De Charybde en Scylla

Tout a commencé par la visite médicale obligatoire du boulot. Et un gentil rappel par mail:

Nous vous rappelons qu’en cas d’impossibilité de vous rendre à la visite médicale, vous devez nous en avertir au plus tard deux jours avant la date de la visite (délai sous lequel la visite n’est pas facturée. Une visite est facturée 80 euros qu’elle soit honorée ou non). Merci de votre compréhension.
PS : N’oubliez pas d’apporter votre carnet de santé

Ok, je vais y aller, pas la peine de crier. J’arrive, c’était mardi, dans le bureau de la secrétaire.

– Bon c’est la première fois que vous venez ?
– Euh nan.
– Ben c’est pour une embauche non ?
– Euh nan.
– Ben je vous ai pas dans mes dossiers.
– Ah bon ?
– Nan. Tant pis, je vous refais un dossier.
– OK.
– Nom, prénom, tagada… (…) Vous êtes né à Saint-Germain en Laye ? Ah mais c’est que je connais bien !!!
– Cool.
– Mais sinon, c’est la première fois que vous venez ici nan ?
– Euh nan, je viens tous les ans, sinon c’est 80 bouboules alors je viens tous les ans.
– Depuis quand ?
– Depuis 2001, date de mon embauche.
– Ben je vous trouve pas.
– Oui, j’ai cru comprendre.
– C’est pas grave, je vais vous faire un nouveau dossier.
– Ben c’est pas ce qu’on vient de faire ?
– Si, mais maintenant faut que je le fasse sur papier.
– OK. Faîtes.

Sur ce, une dame en blouse blanche qui ressemble à un dalmatien dit à la secrétaire:

– On n’a pas retrouvé Monsieur ?
– Nan.
– Ben vous avez fait une recherche avec pourcentage ?
– Nan, mais c’est pas grave, j’ai refait un dossier à Monsieur.
– Oui mais pourquoi vous avez pas fait une recherche avec pourcentage?
– Mais c’est bon je vous dis, j’ai refait un dossier à Monsieur !!
– Oui mais si on a déjà un dossier, c’est dommage.
– Ah mais c’est que ça commence à m’énerver !

J’adore quand les femmes s’engueulent à cause de moi. Une troisième dame arrive, c’est le docteur. Elle ressemble à Françoise Dolto. Du coup, je rougis comme un homard[1]. Elle me regarde et me dit:

– Vous n’êtes jamais venu ?
– Euh si.
– Mais c’était pas avec moi ?
– Ben si.
– Ben ça me dit rien.
– Ben moi je suis venu plusieurs fois et c’est vous qui m’avez vu en caleçon, mais c’est pas grave hein, je ne me vexe pas.

La secrétaire arrive en criant:

– Je vous ai retrouvé !!!! Le Peru ça s’écrit en deux mots nan ?
– Ben ouais !
– Moi je l’avais écrit en un seul !!
– Bon, parfait, je peux y aller là ?
– C’est bien, j’ai pas besoin de refaire un dossier !
– Cool.
– Vous pouvez attendre dans la salle d’attente.
– Ah ben merci hein…
– Attendez, le docteur veut que vous fassiez un test.

Elle me file trois feuilles sur lesquelles on me pose des questions du genre buvez-vous plus ou moins de 4 verres d’alcool par jour ? ou alors vous sentez-vous mal dès que quelque chose ne tourne pas rond ?. Je réponds en toute honnêteté et selon les résultats, j’apprends que je ne suis ni anxieux,ni dépressif, ni alcoolique. Bon ben ça c’est une bonne nouvelle. Pendant ce temps-là, le ventilateur me souffle dans la gueule, ou plutôt dans l’oeil.
J’entre dans le cabinet.

– Bon alors, mettez les yeux dans les petits trous et dites-moi ce que vous voyez.

Je lis la ligne.

