Guerewol en pays Wodaabe

Dans nombre de communautés et ethnies, les parades amoureuses revêtent le caractère sensuel et lourd de signification de l’attrait et de la beauté magnifiés dans la danse, dans une mise en scène théâtrale qui se détache de la quotidienneté. Dans nos sociétés occidentales (si tant est que l’Occident soit encore une aune à laquelle on puisse mesurer quelque chose) la place de l’homme est celle de celui qui doit être séduit par la femme, ses atours, ses rituels, son parfum et ses attitudes. Chez les Wodaabe, une ethnie nomade d’environ 45000 membres que l’on assimile parfois avec les Bororo pour les similitudes que l’on constate dans le maquillage nuptial, c’est l’homme qui doit séduire et parader dans une danse très particulière exaltant la beauté.

WodaabePhoto © Amanda Jones

Elle a ceci de particulier, entre autre, que ces hommes – des Nigériens – au physique longiligne et particulièrement fin que leurs vêtements, leur maquillage et leur attitude font ressembler à des femmes, qui elles, plus sobres, se contentent des atours simples de cérémonie, dansent en exhibant les parties blanches de leur corps.
Leur bouche est souligné d’un fard à lèvres très foncé et durant toute la danse de la beauté – nommée Guerewol – les jeunes hommes se doivent de montrer à leurs futures prétendantes leur capacité à séduire. Cette qualité passe par un rictus large découvrant leur belle dentition blanche et leurs yeux doivent rester grands ouverts, laissant ainsi voir le blanc. Ce qui est étonnant, c’est cette faculté de les faire rouler, converger, effectuer d’étranges mouvements allant du ciel vers la terre, largement aidés par la bendore, une puissante drogue hallucinogène. Au terme de cette danse, véritable concours de beauté font le jury est composé des femmes nubiles du groupe, les couples se forment.

Vidéos des danses du Gerewol: sur Youtube (National Geographic), sur EVTV1

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps.

Brins d'idées

Brins de femmes

Et si les idées prenaient forme ? Si les idées prenaient consistance, finissaient par enfler et se gonfler de matière ? Si tout ce que j’ai en moi à l’état vaporeux, volatile, éthéré, prenait corps tout à coup…
Prendre corps, comme on prend femme ou comme on prend vie ou comme on prend son pied.
Prendre des coups.
Prendre et rendre. Rendre les coups et se prendre la tête entre les mains.
Prendre un nouveau départ ? Faire sa valise et prendre l’avion. Se prendre pour quelqu’un, ou quelqu’un d’autre.

Au début, il y avait non pas le verbe, mais l'appartement 46

Dans un appartement au numéro pair d’une rue sombre d’un quartier aux nuits agitées mais dont la bigarrure avait une coloration suave et excitante dès lors que le chaos de la journée fuyait pour se ranger au fond d’un tiroir comme une chaussette dont il faut se débarrasser, sur la porte sur laquelle étaient vissées deux chiffres de laiton – pas de nom sur la porte – pas même de sonnette sur l’embrasure, sur le seuil de cet appartement que rien ne permettait de distinguer des autres, se trouvait un homme seul, assis nonchalamment sur son canapé dans une pièce quasiment vide – était-ce une garçonnière, certainement pas – dont les murs avaient été fraichement repeints d’un gris neutre absorbant la lumière du soleil comme une éponge et restituait à la nuit une clarté feutrée sans artifice, qu’aucun tableau, aucune étagère ne venait troubler.
L’appartement 46 ne différait en rien des autres de son étage, ou de l’immeuble, voire du quartier, c’était juste un autre appartement, le même que tous, le même que celui de son voisin de palier, disposé de manière absolument symétrique au regard de la cage d’escalier, simplement – simplement – derrière cette porte, l’homme assis sur son canapé regardait une femme assise par la fenêtre de son balcon, une femme qu’il pouvait voir de l’autre côté de la rue, dans l’immeuble d’en face, un immeuble dont la façade avait exactement les mêmes motifs que celui dans lequel il se trouvait, même si au fond, il s’en moquait royalement puisqu’il ne la regardait jamais.
Cet appartement commençait à traîner derrière lui une réputation sulfureuse – celle que lui avait conféré un homme libre aux désirs ardents et incontrôlables que beaucoup imaginaient, que certains entendaient et que d’autres jalousaient car ils n’en connaissaient rien d’autre que les étranges rumeurs qui circulaient dans la cage d’escalier, en grande partie grâce aux bons soins de Madame Duflot, concierge en chef des lieux et grande distributrice de ragots devant l’éternel. Mais lui, assis sur son canapé, n’en savait rien, car il était libre comme aucun homme ne l’a jamais été et il n’écoutait pas les mots qui pouvaient être entendus, même chuchotés de bas en haut de l’escalier, car rien de tout ça ne l’intéressait, jusqu’au moindre regard fuyant ou indiscret dont il pouvait être l’objet au détour de la porte de l’ascenseur ou dans les courbures du grand escalier de pierre, dans lequel résonnaient ardemment toutes sortes de pensées sulfureuses, mais toujours en deçà de la réalité…
Cet appartement, c’est le numéro 46, quatrième étage, troisième porte à gauche. Un appartement réputé.
Derrière sa porte, on pouvait entendre ces mots répétés plusieurs fois : cette année sera luxueuse… cette année sera luxueuse…
Qui sait quelle forme peut prendre le luxe…

