Une question de confiance

Photo © Chris Seufert

Pas besoin de diplôme pour prouver ce qu’on vaut. D’ailleurs, mon diplôme, je ne suis même pas allé chercher le jour de la remise. Le seul curriculum vitæ qui ait une valeur, c’est la taille de la bite.
Plus grosse est la bite, plus grande est la confiance en soi.

Dr Christian Troy, Nip/Tuck
(transcription de mémoire)

Ça me fait penser que ça fait deux jours que je n’ai pas fait ma vaisselle et que le filet mignon commence à sentir fort et à coller dans la cocotte.

L’ordinateur rend-il stupide ?

Vers 1882, Friedrich Nietzsche acheta une machine à écrire – une Mailing-Hansen Writing Ball, pour être précis. Sa vue baissait, et il lui était de plus en plus pénible et douloureux de fixer son regard sur un page, sans compter les maux de tête que cela provoquait. Il avait été contraint de réduire les moments consacrés à l’écriture et craignait même d’avoir à y renoncer. La machine à écrire le sauva, au moins pour un temps. Une fois qu’il eut maîtrisé l’emploi des touches, il fut capable d’écrire les yeux fermés, utilisant seulement le bout des doigts. Les mots purent à nouveau couler de son esprit vers la page. Mais la machine eut un effet subtil sur son travail. L’un des amis de Nietzsche, un compositeur, remarqua un changement de style. Sa prose déjà laconique devint encore plus serrée, plus télégraphique. « Peut-être parviendrez-vous avec ce nouvel instrument à un nouvel idiome ? » lui écrivit son ami qui notait au passage que pour sa part, ses « pensées » musicales dépendaient beaucoup de la qualité de l’encre et de la plume. « Sous l’influence de la machine, écrit le spécialiste de Friedrich Nietzsche, A. Kittler, sa prose est passée des arguments aux aphorismes, des pensées aux jeux de mots, de la rhétorique au style télégraphique […]. » Tandis que nous nous reposons sur les ordinateurs pour être nos intermédiaires dans notre compréhension du monde, c’est notre propre intelligence qui devient artificielle. »

Cet article, je l’ai trouvé dans Philosophie Magazine du mois d’octobre. L’auteur en est Nicholas Carr qui se prétend écrivain, dans Atlantic Monthly d’août 2008. C’est un texte que je n’aime pas, au-delà de son aspect anecdotique. Premièrement, je le trouve complètement anti-significatif. Nietzsche n’est pas spécialement le genre d’auteur qui peut servir d’exemple à quoi que ce soit. Ensuite, c’est un texte plein de virgules et vraiment les virgules ont tendance à m’emmerder. Et pour finir, je suis quasiment certain que je ne lirais jamais aucun livre de ce Monsieur Kittler car je trouve son postulat complètement ridicule – et accessoirement je me demande également pourquoi Nietzsche n’avait pas les moyens de se payer un secrétaire ?

PPhoto &copy ThatGirl
Kittler considère apparemment au travers de la mutation de l’écriture de Nietzsche que celle-ci se dégrade précisément parce que son énumération cache la gradation. Il est tout à fait possible – je ne suis spécialiste d’aucun écrivain et surtout pas de Nietzsche qui est un être hautement complexe autant que le sont ses œuvres – que l’auteur de la Naissance de la tragédie ait vu son écriture se transformer avec le passage à la machine comme on peut être presque certain que certains écrivains n’écriraient aujourd’hui pas sans ordinateur. Toutefois, je ne vois pas quoi il se permet de juger la qualité de l’écriture. L’aphorisme, le jeu de mots ou l’écriture lapidaire sont ils à contre-emploi de la littérature ? M’est avis que Kittler n’a jamais dû lire Céline ou Georges Perec, ni Kerouac très certainement (Kittler est-il seulement un contemporain ?). Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il considère la transformation comme un déclin.
En dernier, je dirais que l’ordinateur développe au contraire l’intuitivité, une certaine vision du monde qui se développe en réseau, en grille, selon des formats que l’immanence du monde ne permet pas toujours de percevoir de manière naturelle. Je sais que personnellement travailler sur des tableaux ou des bases de données m’a permis de développer un sens structurel de la donnée que je ne maîtrisais pas du tout auparavant. Ça force à la rigueur, à l’observation, à la problématique qu’il faut résoudre en dehors du champ de ses propres compétences. Et même, j’ai réussi à écrire plus vite qu’avec un stylo. Et tout simplement… écrire.

On est tous des amis d'Orange

C’est assez amusant, je suis justement en train de lire un livre sur le storytelling, cette fabuleuse mode qui s’étend par contagion dans toutes les strates du décisionnel. A ce même moment, je découvre ce site appartement à Orange pour propulser sa solution de réseau social mobile MySocialSpace. La corde sensible, un certain second degré reprenant la campagne de la SPA, c’est le cocktail plus ou moins heureux au travers de cette présentation qui se nomme tout simplement Sauve tes amis.
On appréciera, ou pas.

