Dénoncer, détruire, reproduire et la relique barbare

Bien. Je vais écrire quelques mots. Ces quelques semaines se sont égrenées ici sans établir de dialogue, par la simple démonstration d’images, souvent sans légende à la manière d’un de ces croquis légers que l’on trouve dans les quotidiens. Je me sens absent, ce qui n’est pas sans vouloir dire qu’une énorme mutation semble me secouer. Cette absence manifeste se traduit également par une sensation de liberté et de retour au calme. Je ne me sens plus tellement secoué par ce flux continuel contrariant auquel j’étais soumis autrefois. Aujourd’hui, tout est différent, un peu comme si j’avais changé d’environnement du jour au lendemain et que j’avais de plus en plus de mal à reconnaître les murs entre lesquels je me trouve. Je me sens comme animé d’une nouvelle force…
J’ai l’impression de parler dans le vide, et d’ailleurs, je le fais comme s’il n’y avait personne pour lire ces mots. Étrange. Dans la même veine, je me suis surpris à rassembler tous mes carnets et à recommencer à écrire, sous forme de journal, un exercice auquel je me plie de façon compulsive en corrélation avec d’autres choses qui traversent ma vie actuellement.

Je reprends plaisir à tout, à manger, à boire, à respirer l’air pollué du dehors ou celui du matin lorsque je pointe le bout de mon nez dans le brouillard à des heures indues. J’imagine alors que je suis en train de trouver les réponses aux questions que je me pose depuis quelques années, que je pointe du doigt les angles qui nécessitent une réflexion et que je laisse de côté les points de souffrance qui ne méritent finalement pas que je m’y attarde, comme si je pratiquais avec une rigueur consciencieuse à une sorte d’ataraxie surgie de nulle part. J’imagine aussi que j’arrive à la fin de la lutte qui se jouait en moi, que j’en reviens à des convictions politiques saines et fondées, bien que totalement à contre-courant de ce qui se pratique dans les grands fonds des rangs militants bêlant de plaisir à la moindre bassesse. Je redeviens discret comme si je prenais la place qui était la mienne. J’en ai désormais fini avec les idéologies sociales avec lesquelles je n’ai décidément rien à voir, parce que c’est comme ça, je ne peux pas. L’idée de propriété, la notion de contrat social, l’opinion… tout ceci va à l’encontre de ce que je suis et de ce que je pense. Mais je ne suis pas non plus un rebelle parce que je n’emmerde personne avec mon point de vue.

J’entendais à la radio ce matin (oui, ce matin, j’ai écouté la radio) que les investisseurs se tournaient à nouveau vers l’or sous sa forme la plus manufacturé, le lingot. Cette matière première que Keynes appelait la relique barbare est à nouveau en vogue et sa demande devient de plus en forte. La raison se devine aisément ; l’Inde et la Chine, les deux super-puissances qui font tant peur, sont très demandeuses de cette matière première pour satisfaire les goûts particulièrement mauvais des classes émergentes de ces économies émergentes. La revalorisation de cette valeur refuge est pourtant un mauvais indicateur de la vie économique, car les investisseurs ont peur de l’investissement dans les valeurs traditionnelles et cela annonce une période inflationniste, ce qui n’est pas fait pour rassurer.
Tout ceci me rappelle l’époque amusante, dans les années 80, où l’on voyait René Tendron ou ses petits collègues donner les tendances de la Bourse avec les agités du bocal de la Corbeille en toile de fond et réciter sur un ton monocorde les cours du lingot et du Napoléon. Lointaine époque… J’imagine en fait qu’il n’y a pas besoin de commenter cette actualité.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui, et moi, je me sens bien.

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Aucun rapport entre le sujet et la photo.

Bobine

Trees

Je ne sais plus qui disait que l’écriture d’un journal ou d’un roman ne peut provenir que de l’extraction du quotidien et qu’elle ne peut relater que le flux des jours dans leur continuité, comme une bobine de fil qu’on déroule lentement, fil sur lequel on trace des petits traits comme pour y marquer les événements de notre vie.
Je ne sais plus non plus qui disait qu’on peut faire énormément de mal en écrivant.
Pas plus que je ne me rappelle qui a dit que le désir de vengeance était quelque chose de mal et qu’il fallait l’enfouir au fond de soi pour le transformer en quelque chose de positif.
C’était peut-être moi.
Par contre, je me rappelle clairement qui a dit :

“Qui a dit que c’était mal de vouloir se venger ?”

