Un 25 mars

C’était aujourd’hui l’anniversaire de mon grand-père qui, comme tous les ans, a un an de moins que ma grand-mère pendant quinze jours. Encore un bon anniversaire, mon Pep’s.
Un week-end passé sur les genoux, enfin presque, à cause de ce genou que je ne sens plus depuis vendredi matin. Le gauche. Quelque chose d’assez étonnant. Et puis vendredi soir, je me suis retrouvé avec la cage thoracique complètement bloquée, comme enserrée dans un corset, resté sur la moquette de la chambre incapable de respirer normalement pendant deux bonnes minutes. Et encore ce genou que je ne sens plus. Evidemment, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le cours de Rogozinski sur la folie du corps. Je me suis souvenu d'Oliver Sacks et de son livre l’homme qui prenait sa femme pour un chapeau dans lequel il fait le point sur ce sixième sens à peine reconnu par la médecine, la proprioception. Ce qui est le plus étrange avec ce genou, c’est que lorsque je le touche, mes doigts ne touchent pas mon corps, j’ai l’impression d’une chair morte ne m’appartenant pas et mon genou lui, n’a pas de sensation lorsque mes doigts appuient dessus. Les nerfs. Tout ceci se passe au niveau des nerfs. Et je ne sais pas quoi faire. Alors je ne fais rien.

Bar à quenelles

Samedi, je me suis senti con. C’était carnaval. Mon fils et ses camarades ont brulé le bonhomme carnaval pour dire au-revoir à l’hiver, mais ça n’a rien changé, il faisait un froid de canard, le vent m’a déchiré les oreilles et m’a filé mal crâne. Tout partout alentour, c’était plein de parents d’élèves qui avaient tous l’air plus con les uns que les autres, des parents d’élèves endimanchés un samedi matin, les mêmes que je vois toute la semaine à l’école mais en bande désorganisée. Là, ils étaient trop nombreux. C’était trop pour moi. Et puis je me suis rendu compte que j’en étais un aussi. Ça m’a fait mal d’être mêlé à ça. Une image que je n’aime pas qu’on me renvoie, surtout quand je ne demande rien à personne.

Un 22 mars

Encore failli me battre ce matin à la gare. Cet idiot a couru vers moi avec son papier sur lequel j’ai tout de suite reconnu la tête de Sarkozy. Je lui ai fait un sourire forcé pour lui signifier que je n’en voulais pas, que j’avais la collection complète, de Besancenot à Le Pen en passant par Bayrou, mais ce foutu imbécile a insisté en me plaquant son torchon sur la poitrine. J’ai regardé son doigt qui me vrillait le plexus et j’ai senti que la moutarde me montait au nez. Je ne suis pas d’une nature nerveuse mais ce genre de trou du cul a tendance à vite me faire basculer. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire qu’il fallait qu’il se calme sans quoi il allait moucher rouge. Il s’est écarté comme s’il venait de s’apercevoir que j’avais une lèpre purulente et je me suis tiré en le remerciant de montrer le vrai visage d’une campagne sournoise. Il a réussi à me faire trembler de rage pendant quelques instants et j’ai serré les mâchoires fort au point de me faire mal… Un peu plus loin, j’ai poussé deux connes qui ne voulaient pas se pousser de devant les tourniquets. Ouais, j’en voulais à tout le monde.

Et puis je me suis calmé en regardant cette fille dans le train, en me disant que définitivement, certaines femmes ne devraient pas se maquiller, parce que ça ne fait qu’empirer les choses.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Monster%20Men.mp3]

