Chasseurs de canyons

Il fallait y penser, rassembler des photos des plus beaux canyons du sud-ouest américain en un même endroit, une galerie impressionnante – un peu dommage tout de même que la qualité d’image ne soit pas toujours au rendez-vous. Slot Canyons.

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Node n°4 ™ (Là où l'oeil est regard…)

La photo a ceci d’intéressant qu’elle permet une gamme créative immense. Les séries de photos, exposées comme dans une galerie, les images qui se succèdent selon un rythme saccadé, tel un film en noir et blanc dont la projection sur l’écran provoque des tressaillements, voilà ce que représente pour moi la photo, une sorte de dynamique dans le mouvement.
Morceaux venus d’un peu partout. Continue reading “Node n°4 ™ (Là où l'oeil est regard…)”

Confessions of a burning man

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Il y a quelque chose de fascinant dans cet événement planté en plein milieu du désert, qui part aussi vite qu’il arrive, telle une tempête de sable ne laissant rien d’autre sur son passage que la poussière. Le Burning Man me fascine, et je remercie Pierre-Olivier Labbe de me l’avoir fait découvrir, ainsi que Fabienne de m’avoir fait découvrir Darkhorse. L’univers du Burning Man, c’est une sorte de joyeuse fête hippie poussiéreuse, à mi chemin entre manifestation carnavalesque et manifeste mad maxo Priscillien, et foncièrement décalée avec les icônes polies d’une Amérique qui sourit de toutes ses dents blanches, sans pour autant se montrer dramatico-lyrique, en montrant un visage souriant et joyeux. La notion d’éphémère rend tout ceci inconstant et fragile.
Le burning man, je viens de le découvrir, a fait l’objet d’un documentaire: Confessions of a burning man, dont la musique donne le ton, une musique sensuelle et suave qui nous transporte dans un univers inconnu.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Crash_and_Burn_Intro.mp3]

Quelques morceaux de Darkhorse sont disponibles à l’écoute chez Napster, et pour les acheter il faudra passer par Three Sixty Records, un label électro dans lequel on pourra trouver des petites pépites telles que Sr Mandrill ou James Bernard.
Par ailleurs, je ne saurais trop conseiller la lecture du fabuleux livre de Magnus Mills, 3 pour voir le roi, lequel nous plonge dans cette ambiance un peu baba en plein milieu du désert.
Visions multiples du Burning Man en vidéo.
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Less than zero, Bret Easton Ellis

Je ne comprenais pas trop pourquoi on faisait tout un foin autour de cet auteur apparu au début des années 80, et surtout, je ne comprenais qu’on le considère comme un des plus grands écrivains des temps modernes et pourquoi on le comparait tant aux auteurs de la Beat Generation. Désormais, après avoir terminé Less than zero son premier roman que je me ferai un plaisir de lire dans le texte, je comprends un peu mieux. Tout l’art de Bret Easton Ellis tient dans son style. L’histoire, après tout, on s’en tape, elle est récursive, on tourne en rond, on n’avance pas beaucoup pendant les trois quarts du bouquin, mais ce n’est pas grave, le style nous entraîne jusqu’au bout, il nous tient en haleine avec ses phrases courtes, ses transitions simples, ses petits paragraphes ; on passe du dialogue à un style direct au présent, dans une narration impeccable, les phrases sont courtes mais il s’y passe beaucoup de choses.
Même les dialogues hachés sont généralement introduits par le narrateur lui-même, ce qui donne au texte une force incroyable. Un style pour le moins lumineux. Continue reading “Less than zero, Bret Easton Ellis”

Node™ n°3

Pour commencer, je suis allé faire un tour du côté de chez Google Books sur les conseils de Manue, parce qu’il parait – enfin, non, c’est vrai – qu’à présent on peut citer des extraits de livre et les faire s’afficher dans un page en HTML, sous forme de texte ou d’image, ce qui ne manque pas de charme – je pense notamment aux oeuvres de Humboldt que j’adore compulser sur le site ou cette étrange lettre sur l’invention de la boussole. Continue reading “Node™ n°3”