– Bien l’autre oeil.
– C’est normal que je vois deux lignes ?
– Comment ça ?
– 1 + 1 ligne.
– Ah non, c’est pas normal. Vous avez consommé ?
– Consommé quoi ?
– De l’alcool ?
– Je viens de remplir un questionnaire où je vous disais que je me mettais une murge tous les six mois et que je ne buvais jamais en temps normal et vous me demandez si j’ai consommé de l’alcool ? Je vous dis que je vois double.
– Bon c’est pas grave. Sinon, vous savez que vous avez des urines dans le sang ? Euh nan, du sang dans les urines ? Comme l’autre fois.
– Ben vous me l’apprenez.
– Et ça ne vous inquiète pas ?
– Ben c’est pas moi le médecin.
– Oui, bon. Allez vous mettre en tenue légère et mettez vous sur la table.
– En tenue légère ? Pour moi tenue légère c’est à poil. Je garde mon caleçon ?
– Oui enfin comme chez vous quoi.
– Alors à poil.
– Nan !

Je vais me déshabiller, je reviens, elle prend ma tension. 10/6.

– C’est pas beaucoup.
– Pour moi, c’est normal.
– Ramenez les jambes en l’air.

Elle me palpe les abdos.

– La vache, vous êtes musclé !
– C’est pas parce que je suis pas gros que je suis pas musclé !
– Oui enfin là, je suis surprise quand même, et puis vous avez la peau toute chaude.
– C’est à dire qu’il fait un petit peu 36°C dehors….
– Bon, vous pouvez vous rhabiller.

Elle me tend un petit papier vert et me dit au revoir. Je retourne au boulot avec une étrange sensation à l’oeil. Hier, mon oeil pleure, il gratte, gonfle. C’est certain, j’ai chopé cette saloperie chez le médecin pendant que je remplissais mes questionnaires à cause du ventilateur. Ce matin, je me réveille avec la sensation que je ne pourrais pas voir mon oeil dans la glace sans pousser un cri d’effroi. Finalement ça va, j’ai juste un coquard. Alors je me demande un truc. Est-ce qu’à cause de la médecine du travail, je peux me prendre un petit arrêt maladie ?
Notes

[1] Elle est géniale celle là, je m’adore !

Bonne route à toi voyageur !

L’impression est tenace, les gens fuient… J’ai de plus en plus l’impression d’être à la fois un nomade du désert, un voyageur solitaire, un aventurier intrépide… Ou tout simplement un vagabond. Un clochard dans l’âme… Je viens de recevoir un mail me disant Bonne route à toi voyageur!, comme si d’emblée j’étais toujours ailleurs, toujours parti…

Un jour, quelqu’un m’a dit que je lui faisais penser à Corto Maltese. Je me suis demandé dans un premier temps, si la ressemblance était physique. Corto est grand, ténébreux et mystérieux. C’est un marin de la Marmar. A part l’anneau à l’oreille, le regard sévère, l’amour de l’Océan et le gout pour les arts martiaux, je n’ai pas sa mâchoire carrée, sa fossette au menton, ses cheveux noirs de jais, et sa stature…

Et je me suis dit finalement que ce n’était certainement pas le physique, mais cette manière de jamais être là, d’être finalement toujours déjà parti, toujours au loin et déjà en partance pour une autre destination…

Un voyageur à qui on souhaite toujours bonne route…

La muse

Pratiquement vingt heures par semaine, pendant plus de cinq ans, j’ai plongé les mains dans la terre, dans le plâtre liquide, j’ai donné des coups de couteau dans le plâtre séché, dans la terre déjà formée, j’ai gratté, j’ai sculpté, j’ai fait de la barbotine… J’ai donné beaucoup, j’ai donné la forme à la pierre. Je passais énormément de temps avec mon maître, Le Tai Dien, un Viet-Namien adorable, tout petit et revêche, qui ne parlait quasiment pas. Il avait une confiance immense en moi et en mon travail, et me disait sans cesse qu’un jour je ferai mieux que lui. J’ai travaillé longuement, ne sortant que quelques pièces tous les ans, à la recherche de la forme et de la matière parfaite. Et puis comme beaucoup de choses, j’ai abandonné. Mon modèle de toujours ? La muse endormie de Brancusi. Et elle était là, face à moi, au détour d’une exposition….