Conversations de conversations

J’ai lu il y a quelques jours le billet de Karl qui range ses livres. Geste ample des livres qui s’entassent dans les boîtes que l’on va transporter je retrouve des auteurs qui me sont familiers entrer dans l’intimité d’un lecteur comme entrer dans la chambre d’un enfant qui dort et qu’on préserve dans son sommeil je reconnais Barthes et l’Empire des signes Nicolas Bouvier et son Usage du monde Auster et Nabokov. Une mise en perspective née du hasard ou des tailles différentes des volumes que l’on case pour combler un espace resté vacant là juste sur la gauche il reste encore de la place.
A l’inverse moi je déballe mes cartons et je prends un grand plaisir à tout ranger à trouver une place pour chaque chose pour chaque objet et certains mêmes sortent tout juste du carton pour finir dans un sac poubelle comme un cadavre au détour d’un carrefour. Je n’ai pas encore sorti mes livres ils dorment encore je n’en ai sorti qu’un ou deux histoire de marquer le coup reprendre Bret Easton Ellis qui finit par me dégoûter de ses page putrides – j’en parlerai plus tard – pour l’instant je lis avec légèreté en papillonnant tout doit m’être léger en ce moment qu’en surface légère légère.
Du mal à me fixer m’asseoir prendre le temps alors je butine de fleur en fleur et tombe de temps en temps

et j’arrive à découvrir encore comme ce petit espace Inspire Me de Mitternarcht qui a décidé de séparer ses écrits et finalement c’est ce que je devrais faire aussi dès lors que j’aurais retrouvé le rythme l’envie la passion déballé mes livres mes carnets mes secrets trésors cachés là un peu partout au gré de tout ce que j’ai emballé un jour à la hâte. Demain j’arrête et demain je commence même si je ne sais pas vraiment quand sera demain si demain arrive un jour.

Quelques objets…

Voici de quoi m’émoustiller – parler de moi – des choses qui me sont proches – des objets qui font partie de mon existence selon un petit exercice de style de ces trois choses ces trois objets qui ont une histoire et qui comptent pour moi ou qui ont compté à un moment donné. Venu de chez Fabienne, l’exercice est intimiste.

Premier objet: Le HighTech point Pilot V7Grip.
Non, ceci n’est pas un véhicule de course, mais le nom de code de mon stylo habituel. J’ai plusieurs beaux stylos (plume, bille, etc.) dont un Mont-Blanc que ma mère m’a offert pour mes 18 ans et auquel je n’ai jamais réussi à me faire, ainsi qu’une parure Cross que Fabienne m’a offert à mon anniversaire et dont je me sers (surtout du criterium) pour noter mes livres, et aussi un Oberthur en ébène à pointe de carbure un peu gros à mon goût, un stylo doit à mon sens garder des proportions raisonnables, mais il est très beau et je m’en sers surtout pour écrire dans mes Moleskine. Mais voilà, mon stylo de tous les jours, c’est le Pilot, un stylo qu’on trouve dans le commerce pour la modique somme de 2,50€ dans tous les points de vente que j’ai l’habitude de fréquenter, et c’est devenu mon style de référence à tel point que je l’ai exporté sur mon lieu de travail pour m’en servir au quotidien. Ce n’est pas un feutre, ni un stylo à bille à proprement parler mais une pointe ronde à encre comme j’avais l’habitude de m’en servir dans les années 90 au lycée. C’est un stylo dont la mine glisse sur le papier et qui ne se trouve jamais bien loin de moi. J’en ai une dizaine par-devers moi et lorsqu’un d’entre eux vient à être vide, c’est toujours avec un pincement au cœur que je me résous à le jeter.

Second objet: L’album Dark side of the moon de Pink Floyd.
Album mythique parmi tous, c’est un vieux LP 33 tours que je garde bien précieusement dans sa pochette. Il est tout abîmé aux coins, la colle qui sert à retenir les deux parties en carton ne colle plus depuis belle-lurette. Je l’ai encore écouté le week-end dernier (après avoir rebranché ma platine sur ma petite chaine Technics que j’ai eu pour mes 18 ans et qui fonctionne toujours) et je dois dire que je suis admiratif devant la qualité du sillon qui a résisté à des centaines et des centaines d’écoutes. Quelques sauts apparaissent ça et là mais rien de bien sérieux. La particularité de cet album c’est qu’il a été acheté l’année de sa sortie en 1973 par ma mère, un an avant ma naissance et qu’il est toujours dans un état impeccable comme si c’était une relique incomparable. A l’intérieur de la pochette, et je m’en étonne toujours à chaque fois que je regarde dedans, deux posters, un rouge avec les cinq musiciens, un bleu représentant les pyramides de Gizah, et enfin une carte postale autocollante représentant également les pyramides, des palmiers… Un objet d’une valeur incroyable pour moi. C’est le seul qui est capable de me rappeler les jours d’enfance où je vivais avec mes parents, je me souviens que je m’affalais sur le grand canapé vert en velours qui m’a suivi jusqu’en 2005 et que j’écoutais ces sons planants…

