Il est tard ce soir là dans une capitale un jour un peu triste et absurdement désert, le temps n’est pas à la baguenaude et à la frivolité mais il faut bien parfois se changer les idées alors comme il fait froid et qu’il fait nuit dans Paris, je m’en vais sur la route.
Le vent souffle un peu mais dans la voiture on ne ressent plus rien, au contraire le léger ronron de la soufflerie me caresse le visage, col relevé, je me sens bien. Quinzième arrondissement, un quartier significatif qui en cette soirée n’est pas complètement anodin. Rue François Mouthon, petite rue barrée autour d’une petite ambassade, un restaurant népalais qui ne paie pas de mine, une ambiance confinée et chaleureuse à la croisée de la rue Lecourbe et de la rue de la Convention, une bonne odeur inconnue chargée d’épices fortes.
Derrière les panneaux de bois, un courant d’air désagréable me balaie les pieds. Je croque des galettes au cumin, dures comme des biscuits apéritifs et plonge des beignets de viande appelées Shabaleb (que le garçon appelle Sabalè) dans trois sauces, une à la menthe, une autre, douce, au suave goût de banane vinaigrée et une autre troisième fait de légumes, de viandes et d’épices déchirantes. Je termine sur un plat tibétain à base de curry de poulet, d’épinards crus et de lentilles épicées à la cardamome, repu.
La température a chuté d’un seul coup. A la sortie, le vent me harcèle et s’insinue sous mon caban. Désagréable. Il fait moins cinq degrés. Wind chill factor fait baisser la température, un refroidissement éolien qui abaisse tout ça à -9°C. Mais il fait sec encore. Les yeux pleurent tous seuls.
Un peu au hasard, parce que mon fils veut aller voir la Grande Dame de fer et veut monter au troisième étage alors qu’il gèle à pierre fendre, je me retrouve Avenue Emile Zola, puis tout près de la rue du Théâtre à sens unique, un petit café, Lola, qui fait l’angle, ferme ses portes, faute de monde. Il n’est pas très tard encore.
Un doux frisson me parcourt l’échine en repensant au souffle chaud que j’ai ressenti ce jour qui reste marqué au fer dans mes chairs. Les rues se succèdent, les Invalides, l’Ecole Militaire, l’Avenue de La Bourdonnais. Les quais de Seine sont déserts et malgré le froid, quelques rares touristes se font photographier devant la grande sauterelle de fer, les fous.
L’hiver est froid, comme il faut, cette année. Mon cœur est chaud, tendre à point, le café au creux du corps réchauffe mes veines et mon sang mes yeux se ferment il faut rentrer dans le froid de ma banlieue regarde les voitures petit garçon, elles sont pleines de blanc, cette nuit il va faire très froid, va te coucher petit garçon, je viens t’embrasser et n’oublie pas cette nuit de rêver à la liberté que tu chéris. Arrête de trembler, petite mouette.
magnifiques photos pour une belle ambiance d’hiver glacé
tes photos sont toujours en harmonie avec tes textes
J’essaie autant que faire se peut….
mais sont-ce les photos qui sont en harmonie avec les textes, ou les textes qui sont écrits en harmonie avec les photos ?
Je commence par prendre des photos et avec ce j’ai fait, je sais ce que je vais écrire. Je n’ai pas d’idée de ce que je vais écrire avant d’avoir commencé, comme si je ne pouvais pas créer ex nihilo. Ecrire et trouver de quoi illustrer, je sais le faire également, mais c’est généralement avec d’autres photos que les miennes…