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J’ai la gorge un peu nouée. Ou peut-être est-ce simplement un mal de gorge qui couve ?
Contre toute attente, je me mets à aimer les chiffres, je les caresse du bout des doigts comme des bibelots dans une vitrine, rappelant des souvenirs de voyage ou siégeant ici comme les restes d’une époque depuis longtemps révolue. Je compte les jours, je les regarde défiler, sachant mieux que jamais retenir les dates les yeux rivés sur l’éphéméride. Et je souris.
J’utilise un utilisophone. Un instrument pour parler dedans.
Puis-je m’asseoir à côté de vous, mademoiselle ?
J’ai accéléré régulièrement en laissant le campus dernière moi. Je ne savais pas où j’allais. Je désirais un lieu inhabité. Je n’avais plus de foyer. New-York puait. J’ai regardé ma montre. Midi. Ça m’a semblé bizarre. Mais j’avais plaisir à conduire sans trop de bagages, et le D.J. passait des chansons extras. Clapton, Petty ans the Heartbreakers, Left Banke qui chantait: …just walk away Renee…
« Je t’ai aimée », je lui ai dit la dernière fois que nous étions ensemble. J’ignorais que ce serait la dernière. Nous étions tous les deux en bas, de retour à la fête, j’ai regardé son visage, ses cheveux ramenés en arrière, ses joues encore un peu rouges après l’amour. Il y a chez elle certaines choses que je n’oublierai jamais.
Je me suis arrêté près d’une cabine téléphonique à côté d’un magasin de spiritueux. J’ai sorti de mon portefeuille une pièce de dix cents et quelques numéros de téléphone notés pendant le trimestre. J’ai laissé le moteur tourner et suis descendu de voiture. C’était seulement le début de l’après-midi, mais le ciel s’assombrissait déjà ; les nuages étaient pourpre et noir, il allait peut-être neiger. Je me suis demandé où aller. J’ai décidé de ne donner aucun coup de téléphone. Je suis remonté dans ma voiture. Je n’ai pas changé.Bret Easton Ellis, Les lois de l’attraction