Je lui rétorquais: « Il n’y a que le geste qui compte, le style! »
Il me tournait le dos et grommelait: « Pauvre con. »
Jean-Paul Dubois, Parfois je ris tout seul
Jour 3
à vendre: 8 années Bush
Le feu d’artifice a été tiré, les visages se sont tordus, grimaçant d’allégresse et de pleurs et aujourd’hui que la liesse est un peu retombée, il va falloir attendre de voir ce qui va se passer.
Mon souhait le plus cher c’est qu’Obama revienne sur huit années de mépris de la dignité humaine dans ce qu’elle a de plus simple (Georges W. Bush avoua lui-même devant les caméras que le terme de dignité était très vague…), huit années pendant lesquelles les lois ont été détournées – se basant sur des textes internationaux modifiés à la demande de Staline en personne – pour piétiner avec joie la Convention de Genève de 1949 sur le droit international humanitaire.
Parce que mon premier souhait est que tout ceci s’arrête : Continue reading “à vendre: 8 années Bush”
Jour 2
Hier, rue de Levis, Paris 17è, j’attendais la tête en l’air que le temps se dépêche et que quelques minutes passent sous les ponts. Rue de Levis sans voitures, juste les derniers badaux égarés dans l’automne qui s’étire comme une lanière de guimauve, par l’ouverture d’une porte cochère, je suis arrivé dans cette petite cour intérieur à la lumière étrangement blanche. Hapé par la douceur de l’atmosphère et la douce géométrie du lieu, je m’y suis engouffré l’espace d’un instant, sans le bruit de la rue, transposé dans un univers calme qui ne ressemble pas à Paris.
Jour 1
Une photo par jour, depuis là où je veux.
Ce matin, puisqu’il faut bien commencer quelque part, j’étais dans la chambre de mon fils et je regardais le soleil pointer entre deux bâtiments, les arbres nimbés de brume épaisse. On aurait quelque chose de plus que l’aube d’une journée, comme si quelque chose de nouveau était en train de naître. Et puis c’est une des vues que l’on a depuis mon balcon.
Les vikings et la tronçonneuse
Les Championnats du monde de tronçonneuse de précision 2008 sont terminés. C’est merveilleux, je ne m’y attendais pas. C’est ce qu’on annonce avec fierté sur le site officiel de Husqvarna.
Husqvarna, c’est une marque avec pignon sur rue, dont les produits phares les plus connus sont des tronçonneuses dont peuvent s’enorgueillir nombres de jardiniers, paysagistes et autres artisans horticoles du monde entier. Alors, on le sait un peu moins, mais Husqvarna ce sont également des machines vouées à la construction – personnellement je trouve que ça correspond plutôt à de la déconstruction – avec des lames énormes et qui j’imagine doivent produire un paquet de décibels ; disqueuses en tout genre, à carrelage, à bitume, à béton, bref, de la grosse machinerie pour des hommes qui travaillent en débardeur et avec un casque anti-bruit, odeurs d’aisselles et poils sur les bras à la clef.
Là où je suis plus circonspect, c’est quand je vois (je le savais déjà depuis quelques temps) que cette marque fabrique également des machines à coudre sous la marque Husqvarna Viking. A en croire le site qui nous raconte l’histoire de la marque, en 1689, le Roi de Suède fonde une manufacture d’armes royale à côté des superbes cascades de Huskvarna. En 1872, quelques artisans de l’usine sont passés des armes à feu à la production de biens beaucoup plus pacifiques – les machines à coudre.
Je suis passablement étonné que ce soit la même entreprise qui fabrique à la fois des outils tranchants et d’autres destinés à assembler, coudre, recoudre. Il y a quelque chose de profondément vain et contradictoire dans cette histoire. Et puis d’accord, on ne peut peut-être pas faire la guerre avec des machines à coudre, mais rien ne peut empêcher qui que ce soit à se battre violemment à coup de tronçonneuse ou de disqueuse. Logique.
A la poursuite d'octobre orange
C’est un peu tristoune ces jours-ci sur ces pages. Pas grand-chose qui se passe. C’est plutôt mort. En fait, je passe pas mal de temps à lire, des choses pas très gaies, mais des choses de l’actualité, des choses dans les journaux et dans des livres qui racontent des histoires de ce monde contemporain. Je découvre des écrits éclairants sur ce qui m’entoure et dont je me suis écarté.
J’ai écrit ce texte il y a 18 jours et depuis rien ne va vraiment droit dans le monde financier, dans les salles des marchés et dans les couloirs des banques. Pourtant, ce n’est pas vraiment la crise, il n’y a pas de crise, ce ne sont que des indicateurs qui s’affolent, des boussoles qui ne montrent plus le nord à ceux qui sont censés gouverner le bateau, et il n’y a pas plus de crise en ce bas-monde que de poux sur la tête d’un chauve.
J’ai écrit ce texte un peu par dépit, pour prendre la température du temps, et j’ai désormais la conviction, avec les quelques jours qui sont passés, avec le recul, que quelque chose est en train de se passer. Non, ce n’est pas la crise, c’est plutôt quelque chose qui est de l’ordre d’un renversement de tendance. Pas de souci à se faire, les banques peuvent compter sur l’Etat-Providence quand ça l’arrange, mais pas la CAMIF qui vient de fermer brutalement ses portes ni les quelques 700 futurs chômeurs qui vont très bientôt pointer aux ASSEDIC. Nous sommes réellement à l’aube d’une nouvelle ère, et ça ne fait que commencer.
Nous sommes le 10 octobre, je décide de prendre les armes.
