137 rue Danton

Je m’étais toujours dit qu’un jour il fallait que je m’arrête à cette adresse. Coincés dans la ville, entre des bâtiments de brique rouge d’une autre époque, il y a cette petite cour intérieure dans laquelle trône un bouleau. Quelques lumières dessinent ses ombres sur les murs.

137

Le 137 rue Danton, c’est un peu comme ces boutiques de douceurs devant lesquelles on passe tous les jours en se disant qu’un jour, on aimerait bien goûter ces pâtisseries qui narguent derrière la vitrine; et finalement, on se rend compte que ce n’est pas grand chose, que ça ne valait certainement pas le coup qu’on rompe le charme.

137

Finalement, je suis content de l’avoir fait, je prends ça comme un acte symbolique, comme une étape sur la route d’un pèlerinage, et je continue ma route tout doucement et j’essaie de capter mon reflet dans les vitres des grands bâtiments des quais de Seine.

Reflets

La route est toujours la même, la chanson aussi… Je tape du pied en écoutant Carmen McRae en passant aux mêmes endroits que tous les jours, mais décidément, la lumière, elle, change tous les jours et j’essaie de capter ces petits changements, au jour le jour…

The song remains the same

Le repli

J’ai les yeux qui se ferment au contact de la lumière.

En rentrant, j’ai pris un bouquin et je me suis enfermé dans les toilettes, toute une architecture tendue vers les abysses.

J’étais bien, au calme dans l’atmosphère enfumée…

Et je pense m’être endormi.

Le premier jour

Après avoir gouté les joies de la fête, des lumières de Noël, des mets succulents et délicieux installés sur la table, après avoir vu les étincelles de joie éclater dans les yeux de mon fils qui va sur ses quatre ans, après avoir tous ensemble, en famille fêté ces jours de bonheur, sans effusions et dans la bonne humeur, une nouvelle année commence. 2007 arrive tout doucement, s’installe et après les souhaits habituels et sincères adressés aux personnes que l’on aime, il va falloir affronter avec rigidité la corvée des souhaits dégoulinants et factuels des gens que l’on n’aime pas et leur servir des paroles que l’on ne pense pas, tout en recevant les leurs tout aussi hypocrites. Mais je suppose que c’est cela qu’on appelle le monde des apparences et les convenances, auxquelles je ne suis pas habitué et que j’essaie dans la mesure du possible d’éviter avec une constance régulière.

Table de fête

Pour moi, cette année sera l’année de papier, l’année de l’écriture, des sujets et des objets méticuleusement réfléchis, une année de changements en sachant toutefois que les “résolutions” que l’on choisit de respecter ne sont que des foutaises qui meurent avec les derniers jours de janvier. Le changement d’année n’est qu’un jalon qui permet de passer à autre chose, de faire tabula rasa des erreurs du passé et de repartir d’un bon pied.

Table de fête

A présent donc, tout recommence, les lumières de Noël s’éteignent, Monsieur Sapin va quitter la büche qui lui sert de piédestal et tout va redevenir normal. Enfin, je suppose.

Sobrement…

2007

Joe Nishizawa

Ou l’art de s’immiscer dans les centrales nucléaires pour en capturer la lumière, des images sombres où se dessinent des formes circulaires, un monde imaginaire que l’on pourrait croire post-moderne et sensuel si seulement il ne masquait pas le danger qui lui est inhérent.

joe nishizawa

Une journée dans le Marais

Alors que nous avions décidé de faire un tour de côté de l’Hôtel de Ville, le froid nous a chassé des abords de la Seine vers le BHV. Nous avons donc fait les boutiques de la rue des Archives et du Marais. A la nuit tombante, les lumières s’illuminent et chassent la grisaille de cette journée terminée autour d’un café chaud. Images d’un vieux quartier haut en couleurs et confidentiel.

Cox café

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Haut

La bonne humeur est là, Noël approche, il fait un froid brûmeux, les lumières scintillent de partout, l’air est à la fête, du moins essayé-je de m’en persuader. Sereinement, il y a de quoi, je regarde les jours passer, l’Avent égrenant ses jours lentement et je suis toujours et encore de bonne humeur. Du mal à tout, à écrire, à lire, à penser, à ordonner mes idées, je vis une sorte de rêve éveillé dans lequel je ne me soucie plus de rien, un peu comme si j’avais été drogué alors que ce n’est que de la vie qui coule dans mes veines. Légèrement… Une vie de verre, transparente. Je me plonge dans les écrits d’autres personnes dont je suce la sève, buvant assoiffé chacun des mots qui coulent et j’arrive à garder les yeux ouverts, invariablement. Je ne sais pas de quoi est fait ce bonheur passager mais j’en profite au mieux et je souris béatement, à qui ? à quoi ? Aux anges, à l’air, au vent, aux miniscules particules d’eau en suspension dans l’air… L’expression du bonheur se lit dans mes yeux, une infinitésimale lueur… Approche-toi et regarde, plonge-toi dedans et n’en ressors lorsque tu en seras baigné. Sens le souffle hivernal t’envelopper.