La muse de Brancusi

Un monde d’odeurs

Une fois n’est pas coutume, je me tape encore le train. En fait j’adore prendre le train. C’est plein de monde et plein de vie, ça change de l’expérience solitaire de la voiture et des embouteillages. Et puis j’adore quand les trains sont annulés, comme ça il y a encore plus de monde qui s’entasse dans les mêmes wagons. On se croirait en partance pour la foire aux bestiaux. Alors dans le vieux train métallique qui va à Gare du Nord, je reste près de la porte, à côté d’un grand type qui ferme les yeux. Et ce connard lève un bras pour attraper la barre, me laissant découvrir tout un monde d’odeurs insoupçonnables !!! Les fragrances délicates du dessous de bras déjà croupi à 7h00 !!! J’ai failli en tourner de l’oeil, et puis je me suis résigné à respirer fortement par la bouche pour éviter le massacre. Désolé, mais je descends à la prochaine, je change de wagon, tiens et puis je change de train du coup. Et là je me retrouve dans un RER qui se bonde au fur et à mesure. C’est ça de laisser les trains à l’arrêt sur le quai, ça se remplit tout seul et tout doucement. J’essaie de ne pas décoller les yeux de mon Hunter S. Thompson, mais je ne peux pas m’empêcher de regarder les gens dans leur fureur du matin. Font chier, tout ça !! Train annulé, retardé, plein de monde, bordel de cul !! Pas beau tout ça. Mais j’adore. Les esprits s’échauffent, tandis que je suis dans le désert du Nevada dans une décapotable au coffre rempli de cachetons prohibés.

On entend des gens se plaindre d’avoir les pieds écrasés et puis il y a cette jolie rousse aux yeux bleus qui me regarde. Me regarde pas, j’te dis !!! Une autre regarde la couverture de mon livre avec un sourire amusé, dont je ne sais s’il signifie une sorte d’approbation ou de moquerie, et puis je m’en tape en fait. Un gros type descend : Voilà, 90 kilos en moins dans le wagon. Tout le monde se marre. Le type en face de moi, avec sa gueule mal rasée et son odeur d’eau de Cologne finit de me donner envie de vomir quand je me retrouve avec le col de sa chemise élimé sous les yeux, ça pue le rance. Et puis à Porte de Clichy, je descends pour laisser ces veaux se ruer dehors et c’est tout juste si j’arrive à retrouver ma place. Tant pis, j’ai la poitrine à hauteur de nez d’une Indienne de cinquante ans. Et arrive ce qui doit arriver en pareilles circonstances. Envie d’éternuer violemment, et ça fait un bout de temps déjà que j’ai mon bouquin fermé par manque de place. Une main qui tient le bouquin, l’autre qui essaie de trouver un point d’appui sur la paroi lisse de la porte métallique et cette envie qui me chatouille. Je me suis lâché et j’ai éternué en plein dans la face de la petite Indienne. Pour toute excuse, je lui souris de toutes mes dents avec l’air idiot du crétin satisfait… Je me sentais tellement soulagé. Le métro est plein de nabots. Je vais finir par écrire un bouquin, avec tous ces voyages en train (et ça rime en plus)…

Sans titre

Désolé, je ne me sens pas inspiré du tout, mais alors pas du tout pour donner un titre à ce billet. Ce n’est ni plus ni moins que mon compte-rendu du dernier Paris-Carnet. Une fois n’est pas coutume, je me suis encore fait désirer. Juste avant de partir, je propose à Ambiome de passer la chercher pas trop loin de chez elle, son manque de motivation évident m’a décidé à prendre un peu les choses en main (merci encore Fabienne, entremetteuse de blogueurs !). Et juste avant de fermer mon navigateur, j’envoie un mail à Romu. Mon téléphone sonne. – Oui, c’est Romuald. – Oui, c’est moi. – Nan, en fait c’est Romuald !! – Ah !!! C’est la dernière fois qu’il se fait passer pour moi. Evidemment, le périph est blindé. On n’avance pas. Je sens mon téléphone prêt à sonner, vibrer, produire des sons bizarres, cracher des flammes, éructer… Ce qui arrive. Un SMS, puis un appel où on me raccroche au nez, je rappelle, plus personne. J’envoie deux SMS. Le téléphone ressonne, c’est Eric. Ouais, ouais, on arrive ma poule. Je suis inquiet, ça n’avance pas. Merde… Fait chier, ils vont tous se barrer, on sera encore à Bercy. Et puis on arrive mais j’ai confondu rue Hénard et rue Erard. Merde. Eric ? Ah tu as un plan, cool, on est place du Colonel Bourgoin, tu peux me guider ? Alors tu prends là tu tournes, et tu te dépêches. Ouais. Tuuuut. Oui allo ? C’est Got ! Qu’est-ce tu fous !!!! J’arrive je suis pas loin, je cours, je vole, j’en peux plus, ma chemise est trempée ! Nan je déconne. Ambiome, marche plus vite, STP, enlève tes sabots !! Merde, elle me dépasse d’une tête ! Bon allez, on y est !