Ce matin en sortant de la bouche du métro, un clochard dégueulasse me regarde en hochant la tête comme s’il me reprochait quelque chose, il y a peut-être de quoi. Un peu plus loin, une petite dame tient une revue à la main, la Tour de Garde, les témoins de Jéhovah, sur la couverture est écrit “Réveillez-vous” – je me demande si c’est un message spécialement adressé aux matinaux ou si la portée est plus globale. En même temps, je ne sais plus trop si ce sont eux qui dorment ou si ce sont les autres. Ce qui m’amuse dans les croyances, c’est que chacun des camps concernés est persuadé d’être dans la lumière de la révélation et que l’autre partie est nécessairement dans les ténèbres de l’ignorance. Être croyant est une attitude que je refuse, de peur de tomber dans l’irréversibilité de la doctrine et de finalement exclure le jugement de l’autre.
Je vais acheter des timbres au tabac, on m’annonce 6.60€. Je tique. Ça fait 0.66€ le timbre ? Non Monsieur, c’est vendu en carnet de 12.
Beauté froide dans le métro, cheveux auburn coupés au carré, visage d’ange démoniaque à la peau blafarde.
Cet après-midi je suis en direct les cours de la bourse. Le CAC40 plonge littéralement (-21.51% sur 5 jours), c’en est effarant. Un rapide tour d’horizon sur Boursorama et je cligne des yeux, les indicateurs s’affolent. Au 1er janvier, c’est une perte nette de -42.99%. Je tourne les yeux du côté de Libération qui comptent les heures et les minutes:
15H44 La Bourse de Paris accélère sa chute après l’ouverture en net recul de Wall Street, l’indice CAC 40 plongeant de 10,57% à 3.078,67 points, après avoir perdu jusqu’à plus de 11%,
15H43 La Bourse de New York plonge, le Dow Jones chutant de près de 8% quelques minutes après l’ouverture, et passant sous les 8.000 points pour la première fois depuis avril 2003.
15H42 Londres et Madrid s’enfoncent aux alentours de -10%, après l’ouverture de Wall Street.
15H39 La Bourse de Sao Paulo, suspend ses opérations après une chute de plus de 10%, à 33.313 points.
15H32 Wall Street ouvre en nette baisse, avant la réunion du G7 à Washington: le Dow Jones perd 1,62% et le Nasdaq 3,25%.
A 15h30, la chute est vertigineuse à -10.85%, on se croirait sur les montagnes russes. La Société Générale perd 15.76%.
Je me rends compte que l’information sortie de son contexte n’est pas parlante. En effet quelques minutes plus tard:
16H14 Wall Street se reprend, le Dow Jones repasse même légèrement en positif (+ 0,40%).
16H27 Dans la dynamique de Wall Street, Paris limite les dégâts (- 5,45%).
16H42 Le discours de George Bush ne semble pas avoir rassuré les marchés qui repartent à la baisse. Le Dow Jones est à – 3,62%. -> ça c’est drôle !!!
A côté de ça, au Japon, ça va mal aussi, mais chez eux, ça se stabilise sans remonter. Le Nikkei revient quasiment au niveau de 2003.
Parfois, je me dis que les annonceurs ont vraiment un goût de chiotte.
17H41 La Bourse de Paris termine sur un nouveau plongeon, emportée dans le tourbillon de panique mondial, le CAC 40 cédant 7,73% à 3.176,49 points, soit une perte de 266,21 points à la clôture pour conclure la pire semaine de son histoire.
Voilà, la journée se termine sur ce chiffre. Tandis que je termine ma journée, j’écoute Dans les coulisses du cahier des livres de Libé.
17H53 Chute historique à Prague qui perd 15%!
– Je cherche le poivre.
– Du poivre comment ?
– Du poivre un peu sexy…
– Y’a du poivre à steak là.
– T’aurais pas plutôt du poivre Inca ?
– …
Il est 0h24. J’ai perdu mon deuxième Naomi Klein ! Et ça m’énerve !!
Nous sommes réellement à l’aube d’une nouvelle ère, et ça ne fait que commencer.
La mort de l'idée, l'image et l'avènement de l'histoire
Sarah Palin et John McCain, c’est l’image la plus terriblement conservatrice d’une Amérique rurale et blanche, mais avant tout, c’est pour l’une l’histoire de sa famille, de son fils engagé en Irak, de sa fille qui n’a pas avorté et d’elle-même qui a donné naissance à un fils trisomique, une femme qui touche le cœur des bonnes mères de famille américaines, et pour l’autre, c’est sa foi de chrétien, son sentimentalisme face aux parents qui pleurent leur fils mort au combat, ses pairs, les soldats auprès desquels il s’est battu à Hanoï.
Barack Obama, c’est l’histoire d’un jeune métisse ambitieux à la morale irréprochable, homme bien sous tout rapport, hautement diplômé, élégant, dansant devant les caméras (parce que les Blacks ont le rythme dans la peau, c’est bien connu), à l’origine de lois contre les fraudes, le lobbying et la corruption, et c’est aussi cet homme qui en pleine campagne déclare qu’il fait une pause pour prendre l’avion, cap sur Hawaii au chevet de sa grand-mère mourante.
Les élections américaines, à douze jours du scrutin, ce ne sont pas des idées, un programme, des conceptions, des vues sociales ou mêmes des opinions. Ce ne sont même plus des images, car les images ne portent plus en elles suffisamment de signifiant pour faire basculer les intentions de vote. Aujourd’hui, les élections américaines, ce sont des histoires et ce sont des histoires qui entrent en campagne, et comme dans ces joutes verbales entre comédiens de théâtre, c’est la meilleure histoire qui l’emportera.