Delerm du temps

Delerm est une feignasse. Il écrit un livre de 94 pages tous les cinq ans. Le genre de livre qu’on ne met pas plus d’une semaine à écrire tant les pages sont aérées, traversées par d’immenses courants d’air typographiques. Aussi, je me dis que quand on ne fait que ça de sa vie, quand on a tout son temps pour écrire, peut-être peut-on se fouler un peu plus. Je m’étais mis dans l’idée de ne lire pendant une certaine période que des petits livres, voire des fascicules. M’en voilà revenu. Delerm est une feignasse, je répète, d’une flemme molle et d’une écriture qui l’est tout autant. C’est un livre sur les petits riens (Enregistrements pirates) sur tous ces signes qui font sens, volés à la vie du quotidien. C’est mou et sans difficulté, et sans beaucoup d’émotions non plus, rien n’accroche. Parfois, on éprouve un soubresaut, mais ça ne dure pas, ce n’est pas non plus une révolution. C’est dommage parce que ça commençait bien avec cette femme qui promène son chien, les mains dans les poches.

Et puis dans les couloirs du métro, mon livre refermé, je me fais dépasser par une femme d’une trentaine d’années, une femme aux cheveux ondulés retenus par un chouchou, elle semble pressée et piétine derrière la foule qu’elle n’arrive pas à dépasser. Ses jambes, la cambrure de son dos, tout en elle me rappelle quelqu’un et l’espace d’un instant j’ai un pincement au coeur. Dans la rame, je souris de voir cette fille apparemment un peu sans-gêne qui demande au type à côté d’elle si elle peut lui prendre son journal. D’abord il ne comprend pas et puis il lui donne l’air résigné, se disant peut-être que c’était le début de quelque chose. Et puis la serveuse du café d’en face m’adresse un sourire complice pendant que je suis en train de verser du sucre en poudre dans mon café.

Et si finalement il avait raison ? Et si c’était dans ces petits riens que la vie prenait tout à coup consistance. Il est certainement dans le vrai, mais avait-il réellement besoin d’en faire un livre de 94 pages ?

7 Replies to “Delerm du temps”

  1. franchement j’avais déjà capituler sur “la première gorgée de bière” alors là!!!
    je ne suis pas une grande critique mais j’approuve!
    par contre le petit livre des insultes et injures et un délice!!

  2. Je le dis et je le répète… rien ne vaut les petits bonheurs! Mais aussi rien ne vaut un bon bouquin… et soit content qu’il ne fasse que 94 pages… cela ne t’es jamais arrivé d’espérer en vain qu’un bouquin soit bon et tu te manges 350 pages avant de réaliser que tu arrives à la fin et qu’il est vraiment très, mais alors très mauvais?!?

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