Dannensuru

Je suis un écrivain sans écrits, un homme sans jambes.
Des tonnes de papier que j’ai noircies, il ne reste au bout du compte que quelques fragments réellement dignes d’intérêt. Quelle calamité pour moi de faire ce constat, de me rendre compte que tout ceci n’a certainement servi à rien, sinon à me donner plus avant le goût de l’écriture, la volonté de lire toujours plus pour enrichir ma culture, mon vocabulaire, et percer les secrets de la composition. Au bout du compte, aujourd’hui, alors que j’ai 32 ans, rien n’a bougé.
Fidèle à moi-même, terriblement constant et dramatiquement immuable, je n’ai toujours rien écrit alors que je passe mon temps libre à griffonner.
Il n’y a rien, je continue à ne laisser aucune trace de mon passage, comme si les déplacements de mon corps dans l’espace quotidien n’étaient décidément que fortuits, torpides, inconsistants. Alors, je continue d’écrire dans l’espoir de quelque chose que je n’arrive même pas à définir… Et à force de continuer et de continuer encore, il apparait que la seule décision sage est d’arrêter.
Pour l’instant, je n’ai plus envie d’écrire… ailleurs…

Cosmopolis, Don DeLillo

Taxi in NYCPhoto © Mdumlao98

Eric Michaël Packer est un goldenboy de la nouvelle école. Il sillonne les rues de New-York dans une grande limousine bardée d’écrans d’ordinateurs, surveille à distance les évolutions du Yen, a une totale confiance dans son garde du corps qui lui colle aux basques comme une seconde peau. Il vient de se marier à une riche héritière frigide et fragile, baise à même le macadam, garde un oeil constamment rivé aux analyses de risques concernant les menaces concernant sa personne et rend quotidiennement visite à son médecin pour un toucher rectal qui lui diagnostiquera une prostate asymétrique.

Il passa en revue les unités d’affichage visuel. Elles étaient déployées à des distances progressives du siège arrière, des écrans plats de taille assorties, certaines regroupées dans un cadre, d’autres projetées séparément depuis des cabines latérales. Le groupement était une oeuvre de sculpture vidéo, belle et aérée, à potentiel métamorphique, chaque unité conçue pour se détacher, se fermer, ou fonctionner indépendamment des autres.
Il aimait le volume très bas ou le son coupé.

Le monde de Packer est d’une froideur infinie, enveloppé par la technologie dont il est un des fervents défenseurs et circonscrit dans une ville monumentale et tournée vers elle-même. Mais Packer aime prendre des risques, il tente de faire fléchir la bourse et compte bien s’enrichir sans bouger en achetant tout le Yen qu’il peut. Dans les rues de New-York, assis dans son immense limousine, il regarde le monde défiler et ne le perçoit qu’à l’aune de sa vision des choses, froidement. Même lorsque l’Apocalypse semble être arrivée.

Elle avait un corps brun corail et des pommettes bien dessinées. Sur ses lèvres, un éclat de cire d’abeille. Elle aimait être regardée et conférait à l’acte de se dévêtir une dimension orgueilleusement publique de l’ordre du dévoilement transfrontalier, associé à un élément de défi un peu frime.

Packer sera rattrapé par le temps qui défile selon ses règles à lui, cherchant finalement une fin inéluctable et ne cherchera même pas à s’en préserver. Il se débarrassera de ce à quoi il tient le plus et symbolise son univers, sa limousine, son argent, son garde du corps, pour achever l’histoire dans une fin qu’il pense avoir toujours désiré.

Wall StreetPhoto © Romu

Don DeLillo signe ici un chef-d’oeuvre de noirceur, un roman post-moderne effrayant, d’une écriture froide et métallique de laquelle un noir de titane aux reflets bleutés transpire nettement. Une grande réflexion sur l’existence et l’aliénation au monde moderne.