Luxe et sexe

Note de bas de page: ce billet est en forme de coup de fouet, une impulsion pour me forcer à écrire enfin un peu plus…

Unravel

Trois versions vidéo d’une même chanson (la meilleure est à mon sens celle qu’elle chante au son du clavecin), une chanson mythique qui donne la chair de poule et qui me plonge dans l’ambiance froide et bleutée d’un pays aux traditions millénaires – Björk utilise les mêmes techniques vocales que ses ancêtres chanteurs de sagas – , issue de l’album Homogenic (1997).
Rien à faire, des années après, j’ai toujours la même sensation à l’écoute du voile sucrée de ce petit bout de femme passionnée, les mêmes images, les mêmes souvenirs, la même nostalgie. Continue reading “Unravel”

Valeria

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Clube_Da_Esquina.mp3]

C’est étrange parfois. Le hasard des rencontres, la beauté funeste de la symétrie des êtres, la coïncidence heureuse ou hasardeuse… Moi qui croyais au destin, moi qui pensais que lorsque tout concorde à faire se rencontrer les âmes qui se veulent, je me suis rendu compte que la métaphysique n’était pas pour moi. Woody Allen disait:

Je me suis fait recaler à l’examen de métaphysique : j’avais copié dans l’âme de mon voisin.

Valeria

Et puis, je ne sais pas, j’avais envie de ça depuis longtemps. Je voulais parler de Valeria Bruni-Tedeschi parce que c’est une femme que j’aime beaucoup. Pas au point d’être à l’affût de sa carrière mais depuis le film Une femme pour moi (“la chaleur, ça fait vraiment faire n’importe quoi”), je pense à elle, à son visage et à son étrangeté, à cette façon qu’elle a de changer et de ne montrer que ce qu’elle veut.

Lettres sauvages C-15

Il y a quelques temps, je l’ai redécouverte dans Télérama, avec un visage de femme différent, peut-être la marque du temps qui fait son office, doucement, mais qui la rend incroyablement belle, d’une beauté sauvage et sensuelle. Je regarde ces photos, je regarde ces photos, je regarde ces photos… Elle a dix ans de plus que moi.

Valeria

Ça me dérange un peu de parler d’elle tandis que sa soeur, la beauté lisse, froide et creuse – l’archétype même de la beauté qui me laisse de marbre – fait la une des tabloïds parce qu’elle se tape le nain le plus célèbre de France, et puis en fait, il semblerait que je n’ai pas grand-chose à en dire. Juste quelques mots pour dire que je le voue une vénération sans nom.

Elle est incroyablement belle et je ne sais pas comment le dire. Peut-être comme ça…

Motrice n°16019

La plateforme était envahie du bruit monotone et régulier des roues métalliques sur les rails à grande vitesse – seul – la tête posée contre la vitre qui tremblait – je regardais les tampons exercer leur travail sous la pression du wagon contre la motrice, l’attelage qui grinçait sous le coup de la vitesse – sur les côtés et sous moi le paysage et le ballast défilaient à vive allure me donnant le vertige et exerçant sur mon regard la fascination des instants que je ne peux partager avec personne – en ce moment, toute mon émotion passe par le regard et la vue seule me procure le trop-plein de sensations dont j’ai besoin.

Voyage

Je me mets à rêver des Voyages de Raymond Depardon (éditions Hazan), un livre de photos qui se lit comme un roman – même avec peu de textes – laconiques, jetés là comme pour faire bonne mesure.
L’Afrique au quotidien en tête de livre.
Mon regard vagabonde sur les éclairs laissées comme une route lumineuse par le pantographe sur le caténaire.

