Tierra del Fuego

La Terre de Feu est une terre australe où les frontières commencent à s’effacer, partagées entre le Chili et l’Argentine, coupée au cordeau et détachée de sa mère patrie argentine. La Tierra del Fuego est une province battue par les vents australs, un archipel dont les limites ont mis du temps à être cernées même si Magellan y a posé le pied 1520, pensant que le détroit auquel il a donné son nom était le passage unique entre l’Atlantique et le Pacifique et que la terre continuait ainsi indéfiniment vers le sud, alors qu’à trois cents kilomètres au sud se trouve les îles Hornos, formant le point ultime de l’Amérique au sud, le cap Horn.

Tierra de fuego Magellanica

Pourtant, ce qu’on appelle détroit est en fait une route incertaine en forme de V passant par Puerto Sara et Punta Arenas, longtemps considérée comme la ville la plus australe du monde, ce qui n’est pas le cas. Longtemps, il a été tenu pour admis que le détroit sus-nommé n’était que le point de passage entre l’Amérique au nord et le continent de feu, au sud; une terre immense répandue sur le bas de la carte comme un gros paquet incertain et inconnu.

Photo © Rolfo Z

Pourtant, un peu plus au sud, se trouve un autre canal, le canal Beagle, route presque droite d’un océan à l’autre, dans lequel on tombe nez à nez avec, cette fois-ci, la ville la plus australe, Ushuaïa (du Yagan ush (au fond) et wuaia (baie ou crique)), laquelle a détrôné Puerto Williams, trop petite pour “mériter ce titre”.

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…

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Un empire de poussière II

Voici la suite de “Un empire de poussière“.

Dans cette enveloppe, il découvrit une lettre à l’écriture ronde insérée dans une carte, une icône qui devait parler d’amour. A n’en pas douter, c’était une écriture de femme dans laquelle il pouvait déceler de la fébrilité, quelque chose d’indéfinissablement tendu et surtout, de sensuel. Sans prendre la peine d’en lire le contenu, il monta quatre à quatre les escaliers en bois, frappant les marches avec une telle force qu’il lui sembla faire trembler tout l’immeuble. On aurait dit un gamin à qui l’on a demandé d’attendre d’être dans sa chambre pour ouvrir son cadeau, même si la vraie raison était plutôt d’ordre sentimental; il était pressé de se retrouver seul pour goûter à l’abri des regards indiscrets ce moment qu’il devinait exceptionnel. Une fois la porte de son appartement claquée, ses affaires jetées sur le canapé, il s’assit sur sa veste et lut sa lettre. Elle lui était indiscutablement adressée : Continue reading “Un empire de poussière II”

Voir les baleines à Puerto Pirámides

La passion des cartes poussent parfois à regarder de très près ce qui se passe sur Terre. Les dessins aléatoires visibles depuis le ciel intriguent, interrogent, poussent à chercher ce qui s’est passé depuis des millions d’années, en particulier en ce qui concerne les côtes, les étranges arabesques et volutes façonnées par un conflit permanent entre les forces telluriques de la lithosphère et les courants marins.

La péninsule Valdès, sur la côte argentine, fait partie de ces accidents de la nature. Située dans ce qui est communément nommé la Mer Argentine, elle n’est reliée à la terre que par un isthme étroit, le Carlos Ameghino. La particularité formelle de ce lieu tient aux échancrures qui déchirent la côte au nord et sud, donnant à voir une langue de terre en forme d’oeuf de seiche. Sa situatation géographique la protège des fortes précipitions des Andes, ce qui lui confère un aspect désertique, mais bénéficie d’un climat marin sur ses côtes, attirant ainsi une faune variée et d’autant plus présente que les lieux sont protégés. Deux salines gigantesques, de presque huit kilomètres de diamètre trouent la surface de la péninsule tout en se trouvant bien au dessous du niveau de la mer. Sur les côtes, on peut apprécier des paysages de falaises crayeuses aussi bien que de longues plages de sable situées plein est.

Dans le golfo Nuevo, au sud, une petite ville, Puerto Pirámides, est un haut lieu du naturalisme argentin puisque c’est ici que viennent du monde entier les amoureux des baleines franches.

Photo © Ande Wanderer

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…

Ratatouille

Hier soir, pour faire plaisir à mon zouzou (et puis à moi aussi), j’ai fait avec lui une partie de Memory, vous savez, ce jeu consistant à faire des paires avec des cartes retournées. Eh bien ce petit salopiaud de quatre ans m’a mis une tôle sévère en raflant toutes les cartes. Une mémoire prodigieuse qu’il a !! Je n’ai en tout et pour tout réussi qu’à apparier deux cartes, et lui le reste. Sincèrement, je commence à m’inquiéter sur mes capacités intellectuelles.

