Unstandard 7

Envie de lire Tabucchi, c’est un dimanche calme et chaud sous une chape grise, il fait silence, la télé est éteinte. Je reviens de ma librairie qui menace de fermer le dimanche (je vais faire quoi moi le dimanche ?) et j’ai des envies d’achat terriblement compulsives et comme je commence à devenir raisonnable, je n’en ai acheté que deux, un d’une jeune auteure américaine et l’autre du grandissime Graham Greene, mais il y en avait plein d’autres, je voulais Stevenson, Fitzgerald, me plonger dans tous ces auteurs sur lesquels j’ai fait l’impasse une partie de ma vie, estimant que lire trop classique nuisait à la modernité. Pourquoi je n’ai pas rajouté Tabucchi à ma liste de livres de chevet ? Envie de lire Conrad aussi.
J’ai retrouvé dans un rayon les œuvres de Laurence Sterne, Tristram Shandy mais en édition de poche, pas vraiment ce que je cherchais, plutôt la suite de ce que j’ai déjà aux éditions Complexe (il me semble), ces gros livres à la couverture jaune et rugueuse. J’ai demandé aussi des nouvelles du Roman de Baïbars aux éditions Actes Sud/Babel, mais il semblerait qu’on se soit arrêté au quatrième tome et plus rien depuis. Dix tomes aux éditions Sindbad (c’est marrant, ça ne me dit rien), beaucoup plus chers. L’édition de poche n’a pas dû rencontrer le succès escompté. Lorsque les contraintes économiques rétablissent la réalité dans le monde de l’édition… C’est la rentrée littéraire, de nouveaux auteurs, de nouveaux romans, mais aussi des rééditons ou des textes inédits par des auteurs destinés à être en vue. Certains sont mis en avant comme Richard Ford avec Independance, Prix Pulitzer, des noms qui ne me disent rien. Je me rends compte que malgré ma grosse consommation de lectures, je ne suis somme toute en possession que d’une connaissance limité de tout ce que j’aimerais ingurgiter. Une cinquantaine de romans par an, voici mon palmarès. Si je vis encore cinquante ans, je ne lirais que deux cents cinquante deux mille cinq cent romans. C’est peu non, surtout si on ramène ça à notre espérance de vie ? Comment pourrais-je m’enorgueillir à la fin de ma vie d’avoir beaucoup lu ? Comment se dire également qu’on a lu tout ce qu’on aurait aimé lire ? Personnellement, il y a certaines choses que j’aimerais bien lire : Ulysse et Finnegan’s Wake de James Joyce, Treasure Island de Stevenson, le Cœur du Mid-Lothian de Walter Scott, l’œuvre de Graham Greene, celle de Murakami, (on dit un œuvre il me semble lorsqu’on évoque l’intégralité des œuvres d’un auteur), celui de Calaferte, celui de Rudyard Kipling, de John Fante, celui de Nicolas Bouvier et pour le coup, je suis en bonne voie, mais je me rends compte également, que lorsqu’on a lu d’un auteur aimé tout ce qui commercialement est disponible sur le marché, on éprouve toujours à la fin une sorte de frustration inégalable qui confine au sevrage d’une drogue puissante. Les romans de Magnus Mills ne sont pas tous traduits (je pourrais lire ce que je n’ai pas encore lu en anglais, mais dès lors, mon rythme de lecture risque de s’en ressentir et je préfère de loin faire comme avec Kipling, lire ses nouvelles au coup par coup, dans le texte, par intermittence) et après avoir lu les trois disponibles, je me sens comme un peu déçu que l’aventure s’arrête là pour l’instant. J’ai découvert récemment un auteur qui n’a commis que deux romans, dont le second est inachevé. Comment se dire qu’on va investir un espace qui s’évanouira quasiment à la fin du premier livre ? Comment s’y investir ? Comment pénétrer un univers qu’on sait de facto réduit ? Vu des choses intrigantes comme Vonne van der Meer, Aldous Huxley avec le Tour du monde d’un sceptique. Pour l’instant, je dois me réfréner.
Il souffle un léger vent frais qui vient de derrière le rideau. Je suis un peu fatigué, un peu énervé aussi je crois, je ne sais pas bien pourquoi, l’irritation m’a pris à un moment de la journée. Etrange sensation. A l’heure qu’il est, je sais que je vais bientôt aller me coucher pour terminer les nouvelles de Yukio Mishima que je lis avec plaisir, mais je me partage déjà pour savoir si je ne vais pas avoir envie de commencer un des deux livres que j’ai acheté aujourd’hui. Ce ne serait pas raisonnable de les consommer si vite. Un livre est un investissement qui doit durer un minimum, et une fois terminé, il perd forcément énormément de sa valeur, a fortiori si celui-ci ne laisse pas un souvenir impérissable. Lorsqu’on compte le nombre de livres qui ont véritablement imprégné nos vies, on se rend vite compte qu’on est loin de la rentabilité souhaitée. C’est un mauvais calcul, la littérature sort du champ du retour sur investissement.
J’ai failli craquer également pour de la musique. America, Jeff Buckley, Chris Isaak, Chris Rea, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai même failli acheter un album de Tom Waits que je connais par cœur. Et puis non, finalement, je voulais quelque chose qui me trotte dans la tête depuis quelques temps mais dont je n’arrive pas à savoir ce que c’est. Peut-être une chanson de Chris Isaak mais je ne sais même pas, ça reste latent.
A présent, il ne faut plus que j’achète d’autres livres. J’ai dans des cartons des centaines de livres que je n’ai pas encore lu et qui sont certainement déjà arrivé à maturité. Je vais les retrouver, très bientôt, ils seront à nouveau entre mes mains, et ma question, aujourd’hui, est de savoir si je vais les placer dans le bureau, ou dans la chambre. Je commence à imaginer mon nouvel aménagement, mon univers, ma place, ma vie, au travers de ce nouveau chez-moi tout simplement idéal, mon lieu acceptable où tout ou presque sera soumis à ma volonté et à mes choix, mes décisions.
Et puis, aujourd’hui, j’ai eu comme un soupçon de lucidité sur ce que je souhaite écrire. J’aime l’idée que je puisse me sentir à nouveau bien dans ma vie, bien dans ce que je suis et bien dans ce que j’ai envie d’être, le tout peut-être grâce à un léger grain de modestie, ou tout au moins d’humilité.

