La mort de l'idée, l'image et l'avènement de l'histoire

Sarah Palin et John McCain, c’est l’image la plus terriblement conservatrice d’une Amérique rurale et blanche, mais avant tout, c’est pour l’une l’histoire de sa famille, de son fils engagé en Irak, de sa fille qui n’a pas avorté et d’elle-même qui a donné naissance à un fils trisomique, une femme qui touche le cœur des bonnes mères de famille américaines, et pour l’autre, c’est sa foi de chrétien, son sentimentalisme face aux parents qui pleurent leur fils mort au combat, ses pairs, les soldats auprès desquels il s’est battu à Hanoï.

John McCain

Barack Obama, c’est l’histoire d’un jeune métisse ambitieux à la morale irréprochable, homme bien sous tout rapport, hautement diplômé, élégant, dansant devant les caméras (parce que les Blacks ont le rythme dans la peau, c’est bien connu), à l’origine de lois contre les fraudes, le lobbying et la corruption, et c’est aussi cet homme qui en pleine campagne déclare qu’il fait une pause pour prendre l’avion, cap sur Hawaii au chevet de sa grand-mère mourante.

Barack Obama

Les élections américaines, à douze jours du scrutin, ce ne sont pas des idées, un programme, des conceptions, des vues sociales ou mêmes des opinions. Ce ne sont même plus des images, car les images ne portent plus en elles suffisamment de signifiant pour faire basculer les intentions de vote. Aujourd’hui, les élections américaines, ce sont des histoires et ce sont des histoires qui entrent en campagne, et comme dans ces joutes verbales entre comédiens de théâtre, c’est la meilleure histoire qui l’emportera.

5 Replies to “La mort de l'idée, l'image et l'avènement de l'histoire”

  1. dans le cas de Palin, je n’arrive pas à voir en quoi les mères de famille américaines estiment que c’est une bonne mère. C’est une femme qui a été incapable d’expliquer à sa fille de 18 ans le bon usage d’un moyen de contraception. C’est une femme qui a décidé d’avoir un enfant (le 5ème) à un âge où le risque d’avoir un bébé atteint du syndrome de Down est élevé. C’est une femme qui, avec un bébé de 3 mois, s’embarque dans une putain de campagne présidentielle, avec l’objectif de devenir vice-présidente. La bonne mère de famille que voilà a donc décidé d’accepter (si elle est élue) un job qui l’empêchera sérieusement de consacrer du temps à sa famille. Je ne dis pas que les mères de famille ne doivent pas avoir des responsabilités; mais la réalité est que ces responsabilités impliquent tout de même de sérieux sacrifices au niveau familial. Et en l’occurrence, quand on a un bébé trisomique, la place d’une bonne mère est-elle à la Maison Blanche (ou sur les routes à faire campagne) ou auprès de son enfant ?

  2. Sans compter que quand on a un mari qui s’appelle Todd, et qu’on nomme ses fils Track et Trig, on devrait même avoir le droit de parler en public. Tic-tac-toc

    (oui je sors)

    (et oui du coup ce commentaire est assez éloigné du thème de ton billet, qui est par ailleurs fort intelligent)

    (je suis sortie)

  3. Mais ce que les américaines aiment en elle c’est son côté combattif, nécessairement positif, foncièrement conservateur et moral et personnellement, lorsque je regarde les bonnes mères de famille tous les jours lorsque j’emmène mon fils à l’école, je vois en elles le visage de celles qui secrètement ne rêvent à rien d’autre qu’à l’expérience de la vie sociale réglée par des codes stricts dans lesquels rien ne déborde. Je ne suis pas plus étonné que ça, sincèrement, par contre,là où je suis étonné, c’est de voir une Amérique laminée financièrement, au bord du précipice et complètement en perte de vitesse dans la course au pouvoir sur le plan international qui n’arrive pas à sortir de cette vision étriquée de l’humanité. New-York et ses idées progressistes ne sont malheuremsent pas toute l’Amérique. Et ce qui fait que les Américains sont les Américains, c’est à dire les armes et une propension incroyable à la débilité ne leur servira bientôt plus à rien, et au contraire, c’est certainement ce qui les détruira.

  4. “c’est de voir une Amérique laminée financièrement, au bord du précipice et complètement en perte de vitesse dans la course au pouvoir sur le plan international qui n’arrive pas à sortir de cette vision étriquée de l’humanité.”

    ah mais, au contraire, moi ça ne me surprend pas. Quand tout va mal, on a deux choix: on se rabat sur les vieilles valeurs (et pour une majorité d’Américains, ça se résume à 2 mots: God et guns) ou on casse le système pour se construire de nouvelles valeurs. Je ne crois pas qu’on puisse casser un système quand on est une nation telle que les USA, qui n’a pas vraiment de coeur (au sens géographique, social et politique), qui est socialement éclatée entre une élite toujours plus riche et des working poors toujours plus pauvres, qui a une histoire sanglante depuis sa création.
    Obama représente une tentative de renouveau, mais la question qui se pose est renouveau vers quoi ? Il n’y a pas de cohésion sociale aux USA (peut-être parce que le pays est trop grand) et je crois que, paradoxalement, l’individualisme, le “chacun pour soi” et le clanisme vont s’imposer de plus en plus si Obama est élu, car beaucoup seront ceux qui n’auront pas confiance en ce nouveau gouvernement. On va d’ailleurs sans doute beaucoup plus voter contre McCain que pour Obama. Et ça ne peut que conduire au désastre. Je ne pense pas qu’il faille s’en réjouir, car c’est un pays qui, qu’on le veuille ou non, qu’on l’aime ou non, a une influence énorme sur le reste du monde. Et chaque fissure qui va apparaître dans sa structure se fera ressentir ailleurs.

  5. Finalement, je me demande si les USA n’auraient pas besoin d’un grand choc social. Pas un choc comme les attentats du 11 septembre, mais une remise à zéro totale des fondements de leur société. Prohiber les armes, imposer un régime basé sur la réglementation des marchées, renationaliser le secteur privé. Ce que tu dis est vrai, cette nation n’a pas de coeur, pas de centre, car le centre est partout. L’américanocentrisme risque de prendre du plomb dans l’aile ces prochaines années.

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