Il pleut moins sur le trottoir d'en face

Dix-huit heures et quelques, je sors du boulot, légèrement grisé par une onde étrange, pétrie de mots retenus et de propositions avantageuses. Le temps vire au gris ventre de souris, l’air se charge d’humidité champêtre, je file jusqu’à la bouche de métro où les files d’attente serpentent dans les couloirs en cette veille de renouvellement de carte orange (au fait, lisez bien les écrans, la carte orange va bientôt disparaître au profit de Navigo, chouette non?). J’ai le nez plongé dans mon bouquin et je continue de marcher sur le quai du RER jusqu’au pilier qui me retient tous les jours, un bon gros pilier en béton bien froid couvert d’une peinture couleur pisse délayée. Il me semble que c’est Mylène Farmer qui pousse sa complainte dans les hauts-parleurs de la station, mais à ce moment là, je suis partagé entre Chimo qui m’apprend comment se prémunir des jaguars dans la forêt amazonienne et un bilan partiel et exhaustif d’une journée de travail.

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Dans le train, je m’assois là où il y a de la place, en l’occurrence, face à une quinquagénaire absorbée par la lecture passionnante de son programme de télévision et une femme charmante, a priori jeune, portant des jeans que ma soeur trouverait trop fleuris et un blouson de cuir rouge dont la forte odeur de tanin m’arrive en plein dans les narines. Les lunettes Dolce et Gabana sur la tête et son chemisier largement ouvert sur une poitrine rebondie et hâlée finissent de me convaincre qu’elle n’est finalement pas si jeune que ça. Il y a des signes qui trahissent l’état d’esprit et l’âge dans certaines catégories de population.

En sortant du train, la pluie tombe drue et malgré mes efforts pour passer entre les gouttes, je me retrouve trempé en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. C’est alors que je tente un subterfuge à l’attention de l’eau du ciel. Je regarde la direction du vent et je m’aperçois que si je prends le trottoir de droite, je peux être protégé par les murs des propriétés qui longent la rue Chanzy, mais la rue Chanzy a une fin et je dois encore faire la moitié du trajet exposé en plein vent, pleine pluie. Je ne porte qu’un ticheurte et un pull et très vite, je sens que je vais être imbibé de tous les côtés, la face nord et le pic d’Aneto. L’eau ruisselle sur ma tête, faisant fi des cheveux coupés courts, s’immisçant avec perversité sur mon crâne comme une toile d’araignée et finit par goutter jusque sur mon nez, comme si un rhume sournois était en train de me narguer. Je tente de changer de trottoir, mais sur celui de gauche, il pleut beaucoup plus fort, c’est certain, alors je reste sur celui de droite, protégé du vent. C’est certain, il pleut moins sur ce trottoir.

trottoirPhoto © g@rota

Couleur vent du désert

Il fait bon ce matin. En me levant, derrière les rideaux, je croyais qu’il pleuvait; ce n’était certainement que mon imagination. J’ai beaucoup d’imagination. J’en ai tellement que sous des apparences banales, je suis capable de m’inventer une vie en rêve, et tandis que j’ai – a priori – passé un week-end tout ce qu’il y a de plus normal, simple, banal, il s’est en réalité passé plein de choses. J’ai passé mon temps à rêver, arborant un léger sourire empreint de bonheur. Tout simplement transporté, transcendé, absolument ensorcelé. Aujourd’hui, à peine reposé et des douleurs un peu partout, je me réveille dans un état second, comme si j’avais passé mon temps à faire l’amour… Plus que jamais je me répète des mots qui semblent être taillés pour moi.

Photo © Elisham

Je me souviens d’un texte que j’avais écrit il y a quelques temps dans lequel je faisais part de mes déceptions quant à ce que mon pays devenait. Si je fais le bilan aujourd’hui, je me rends compte qu’en fait, je m’en contrefous. Je m’en contrefous parce que je n’y suis plus. La France est devenu un pays merdeux, quelque chose qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il était dans mon enfance, pas plus qu’il ne ressemble à l’image qu’il pourrait avoir. Je repensais à cela ce matin dans le train. Et puis je me suis souvenu d’un texte que j’avais écrit dans mon adolescence dans lequel je disais que je savais d’emblée comment je mourrais, ou plutôt comment j’aimerais mourir. Parce qu’en fait, je m’imagine très bien ne pas mourir ici, je me vois dans quelques années traînant mes guêtres dans les rues sales de Calcutta ou dans un bordel de Singapour, dans les faubourgs désertiques de Windhoek ou sur le Mont Sinaï et à la relecture de Rashômon, je me dis que je n’ai jamais envisagé le monde autrement que sous ses aspects les plus inabordables. Aussi, la France ne signifie t-elle plus rien à mes yeux. Mon pays de naissance ? Oui et alors ? Je n’ai même plus de carte d’identité… Ces contours-là s’effacent et je ne m’en porte pas plus mal. Citoyen du monde ? Je m’en fous… C’est le genre de mots bons pour les people en mal de sensations. Qu’importe si je meurs ici ou ailleurs, qu’importe où seront dispersées mes cendres. Je finirai peut-être vieillard rachitique et barbu, nu comme un sādhu Nanga à la recherche du Nirvana, les yeux ravagés par la déesse Ganja, l’esprit aussi rationnel qu’un bol de compote…

نعيم

J’ai enfilé mon pantalon couleur vent du désert en ortie de Chine et un pull en lin marron, presque prêt à courir le monde. Sur ma figure se dessine la félicité, des traits comme dessinés par les récits qui donnent un beau visage.