Voyage

Je saute quelques pages pour retrouver ces photos d’une femme qu’il a aimé, une femme aux cheveux courts, au visage lisse et fermé. Elle me rappelle quelqu’un – à moins que ce soit moi qui cherche absolument à trouver une ressemblance.

Voyage

Des photos au grain parfait, sensuel, des photos humaines où le cadrage parfait n’est parfois pas tout à fait droit – l’inclusion d’un peu d’humanité de l’autre côté de l’objectif.
Le train continue sa course en cahotant – mon regard reste fixé sur ces numéros peints en blanc sur la tôle rouge vif : 16019.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi les copines, mais j'adore me maquiller les yeux

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Very%20stylish%20girl.mp3]

Ce dimanche, je me suis acheté un livre rose, un livre qui, comme ça, vu de l’extérieur n’est rien d’autre qu’un livre dans une pochette rose recouverte d’une sorte de velours comme on en trouve sur ces vieilles brosses à vêtements enfin je dis vieilles pas tant que ça c’est surtout le genre de choses qu’on trouvait dans les années 70, enfin que je trouvais dans les placards de ma mère quand je n’étais encore qu’un petit morveux – c’est pas vrai d’abord je n’ai jamais eu de chandelles qui descendaient des narines – je suis tombé sur ce livre avant d’avoir hésité longuement à prendre une édition brochée des Particules Elémentaires de Michel Houellebecq qu’il faut certainement avoir lu mais lorsque j’ai eu entre les mains ce livre recouvert de moumoute rose, je me suis dit voilà le livre qu’il me faut, le vrai livre qui de l’extérieur ressemble à un livre de fille, je dirais même de pétasse et qui est en fait un des plus grands romans du XXè siècle paraît-il et que je n’ai toujours pas lu et pour le coup je me suis dit qu’en avoir une édition en moumoute rose était l’occasion de le lire. Non ? Ça ne tient pas ? C’est justement pour ça que c’est important.

lolita

Alors c’est quoi ? Ce sont les mémoires de Dom Juan ? Non. Ni plus ni moins que le chef d’œuvre de Nabokov, Lolita. Une telle couverture s’imposait-elle ? Certes, il ne pouvait en être autrement, et puis j’ai flâné longuement entre les tubes de peinture les pastels gras les pastels aquarellables, et autres pastels de toutes sortes et aussi les crayons les mines les stylos les feuilles et les carnets enfin bref tout ce qui sert à écrire et à dessiner et je n’ai qua-si-ment rien acheté… je dis bien qua-si-ment parce que je n’étais pas là pour moi mais pour mon fils le coquin qui a lui de son côté flâné longtemps entre les livres de coloriages de Noël les livres sur les dragons et les atlas de tout acabit et a réussi avec son sourire d’ange à se faire offrir plein de choses par les vendeurs, il est comme ça – il s’avance vers les gens en souriant et tout lui tombe entre les mains, d’ailleurs faudrait voir à ce que ça n’arrive pas trop souvent qu’il ne s’imagine pas que tout est toujours aussi simple – et puis j’ai vu énormément de livres intéressants comme ce tout petit livre très cher sur les photos de Anja Hyytiäinen qui s’appelle Distance Now avec de très beaux clichés très crus et très froids comme savent en faire les gens du Nord (le premier qui siffle la chanson d’Enrico Macias c’est deux gifles), mais aussi Sensationnal Billboard aux éditions Teclum sur les panneaux publicitaires, Do not disturb de Chas Ray Kinder, très porno chic ou porno tout court et aussi un livre dont je ne soupçonnais même pas l’existence, un livre de leçons de photo écrit par le très célèbre Stephen Shore.

Une very stylish fille

Et puis je suis allé à Paris, samedi, dans les grands magasins du boulevard Haussmann, je voulais aller sur le toit du Printemps mais il faisait déjà presque nuit quand je suis arrivé et puis de toute façon, je ne suis pas allé au Printemps mais aux Galeries Lafayette plus connues sous le nom de Galeries de la Fille ou Temple du Superflu et de la séduction clinquante ou encore Naos du petit cul qui se trémousse, c’est une question de point de vue et fichtre qu’il y avait du monde, dans les rues, sur les trottoirs et dans les allées, aux caisses et dans les rayons, jusqu’au plus haut de cet immense vrac de choses brillantes et de choses chères et plus chères qu’ailleurs, et puis toutes ces femmes, que des femmes – faut dire aussi que si on se contente de se promener au 4ème étage – pour celles (et ceux, mais bon) qui connaissent – ben c’est forcé qu’on soit noyé au milieu des femmes shoppingnantes parce qu’on est ici à l’étage Tendances de la femme, c’est un peu le Gotha du brillant de la marque du tendance et du c’est vraiment trop génial pour les femmes. J’adooooooooore…

