Le carnet voyageur…

Je n’avais encore pas tout exposé ici, mais c’est désormais réparé.
Toutes les pages du Grand Cahier Moleskine que j’avais réalisé pour le salon du livre de Londres et qui au passage a fait un petit tour par Francfort et Tokyo pour d’autres exhibitions, toutes consacrées à la marque Moleskine pour la promotion de la marque (un exercice marketing ingénieux qui consistait à faire exposer des “moleskiners” du monde entier), sont désormais exposées ici-même, sur ma page dédiée au carnet noir à peau de taupe.

Grand Cahier Moleskine 8

Bientôt, un nouveau moleskine… (oui c’est du teasing)

Pour m'endormir

Depuis que je suis arrivé dans cet appartement il y a maintenant six mois je regarde tous les soirs vers le sud à peu près à vingt kilomètres au sud, au-delà de la colline de Sannois derrière la frange des arbres, depuis ce tout premier soir dans la chaleur approximative de septembre debout sur mon balcon à regarder au loin et c’est à partir de ce moment précis où j’ai eu l’impression d’avoir été flashé par le faisceau d’un phare — un phare ici à un minimum de deux cents cinquante kilomètres de la première étendue océanique et du premier grain de sable iodé — et quinze secondes plus tard — une réminiscence, deux éclats blancs toutes les dix secondes — le même faisceau, j’ai réussi à l’isoler dans mon champs visuel, une lumière vive qui au cœur de la nuit illuminait les murs et les vitres derrière moi ; je me suis rendu compte que j’étais face à la plus belle tour du monde qui répandait sa lumière jusque chez moi ; le soir lorsque je pose la tête sur mon oreiller et que je regarde par la fenêtre dont je n’ai pas complètement fermé le store pour me permettre de profiter de cette candide lueur, seulement trois fois de suite, je finis par fermer les yeux et m’endormir immédiatement dans le calme de l’obscurité étincelante…

La Grande Dame

Χ(Ω)

Sur ma gauche, dans la grande salle de réunion, un type que je n’ai jamais rencontré parle avec l’assurance des grands experts, ceux qui ont l’humilité suffisante pour parler de grandes idées, de grandes modélisations avec un détachement et une pédagogie nécessaires à une compréhension exempte de toute pédanterie. Il est chauve et petit, porte des lunettes rondes et un sourire rigolard de bon vivant. Son regard est vif comme un saumon remontant le courant jusqu’à sa rivière natale et son humour décalé aussi fin qu’un filet de sole. Il dit que ce modèle de probabilisation a été tellement complexe à mettre en place qu’il s’en est arraché les cheveux… Si je puis dire… Et de décrocher des rires de la part de son assemblée. Il s’appelle Gilles.

Photo © Jean-François Chénier

Pourtant, tandis que jusqu’à segmentation et probabilisation, j’étais à peu près en phase avec mon interlocuteur, j’ai commencé à décrocher lorsqu’il a été question de loi de Poisson, de Gamma Poisson en cohérence avec la loi de distribution bêta binomiale, de diGamma non-linéaire, de loi de Polya, d’inégalité de Bienaymé-Tchebychev, je me suis laissé bercer par le doux son de sa voix, le soleil me chauffant le dos, je me suis pris à rêver d’un monde dans lequel la formule pouvait être réduite à un simple affect.
Et δanς λequεl j’étαiς en τρaiν de m’ενδωrμir… Le Σ est notre ennemi.

You see what I mean – Un goût de cendres

A l’heure où la nuit avance tout doucement sous couvert d’infortune, les ombres glissent sur les murs, se répandent et s’étirent comme d’immenses flaques d’huiles ou ces esprits que l’on représente comme tel, des djinns, la fumée avance et masque tout sur son passage, laisse un goût de cendres dans la bouche, une arrière sensation poisseuse et crasse dont la couleur est toujours indéfiniment grise…

n° 12 Un goût de cendres

Un goût de cendres

« You see what I mean » comme une affirmation, ou comme une question, une question qui amène une réponse à l’autre bout du monde, ou plutôt deux questions qui interrogent le monde et par lequel on répond avec l’œil du spectateur au travers de l’objectif. C’est le défi auquel nous nous plions Fabienne et moi, une fois par semaine autour d’un thème choisi d’un commun accord. L’orientation choisie, nous nous faisons la surprise de l’image avec notre personnalité, notre regard, notre sensibilité, pour donner naissance à de nouvelles perspectives qui étonneront certainement autant les visiteurs curieux que les auteurs.