Photo © Brian B

Troisième objet: La Maison de Bouddha.
C’est un objet venu du fin-fond de mon enfance. C’est une petite pagode en métal peint qui, je me le suis fait confirmer par mon grand-père, appartenait à son frère, origine inconnue… Il a longtemps traîné sur les étagères du salon de ma mère jusqu’à ce que celle-ci, sur le point de vendre sa maison m’a dit “Prends tout ce que tu veux.” Alors j’ai pris cette pagode, ainsi qu’un autre objet, un bouddha tenant sur une jambe, certainement en bronze, un objet relativement grossier mais dont on sent que ça sent l’objet chargé d’histoire. Celui-ci, je le sais, vient de Syrie. La pagode a ceci de particulier qu’elle renferme un petit bloc dont on m’a toujours dit que c’était l’âme de la maison. Un petit objet qui m’évoque le passé, la transmission, le mystère des origines, la préciosité, et surtout, ma famille.

Et…

Puis, je me suis dit,
qu’un jour, peut-être,
il faudrait que je recommence
à écrire…
Parce que ça me ferait du bien
de penser à quelque chose qui
ne soit pas foncièrement…
Je ne sais pas
C’est bien comme ça
Pas triste
Presque heureux
Le vent dehors qui souffle fort
Pas courant
Tiens,
Il fait nuit
Dehors

Peter Gallagher

Photo © Peter Gallagher

Des livres dans la poussière

Un soir, j’étais assis sur le lit dans ma chambre de l’hôtel de Bunker Hill, en plein milieu de Los Angeles. C’était un soir important, car je devais prendre une décision pour l’hôtel. Soit je payais, soit je décampais ; c’est ce que disait le mot, le mot que la tenancière avait glissé sous ma porte. Un problème d’une telle importance méritait une grande attention. Je le résolus en éteignant la lumière et en m’endormant.

John Fante
Demande à la poussière

Photo © Chris Brown

J’ai retrouvé ce livre de Bret Easton Ellis, Zombies, dans un des cartons que j’ai déballé il y a peu et sur lequel j’avais écrit « Livres de la chambre » comme si certains livres avaient un emplacement privilégié et par livres de la chambre il faut entendre livres de chevet mais pas livres de chevet au sens où ce sont des livres qu’on ne quitte pas, mais au sens de livres qui étaient sur la table de chevet au moment où je les ai fourrés dans le carton, et parmi ces livres, ce livre que je n’avais jamais ouvert, sans réellement me décider parce que je ne connaissais pas encore cet auteur dont entre temps j’ai lu deux œuvres, c’est à croire que comme je le pense, certains livres ont besoin d’un temps de maturation avant de se trouver sur le marché et d’avoir une audience suffisante, un potentiel d’écoute dont le point de chauffe arrive à son apogée.
La semaine dernière, j’ai acheté une revue, attiré par sa couverture affichée en grand derrière la vitre du kiosque ; un mot en rouge, une couverture représentant une assiette pleine de bijoux clinquants qu’une femme s’évertue à vouloir découper avec des couverts ; l’argent nourriture, objet de délectation et de luxe qui se consomme comme un bon steak saignant ; la monnaie vivante de Klossowski ? Ce n’est pas tant la couverture qui m’a attiré que les sous-titres et notamment celui-ci « Architecture, comment déconstruire sa maison » qui inévitablement ne pouvait que piquer ma curiosité. Alors je l’ai acheté. C’est Philosophie Magazine, quelque chose qui semble assez pompeux comme ça, mais réellement je me suis fait charmer par un magazine qui, bien évidemment parle de philosophie mais là où je m’attendais à trouver des articles pompeux et soporifiques sur la Phaemonologie de Hegel ou sur les Holzwege de Heidegger (ce qui somme toute est bien loin d’être soporifique), je me suis trouvé face à une feuille de choux qui traite intelligemment de thèmes communs avec le regard et l’analyse (oui je sais, ça fait grincer des dents) de la philosophie en suivant ainsi le précepte de Deleuze qui voulait qu’on sorte de la philosophie par la philosophie. Nous y sommes. Politique, architecture, vie d’entreprise, littérature, nous y sommes, le cadre de la philosophie est dépassé. Et cette petite revue de presse charmante composée par Sven Ortoli dans laquelle je trouve ces mots :

Le premier réacteur nucléaire du monde a été classé monument historique. Situé à Hanford, dans l’état de Washington, il avait produit le plutonium nécessaire à la première explosion atomique, dans le désert du Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945.
C’est en observant l’explosion que Kenneth Brainbridge, le responsable du test, déclara à Robert Oppenheimer : « Maintenant, nous sommes tous des fils de pute. »