Qui que je vois ? Manue, Got, la petite, toute mignonne, tudieu, elle ressemble à sa mère ! Experte en relations publiques et certainement la plus active des photo-reporters de la soirée ! Atta, je vais dire bonjour. Bonjour Eric, bonjour Romuald. Bonjour Romuald. Euh bonjour, météki ? Franck !!! Oh Franck, ça va ? Merde alors… Et je ne l’ai pas revu. Pas cool. Bonjour Monsieur Dotclear, Romuald, Lithium. Nan ? Pas grave. Ben ouais, mais il code beaucoup en ce moment. Pas grave j’te dis ! Bonjour Anne ! Bon alors attends, j’ai des trucs à faire. Un type se plante devant moi, un maigrichon barbu… Bonjour Capitaine. Romuald, quel plaisir!!! Voilà longtemps qu’on ne vous avait vu ! Il a l’air content de me voir. Merde, il se passe un truc. Alors ça y est ? Je suis connu ? On se sert la main. Je prends mon portable. Bip bip. On me raccroche au nez. Merde. Deuxième fois. Pareil. Sauf que cette fois je regarde autour de moi et je vois la personne regarder son portable et appuyer délibérément sur une touche. Merde, c’est elle. Et elle me raccroche au nez ! Elle doit être furax. Bonjour. Moi c’est Neuro, bonjour. Moi c’est Romuald. oui j’avais cru comprendre. Il se passe un truc ici. Bonjour Cey. Euh bonjour. Euh… désolé. Je ne sais pas quoi dire, j’ai presque honte, y’a de quoi. Bon bref. J’ai rameuté mes petits amis vers Cey qui s’est vite retrouvée entourée de plein de monde. Neuro est parti. Revu juste une fois pour parler pénis, ou objectif, je ne sais plus. Bonjour Romuald, tu te souviens de moi ? Bien sur Benjamin, oh l’autre hé, on ne me la fait pas à moi, par contre, tu as plus de cheveux ! Ambiome n’a pas parlé beaucoup, mais le vin l’a aidé. Et puis elle m’autorise à dire que j’ai dit qu’elle était encore plus jolie en vrai. Elle en a rougi la traitresse ! Par contre, elle ne m’autorise pas à dire qu’elle a postillonné, tant pis, ce sera pour la prochaine. Eric, il est adorable, très attachant, mais il s’éparpille, il parle avec tout le monde en même temps. Romu, volubile, excentrique et enjoué, on dirait un gamin, il navigue comme sur le web. Je l’adore. Je vois Charles Liebert, j’ose pas. Pas vu Lolo² ! T’étais là ou pas ? On va pas y arriver ! Et puis il y a Kerlutihoec, ben ouais je connais Gotlib. Il a beaucoup bu on dirait, il me parle d’Ivan le terrible et des cloches du Kremlin et puis je décroche, je comprends plus rien. Manue, on n’a pas beaucoup discuté, hein ! A remettre. Got, il me passe de la pommade et puis après il me casse, plusieurs fois. Il me fait marrer. Un peu fatigué j’ai l’impression. Un type s’avance vers moi. Tu ne serais pas Romuald ? Si c’est moi, c’est pour un autographe ? Moi c’est Goon. Euh, Goon ? Oui Goon. Euh désolé, je vois pas. Ben c’est bien toi qui a un photoblog ? Entre autre. Oui mais c’est pas moi ! Bon ben je vous laisse, je vais pisser. Une canadienne vient s’assoir avec nous. C’est qui ? Sé pas. On parle de figues, forcément. Et puis il y a Cey. Je n’arrive pas à savoir. Si ça lui fait plaisir d’être là. Elle parle un peu. Je suis timide, j’ose pas, je me fais violence mais je ne veux pas la faire fuir. Elle m’a dit une fois qu’elle était toujours plus jolie sur les photos qu’en vrai. Le truc, c’est que ce n’est pas la même. Bon, je ne veux pas te gêner, mais ce que tu dis est faux. Voilà. Et puis t’es partie super vite. J’allais oublier. Ambiome avait bien ramené ses menottes en léopard !! Et puis Eric aussi !!! Alors c’était vraiment une soirée SM ? Merde, j’ai pas pris mon fouet, moi ! Bon, y’a plein de monde que je n’ai pas vu. Pas bien. Merci les footeux, beaucoup de bruits, c’était chiant. La terrasse s’est vidée d’un seul coup, plus personne.