Retour à Assouan

Des années après je crois que j’ai du mal à m’en remettre, les senteurs des quartiers sombres – un air de ney le soir sur le bord du Fleuve nourricier, le bazar les épices et les couleurs et surtout la lumière, crue la journée, suave le soir un odeur de fleurs d’hibiscus infusées sucrée comme le vent frais… Rien ne sait me faire retrouver ces sensations, les îles et les felouques, la douce candeur de l’eau sous mes pieds et les pierres blanches de l’autre côté sur le flanc de la colline. Encore le grès sur mes doigts et son contact rugueux, abreuvent mes rêves, cette nuit encore, j’étais au Shepheard, un Coran à la couverture de cuir verte et dorée dans le tiroir de la table de nuit.
Demain, j’y suis à nouveau.

assouan

Rouge

Rouge comme le sang qui s’écoule de la montagne. Rouge comme le sang qui s’écoule des entrailles d’un animal fraîchement tué. Rouge comme le soleil qui rougeoie sur l’océan aux couleurs du rocher fascié. Rouge comme l’auréole au-dessus du temps, celui qui m’écrase. Rouge comme ce qui coule sous ma peau. Rouge comme ton pull au bord du fleuve. Rouge la colère de ta couleur. Rouge comme tes lèvres brillantes ce soir-là sur le boulevard. Rouge comme le feu derrière toi sur la photo. Rouge comme le secret le plus intime qui te rend belle. Rouge comme la lumière dans ta chambre au-dessus de l’enseigne lumineuse. Rouge comme la silhouette de tes seins flamboyants contre ma poitrine.
Rouge comme ton regard plein de haine lorsque je t’ai dit non et tout un fatras d’autres choses dont je ne me souviens plus. Rouge comme le sang sous tes ongles et ma peau lacérée pantelante et mon souffle sur ta gorge. Rouge comme la fleur carnivore, cet étrange hibiscus entre tes cuisses.
Aussi rouge que… non, quand même pas…
Rouge comme tout ce que tu portes, sur tes vêtements et sur ta peau.
Rouge comme tout toi et le souvenir…
Je déteste le rouge…

rouge

Replay

Je crois que j’en ai marre de me dire que je n’ai pas le droit de profiter de mes soirées, ni des jours de congés que je peux planifier pour prendre un peu le large avec mon travail, je n’ai pas le droit d’avoir un peu de disponibilité d’esprit pour faire autre chose que travailler ou même penser au travail, essayer de formaliser ce que j’ai fait, l’écrire, penser à renseigner tel fichier, à faire telle modification, valider telle donnée ou supprimer telle… Merde, j’en ai marre. Je veux pouvoir rêver dans ma vie et passer un week-end sans être bloqué du dos lorsque je me réveille le samedi matin parce que je me pourris la vie avec des trucs qui n’en valent vraiment, mais alors vraiment pas la peine.
Alors je vais aller me coucher, prendre un bouquin et tenter d’avoir plein d’idées comme j’avais l’habitude d’en avoir, en quelque sorte une habitude plaisante, en attendant d’appuyer sur la touche replay et que tout recommence, dès demain matin…

Replay

You see what I mean – Sur le papier

C’est toujours mieux sur le papier, c’est toujours plus frais et plus consistant, il y a toujours plus à voir sur le papier que dans la réalité parce qu’en vrai c’est toujours un peu décevant, un peu plus terne et un peu plus saugrenu même. Et c’est vrai. Sur le papier c’est toujours mieux parce que le papier permet de ne pas se teinter de la couleur désespérante de la réalité. On nous avait dit vous verrez ce sera bien et tout, mais en fait, c’est quand même mieux sur le papier.
Alors oui, définitivement, c’est toujours mieux et c’est tant mieux.

n° 11 Sur le papier

Sur le papier

« You see what I mean » comme une affirmation, ou comme une question, une question qui amène une réponse à l’autre bout du monde, ou plutôt deux questions qui interrogent le monde et par lequel on répond avec l’œil du spectateur au travers de l’objectif. C’est le défi auquel nous nous plions Fabienne et moi, une fois par semaine autour d’un thème choisi d’un commun accord. L’orientation choisie, nous nous faisons la surprise de l’image avec notre personnalité, notre regard, notre sensibilité, pour donner naissance à de nouvelles perspectives qui étonneront certainement autant les visiteurs curieux que les auteurs.