Abandoned places… Encore

Ce qui prend la forme de la destruction, l’inexorable dégradation liée à l’abandon par l’Homme a quelque chose de puissant. Non pas de triste, mais d’excessivement puissant et chargé d’une fibre nostalgique et pleine de charme. Les lieux abandonnés témoignent de la vacuité de l’humain face à la nature et prouvent que l’éphémère ne fait pas partie intégrante du passage sur terre, et sont toujours remplis d’objets incongrus, témoins d’un temps qui n’a plus cours. Abandoned places, un blog dédié à l’abandon.

The One by The Five

Vieux fantasme, être le seul client d’un hôtel (partagé avec celui de passer toute une nuit enfermé dans un supermarché, réminiscence d’un souvenir de gamin consistant à se vautrer dans le rayon friandises) et se faire chouchouter dans une immense suite. Après avoir commis le désormais célèbre hôtel The Five, Philippe Vaurs, un jeune propriétaire talentueux et inventif, a lancé le premier hôtel au concept simple : une seule suite. Et quelle suite ! Lisez la suite… (je me répète un peu, là). Imaginée comme un parcours charnel, une invitation à la découverte des sens, cette suite luxueuse mais avant tout tournée vers l’exacerbation de la libido du client est un lieu unique en son genre, que l’on peut expérimenter au cœur de Paris pour la modique somme de 960€ la nuit. Via Buzz2luxe.

One by The Five.
3, rue Flatters,
Paris 75005

Etant donné que ce n’est pas le genre de lieu dans lequel on vient pour un tournoi de bridge, autant ne pas venir (pas à quinze non plus, gardons une certaine mesure).
Ce billet manque sérieusement de femmes nues, j’en suis parfaitement conscient et je m’en excuse.

Des vertus libératoires

Alors voilà, j’étais dans un cafétéria hier soir, dans une grande enseigne dont je tairais le nom. Et je mangeais tranquillement, fatigué, parmi les cris d’enfants et les bruits de plateaux, tout qui concourt au léger frisottement des nerfs dans les plus infimes tréfonds du corps, la chose bestiale qui bouillonne au fond et qui ne demande qu’à sortir ; la meilleure chose à faire dans ces cas-là est d’adopter la tête maussade du cliché bédéesque, de fermer tous les pores de son auguste épiderme et tous les orifices qui nous maintiennent en contact avec la rude réalité extérieure.
De l’autre côté de la salle, j’ai entendu une rumeur s’élever, des voix de femmes haut-perchées et des intonations qui relevaient un fort niveau de tension verbale, qui pour tout dire me laissaient totalement indifférent et dont je ne sais même pas quelle était la teneur. Les voix se sont rapprochées et moi je buvais ma limonade – j’adore la limonade, sans édulcorant. Les femmes s’invectivaient, se lançant des noms d’oiseaux que la morale de ce blog réprouve fortement (pourriture, putain, etc. – mais non je ne l’ai pas dit) et moi, je souriais. Tout à coup, j’ai tapé sur la table et j’ai mis mon grain de sel, plus fort que les autres voix : “BON, EST-CE QU’ON POURRAIT AVOIR UN PEU DE SILENCE ?” (j’ai dit aussi bordel de merde mais c’est parti tout seul). En fait, j’ai gueulé salement fort et j’ai ponctué ma phrase du sourire du plus parfait crétin à l’air satisfait. Je n’ai pas écouté ce qui s’est dit ensuite et j’ai terminé mon verre de limonade – ai-je dit que je raffole de la limonade ? – en me frottant le ventre.
Tout ceci pour dire que ça fait un bien fou de crier un bon coup.