Celui qui ne savait pas

Qui ne savait pas quoi ? Qui ne savait pas quoi dire, qui ne savait pas où il en était. Certes les enjeux d’un blog restent d’une toute relative importance, mais il faut savoir que pour moi, mon blog est comme une deuxième peau. C’est un rideau de fumée que je jette aux yeux du monde pour éviter de trop me dévoiler. Etrange attitude quand on sait tout ce que j’ai dit à propos de moi. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui me manque de parler de moi, de faire comme certains, de prendre la monde entier à parti et de me dévoiler. Entre ce que je fais découvrir de mon univers, ce que je n’ai pas envie de dire parce que je ne veux pas laisser trop la porte ouverte à des personnes qui n’ont pas à venir fouiller ma vie, et ce que je ne veux pas dire car cela requiert une certaine discrétion aux yeux de ceux que je connais et qui semble plus facile à dire à des personnes qu’on ne connait pas suffisamment pour que cela impacte leur vision de votre personne (je reprends mon souffle), entre tout cela, je ne sais plus où se situe mon écriture.

Le Scintillement

J’ai séduit une partie de mon lectorat en révélant certains aspects de ma personnalité qu’on dit parfois complexe, alors qu’il me semble n’être qu’immanence, en jetant en patûre aux brebis égarées des morceaux de mon écriture, aux choses imaginées que j’ai pu dire, et aujourd’hui, je ne dis plus rien. Je continue d’écrire, certes, mais dans une certaine mesure, et pas publiquement. Ce rapport au lectorat me manque, et l’envie de renouer avec le plaisir de partager un peu de ceci avec vous me donne des fourmis.

Le fond existe, mais je me demande encore comment mettre cela en valeur. Il existera toujours un gouffre entre ce que je désire et ce qui est réellement et ce qu’il est possible de faire.

Il sera question d’un huîtrier, de deux lecteurs divergents, d’un Bartleby déguisé en ange de la mort, d’un voleur de rêves et d’autres personnages encore.

Je n’ai pas le droit de garder tout ça pour moi…

Le premier jour

Après avoir gouté les joies de la fête, des lumières de Noël, des mets succulents et délicieux installés sur la table, après avoir vu les étincelles de joie éclater dans les yeux de mon fils qui va sur ses quatre ans, après avoir tous ensemble, en famille fêté ces jours de bonheur, sans effusions et dans la bonne humeur, une nouvelle année commence. 2007 arrive tout doucement, s’installe et après les souhaits habituels et sincères adressés aux personnes que l’on aime, il va falloir affronter avec rigidité la corvée des souhaits dégoulinants et factuels des gens que l’on n’aime pas et leur servir des paroles que l’on ne pense pas, tout en recevant les leurs tout aussi hypocrites. Mais je suppose que c’est cela qu’on appelle le monde des apparences et les convenances, auxquelles je ne suis pas habitué et que j’essaie dans la mesure du possible d’éviter avec une constance régulière.

Table de fête

Pour moi, cette année sera l’année de papier, l’année de l’écriture, des sujets et des objets méticuleusement réfléchis, une année de changements en sachant toutefois que les “résolutions” que l’on choisit de respecter ne sont que des foutaises qui meurent avec les derniers jours de janvier. Le changement d’année n’est qu’un jalon qui permet de passer à autre chose, de faire tabula rasa des erreurs du passé et de repartir d’un bon pied.

Table de fête

A présent donc, tout recommence, les lumières de Noël s’éteignent, Monsieur Sapin va quitter la büche qui lui sert de piédestal et tout va redevenir normal. Enfin, je suppose.

Sobrement…

2007

La boîte à idées

Haddon Sundblom

En lisant un des derniers billets de Yoggibat, je me suis rendu compte (en fait non, je le savais) que si on prend comme prédicat de base que tout, a priori, est blogable, à l’inverse tout n’est pas forcément commentable (en deux mots ou un seul, je ne sais pas). Si à un certain moment je me suis demandé si mes lecteurs n’avaient pas fini par déserter mon écriture, je me rends compte maintenant que ce que j’écris n’est pas forcément susceptible d’être commenté. Mais mesure t-on la popularité ou la qualité d’un blog à l’aune du nombre de ses commentaires ? J’ose espérer que non. Mieux, j’en suis persuadé.

Aussi en cette période de fin d’année, j’ai décidé d’adopter un ton (non, je n’ai pas dit que j’allais adopter un thon, ce qui par ailleurs ne m’avancerait pas à grand chose) plus léger, plus badin et primesautier.

Et si vous voulez tout savoir, trainant par-devers moi quelques carnets remplis d’idées passagères, des bribes de conversations, des ébauches de machins et de trucs, je pense avoir largement de quoi remplir un demi-trillion (® Fabienne) de billets.

