Nowhere

Photo © Turkairo

“Pourquoi tu me contactes aussi régulièrement ? Tu t’ennuies tant que ça avec lui ou alors tu penses tout le temps à moi ?”
Elle parut déstabilisée qu’il soit aussi frontal, mais surtout qu’il semble lire aussi facilement en elle.
Au bout d’un moment, il lui a demandé simplement, brusquement, si elle l’aimait toujours.
Pourquoi cette question, lui a-t-elle répondu.
“Pour ne pas que tu me dises non.”
Une fois de plus, elle n’a pas répondu à sa question.
Alors il reprit son livre et attaqua le chapitre suivant.
Il en est toujours au même point. Nulle part.

Motel Orion au creux du velours

Il y a dans le jazz une musique qui fait appel à la danse des étoiles, une musique qui n’existe pas à l’état naturel, une musique cosmique. J’essaie d’apprendre à m’en sortir. J’essaie d’apprendre à trouver les endroits dans lesquels je puisse m’épanouir. Continue d’écrire, continue d’écrire…
Harnaché à des espoirs de dandy défroqué, je courbe l’échine, face à l’océan, face aux remèdes factices avec lesquels je tiens debout, des petits sachets de drogues coincés entre les pages, dans ces replis cachés au sein d’un corps, je me drogue avec le parfum des femmes ou les pages des livres. Au delà de ça, tout n’est que littérature.
A dream about dreaming…
Je pouvais sentir ta peau palpiter sous la paume de mes mains.

1/
Oui, c’est moi
Tu fais quoi ?
Rien et toi ?
Non plus, je t’attends

C’était aussi simple que ça, un rêve de rêve, un rêve dans lequel on n’attend rien, ni personne, ni Godot. On ne cherche plus le temps perdu ou la petite bête.

2/
(tais-toi, je ne veux plus t’entendre)
(…)
(non s’il te plait, tais-toi, je ne veux plus que t’entendre en moi)

Plongée au cœur du pays des choses… Aimer est juste un sortilège qui s’évapore lorsqu’on referme le livre d’histoires. Pulsations et dérisoires envies de corps vite détrônées par le surplus d’égoïsme que l’on porte en soi, dévoré par les songes, harponné par ce qui tire vers le bas.

velvet

[audio:http://theswedishparrot.com/xool/orion.xol]

Orion
Jah Wobble et Bill Laswell

3/
Ce sera peut-être dans cette grande maison faite de planches lasurées, avec toi et avec personne d’autre, ou alors ce ne sera rien, je ne sais pas. Une semaine entière dans cette grande maison aux larges fenêtres donnant sur une plage blanche de l’Oregon. Le grand Pacifique. Couchée sur le dos les yeux au ciel, tes cheveux éparpillés sur le drap, tes lèvres murmurent des mots qu’encore aujourd’hui je peux sentir frôler ma chair.

4/
(tu es partie)
(je t’avoue l’inavouable)
(un petit must)
(et oui, c’est à toi que je pensais)
(personne ne me tuera pour ça)

L'avancée des siècles

Lorsque j’étais à leur pieds, il y a vingt ans de cela, on disait que quelques années auparavant, elles était situés au milieu du désert. Seules quelques habitations étaient construites autour. Aujourd’hui, les villes du Caire et de Gizah se touchent, les constructions ne cessent d’envahir le terrain et la carte postale idyllique des Pyramides sur un fond de coucher de soleil en plein milieu du désert ressemblera plus à un prospectus publicitaire pour une chaîne hôtelière. Aujourd’hui, la civilisation est aux pieds des tombes des Pharaons et bientôt l’encerclera, et la magie disparaitra forcément un peu… Continue reading “L'avancée des siècles”

Traitement de choc

Une chose est certaine, ce blog est en train de péricliter, de s’assécher comme un vieux cactus qui n’aurait pas vu la pluie depuis que l’homme a marché sous la lune. Il lui faut un traitement de choc, quelque chose qui le réveille et mette du piquant dans sa vie, quelque chose qui soit moteur de son élan, quelques mots griffonnés sur du acid-free paper, un symbole cabalistique à placer sur le frontispice… Allez, c’est reparti.

Tandis que dans le ciel grondait le tonnerre

Jour d'orage

Le ciel soudain s’est obscurci, d’une couleur rare, tirant peut-être sur le taupe. Le vent s’est levé, on pouvait sentir d’ici les douces odeurs de terre et de pluie, des odeurs qu’on retrouve dans un verre de vin des plaines du Médoc. Et puis encore après, une couleur violette profonde, ondulant à la surface des nuages, au-delà des trouées de ciel encore un peu bleu ; le ciel s’est zébré de centaines d’éclairs claquant à retardement. Un peu plus tard, tandis que je regardais tranquillement sur mon balcon le spectacle dansant, la colline du fort a été masquée par une brume ou peut-être la pluie au loin, et avançant à grand pas, une grande masse sombre a tout recouvert, jusqu’aux peupliers d’en face.
Un spectacle de fin du monde, la soudaineté qui accule chez soi, et tout se termine en quelques minutes. Le calme revient, tout se passe comme si un gamin venait de faire un sale coup et s’en allait en sifflant, l’air distrait et innocent.

Moka au bar au Bahar café à Tabriz ou sur les bords du lac salé d'Urmia, Daryâcheh-ye Orumiyeh

J’aimerais, l’espace d’une journée, m’extraire complètement du monde. Voici ce que ce midi j’écrivais. J’aimerais connaître cette sensation de connaître le printemps au moment où celui-ci éclot. Je rêve de printemps dans d’autres pays, dans des pays incongrus entre ici et Hokkaido.