Clin d’oeil…

Le bibliomane, Charles Nodier

Vous avez tous connu ce bon Théodore, sur la tombe duquel je viens jeter des fleurs, en priant le ciel que la terre lui soit légère. Ces deux lambeaux de phrase, qui sont aussi de votre connaissance, vous annoncent assez que je me propose de lui consacrer quelques pages de notice nécrologique ou d’oraison funèbre. Il y a vingt ans que Théodore s’était retiré du monde pour travailler ou pour ne rien faire : lequel des deux, c’était un grand secret. Il songeait, et l’on ne savait à quoi il songeait. Il passait sa vie au milieu des livres, et ne s’occupait que de livres, ce qui avait donné lieu à quelques-uns de penser qu’il composait un livre qui rendrait tous les livres inutiles ; mais ils se trompaient évidemment. Théodore avait tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans. C’est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais. Théodore ne parlait plus, ne riait plus, ne jouait plus, ne mangeait plus, n’allait plus ni au bal, ni à la comédie. Les femmes qu’il avait aimées dans sa jeunesse n’attiraient plus ses regards, ou tout au plus il ne les regardait qu’au pied ; et quand une chaussure élégante de quelque brillante couleur avait frappé son attention : « Hélas ! disait-il en tirant un gémissement profond de sa poitrine, voilà bien du maroquin perdu ! » Il avait autrefois sacrifié à la mode : les mémoires du temps nous apprennent qu’il est le premier qui ait noué la cravate à gauche, malgré l’autorité de Garat qui la nouait à droite, et en dépit du vulgaire qui s’obstine encore aujourd’hui à la nouer au milieu. Théodore ne se souciait plus de la mode. Il n’a eu pendant vingt ans qu’une dispute avec son tailleur : Continue reading “Le bibliomane, Charles Nodier”

Pronto

Pour les gens pressés, les manchots, les maladroits, les femmes aux ongles longs (quoique dans ce cas, il existe d’autres solutions… heum, nan, j’ai rien dit), les snipers, tireurs d’élite ou membres du GIGN, les escaladeurs et autres adeptes de la varappe, les primo-accédants, ceux qui n’aiment pas se laver les mains, voici une arme imparable (pour les autres, il y a toujours moyen de s’arranger).

Attention, couchez les enfants. Et comme dit Romu, court mais trash… (je voulais écrire un poème mais pas le temps là) Continue reading “Pronto”

Journée de la flamme (heart of gold)

Ne me demandez pas de faire pareil, je ne suis aucun mouvement, je ne vais jamais dans le sens du courant, je ne suis pas dans le moule, ne me demandez pas ça. Aussi ai-je décidé qu’aujourd’hui ce serait le jour de la flamme; le bon jour pour la déclarer ? J’aurais pu aujourd’hui me maquiller et porter des vêtements de femme, mais je ne sais pas ce que j’en ai fait, je les ai peut-être vendus lors de ma dernière brocante. C’eût été une belle façon de marquer d’une pierre blanche cette journée particulière.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/07%20-%20La%20Femme.mp3]

Ce matin, dans le train, la fille au beau visage s’est assise juste à côté de moi, et j’ai souri en pensant que ça lui permettrait de ne pas subir le même regard vide avec laquelle je l’avais transpercée l’autre jour. J’ai tenté de reconnaître son parfum mais je me suis perdu quelque part dans les mots de Neil Young. J’ai replongé le nez dans mon bouquin quelques instants, puis je l’ai regardée, et je lui ai tendu l’oreillette de mon mp3 pour qu’elle écoute elle aussi. Je suis comme ça, je n’aime pas m’embarrasser d’appréhensions.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Neil%20Young%20-%20Heart%20of%20Gold.mp3]

Oui, je sais, je suis un garnement…

Wide open

Sorti dans le vent sans vraiment me rendre compte qu’il faisait déjà jour, je me suis soudain aperçu que le vent soufflait fort, trop fort et à peine avais-je marché cinquante mètres que déjà je commençais à avoir mal au crâne, les oreilles en ont pris un coup. Ça m’apprendra à aller chez le coiffeur en pleine saison des cyclones.