Vitrines de Noël

Ceci n’était qu’une brève incartade, un écrit passager. Je ne le referai plus.

Only in Paris

Paris est beau, surtout l’hiver, surtout lorsque la capitale revêt ses habits de fête. Une journée magnifique, le soleil était présent, et je me suis immiscé dans des recoins que je ne connaissais pas encore. En route, pour la grande ville de lumière…

Pont de Gennevilliers

Pont de GennevilliersPont de ClichyPont de ClichyLevallois

J’ai ensuite pris le métro jusqu’à Saint-Lazare, Cour de Rome, dans un air froid saisissant. L’appareil à la main, je prends quelques clichés au hasard de mes rencontres, en enquillant le Passage du Havre.

Starbucks Cafe à Saint-LazarePassage du Havre

Dans le hall du Printemps, je me laisse tenter par les escalators plutôt que par l’ascenseur. Je peux ainsi flâner et laisser mon regard vagabonder tout autour de moi, parmi les rayons surchargés, dans une lumière rouge orangée de saison. Neuf étages de lumières scintillantes et de strass.

PrintempsPrintempsPrintempsPrintempsPrintempsPrintempsPrintemps

A un moment, j’entends une chanson que j’aime beaucoup écouter ces derniers temps. La coïncidence m’amuse et m’arrache un sourire.

Demon Ritchie – Only in New-York

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A force de monter les escalators, j’arrive au 9ème étage et là, je me fais suprendre par une vue magnifique à 360°C. Sur la terrasse, il fait froid, mais il n’y a pas de vents. Je profite de cet instant de félicité pour admirer Paris au-dessus des toits. Le souffle coupé.

Toits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits ParisiensToits Parisiens

La descente est magnifique aussi et je me plonge dans la rue et la foule, bien qu’à cette heure-ci, ça ne se bouscule pas vraiment.

Sur le toit de Paris

Face aux vitrines de Noël, j’attends un coup de fil qui n’arrivera jamais.

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Je file ensuite vers la Madeleine par la rue Tronchet pour admirer les vitrines luxueuses et les décorations. La maison du caviar, Kenzo, Raplh Lauren, Baccarat, Fauchon, Hédiard. Je suis émerveillé et je profite de ces derniers instants savoureux sous le soleil. Le retour en banlieue s’accompagne d’un ciel qui se couvre.

Rue TronchetLa MadeleineRue RoyaleCamion FauchonVoiturier chez FauchonVitrine

Une journée merveilleuse…

Le douzième jour

Le douzième jour, il se passe toujours quelque chose. Que ce soit le douzième jour du commencement ou de la fin, il se passe toujours quelque chose arrivé au douzième jour, c’est un peu comme un jalon.

Le douzième jour, j’ai reçu une invitation d’un ami, un très vieil ami, un de ceux avec qui on s’est déjà pris une cuite et qu’on a pris par le col pour chanter des chansons paillardes dans un café enfumé d’une banlieue pourrie. En fait, ce type était plus que ça, beaucoup plus, un peu comme un maître, ou un père spirituel, un guru (Dieu que ce mot est laid).
Il m’avait appris à dessiner, entre autres choses, à appréhender les formes et la lumière sur un corps de femme nue entre les volutes bleutées de gitanes filtres qu’il expulsait par ses narines épatées et les senteurs de café épais et corsé qu’on buvait jusqu’à pas d’heure en devisant sur l’art, les formes, la lumière, les communistes et nos souvenirs d’enfance. Un liquide noir coulait dans nos veines, et nos nuits ressemblaient (les miennes en tout cas) à des scènes crispées de tétanie, rendant tout rêve impossible, ce qui me laissait penser qu’un jour j’y laisserais ma peau, et les battements de mon coeur. Son sang à lui était plutôt un mélange d’alcool et de café, ce qui était loin d’être plus sain, mais ça faisait partie du personnage, et moi ce personnage, je l’adorais. Même si comme ça, il faisait un peu dégueulasse. Même beaucoup.