Tous les toits dégorgeaient. Dans le caniveau, sous une croûte de neige noire, on percevait un ruissellement cordial et précipité. Le soleil nous chauffait la joue, les peupliers s’étiraient en craquant contre un ciel redevenu léger. Profonde et lente poussée dans les têtes, les os et les cœurs. Les projets prenaient forme. C’était Bahar, le printemps.

Quitter Tabriz in L’usage du monde
Nicolas Bouvier

En quelque sorte, je n’ai rien fait de ces vacances. Mon fils, lui, semble avoir trouvé sa chambre et ses jouets et ne réclame plus la télé. Il a l’air heureux et affiche de temps en temps ce sourire de clown qui m’arrache des sourires à tout bout de champs. Je voulais lire La Voie Cruelle, d’Ella Maillart mais rien. Je n’ai pas avancé d’un poil dans le livre de Kawakami Hiromi, me suis plongé dans l’univers du trait simple de Tanigushi Jirô, dans ces manga sans petit garçon aux jambes propulsées par des réacteurs ou même sans collégiennes en jupettes montrant leur culotte à tous les passants. Non, les manga de Tanigushi sont des histoires simples d’hommes et de femmes qui s’entendent ou qui ne s’entendent pas, de parents qui vivent leur vie de tranquille dans une petite ville de province au nord de Tokyo et du temps qui file tellement qu’on finit par se retrouver à la fin des vacances sans avoir pu faire quoi ce que soit pour changer le cours des choses… En plus, je n’ai rien trouvé de plus drôle que de chopper une saloperie de staphylocoque.

Quand l’autobus de Téhéran n’était pas resté bloqué sur la route et nous apportait quelque chose, nous transportions précieusement cette manne jusqu’à notre gargote du Bazar où les portions de riz brillaient comme neige sous des cages remplies d’oiseaux engourdis par la fumée des pipes et le vapeur des thés. Là seulement, le ventre plein et les mains lavées, nous épelions lentement, sans en perdre une syllabe, ces messages d’un autre monde. J’aurais trouvé ces lectures plus agréables encore si je n’avais pas toujours été le premier à terminer. Thierry recevait de son amie Flo de véritables volumes que, pour tromper ma faim, j’essayais vainement de déchiffrer à l’envers. J’avais des attachements du genre qui n’écrit pas, et j’étais le plus souvent celui qui, retour du guichet, reçoit dans le dos la bonne tape consolatrice.

Tabriz – Azerbâyjân in L’usage du monde
Nicolas Bouvier

Demain, il semblerait que ce soit l’heure du retour, pas très envie. Je n’ai pas l’impression de m’être reposé. Au contraire, je m’imaginerai bien faire une cure de sommeil. Là, tout de suite, je me sens l’âme d’un battant, mais toujours la tête là où il ne faudrait pas. Je ne sais pas si la journée de demain sera vraiment productive.

Je regarde ce lac étrange, le lac Urmia, ou Oroumieh (دریاچه ارومیه Daryâcheh-ye Orumiyeh en Persan, زه ریاچه ی ورمێ en Kurde et  ارومیه گولو , ارومیه گولی en Azéri) découvert au hasard tandis que je cherchais sur la carte à quoi pouvait ressembler de loin Tabriz. Un peu plus à l’est de cette grande ville se trouve un lac en forme de haricot de 140 kilomètres sur 55. Lorsqu’on s’en rapproche, on y découvre comme une grosse verrue ; une sorte de volcan au bord du lac salé, profond de seulement 16 mètres au maximum, dans lequel aucun poisson ne peut vivre, et au bord duquel on aimerait pouvoir regarder l’eau couleur de lait. On voit également sur l’image satellite un pont dont il semblerait que la construction ait été reprise après la Révolution et qui, selon l’échelle doit mesurer quelque chose comme 14km. Le lac est lardé de 102 îles, refuges pour de nombreuses espèces endémiques. Le sel y dessine des arabesques lumineuses et on y trouve de drôles d’installations, certainement des marais salants.

Moi qui croyais vivre frugalement, j’avais l’impression que mon bonnet miteux, ma veste râpée, mes bottes beuglaient l’aisance et le ventre plein.

L’usage du monde
Nicolas Bouvier

tabriz-azerbayjan

Voilà, je suis prêt à repartir dans de nouvelles aventures littéraires avec des gens bien. Encore Loti, Bouvier, Hugo Pratt, Ella Maillart et peut-être aussi Walter Scott, un amour de jeunesse. Et puis j’ai rêvé cette nuit, de ce que je pourrais faire avec mes carnets.

Etape n°4: Voir Tabriz et le lac Urmia sur Google Maps.

You see what I mean – Pourpre

Personnellement, j’ai du mal à savoir exactement à quoi correspond la couleur pourpre du Caire. C’est une des couleurs que j’ai le plus de mal à fixer et à reconnaître. La faute à l’anglais peut-être qui nous induit en erreur avec son purple qui n’a rien à voir avec le pourpre et qui pour le coup correspond au violet “archevêque”. Historiquement, le pourpre vient d’un coquillage, du Murex ou “rocher fascié” et je me souviens d’une anecdote disant que les arabes d’Essaouirah au temps de l’Empire Romain, familier du précieux coquillage en teignait leurs vêtements de tous les jours et lorsque l’Empereur de Rome, l’Imperator, seul habilité à porter le pourpre, vit cette population oser porter les mêmes couleurs que lui, fit massacrer les outranciers.
Lorsque ce n’était pas encore une question de couleur de peau, mais d’habits…

n° 30 Pourpre

Murex

Oui, ceci n’a rien à voir avec le Murex, c’est une vulgaire casserole de moules.

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