beauté des choses puisqu’ils réfléchissent avec la notion d’espace, d’occupation, de territorialité, c’est là les seules préoccupations qui doivent encore conduire l’art. D’ailleurs, ce sont là des notions philosophiques, que l’on ne trouve presque plus dans la peinture.