Friday night in San Francisco

Photo © Tyler Westcott
Il est près de minuit et je me remets imbécilement devant mon ordinateur sans savoir quoi faire – juste envie de ne pas rester inactif ce qui me tue à petit feu – l’oisiveté dégueulasse le teint de certains – j’ouvre mon traitement de texte et j’enfile un DVD dans le lecteur, quelques chansons que j’ai sauvé du désastre, des vieux trucs pour la plupart et je retombe sur un album que j’ai beaucoup écouté du temps où j’étais au lycée et à la fac, un petit bijou – pièce d’orfèvre musicale, Friday Night in San Francisco, rien que le titre est à lui tout seul un poème qui pourtant ne donne pas le ton de ce qu’il y a écouter. Imaginons un vendredi soir à San Francisco – dans ses rues escarpées à bord d’une voiture avec Karl Malden et Michael Douglas ? Accoudé à la rambarde du Golden Gate ? – je n’arrive pas à trop à m’y faire et je lance le premier titre Mediterranean Sundance, Rio Ancho, oui voilà on y est, ça colle beaucoup mieux, c’est plutôt dans l’Espagne andalouse ou sur les hauteurs de Grenade qu’on se trouve, dans un jardin ombragé, sous  les frondaisons d’une immense bougainvillée rose et orange – et moi jusqu’à Guardian Angel je garde le sourire aux lèvres parce que cet album, c’était avec Manu que je l’écoutais, uniquement avec lui dans sa petite maison de Bezons – pas très loin de l’ancien fief de Louis-Ferdinand Céline, une bière à la main nous écoutions les arpèges et les longues prouesses de ces trois anges aux doigts de fée, John McLaughlin, Al di Meola et Paco de Lucia dont on peut entendre sur la bande le souffle et les grimaces, les doigts pleins de sueur grincer contre les cordes et le râle de l’effort. Cinq pièces de maître aux harmoniques venues d’une autre planète dans une ambiance très flamenca aux échos profonds.

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Alex Prager

Le cinéma des années 50 reprend vie dans les photographies d’Alex Prager (née en 1979), version Polyester et lumières crues. Une dramaturgie à la limite de l’insolence.

Unstandard 5

Paris, une chaleur lourde comme on n’en fait plus, un soleil brûlant et les nuages qui couvrent tout sous une couleur neutre, indéfinissable, dans les petits magasins de la Rue du Jour et de la Rue Coquillère, et au bout de la Rue du Jour, ou Rue Agnès B. une autre rue dans laquelle les employés de la ville ont monté les armatures métalliques pour le marché du lendemain matin, une animation sereine et discrète qui émaille le paysage. J’entre dans un tabac pour acheter une sucette pour mon fils. Il est heureux comme tout d’être à côté de moi et de regarder tous ces gens qui passent ou qui boivent aux terrasses des cafés, me posant mille questions dont il n’écoute pas les réponses, et tenant sa sucette dans une main, agrippant la mienne au niveau du poignet de l’autre. Nous passons devant un caserne de Pompiers – Kenya se demande ce que les pompiers font dans une caverne. Au comptoir de la Droguerie, une grande brune toute fine au visage d’enfant me rappelle Christelle ; elle évite soigneusement mon regard avec une sorte de moue boudeuse. Il fait chaud dans la petite échoppe, l’air circule mal et je reste longtemps debout, n’arrivant pas à rester trop longtemps au même endroit, j’ai besoin de circuler pour attraper l’air. La magasin est rempli de femmes ; c’est comme dans tous les magasins de vêtements, on y rencontre que des femmes, des petites, des grandes, des jeunes et des moins jeunes, mais toutes par ce temps de chaleur se dénudent plus ou moins dans un vrai festival de couleurs et de chairs, de rondeurs dont je fais mes délices. Rue Coquillère, la terrasse d’un restaurant géorgien est recouverte d’un gazon synthétique, l’intérieur est chaleureux, moderne, et les tables ornées de couverts design et de petits pots de fleurs.

Je me sens terriblement bien, comme flottant sur un coussin ouaté, parce que je n’ai rien d’embarrassant à quoi penser, personne ne me parle à part mon petit bout de chou, que j’apprends à regarder autrement depuis que j’ai perdu toutes les photos de lui. Je me dis que finalement, rien ne vaut toutes les images et tous les souvenirs que l’on a en mémoire, le reste, ce n’est que de la littérature, rien ne vaut ces petits moments que je vis avec lui, avec complicité, que je mets tout mon cœur à garder intact, en continuant à avancer sans aller nulle part ; l’important n’est pas la destination, mais les pas qu’on s’évertue à mettre l’un devant l’autre.

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Unstandard 4

Il y a déjà quelques semaines que je n’ai pas terminé un livre. Je n’arrive pas à terminer quelques uns des livres que j’ai commencé. Calaferte ne m’engage pas ; mais je sais que le moment de maturation n’est pas encore arrivé, et lorsqu’il sera là, je pourrais m’y plonger à corps perdu. Vieuchange, je le garde comme un trésor, un de ces livres qu’on ne veut pas terminer de peur que le charme ne se rompe. Bukowski, je le lis quand je suis aux toilettes. Pasaalinna, je le lis doucement et sans conviction. Je manque de passion, je veux de la passion, de celles qui m’ont transporté à la lecture de Bouvier ou de Jean-Paul Dubois.
Pour l’instant, en une journée, je suis redevenu quelqu’un et j’ai incroyablement avancé. Je me trouve beaucoup moins statique. Ma psy serait fière de moi.
Il fait chaud et moite, la nuit m’a déjà à moitié emporté avec elle.

Dans la vie

Pas besoin de lire le japonais pour comprendre ces photos à la granularité charnelle et aux lumières diaphanes naissent d’une vision reposée (reposante) du monde. Un monde lumineux dans un Japon moderne, des moments de vie intense ou de simples objets posés là, la vie urbaine en noir et blanc.
In Life, que m’a fait découvrir Fabienne et que je regarde avec des yeux admiratifs.

Unstandard 3

Constitution d’une liste de livres avec un seul livre, des rêves plein la tête, l’impression de pouvoir à nouveau être libre, conscient et lucide ; reprise en main, refonte sociale, à nouveau trouver sa place parmi les autres, je jubile d’avance, je n’en suis qu’aux balbutiements, mais déjà je suis capable de construire des phrases, de parler intelligiblement. Il paraîtrait, à me lire, que j’aime les femmes. Oui, je sais, c’est un peu décousu, mais je prends des cours. Et puis j’ai déjà la tête en vacances, un peu seulement.