David Vetter, l'enfant bulle

En regardant distraitement d’un oeil endormi la télévision, je suis tombé hier soir sur un documentaire de Barak Goodman concernant David Vetter, l’enfant bulle. Son cas n’est pas très connu en France, mais aux Etats-Unis, il a profondément marqué la conscience collective et provoqué des débats éthiques pour le moins houleux. Né le 21 septembre 1971 dans un isolateur, il était atteint d’un SCIDS* et a passé en tout les seules douze années de son existence enfermé dans cette bulle à l’atmosphère stérile. Continue reading “David Vetter, l'enfant bulle”

Etranger dans son propre pays

Mes lectures d’été m’ont conduit à prendre un peu de distance avec légèreté en lisant un livre dont je savais pertinemment qu’il ne me ferait pas de noeuds au cerveau tout en me laissant à la fin de la lecture, moins idiot que je ne l’étais au départ. Après la lecture de Motel Blues, je me doutais que lire American Rigolos* de Bill Bryson ne me décevrait pas.

Photo © Kodama

Bryson, né Américain, revient aux Etats-Unis après avoir passé 20 ans de sa vie dans la campagne anglaise. Personne mieux que lui ne peut décrire avec autant d’impartialité son pays dans ses travers comme dans ses qualités puisque c’est son pays, un pays étrange qui a changé pendant ces 20 ans d’absence, et dans lequel il se sent parfois étranger. En 1996, un ami journaliste lui demande d’écrire des petites chroniques sur la vie aux USA, chroniques destinées à être publiées au Royaume-Uni, et au bout du compte, ce sont 75 pièces des trois ou quatre pages chacune, bourrées d’un humour tendre et tout britannique, nous apprenant ce que sont les Etats-Unis dans toute leur absurdité. Il m’avait fait hurler de rire dans Motel Blues, il m’a attendri, fait peur et fait rire aux larmes dans celui-ci. Mais sous l’humour se cache aussi l’énergie feutrée du désespoir et l’angoisse de vivre dans un pays qui semble avoir perdu la raison.

Mes concitoyens se sont si bien accoutumés aux progrès constants de la technologie que dans les années soixante ils en sont arrivés à imaginer que les machines devraient tout faire à leur place.
Je me rappelle avec précision le jour où j’ai compris que ce n’était pas forcément une très bonne idée. En 1961 ou 1962, mon père avait reçu pour Noël un couteau électrique, un des premiers modèles, donc un engin assez impressionnant. Peut-être ma mémoire me joue-t-elle des tours, mais il me semble bien le voir en train d’enfiler des gants de chantier et de mettre des lunettes de protection avant de brancher la prise. Une chose est sûre : au moment où il a voulu découper la dinde, celle-ci s’est désintégrée dans un nuage de charpie blanche et la lame a attaqué le plat dans une gerbe d’étincelles bleues. Puis l’appareil a sauté des mains de mon père, traversé la table et disparu de la pièce tel un Gremlin. Je crois qu’on ne l’a jamais revu, mais certains prétendent l’avoir entendu parfois, tard dans la nuit, se cogner contre un pied de table.

L’humour de Bryson contraste terriblement avec celui de ces concitoyens, avec qui il désespère de pouvoir plaisanter. C’en est affligeant:

Tout a commencé de manière très innocente. Peu de temps après notre emménagement, un des arbres de notre voisin est tombé. Un matin, j’ai remarqué qu’il le débitait et en chargeait les morceaux sur la galerie de sa voiture. C’était un arbre très touffu et les branches débordaient largement du toit.
– Et alors ? On essaie de camoufler sa voiture ? lui ai-je lancé, très pince-sans-rire.
Il m’a dévisagé un moment.
– Mais non, pas du tout, m’a-t-il expliqué le plus sérieusement du monde. La tempête de l’autre soir a fait tomber notre arbre et maintenant je dois emmener les branches à la décharge.