Il s’appelait Dien, il était Viet-Namien. Il avait quitté son pays en 1975 et n’y était jamais retourné, mais son histoire personnelle, c’est pas ce qui m’intéresse et s’il veut la raconter, il le fera lui-même. Pour moi Dien était un type génial, généreux, du haut de son mètre cinquante, il ne payait pas de mine et faisait plutôt rire avec sa chevelure joyeuse qui partaient sur les côtés, ses énormes lunettes en écaille datant de la Guerre de Sécession qui lui mangeaient les joues et sa taille de freluquet vacillant sous l’effet constant de l’alcool. Mais il avait un défaut majeur aux yeux des autres ; un bec de lièvre assez impressionnant qui déformait sa voix au point que personne ne comprenait ce qu’il disait, à part son ami Cam et moi. C’est en partie pour cela que nous nous sommes autant rapprochés.

La muse de Brancusi

Mais la principale raison, c’est que nous avions une relation de maître à élève. Il avait du talent qu’il n’exploitait pas parce qu’il préférait boire, il maniait comme personne le couteau à plâtre et le fusain, avec ses amples gestes dans lesquels on sentait à la fois de la nervosité et de l’assurance, une précision héritée d’on ne sait où, ça ressemblait à quelque chose de terriblement primitif, au sens noble du terme, de l’ordre du tellurique et du somptueux en même temps. Le regarder travailler, ou même saccager mon travail parce que rien ne marchait droit était un bonheur, c’était brut et viril, et je le regardais tailler dans ma terre avec son terrible couteau tranchant qu’il avait toujours dans la poche de ses pantalons en velours, avec une sorte d’admiration, d’affection, car seul lui était en mesure de me dire ce qui fonctionnait ou pas. Je sculptais, je modelais avec une ferveur toute religieuse, dans le respect des enseignements de mon maître. De son côté, s’il y mettait tant de coeur, c’est parce qu’il avait confiance en moi et avait de grand desseins pour moi. Il me voyait indubitablement comme son élève et successeur. Souvent aussi nous nous engueulions, mais pas à propos d’art, sur des sujets idiots.

– Tu fumes trop, regarde toi ! Tu craches tes poumons, un jour tu vas en laisser dans ma terre.
– Ta gueule, qu’il me répondait en faisant la moue.
– Tubard !
– Ta gueule je te dis.
– Tu vas crever, merde. Et puis tu bois trop aussi.
– Ta gueule, t’as compris ? Ta gueule.
– Je t’emmerde…

Et nous partions d’un grand éclat de rire qui se terminait en bourrades dans le dos. J’adorais son rire suraigu d’asiatique alcoolique… En fait, c’était surtout ça qui me faisait rire… L’entendre se marrer était la seule chose capable de me faire cracher mon café…

Au douzième jour, il m’a donné un carton dégueulassé, plein de taches de café et de terre chamottée, un carton pas plus grand qu’une carte de visite, sur lequel étaient écris des mots que j’étais incapable de comprendre. C’était écris en vietnamien, avec ces caractères latins pleins d’accents dans tous les sens.

– C’est quoi ce bordel ? je lui demandai d’un air vaguement intéressé.
– C’est un carton.
– Oui je vois mais c’est quoi ce carton en viet là ?
– C’est un carton, ça se voit pas ?
– Bon ben quand tu seras décidé à me dire ce que c’est, tu sais où me trouver ?
– Ta gueule, prends ça.
– PFff, t’es con alors, je sais pas lire le viet.
– C’est toi qui est con, tu devrais. C’est un carton d’invitation à mon vernissage. Je veux que tu viennes. L’adresse est notée dessus… me dit-il en pouffant.
– Merde, t’es vraiment trop con. Si tu veux que je viennes, t’as intérêt à me dire où c’est, je vais pas m’acheter un dico viet pour tes beaux yeux. C’est quand d’abord ?
– C’est marqué dessus… dit-il en éclatant de rire…
– T’es vraiment le roi des cons.

Et moi de partir dans un éclat de rire à cause de son rire suraigu d’asiatique alcoolique…

Je me suis pointé à son vernissage. C’était dans un minuscule galerie dans le quartier de la place Monge, dans une petite rue dont je ne sais plus le nom, d’ailleurs, je ne me souviens plus du nom de la galerie non plus. Je suis entré dans la salle toute petite, tellement bondée que les gens avaient la gueule collée sur les toiles de Dien. C’était infernal, il y avait presque plus de monde près du buffet que devant les toiles. Et comment regarder des toiles sans recul ?