Aujourd’hui est un nouveau jour, et tous ceux qui suivront le seront également, peu importe ce qui arrive. Mektoub…

Le bibliomane, Charles Nodier

Vous avez tous connu ce bon Théodore, sur la tombe duquel je viens jeter des fleurs, en priant le ciel que la terre lui soit légère. Ces deux lambeaux de phrase, qui sont aussi de votre connaissance, vous annoncent assez que je me propose de lui consacrer quelques pages de notice nécrologique ou d’oraison funèbre. Il y a vingt ans que Théodore s’était retiré du monde pour travailler ou pour ne rien faire : lequel des deux, c’était un grand secret. Il songeait, et l’on ne savait à quoi il songeait. Il passait sa vie au milieu des livres, et ne s’occupait que de livres, ce qui avait donné lieu à quelques-uns de penser qu’il composait un livre qui rendrait tous les livres inutiles ; mais ils se trompaient évidemment. Théodore avait tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans. C’est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais. Théodore ne parlait plus, ne riait plus, ne jouait plus, ne mangeait plus, n’allait plus ni au bal, ni à la comédie. Les femmes qu’il avait aimées dans sa jeunesse n’attiraient plus ses regards, ou tout au plus il ne les regardait qu’au pied ; et quand une chaussure élégante de quelque brillante couleur avait frappé son attention : « Hélas ! disait-il en tirant un gémissement profond de sa poitrine, voilà bien du maroquin perdu ! » Il avait autrefois sacrifié à la mode : les mémoires du temps nous apprennent qu’il est le premier qui ait noué la cravate à gauche, malgré l’autorité de Garat qui la nouait à droite, et en dépit du vulgaire qui s’obstine encore aujourd’hui à la nouer au milieu. Théodore ne se souciait plus de la mode. Il n’a eu pendant vingt ans qu’une dispute avec son tailleur : Continue reading “Le bibliomane, Charles Nodier”

Le large

Lorsque je suis allé à la mairie la troisième semaine de décembre, j’avais la ferme intention de m’inscrire sur les listes électorales. J’ai tendu ma carte d’identité à l’employée pour qu’elle m’enregistre, mais elle me l’a rendue avec un air narquois en me disant qu’elle était périmée depuis le mois d’aoüt. Soit, je lui ai demandé comment la faire refaire. Elle m’a expliqué tout cela, et me dit au bout du compte que je n’aurais pas la nouvelle avant un mois, ce qui m’emmenait bien après la date de clôture des inscriptions sur les listes. Je suis parti de là, la mine déconfite en me disant que pour la première fois depuis mes 18 ans, je ne pourrais pas accomplir mon devoir.

Et puis finalement, à présent, je me dis que je devrais plutôt me faire faire un passeport

Petit bateau

Navigo

En France, on n’a pas de pétrole et en plus on n’a pas forcément toujours des bonnes idées. La RATP, cette ancestrale institution a mis en place depuis quelques temps déjà un système de télébillettique censé faire gagner du temps aux usagers du métro et du RER. Alors, la télébillettique, déjà, j’ai beau chercher, je ne trouve pas. Selon le communiqué, la rapidité de transmission passe-valideur augmente considérablement et apporte une plus grande fluidité de passage, près de 4 fois plus rapide qu’¢avec un coupon. Là-dessus, je me permets d’émettre une grande réserve.

Aux heures de pointes, on peut entendre aux barrières des couinements sauvages dans tous les sens et surtout, on peut voir des encombrements. Autrefois, avec votre bonne vieille carte orange, on passait son billet, on poussait le tourniquet, on rangeait son coupon et basta, on n’en parlait plus. A présent, je remarque qu’une fois sur deux, le navigo ne passe pas, il ne fait pas couiner la machine, ce qui a le don de faire soupirer ceux qui sont derrière et qui attendent que la personne en difficulté arrive à passer le cap. Quand il y a un guichet à proximité, on peut voir les files d’attente s’allonger “Monsieur, mon navigo ne passe pas !” et quand ce n’est pas le cas, on voit des hordes passer au-dessus des barrières.

Il n’y a pas si longtemps que ça, à la station Anatole France, j’ai entendu un Monsieur pester parce que, disait-il, son passe n’arrêtait pas de se démagnétiser et qu’il allait finir par “leur foutre dans la gueule”.
Le navigo, je pense, n’est pas seulement destiné à fluidifier le trafic, mais aussi à faire se dégrader les relations sociales des usagers du métro qui déjà ne sont pas forcément très bonnes.
Personnellement, le prochaine fois que je me retrouve derrière une personne avec un de ces passes qui ne veut pas couiner, ma parole, je le lui fait bouffer.