J’aurais pu demander de me faire coiffer encore plus court, mais disons qu’après je risquais d’exposer la peau du crâne aux intempéries, et puis après tout, c’est juste histoire de changer de tête quelques temps, de marquer une pause, de se faire beau et propre et d’en profiter. Il paraît que ça repousse de toute façon. Continue reading “Wide open”

Nuit blanche, lune couleur d'ocre

Là-haut, dans le ciel dansent les couleurs d’une lune qui ne sait plus quel ton adopter…
J’entends les pulsations de mon coeur dans les tempes. La nuit a été longue, je n’ai pas réussi à m’endormir en paix, les yeux dans le vide sur les pages des trois femmes de Pierre Loti et une fois la lumière éteinte, je n’ai eu l’impression que d’un chaos sans fin, jusqu’au lever qui m’apparait comme une délivrance.
La journée effacera tout ça, cachera les caprices de la lune… Je vais repartir…

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Chet%20Baker%20-%20My%20Funny%20Valentine.mp3]

Chet Baker, My Funny Valentine (Instrumental)

Portrait de la Baronne

Ce portrait superbe signé Dellacroix & Dellfina est celui d’une femme dont on ne garde souvent qu’une piètre image, celle d’une vieille femme ridée, rongée par la maladie et à l’air revêche.

Karen Blixen

Longtemps connue sous le nom d’Isak Dinesen, son vrai nom était Baronne Karen von Blixen-Finecke, ou Karen Blixen, qui écrira Le Dîner de Babette et la Ferme Africaine (Out of Africa). Elle est décédée en 1962, et cette photo date de 2001. On aurait presque pu y croire…

Mes rêves

Comme tous les lundi, je me braque. Comme tous les lundi, j’ai le dos qui en prend un sacré coup, la tension revenant à son comble. Comme souvent, je dors à moitié et j’entends par dormir que je ne suis pas vraiment là, comme absorbé par autre chose qui est forcément toujours quelque chose qui n’a aucun rapport avec ce que je vis à l’instant présent.

Je ferme souvent les yeux, ne sachant pas si c’est pour me replonger dans le réel ou tenter de rattraper le rêve qui vient de s’enfuir et finalement, ça n’a pas d’importance. Ce qui est important ce sont ces pensées fugaces qui me transpercent, le monde de vapeurs qui m’entoure, l’ivresse légère provoquée par le parfum d’une femme qui marche devant moi ou le souvenir d’une autre dont les hanches étaient une invitation à soupirer une fois de plus.

Bedtime Eyes, Eimi Yamada (Amère Volupté)

minePhoto © junku-newcleus

Un roman japonais d’une femme libérée qui ose écrire dans un Japon qui se refuse parfois à s’ouvrir. Je me demande ce qui a poussé la maison d’édition (en l’occurrence Picquier) à traduire le titre original en anglais “Bedtime Eyes” en “Amère Volupté“, mais c’est proprement injuste. Dans ses livres, il est question de sexualité, de racisme, des marriages mixtes, le tout dans un langage libre n’excluant jamais la vulgarité des personnages. Autant dire qu’elle va carrément à l’encontre de ce qui se fait ordinairement au Japon. Pourtant, moi qui m’attendait tout de même à être un peu secoué par ce livre que j’ai acheté en 97 (10 ans, c’est parfois le temps qu’il faut pour faire mürir un livre), j’avoue que j’ai plus été choqué par des gens comme Louis Calaferte ou Henry Miller, même si la parution de Bedtime Eyes a créé un véritable raz-de-marée critique à sa sortie.

Spoon est grand, noir, déserteur de l’armée américaine et dans sa poche se trouve une cuiller en argent. Elle, elle chante dans un cabaret de jazz. Tous les deux, ils s’aiment, ou plutôt ils baisent. Un secret viendra troubler leur relation dans une existence crasse et sans but. Ce secret perdra Spoon, tandis qu’elle sombrera dans une douce folie qui lui fera perdre son homme. Ecrit comme dans un accès de fureur, les mots se bousculent, les phrases courtes s’entrechoquent. Un joli brin de livre qui laisse, effectivement, comme un goüt amer dans la bouche.