Je ne sais plus qui a dit un jour que ce blog était une boîte à idées. Pas moi en tout cas.

Bartleby & Cie, Enrique Vila-Matas

Barleby & Cie, Enrique Vila-Matas

J’ai acheté ce livre, comme souvent, sur la simple annonce du titre. Un livre dont le titre contient le mot Bartleby est en soi d’une audace folle, car le personnage d'Herman Melville[1], l’inquiétant scribe, est l’archétype du personnage qui a renoncé à tout, et qui renonce même à écrire, en énonçant cette célèbre phrase I would prefer not to, qu’on s’est hasardé à traduire par Je préférerais ne pas ou J’aimerais mieux pas. Personnage pour le moins intriguant, Vila-Matas en fait un nom commun, dénomme le bartleby comme le personnage qui renonce à l’écriture. Le personnage de son roman, anti-héros conformiste par excellence a décidé de reprendre la plume après des années d’abstinence littéraire, pour écrire un livre de notes de bas de pages. Roman sans teneur, ce n’est pas un roman, ce n’est pas non plus un livre érudit sur la question. Ce n’est pas ça, tout en l’étant profondément. Les chapitre sont numérotés comme s’ils faisaient référence à un texte qui n’existe pas. Ici, le négatif de la littérature bat son plein. Livre noir, sombre, c’est une sorte de chant désespéré de l’écrivain qui n’écrit pas.

Renoncement à l’écriture, agraphisme, notes sans texte, paralysie de l’écrivain, égarements, soleils noirs de la littérature, tout est passé en revue avec méticulosité. Le narrateur se pose la question de savoir ce qui pourra advenir de la pulsion négative dans l’écriture, et sous le coup de l’excitation, de la fébrilité du style sous ses doigts, doit sans cesse s’arrêter d’écrire.

Le livre nous inspire une réflexion sur la fin de la littérature. Tous les livres ne sont que des notes en bas de page, on ne peut plus écrire de livres. La mémoire fixée par l’écriture permet tout de même de sauver de l’oubli.

Si l’on a besoin de fumer pour écrire, soit on le fait à la Bogart, la fumée vrillée dans l’oeil (pour un style rauque), soit il faut accepter que le cendrier s’approprie l’essentiel de la cigarette. Juan Benet.

Quelques cas marquants d’agraphisme ou de bartlebys:

  • Samuel Beckett qui parce que l’anglais lui a pourri la vie. Il écrit en français parce que selon lui, c’est une langue plus pauvre et plus simple.
  • Marcel Benamou, l’Oulipien qui a écrit Pourquoi je n’ai écris aucun de mes livres, dit lui même que les livres qu’il n’a pas écrit ne sont pas néant mais comme en suspension.
  • Marguerite Duras, pour qui écrire, c’est ne pas parler et dont l’histoire de sa vie n’existe pas.
  • Robert Walser le micrographe, pour qui écrire en tout petit semblait être une manière de désincarner l’écrit, dit qu’il est un zéro à gauche, l’arrêt avant l’arrivée, dans une sorte d’esthétique de la confusion.
  • Pepin Bello, ami de Lorca, Dalì­ et Buñuel est et demeure l’écrivain sans oeuvre, qui écrivait pour ne pas publier, en disant dans un ultime sursaut de cynisme que c’était pour déconner.
  • Susan Sontag, pour qui il faut abandonner l’art pour écrire.
  • Giacomo Leopardi, pour qui écrire traduit l’impossibilité d’un art supérieur.
  • Paul Valéry qui malgré ses 29000 pages de cahier, dans son Monsieur Teste, dit que plus on écrit, moins on parle.
  • Fogwill qui prétend écrire pour ne pas être écrit (et en cela rejoint un point particulier de la pensée de Deleuze)
  • Marcel Schwob, dans son étonnant Pétrone, décrit un être qui cesse d’écrire à partir du moment où il commence à vivre ce qu’il avait imaginé dans son écriture.
  • Oscar Wilde enfin, qui cesse d’écrire lorsqu’il a saisi le sens de la vie, pour s’adonner à la paresse.

Un maître mot; la littérature est sa propre négation.