Bryson a une explication, que l’on trouve également chez Anne-Marie Schwarzenbach **:

L’ironie est ici le mot clé, bien sûr. Les Américains ne l’emploient pas beaucoup. (Ici je fais de l’ironie : en réalité ils ne l’emploient jamais.) On peut presque s’en réjouir. L’ironie est cousine du cynisme, et le cynisme n’est pas un trait vertueux. Les Américains – pas tous, mais bon nombre d’entre eux – n’aiment ni l’une ni l’autre. Leur attitude dans la vie de tous les jours est confiante, directe et littérale au point d’en être attendrissante. Ils ne s’attendent pas à ce que les conversations dérivent en joutes verbales sophistiquées. Tout écart les déstabilise.

* Le titre original est “I’m a stranger here myself, notes from a big country
** in Loin de New-York

Desktopography

L’aventure Desktopography est amusante. L’idée est de créer une galerie de fonds d’écran superbes autour du thème de la nature. Terminés les cascades des Rocheuses et les paysages enneigés du Vermont. Ici, c’est beau. Un peu difficile à charger mais la navigation est agréable.

desktopography

Minuscules écrits autour de personnages d'un quotidien qui n'aurait pas de nom

1.

Deux femmes sont debout dans le couloir du RER. Elles parlent entre elles dans une langue qui me semble totalement inconnue. Elles ont une peau noire assez claire et un nez retroussé. Incapable de me concentrer, j’essaie de trouver une ressemblance avec une langue que je connais, mais au milieu du discours fluide, sont intercalés des mots français et des mots créoles qui rendent mon écoute difficile. Au bout d’un moment, après m’être imprégné de ce flux agréable, je me rends compte que c’est du portugais, mais pas n’importe lequel, un portugais du Brésil, doux et léger, pas râpeux comme peut l’être celui des campagnes portugaises. Je les regarde parler entre elles, apparemment de tout et de rien, la conversation a l’air moins passionnante que la musicalité avec laquelle elles s’expriment.

2.

Je la remarque tout de suite parce qu’elle parle fort dans son téléphone alors que le silence règne dans le train. C’est le genre de fille que la discrétion n’étouffe pas. On a vite fait de catégoriser les gens et celle-ci fait partie de l’espèce de plus en plus répandue de Petassus Maximus, ça se voit tout de suite. Elle porte sur elle un morceau de tissu informe rayé noir et or qui lui va du bas des épaules au haut des genoux qui n’arrête pas de découvrir ses épaules, ce qui est certainement l’effet recherché. Gloss sur les lèvres, lunettes de soleil teintée, bagues énormes, elle est toute jeune et déjà complètement envasée dans le monde de l’apparence. Je ne retiendrai qu’une seule chose d’elle, son parfum doux que j’ai pu sentir malgré la distance. Un parfum reconnaissable puisque j’ai déjà pu le sentir des dizaines de fois.

3.

Train de 8h11. Sur le quai du train, elle ne peut qu’attirer les regards. Elle porte un pantalon court qui s’arrête sous le genou, fait d’une étoffe lisse et luisante comme le satin. Légèrement évasé à partir du genou, il enveloppe ses fesses avec magnificence, dans une courbe parfaite, laissant deviner des formes généreuses qu’elle doit savoir agréables au regard. Un jour, j’ai dit à une femme concernée par mes dires que j’adorais les femmes qui épousaient parfaitement leur pantalon. C’est exactement le cas. Lorsque de profil, je regarde avec envie ce magnifique fessier, je peux deviner la courbe de sa cuisse, ses fesses bombées et relevées, et de face, l’étoffe serrée peut même laisser deviner le dessin délicat de ses lèvres. Décidément trop absorbé par cette vision heureuse, je délaisse son visage que je trouve quelconque et sans intérêt. Certaines femmes ne sont parfois qu’en partie désirables.