Saturation à haute dose (data & information)

Cette fois, je crois que le combat est perdu.
J’ai tenté de me soustraire du monde, et je crois… que ça a fonctionné. L’information, la télévision, la radio, les journaux, les fils d’actualités… J’ai tenté de tout réintégrer, sans succès. J’ai tenté de suivre, de m’intéresser, de faire abstraction des partis pris d’une presse qui se veut indépendante mais qui ne fait que le jeu de la pensée unique.
Même les journaux de gauche sont tombés, ils n’ont pas résisté à la déferlante réactionnaire, les derniers remparts se sont effondrés… et moi avec.
Lorsqu’en une du Parisien (je n’ai pas dit que c’était un journal de gauche), samedi, je vois écrit en gros “Victoire contre les All Blacks, 50% des Français y croient”, je me demande si je ne suis pas en train de manquer quelque chose en évinçant totalement l’actualité de mon champs de vision, ou si au contraire, on ne nous donne pas à bouffer de la merde précisément parce qu’on a perdu le sens des valeurs (au sens éthique du terme) et qu’on ne sait plus voir l’information comme quelque chose pragmatique, qui repose sur une critique des faits de société.
Quand je vois Libé qui fait sa une sur une hypothétique rupture entre le chef d’Etat et sa greluche, je ne situe plus rien, je perds mes repères. La gauche socialiste se délite parce que les historiques se demandent quelle mouche a piqué ceux de leur camp qui rejoignent la bastide sarkozyste et le gouvernement au lieu de s’interroger, d’avoir une pensée critique permettant de reconstruire ce qui a été abattu. Ils ne voient pas que l’autre réussit son coup, à grands coups de pensée unique à créer du vide avec du vide !!! Vraiment, je n’en peux plus. Alors je sors le fil RSS de Libé de mon agrégateur, je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de conneries. Continue reading “Saturation à haute dose (data & information)”

Voyage en Finlande


Voyage en Finlande

Originally uploaded by Lost in Anywhere

J’ai fait un rêve. Un rêve livresque, dans lequel tous les livres auraient des pages imprimées sur deux colonnes, comme si malgré l’épaisseur, nous avions entre les mains les lignes d’un journal. Je me suis pris à imaginer que tous les livres écrits sur une seule colonne étaient tout à coup rayés des listes et qu’on se prendrait à imprimer des livres de la sorte. Un rêve…

Détours sur les murs

131 - Poilue de Paimpol

A chaque jour, à chaque pas, à chaque instants son lot de surprises. Jamais je ne sillonne les rues d’une ville sans regarder ce qui se passe dans les rues, sur les murs, sur les trottoirs et dans les caniveaux, en hauteur, partout. Parfois, c’est une statue de la vierge juchée dans une niche dorée, éclairée lorsque la nuit tombe, tantôt c’est un maillon de chaîne qui traine sur le quai, une gargouille sur la cathédrale représentant un moine forniquant avec une nonne, tantôt une ruelle dont les murs distants d’à peine un mètre sont recouverts d’affichettes… Tantôt c’est un autocollant incongru appliqué sur une gouttière ou sur le pied d’un panneau. Regarder, voilà le maître mot, savoir déchiffrer les mystères intrinsèques d’une ville, se perdre et en savourer les odeurs tandis que les autres tentent de parcourir toute la ville en un minimum de temps.

J’étais heureux que cette équipée admirable nous ait marqués. C’était comme une encoche sur un couteau d’assassin. Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi.

Nicolas Bouvier, Les chemins du Halla-San
in Journal d’Aran et autres lieux
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Sogwipo, juin 1970.

Je crois qu’on a besoin d’un bon café

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Je ne sais pas pourquoi j’écris ce billet parce que je me doute que tous les fous furieux des aventures de l’agent spécial Dale Cooper sont déjà au courant. La saison 1 de Twin Peaks est désormais disponible à la vente en DVD. Même si on regrettera apparemment une réalisation prise par dessus la jambe, le principal est là. Twin Peaks existe désormais en DVD. Saison 2 prévue pour la fin de l’année. Et comme dirait Cooper, « Je crois qu’on a besoin d’un bon café. »

Côté bonus, hormis une introduction de chaque épisode par la Femme à la bûche (du style : « Cette chanson se terminera sur trois notes aiguës comme de funestes battements de tambour »), on a le droit d’hésiter entre intense foutage de gueule et gigantesque poil dans la main. Les acteurs parlent de tout, sauf de Twin Peaks. Ainsi, les trente secondes d’entretien avec Kimmy Robertson alias Lucy se résument à filmer le trou qu’une taupe a creusé dans son jardin. A noter, tout de même, une interview de Mark Frost, co-créateur de la série, par deux journalistes de la revue de fans Wrapped In Plastic (« Enveloppée dans du plastique »), mais de Lynch, rien : « Lynch n’aime pas revenir sur le passé », regrette Pierre Olivier.

Via Ecrans.

Delerm du temps

Delerm est une feignasse. Il écrit un livre de 94 pages tous les cinq ans. Le genre de livre qu’on ne met pas plus d’une semaine à écrire tant les pages sont aérées, traversées par d’immenses courants d’air typographiques. Aussi, je me dis que quand on ne fait que ça de sa vie, quand on a tout son temps pour écrire, peut-être peut-on se fouler un peu plus. Je m’étais mis dans l’idée de ne lire pendant une certaine période que des petits livres, voire des fascicules. M’en voilà revenu. Delerm est une feignasse, je répète, d’une flemme molle et d’une écriture qui l’est tout autant. C’est un livre sur les petits riens (Enregistrements pirates) sur tous ces signes qui font sens, volés à la vie du quotidien. C’est mou et sans difficulté, et sans beaucoup d’émotions non plus, rien n’accroche. Parfois, on éprouve un soubresaut, mais ça ne dure pas, ce n’est pas non plus une révolution. C’est dommage parce que ça commençait bien avec cette femme qui promène son chien, les mains dans les poches. Continue reading “Delerm du temps”