Notes

[1] De son vrai nom Herman Melvil.

Du balbutiement

Kurt Schwitters faisait partie de ce mouvement artistique européen connu sous le nom de Dada, à la fois absurde, humoristique, révolutionnaire, génial, scandaleux, bruyant, tapageur et enfantin. Ce pourquoi Dada est né, est lié à la guerre, cette violence arbitraire et absurde qu’on à aujourd’hui grand peine à imaginer nous autres occidentaux. Et la résistance inventé par Dada pour survivre à la guerre, tordre l’oppression, glisser comme un savon de sa poigne, c’est l’enfance.

C’est le plus petit dénominateur de l’identité, quelque chose que toute l’aliénation du monde ne peut écraser. C’est pourquoi les dadaïstes récupéraient des objets dans les rues pour les intégrer à leurs compositions plastiques, car l’enfant ne fait pas de distinction entre ce qui est sale et propre. Il fallait se débarrasser de toutes les conventions hiérarchiques des valeurs du monde des adultes. L’écriture se manifestait par des mots inventés sans significations, des babillages, des borborygmes semblables au langage des enfants lorsqu’il jouent seuls dans leur chambre, mais aussi semblable aux soldats traumatisés par l’effroi des premières lignes et qui perdaient temporairement la signification du langage, ne sachant plus articuler de façon correcte, les mots n’avaient plus de sens il ne restait que les sons.

Dada était loin d’être régressif pour autant. Dada repartait de l’enfance pour tout réinventer et c’est de loin le mouvement artistique le plus créatif du XXè siècle.

A la manière de Fabienne, je vais vous présenter 2 versions mp3 d’une même oeuvre sonore. Il s’agit d’un extrait des ursonates (trad. sonate primitive ou élémentaire) écrite par Kurt Schwitters durant la période d’entre deux guerres (1921-32).

1. Extrait de rondo, poésie interprétée par Kurt Schwitters

[audio:http://endemicproject.free.fr/extraitrondoschwitters.mp3]

2. Extrait de rondo, poésie interprétée par Eberhard Blum en 1991

[audio:http://endemicproject.free.fr/extraitrondoblum.mp3]

WordPress Report

Depuis que je suis passé de Dotclear à WordPress, beaucoup de choses ont changé, même si les changements se sont surtout vus à l’intérieur, derrière l’authentification, pour l’administrateur et les rédacteurs.

Code is poetry

A la demande de plusieurs personnes, je vais donc raconter comment tout ceci s’est passé. Il faut que je précise que ma principale motivation pour opérer le changement a été une invasion de spams que je pensais pouvoir maitriser plus facilement avec WordPress. Continue reading “WordPress Report”

Dotclear, c'est fini

Désolé d’annoncer cela au saut du lit un dimanche matin, tandis que vous sirotez votre café noir, les yeux dans le vague et le son de la télé branchée sur la messe dans les oreilles, mais voilà, la nuit porte conseil, comme on dit. Cette guerre infernale contre les spams m’interdit désormais de continuer ainsi à bloguer sous Dotclear. Je vous le dit d’emblée, notez bien l’information car tout ceci va disparaître très vite.

Bloguer sous Dotclear, c’est fini.

Je le dis tout de suite, les commentaires, tous les commentaires ne seront pas réimportés, mais je suppose qu’il n’y a que moi que ça froisse. Je repars de zéro, sans billets, que je finirais par réimporter au fur et à mesure. J’avais le choix, ces derniers temps, entre faire migrer mon hébergement de PHP4 à PHP5 pour installer un version beta de Dotclear 2, mais à l’utilisation, il me parait clair que cela ne me satisfait pas et passer à autre chose. Commencer un nouveau blog sous une solution qui risque de subir des mises à jour continuelles n’est pas un environnement propice à l’écriture. Aussi, je peux le dire à présent sans complexe, moi le dotclearien de la première heure, je romps aujourd’hui le pacte infernal qui nous liait pour passer à la concurrence.

A compter de demain, je blogue sous WordPress. Oui, vous avez bien entendu.

N’oubliez pas qu’il faudra mettre à jour le fil RSS de mon blog.

Perturbations, pages blanches, erreurs, tout ceci sera le lot de ces prochains jours. Avec le sourire s’il vous plait.

Aucun regret.