Il pleut moins sur le trottoir d'en face

Dix-huit heures et quelques, je sors du boulot, légèrement grisé par une onde étrange, pétrie de mots retenus et de propositions avantageuses. Le temps vire au gris ventre de souris, l’air se charge d’humidité champêtre, je file jusqu’à la bouche de métro où les files d’attente serpentent dans les couloirs en cette veille de renouvellement de carte orange (au fait, lisez bien les écrans, la carte orange va bientôt disparaître au profit de Navigo, chouette non?). J’ai le nez plongé dans mon bouquin et je continue de marcher sur le quai du RER jusqu’au pilier qui me retient tous les jours, un bon gros pilier en béton bien froid couvert d’une peinture couleur pisse délayée. Il me semble que c’est Mylène Farmer qui pousse sa complainte dans les hauts-parleurs de la station, mais à ce moment là, je suis partagé entre Chimo qui m’apprend comment se prémunir des jaguars dans la forêt amazonienne et un bilan partiel et exhaustif d’une journée de travail.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Tom%20Waits%20-%20Wrong%20Side%20Of%20The%20Road.mp3]

Dans le train, je m’assois là où il y a de la place, en l’occurrence, face à une quinquagénaire absorbée par la lecture passionnante de son programme de télévision et une femme charmante, a priori jeune, portant des jeans que ma soeur trouverait trop fleuris et un blouson de cuir rouge dont la forte odeur de tanin m’arrive en plein dans les narines. Les lunettes Dolce et Gabana sur la tête et son chemisier largement ouvert sur une poitrine rebondie et hâlée finissent de me convaincre qu’elle n’est finalement pas si jeune que ça. Il y a des signes qui trahissent l’état d’esprit et l’âge dans certaines catégories de population.

En sortant du train, la pluie tombe drue et malgré mes efforts pour passer entre les gouttes, je me retrouve trempé en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. C’est alors que je tente un subterfuge à l’attention de l’eau du ciel. Je regarde la direction du vent et je m’aperçois que si je prends le trottoir de droite, je peux être protégé par les murs des propriétés qui longent la rue Chanzy, mais la rue Chanzy a une fin et je dois encore faire la moitié du trajet exposé en plein vent, pleine pluie. Je ne porte qu’un ticheurte et un pull et très vite, je sens que je vais être imbibé de tous les côtés, la face nord et le pic d’Aneto. L’eau ruisselle sur ma tête, faisant fi des cheveux coupés courts, s’immisçant avec perversité sur mon crâne comme une toile d’araignée et finit par goutter jusque sur mon nez, comme si un rhume sournois était en train de me narguer. Je tente de changer de trottoir, mais sur celui de gauche, il pleut beaucoup plus fort, c’est certain, alors je reste sur celui de droite, protégé du vent. C’est certain, il pleut moins sur ce trottoir.

trottoirPhoto © g@rota

5 Replies to “Il pleut moins sur le trottoir d'en face”

  1. @Romuald,
    Merci bcp pour l’info, c’est bien noté (même si pour l’instant je ne sais pas trop utiliser les serveurs TFP et autres clients FTP, on me demande des adresses de serveurs, j’y pige pas grd chose

  2. Ouais, je vois ce que tu veux dire, mais ton blog est sur worpress.com, ce qui n’est pas pareil que d’avoir un blog hébergé, et je ne sais pas si tu peux faire ce que tu veux sur cette plateforme. Regarde sur le forum WP mais j’ai peu d’espoir…

Leave a Reply