Tout ceci n’augurait rien de bon et déjà, je regrettais d’avoir accepté l’invitation, surtout que dans la foule, je n’arrivais même pas à voir Dien, ce petit con devait être caché entre deux autres nabots plus grands que lui. C’était plein de photographes, de peintres, des viets tous plus petits les uns les uns que les autres, des critiques d’art, des gouailleurs, des pochetrons, des journalistes, des gens d’un type absolument indéterminé et quelconque, des femmes, des vieux, des enfants, des cons, et pour finir Dien. Il se cachait, assis et prostré dans un coin, avec un assiette de petits-fours sur les genoux, une coupe de Champagne dans une main tandis que l’autre se faisait bouffer les ongles par les dents déchaussées de mon maître.

– Eh Dien ! Qu’est ce que tu fous, c’est ta fête aujourd’hui, viens voir les gens, ils sont venus pour toi.
– Ta gueule ! (Dien répondait toujours ces mots doux, ou alors par Ah bon, mais rarement à propos, avant d’entrer dans une discussion)
– Ouais, ça je sais… Mais je peux savoir ce que tu fous là ?
– Merde…
– Ah, je le connaissais pas cette réplique.
– Tu me fous la paix oui ? Tu ne vois pas que j’observe les gens ? J’aime pas me faire agresser quand c’est moi qui expose…
– Ouais c’est ça, et ça va ? T’auras assez à bouffer là ?
– Ta gueule.

Je m’écartai de lui pour rejoindre le buffet et me goinfrer de quelques uns de ces petits-fours divins, et prendre une ou deux coupettes de Champagne… Les gens avaient tous des têtes de cons, ou de pique-assiettes. C’était un peu la cour des miracles version milieu un peu branché parisien, même si au fond ici ça ne sentait ni le fric ni la classe mais plutôt l’underground et le rebut. J’étais un peu attristé de voir que mon maître n’était finalement entouré que de branquignols, dont je faisais aussi partie.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/TomWaits-Underground.mp3]

Une soirée comme une grande aventure, pleine de rencontres, de surprises, mais mieux vaut peut-être ne pas tout savoir. Ainsi allait commencer le treizième jour.

Un train pour nulle part

Hier matin, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas beaucoup de monde dans le train. Mon RER est arrivé à l’heure, tout le monde s’est engouffré dans le train pour Gare du Nord et il ne restait plus personne sur le quai.
Le train était vide et j’ai pu poser mes fesses sans problèmes. C’est une fois arrivé au boulot, à la même heure que d’habitude que j’ai appris que c’était un jour de grève. Quand je pense à tous ces cons qui ont du se trainer cul à cul sur la route.

Du coup, le soir, je savais plus ou moins à quoi m’attendre. Et effectivement, arrivé à Pereire, mon train avait une demi-heure de retard. Comme je déteste perdre du temps et passer mon temps à ne rien faire, je suis sorti de la gare, un gare pourrie et sale, indigne de ce nom. Je pense qu’il existe des stations de métro à New-York plus propres que celle-ci. Quand on sait que cette station se trouve dans le 17ème arrondissement (dont Mme de Panafieu est maire), donc un les plus beaux quartiers de Paris, je trouve ça déplorable.

Donc, je sors de cette gare, pour faire un tour en attendant mon train.

Et je suis attiré par quelqu’un qui parle fort dans un micro. Rue Puvis de Chavannes, un attroupement bloque le rue en son milieu, et je vois un homme, éclairé par une lumière froide et crue, entouré d’une foule guindée, derrière un pupitre de plexi, faisant l’apologie d’un homme, en citant des phrases d’inspiration religieuse orthodoxe. Sur le mur derrière lui, visiblement une plaque allait être dévoilée, attendant derrière son rideau qu’on la laisse respirer.

J’ai écouté le discours, intrigué, en regardant l’heure, histoire de ne pas louper mon train, et je craignais de devoir partir avant d’avoir su de qui il était question. Et finalement, le voile s’est levé, et j’ai découvert que l’on inaugurait là une plaque en l’honneur d'Andrei Tarkowski, dont le 17 rue Puvis de Chavannes a été la dernière demeure.

Un moment intense de recueillement s’en est ensuivi. J’étais ému de voir tous ces gens se recueillir sur cette plaque, respectant la mémoire d’un homme mort il y a 20 ans et dont ces derniers temps j’avais fait l’apologie, à propos de son film Le Sacrifice.

Un hasard… Une rencontre comme je les aime.