Dehors les vitrines clignotaient miroitaient reflétaient cliquaient et tous ces gens horribles prêts à se monter dessus pour voir les vitrines animées et qui poussaient leurs enfants pour qu’ils soient les premiers et qu’ils puissent voir absolument en marchant sur les pieds et sur le visage de leurs congénères – leur inculquant dès le plus jeune âge les règles les plus élémentaires de la vie en société soit la traîtrise la couardise et le méchanceté, rien de moins que tout ce qu’on retrouve chez leurs chers parents et lorsque je vois de toutes petites filles vêtues de fourrure blanche, des vraies certainement et les pieds chaussés de souliers vernis de marque, je me dis que le monde n’est pas prêt de tourner rond, alors je change de trottoir, là où l’air est moins vicié et les gens moins puants et je dis à mon fils qu’on viendra un soir de semaine quand tous ces cons seront chez eux et je le laisse sucer son sucre d’orge en lui disant d’essayer absolument de se rappeler qu’on est encore en novembre et que Noël – ce n’est que dans un mois… On l’oublierait presque.

sucre d'orge

Deixa

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Deixa.mp3]

Simplement quelque chose d’agréable… Comme pour dire quelque chose qui n’a vraiment de sens que dans l’hypothèse.

Deixa

Saturation à haute dose (data & information)

Cette fois, je crois que le combat est perdu.
J’ai tenté de me soustraire du monde, et je crois… que ça a fonctionné. L’information, la télévision, la radio, les journaux, les fils d’actualités… J’ai tenté de tout réintégrer, sans succès. J’ai tenté de suivre, de m’intéresser, de faire abstraction des partis pris d’une presse qui se veut indépendante mais qui ne fait que le jeu de la pensée unique.
Même les journaux de gauche sont tombés, ils n’ont pas résisté à la déferlante réactionnaire, les derniers remparts se sont effondrés… et moi avec.
Lorsqu’en une du Parisien (je n’ai pas dit que c’était un journal de gauche), samedi, je vois écrit en gros “Victoire contre les All Blacks, 50% des Français y croient”, je me demande si je ne suis pas en train de manquer quelque chose en évinçant totalement l’actualité de mon champs de vision, ou si au contraire, on ne nous donne pas à bouffer de la merde précisément parce qu’on a perdu le sens des valeurs (au sens éthique du terme) et qu’on ne sait plus voir l’information comme quelque chose pragmatique, qui repose sur une critique des faits de société.
Quand je vois Libé qui fait sa une sur une hypothétique rupture entre le chef d’Etat et sa greluche, je ne situe plus rien, je perds mes repères. La gauche socialiste se délite parce que les historiques se demandent quelle mouche a piqué ceux de leur camp qui rejoignent la bastide sarkozyste et le gouvernement au lieu de s’interroger, d’avoir une pensée critique permettant de reconstruire ce qui a été abattu. Ils ne voient pas que l’autre réussit son coup, à grands coups de pensée unique à créer du vide avec du vide !!! Vraiment, je n’en peux plus. Alors je sors le fil RSS de Libé de mon agrégateur, je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de conneries. Continue reading “Saturation à haute dose (data & information)”

La femme qui voulait devenir un cyborg

Les marges fonctionnent, comme le monde marchand, avec des icônes dynamiques. Ces dérisoires icônes sont : “la frontera et la peau ; la bâtarde et la malinche ; le cyborg, le coyote et le virus ; le Modest_Witness, l’OncoMouse, la FemaleMan ; le sujet nomade ; l’intellectuelle organique ; la mimesis déviée ; le drag et la citation subversive ; le gender blending ; l’hermaphrodyke ; le gode ou la prothèse ; la trans-formation…” Les “sujets” de telles icônes, qui ne sont ni des hommes ni des femmes, sont privés de luttes et leur existence n’a jamais besoin d’être vérifiée.

Jordi Vidal
in Servitude et Simulacre en temps réel et flux constant
Réfutation des thèses réactionnaires et révisionnistes du postmodernisme

Parfois, je me dis que je ne suis pas vraiment sorti de la philosophie, ne serait-ce parce que je continue de combattre une certaine idée de la modernité, parce qu’au fond, j’ai parfaitement conscience que la techné n’est pas une fin en soi, mais un “service”.