Et puis avec Romu et Ambiome, on s’est bien marré au retour avec ce gamin qui est monté sur ma voiture à République ! Fervent le petit !! Il a quand même dégueulassé mon pare-brise….

Je ne sais pas dire les choses aux gens, mais j’étais content d’être là. De rencontrer des gens que j’avais déjà rencontré. De rencontrer des gens que je ne connaissais que par blog interposé. C’était bien, tout simplement. C’était bon. Merci à vous. A toi, toi et toi, et vous aussi. C’est dans ces moments là que je me dis qu’il y a des gens, dans ce monde, pas très loin de chez soi, des gens exceptionnels.

De la chair

Un titre que l’on aura pu trouver dans les Caractères de Jean de La Bruyère, sauf que l’homme était certes plus prude que je ne le suis en écrivant ces mots. Le train est pour moi une source fantastique d’inspiration, à moins que ce soit littéralement le fait qu’on soit le matin. Une fois encore, je m’assois sur les marches du wagon à deux étages, histoire de casser les bonbons à tous ceux qui voudrait passer par là. A l’étage, au dessus de moi, il y a une paire de jambes interminables et bronzées, au galbe parfait. C’est juste une paire de jambes, avec un buste, un torse, au dessus que j’entr’aperçois et certainement un visage aussi, mais peut-être par peur d’être déçu, je ne cherche pas à savoir qui c’est. Juste une paire de jambes.

Bientôt, tout ça m’a cassé les pieds. J’ai décidé que, tout compte fait, je n’étais peut-être pas écrivain, mais peintre. L’art était peut-être la clef de mon génie. (…) Voilà ce que je lui ai dit: J’ai toujours eu l’instinct d’écriture à l’état latent. Aujourd’hui cet instinct traverse une métamorphose. Cette époque de transition est révolue. Je suis sur le seuil de l’expression.
Couillonnades, il a fait.

John Fante, la route de Los Angeles

torse En ce moment, je pense à l’écriture, au fait d’être sexué de l’écriture. Je pense aussi à tout ces relents de cours de fac, caché au fond de la salle à rêver en écoutant d’une oreille distraite le long flot de paroles du prof, n’en tirant que de temps en temps une substance étrange et compacte. Et puis je me dis que ce n’est pas la vie qui va s’emparer de moi, mais moi qui doit la serrer fort dans mes mains. Rien à voir. C’est comme ça. Je commence à présent à sentir ma chair être envahie de cette tension vitale qu’est le désir et la corporéité. Un mot me revient, Körperlichkeit… Une notion fondamentale dans la philosophie des XIXè et XXè siècles. La corporéité, le fait d’être une chair, un savant entrelacs de corps et d’esprit, qui seraient rendus fous l’un sans l’autre. Je trouve cela d’une beauté excessive, comme j’aime la beauté. C’est ni plus ni moins que l’énergie sexuelle qui oriente l’écriture, lui donne l’impact, la force, la brutalité et la violence. C’est ce qui la valide, l’estampille et l’honore. Si elle n’est pas marquée par la chair intime, elle n’est rien, complètement vidée de sa substance, corps sans vie… Voici le véritable Art de la Faim, celui qu’exerce le vagabond affamé. L’écriture est comme moi, faite pour choquer, pour heurter, rendre sensible, pour exacerber, rendre le jugement difficile et faire passer le convenu pour de la merde. A l’encontre de toutes les conventions, tout le temps. A la fin, je me dis que personne ne peut être moins catholique que je ne le suis… Qu’on me fasse taire, qu’on me tabasse une bonne fois pour toutes, qu’on fasse saigner mon visage pour qu’enfin je ne dise plus rien… De la tuméfaction nait toujours la rancoeur du corps.

Nervous Bride, Songs: Ohia
[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Nervous _Bride.mp3]