Jan Faßbender

Le travail de Jan Faßbender a ceci d’intéressant qu’il puise au coeur de la nature la vision déformée que nous pouvons en avoir. Chez lui, tout tourne autour de la transformation, de ce qu’il appelle l’architecture du paysage, et de l’empreinte de l’activité humaine sur la formulation du paysage, même discrète.
Un travail pointilliste et méticuleux…

janfassbender.de/a_d_l.html

Via Conscientious.

Esquisse et fragile tentation /ɛs.kis/

Il y avait une feuille blanche posée mon bureau.
Dans la main gauche, entre le pouce et l’index, je faisais tourner mon crayon à papier, lentement et parfois il tombait – sur la feuille blanche.
Puis je l’ai porté quelque fois à la bouche – le simple plaisir de sentir sa surface douce sur mes lèvres.
Et le crayon est tombé à nouveau – sur la feuille blanche.
Et encore une autre fois – sur la feuille blanche.
Puis une autre – sur la feuille blanche, posée sur mon bureau.
Et ainsi de suite, et encore, et encore et des dizaines de fois. – sur la feuille blanche.
J’ai baissé les yeux pour le ramasser – j’ai découvert que j’avais dessiné une constellation grise de points – vacillants et incertains – une tornade à peine esquissée – prise dans les filets du hasard et de la folie.
Un coup d’œil étonné – un rectangle blanc réfringent posé là – une œuvre subtile née du vide.
J’attendais plutôt un baiser…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/So_Broken.mp3]

Interdit, voire strictement interdit

Ce n’est pas parce que c’est interdit qu’il ne faut pas le faire. Ce n’est pas non plus parce qu’on n’a pas l’autorisation qu’il ne faut pas la prendre. Pas plus qu’on ne doit pas faire quelque chose sous prétexte qu’il n’y a strictement aucun intérêt à le faire. Et que ce soit interdit ou strictement interdit, là n’est pas le problème.
Et c’est ainsi que naissent les révolutions.

strictlynophotography

Strictly no Photography recense toutes ces images volées qu’on n’est pas censé voir, tout ce qui est sans intérêt, voire strictement sans intérêt, mais toutes ces images sont uniquement animées par le désir de subvertir et de ne pas respecter les avertissements.

La pluie de verglas et l'autre absolu

Photo © Bitzcelt

Plus d’une semaine de congés, enfermé, avec autour de soi les visages familiers, et parfois ceux des autres, les grands inconnus des équations extérieures, ceux qu’on croise en voiture ou sur le trottoir d’en face, mais guère plus, guère plus que ça – tout ceci éloigne de la nature des gens, on se retrouve isolé dans une solitude acariâtre depuis laquelle on n’a même plus conscience de l’extériorité du monde.
Depuis plus de deux semaines, je n’avais pas pris le train, ce qui est pour moi l’ultime expérience de socialisation. Et ce matin précisément, le sol était verglacé, recouvert de pellicules convexes d’eau emprisonnée ; même les roues métalliques du train avaient du mal à ne pas glisser lors de l’entrée en gare, l’ensemble de la rame continuant son chemin sur quelques mètres après s’être arrêté. De nos bouches sortaient des volutes grises, le souffle qui donne l’impression que les autres respirent à l’unisson.
Sur le quai de la gare, le fait d’être statique en face des autres, tout aussi statiques que moi, me donnait l’impression de pouvoir redécouvrir les autres sous un aspect que j’avais oublié. On se déshabitue vite de le présence des inconnus.
Voir le visage des autres absolument étrangers est un plaisir de gourmet dont je ne me lasse jamais, car dans ce qu’il y a de totalement autre, je me reconnais, je me retrouve.

Dans le train, elle s’asseoit sur le pan droit de mon caban sans se douter que finalement, c’est sur mes effets qu’elle pose son postérieur.
Je n’ai pris d’elle dans ma mémoire que ses petits gants et sa veste en laine noire, sa jupe large et courte en tweed gris, une frange nette au-dessus de deux grands yeux bleu intense, coiffés de longs cils maquillés.
Je pouvais la sentir regarder ses mains dont je ne voyais, entre la veste et les gants, qu’une infime surface de peau. Quelque chose la tracassait, je pouvais le sentir, peut-être tout simplement l’ennui. Je ne pouvais pas la regarder, juste sentir sa présence dans un jeu de va-et-vient entre les pages de mon livre et les rebords de mon caban emprisonné.

C’est ça que j’apprécie avec les autres, c’est pouvoir les sentir, sans même les regarder, imaginer l’expression de leur visage en regardant leurs mains bouger, extrapoler sur ce qu’ils sont sans en savoir plus que ce qu’ils donnent à voir. C’est aussi sentir leur chaleur, leur souffle, leur haleine, leur coeur palpitant sous des montagnes de tissus.

Lorsque je me lève pour sortir, je tire un peu sur mon caban pour lui signifier que je ne peux pas me lever. Elle me sourit d’un air gêné, ou entendu, tout dépend du point de vue.

L’absolu étrangèreté des corps est certainement ce que nous avons de plus familier et qui nous donne tellement l’impression de leur ressembler, une ressemblance qui laisse présumer de notre existence, à nous aussi.

Voyage aux pays des Roms

Joakim Eskildsen s’est lancé sur les routes pour aller quérir l’essence de la vie des Roms. Peuple de la désertion, du nomadisme et aussi du rejet, il l’a imprimé sur la pellicule l’âme de ces personnages marquants aux visages burinés par la pauvreté. Comme il le dit lui-même, comprendre l’attirance pour les Roms ne peut avoir de réponse.
De la France à la Russie, de l’Inde à la Finlande, il a tracé ces hommes et ces femmes avec une sensibilité rare.

Roma journey

A voir également, la superbe série sur les signes nordiques, et ses superbes photos de la Medina.

Northern Sea

Une découverte coup de coeur.